Soumis par Révolution Inte... le
L'Irak est un pays
livré au chaos. Il ne se passe pas un jour sans attentats, sans
attaques armées frappant aveuglément la population civile,
mais aussi, et c'est un signe de l'évolution de la situation,
l'armée américaine, la police irakienne, les communautés
sunnite, chiite et kurde. Plus personne, plus rien n'échappe
en Irak à ce qui pourrait rapidement dégénérer
en guerre civile. C'est en ce sens que le général John
Abizaid, chef du commandement central américain a déclaré
: "s'attendre avec l'approche de la date de passation du pouvoir
(prévue pour le 30 juin 2004), à une recrudescence des
actes de violence en Irak à ce que la multiplication des attaques
ne pousse des groupes locaux à la confrontation menant ainsi
à une dégradation et préparant le terrain à
une guerre civile." (Cité par Courrier International du
2 février 2004). Le 1er février dernier, un double attentat-suicide
visait les sièges des deux principaux partis Kurdes, le PDK (Parti
démocratique du Kurdistan) et l'UPK (Union patriotique du Kurdistan).
Ce double attentat qui a fait plus de 100 morts et 133 blessés,
a ramené sur le devant de la scène l'épineuse question
kurde. Dans le chaos interne à la situation en Irak, il est une
réalité maintenant indéniable : les dirigeants
kurdes irakiens réclament avec de plus en plus d'insistance un
système fédéral qui traduirait leur autonomie de
fait, en réalité institutionnelle. Les Kurdes d'Irak font
savoir de plus en plus fort leurs réelles prétentions
: une autonomie kurde sur une base ethnique, avec en plus la ville de
Kirkuk comme métropole. Cet état de fait ne peut se traduire
que par une montée de la violence attirant le mécontentement
turc, iranien, sunnite et chiite. Le Kurdistan irakien est aujourd'hui
une poudrière qui pourrait bien embraser toute la région.
L'impérialisme américain dans une impasse grandissante
Cependant, le danger pour la stabilité de la région provenant
de la poussée des exigences kurdes, n'est rien par rapport à
celui représenté par l'échec du plan américain
voulant placer à la tête de l'Irak un gouvernement fantoche
entièrement dévoué à la défense des
intérêts de l'impérialisme américain. "Je
suis iranien et Paul Bremer est américain. Pourquoi ne pas laisser
le peuple d'Irak décider de son sort ?" : c'est en ces termes
que l'ayatollah Al Sistani a rejeté la proposition de rencontrer
l'administrateur américain. Le plus influent dignitaire chiite
réclame une élection générale où
un homme correspondrait à un vote. Cela se comprend aisément
puisque la population chiite est la plus nombreuse en Irak. Cette perspective
ne peut que contrarier très fortement l'administration américaine,
tant le lien entre les chiites irakiens et iraniens est fort. Elle ne
peut rencontrer que la désapprobation des minorités sunnites
et kurdes. L'impérialisme américain, et ceci malgré
l'incroyable dispositif militaire dont il dispose dans cette partie
du monde est dans l'incapacité d'empêcher la décomposition
de la société irakienne. C'est donc contrainte et forcée
que l'Amérique se tourne vers les Nations Unies, après
leur avoir refusé tout rôle jusqu'à présent.
C'est par l'intermédiaire de Paul Bremer que l'ONU est sollicitée
pour participer activement à soulager les Etats-Unis du fardeau
irakien. L'expression des réticences de Kofi Annan, secrétaire
général de l'ONU, ne s'est pas faite longtemps attendre.
Celui-ci a déclaré avoir "souhaité disposer
d'éléments supplémentaires avant d'envoyer une
mission d'élections en Irak." Mais l'opposition la plus
forte à la demande américaine est venue inévitablement
des principales puissances impérialistes rivales que sont la
France et l'Allemagne. Ces puissances auxquelles on peut rajouter notamment
la Russie ne peuvent que se réjouir du bourbier dans lequel s'enfoncent
progressivement les Etats-Unis en Irak. Dans cette foire d'empoigne
entre bandits impérialistes, chacun se doit de profiter immédiatement
des faiblesses de l'adversaire. Le nombre de morts grandissant en Irak
n'a strictement aucune importance à leurs yeux et les larmes
de crocodiles versées au moment de l'invasion américaine
en Irak par tous nos politiciens bourgeois apparaissent de plus en plus
nettement pour ce qu'elles étaient réellement : des mensonges
chargés d'alimenter une campagne idéologique anti-américaine.
Aujourd'hui la France et l'Allemagne, alliées de circonstance,
font monter les enchères et réclament en contrepartie
une politique indépendante de sécurité et de défense
européenne. Cette éxigence a été immédiatement
rejetée à Davos par Dick Cheney (vice-président
américain). L'administration américaine n'a pour le moment
aucune porte de sortie du piège irakien qui se solde aux yeux
du monde comme un revers cinglant.
Cette situation est d'autant plus préoccupante pour la bourgeoisie
américaine que le conflit israélo-palestinien est loin
de marquer le pas, comme ont voulu le faire croire les médias.
L'annonce par le premier ministre israélien Ariel Sharon de son
intention de faire évacuer la majorité des colonies juives
de Gaza a certainement un contenu idéologique en direction de
la population israélienne harassée par la guerre et la
misère grandissante. Mais là n'est pas l'aspect essentiel,
calmer le jeu à Gaza pour Sharon, c'est s'ouvrir la possibilité
d'implanter de nouvelles colonies en Cisjordanie. Le général
Bron du Centre Jaffée des Etudes Stratégiques, a déclaré
: "Que Sharon n'accepterait, au mieux qu'un minuscule Etat palestinien
en Cisjordanie, ce qui serait inacceptable pour les palestiniens donc
le conflit continuera." Embourbée en Irak, l'administration
Bush démontre des difficultés croissantes à freiner
l'appétit impérialiste israélien. Cet affaiblissement
de l'impérialisme américain ne pouvait que se traduire
aux États-Unis mêmes par une pression croissante sur le
Président Bush et son administration. David Kay, ancien chef
de l'équipe constituée par les Américains pour
retrouver les armes de destruction massive, a affirmé publiquement
: "Que si on ne les avait jamais trouvées, c'est qu'elles
n'ont jamais existé". Cela a porté un rude coup à
l'équipe Bush et Blair qui se font aujourd'hui de plus en plus
traiter de manipulateurs dans les grands médias nationaux. Une
grande partie de la bourgeoisie américaine est consciente de
la gravité de cette situation. C'est pour cela qu'elle favorise
au sein du camp démocrate la candidature de Kerry à la
prochaine élection présidentielle aux États-Unis.
Une nouvelle administration américaine permettrait sans doute
à l'État américain de tenter de gérer la
crise irakienne en amoindrissant momentanément les tensions internationales
entre les grandes puissances rivales, ainsi qu'en tentant d'apaiser
les exigences communautaires internes à l'Irak.
La perspective capitaliste en Irak reste à la poursuite de la guerre
Ces tentatives au sein de la bourgeoisie américaine pour essayer
momentanément de calmer le jeu ne doit en aucun cas entraîner
d'illusions au sein de la classe ouvrière sur la possibilité
de retrouver réellement un jour la paix en Irak, et ceci quelle
que soit l'équipe au pouvoir à la Maison Blanche. A Davos,
entre le 23 et le 28 janvier dernier, Dick Cheney a rappelé au
monde entier que "l'administration Bush poursuivait vigoureusement
la transformation démocratique du grand Moyen-Orient", réaffirmant
que "l'Amérique était en guerre, contre le terrorisme,
les États voyous et les États qui haïssent l'Amérique",
ajoutant que "cette guerre se poursuivrait". Une administration
démocrate aux États-Unis ne pourrait en aucun cas, à
terme, changer le fond de cette politique guerrière. La faillite
du capitalisme, l'enfoncement de son système dans la décomposition
de toute la société ne peut que pousser en avant l'affrontement
entre toutes les puissances impérialistes, et en premier lieu
entre les plus puissantes d'entre-elles. Si aujourd'hui c'est l'impérialisme
américain qui apparaît le plus belliqueux, c'est que son
leadership mondial est de plus en plus contesté et malmené
sur l'arène mondiale. Chaque État est poussé à
défendre militairement ses propres intérêts nationaux.
La barbarie capitaliste ne peut que continuer à s'étendre
au Moyen-Orient. L'humanité est placée devant l'alternative
: communisme ou chute dans la barbarie. Le prolétariat doit plus
que jamais prendre conscience de ce que nous disait Rosa Luxembourg
dans le programme du groupe Spartakus en décembre 1918 : "Ou
bien le maintien du capitalisme, de nouvelles guerres et la chute prochaine
dans le chaos et l'anarchie, ou bien la suppression de l'exploitation
capitaliste"