La classe ouvrière prend de plein fouet le choc de la pandémie

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“Reconstruire mais en mieux !”: voilà le dernier slogan qui sonne creux de la bourgeoisie britannique, destiné à faire croire, comme le slogan précédent “Redressons-nous !”, qu’une société équitable et juste sera nécessaire et possible après la pandémie. Ce que ces deux expressions reconnaissent quasi implicitement, c’est que la société continue d’être divisée en classes sociales et que “nous” ne sommes certainement pas “tous dans le même bateau”. Qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation ou des revenus, les statistiques de la classe dirigeante confirment que la classe ouvrière, qui a déjà subi des décennies d’austérité, a été la plus durement touchée au cours des douze derniers mois d’épidémie. Dans cette perspective, il faut voir que la crise économique et les privations sociales accélérées par le Covid-19 ont des racines profondes dans la décadence et la déchéance du capitalisme en général et le déclin de la Grande-Bretagne en particulier. Nous verrons également que des sections du prolétariat, dans les conditions les plus difficiles, ont néanmoins tenté de défendre les intérêts fondamentaux de la classe.

La santé – un déclin historique

La pauvreté a un impact négatif absolu sur la santé de la population. Prenons par exemple la question de l’espérance de vie, telle qu’elle avait déjà été rapportée par Sir Michael Marmot avant le début de la pandémie : “L’espérance de vie a stagné pour la première fois en plus de cent ans et s’est même inversée pour les femmes les plus démunies de la société, (…) ce qui montre que le fossé des inégalités de santé est encore plus béant qu’il y a dix ans, en grande partie à cause de l’impact des coupes liées aux politiques d’austérité du gouvernement.”

L’étude de Sir Michael Marmot, dix ans après avoir averti que les inégalités croissantes dans la société entraîneraient une détérioration de la santé, révèle une image choquante de l’Angleterre qui, selon lui, n’est pas différente de celle du reste du Royaume-Uni et aurait pu être évitée… “Les réductions réelles des revenus des gens nuisent à la santé de la nation à long terme. Non seulement l’espérance de vie diminue, mais les gens vivent plus longtemps en mauvaise santé… Ces dégâts sur la santé de la nation n’auraient pas dû se produire. C’est choquant”, a déclaré M. Marmot, directeur de l’Institute of Health Equity de l’UCL (University College London).1

La nouvelle étude de Marmot, publiée en février 20202, prévoyait “une différence de 15 à 20 ans dans l’espérance de vie en bonne santé entre les régions les plus riches et les plus pauvres du Royaume-Uni”3. Pour les hommes vivant dans les zones les plus pauvres, “vous pouvez vous attendre à vivre neuf ans de moins qu’une personne vivant dans l’une des zones les plus riches”4

Ainsi, lorsque le Covid-19 puis le confinement ont frappé en février-mars 2020, ils ont surtout touché “ceux qui vivent dans les régions les plus pauvres de Grand-Bretagne, [qui] ont plus de chance de souffrir de maladies cardiaques et pulmonaires, et leurs enfants ont deux fois plus de chances d’être obèses que ceux des régions riches. Les personnes condamnées à vivre dans des logements insalubres sont plus susceptibles de souffrir de maladies telles que l’asthme, et la santé mentale étant endommagées de manière disproportionnée par le stress de la pauvreté, les hommes les plus pauvres sont jusqu’à dix fois plus exposés au risque de suicide que les plus riches.5

Les mauvaises conditions de logement, de santé et d’alimentation – qui sont le lot d’une grande partie du prolétariat britannique – sont devenues des terrains propices à la propagation du Covid et ont favorisé les répercussions les plus pernicieuses.

Dans certaines des zones les plus défavorisées d’Angleterre, janvier 2021 a été le mois le plus meurtrier depuis le début de la pandémie. En janvier, le taux de mortalité lié au Covid à Burnley (Lancashire) était deux fois supérieur à la moyenne anglaise et les décès, toutes causes confondues, étaient 60 % plus élevés que la moyenne anglaise” 6.

Et pas seulement dans le nord de l’Angleterre : la capitale, Londres, a accueilli ce qu’on appelle le “triangle du Covid”, composé des trois arrondissements :“Barking & Dagenham, Redbridge et Newham se disputaient le taux d’infection le plus élevé de tout le pays. Dans Barking & Dagenham, une personne sur 16 serait infectée… Dans cette zone, la main-d’œuvre est principalement constituée de personnel essentiel qui ne peut rester à la maison… ou en situation de travail précaire… Alors que le virus mutant, plus contagieux, a fait monter en flèche le taux de mortalité au niveau local, il a également mis en évidence un réseau complexe de problèmes plus profonds, qui se sont accumulés pendant de nombreuses années. En particulier, l’exposition accrue au virus s’est ajoutée aux problèmes rencontrés par une population déjà vulnérable, dont beaucoup de membres souffraient de comorbidités et d’une mauvaise santé.

Les niveaux élevés de privations et précarité du travail, les grandes inégalités de revenus, la discrimination en matière de logement et les disparités médicales ont depuis longtemps un impact sévère sur l’enchevêtrement de communautés et de minorités ethniques qui vivent dans ces arrondissements. Mais, lorsqu’ils sont combinés à la nécessité de se déplacer pour travailler, de prendre les transports en commun et de partager l’espace dans des logements trop petits, ils constituent également le terrain idéal pour un virus mortel. L’effet domino allait s’avérer catastrophique.7

La description ci-dessus, tirée du “journal des patrons”, le Financial Times, explique très clairement qu’il ne s’agit pas simplement d’une minorité “ethnique” ou d’une autre minorité qui souffre, mais que sa souffrance fait partie intégrante de la détérioration généralisée des conditions de vie de la classe ouvrière.

Les indemnisations légales des arrêts-maladie des travailleurs britanniques – auxquelles les plus bas salaires n’ont même pas droit – sont parmi les plus basses d’Europe. Par nécessité, de nombreux travailleurs n’ont pas passé le test de dépistage du Covid – un facteur qui a contribué à rendre inefficace le système de test et de dépistage “mondialement reconnu”. Une étude menée conjointement par le King’s College de Londres et le ministère de la Santé publique d’Angleterre a révélé que, parmi les personnes ayant signalé qu’elles avaient les symptômes du Covid, seules 18 % s’étaient auto-isolées. “Notre étude a indiqué […] que les contraintes financières et les responsabilités liées aux soins sont des obstacles courants à l’adhésion à cette mesure”.8

La destruction historique par la bourgeoisie du salaire social – les paiements destinés à soutenir les individus dans le besoin et à garder opérationnels les hôpitaux et les centres de soins – est donc un facteur primordial dans le fait que le taux d’infection par le Covid en Grande-Bretagne “ait battu un record du monde”.

Pour les travailleurs mis au chômage, renvoyés chez eux avec des salaires réduits ou obligés de se rétablir de la maladie à domicile, la vie peut être pénible. Les écoles étant fermées à tous, sauf aux enfants des “travailleurs indispensables”, les parents, dont beaucoup travaillent chez eux pendant de longues heures, sont obligés de devenir des enseignants, coupés par le confinement des réseaux de soins familiaux ou de voisinage (non rémunérés). Le prolétariat dans son ensemble a souffert d’une façon disproportionnée. Le terme “pauvreté numérique” a été inventé pour expliquer pourquoi de nombreux enfants de la classe ouvrière n’avaient pas d’ordinateur portable pour l’enseignement à distance, ni même de connexion internet à la maison.

A la fin de l’année 2020, 23 % de la population du Royaume-Uni vivait dans la pauvreté. Parmi les 700 0000 personnes plongées dans la précarité à cause de la pandémie, on compte 120 000 enfants. L’augmentation du niveau de pauvreté est due à plusieurs facteurs. Les personnes qui restent à la maison ont fait grimper le coût de la vie, les ménages payant davantage pour le gaz et l’électricité et dépensant plus pour la nourriture des enfants, qui auraient eu en temps normal des repas gratuits à l’école. A cela s’ajoute la montée en flèche du chômage, les fermetures ayant rendu difficile le fonctionnement de secteurs comme l’hôtellerie et la vente au détail. Le taux de chômage au Royaume-Uni a atteint 5,1 % fin 2020, ce qui signifie que 1,74 million de personnes étaient sans emploi. Les chiffres du Bureau de Statistiques Nationales ont relevé une augmentation de 454 000 personnes depuis un an, ce sont les chiffres les plus élevés depuis 2016.9

Ce rapport du magazine Big Issue a également indiqué que les trois quarts des enfants vivant dans la pauvreté provenaient de ménages dont l’un des parents travaille ou cherche un emploi. A Noël 2020, l’organisation caritative UNICEF a lancé une intervention d’urgence nationale au Royaume-Uni pour la première fois en 70 ans d’histoire, afin d’aider les enfants touchés par la crise du Covid-19 !

Le British Medical Journal (BMJ) a mis en garde contre les conséquences probables de la pandémie : “il s’agit notamment de la dépression, du syndrome de stress post-traumatique, du désespoir, des sentiments d’enfermement et de pénibilité, de la toxicomanie, de la solitude, de la violence domestique, de la négligence ou de la maltraitance des enfants, du chômage et d’autres formes d’insécurité financière. Des services appropriés doivent être mis à la disposition des personnes en crise et de celles qui ont des problèmes de santé mentale nouveaux ou déjà présents. L’effet des dommages économiques causés par la pandémie est particulièrement préoccupant. Une étude a rapporté qu’après la crise économique de 2008, les taux de suicide ont augmenté dans deux tiers des 54 pays étudiés, en particulier chez les hommes et dans les pays où les pertes d’emploi sont les plus élevées.”10 Comme nous l’avons vu, loin de fournir les “services appropriés” réclamés par le BMJ, l’État britannique les a rognés au cours des 30 dernières années.

Face à une paupérisation croissante, près de neuf millions de personnes ont emprunté plus d’argent l’an dernier, en raison de l’impact du coronavirus. “Depuis juin 2020, la proportion de travailleurs empruntant 1000 £ ou plus est passée de 35 % à 45 %, a indiqué l’Office national de statistiques. Les travailleurs indépendants étaient plus susceptibles d’emprunter de l’argent que les salariés. On a également constaté une forte augmentation de la proportion de personnes handicapées empruntant des sommes similaires.”11 L’image de centaines de personnes faisant la queue dans la neige devant une soupe populaire à Glasgow est devenue virale, alors que la demande pour des banques alimentaires a explosé au cours de l’hiver.

Certains n’ont même pas eu un toit au-dessus de la tête pendant la première année de la pandémie. Malgré les tentatives de l’État pour “nettoyer les rues” en ouvrant certains foyers et hôtels aux sans-abri, “près de 1000 décès de sans-abri ont eu lieu l’an dernier au Royaume Uni…”. Le Museum of Homelessness (musée communautaire de justice sociale) a déclaré que ce chiffre avait augmenté de plus d’un tiers par rapport à l’année précédente et a demandé que davantage de mesures soient prises pour mettre un terme à ces “terribles pertes de vies”.12

Mourir au travail

Nous avons vu comment, pour de nombreux travailleurs mis au chômage ou en congé maladie à salaire réduit, la vie “à la maison” ou dans la rue était et reste pleine de dangers. Pour beaucoup, cette option n’existait pas et n’existe toujours pas : malades ou en danger, la nécessité de gagner un salaire les obligeait à travailler. Il n’est donc pas étonnant de découvrir que le Covid ait fait des ravages dans les zones traditionnellement occupées par la classe ouvrière.

Compte tenu des pénuries concernant les EPI (Equipements de Protection Individuelle), de la difficulté à respecter la distanciation sociale et de l’évacuation sans ménagement des personnes âgées non testées, des hôpitaux vers des maisons de retraite mal équipées13, ce sont les infirmières, le personnel soignant et les autres employés en “première ligne” qui ont été les plus touchés. Les chiffres de l’Office national de statistiques montrent que les travailleurs des maisons de retraite et les infirmières figurent parmi les professions les plus susceptibles de mourir d’un coronavirus, aux côtés des réparateurs ou chargés d’entretien des machines, des aides à domicile, des chefs cuisiniers, des restaurateurs et des chauffeurs de bus.

Comme la maladie, l’épuisement rend les travailleurs vulnérables aux infections virales et, au début de la pandémie, le NHS (service sanitaire national) comptait quelque 100 000 postes vacants, dont 20 000 dans le secteur des soins infirmiers. A mesure que la surpopulation et les maladies du personnel faisaient des ravages, de moins en moins de personnel médical et de soutien s’occupait de patients de plus en plus nombreux, ce qui augmentait leur propre risque d’infection. Les hôpitaux eux-mêmes sont devenus des bouillons de culture pour le virus. En janvier 2021, “52000 employés du NHS sont en arrêt maladie à cause du Covid. Plus de 850 travailleurs de la santé britannique seraient morts du Covid entre mars et décembre 2020”14. Une personne sur quatre ayant été hospitalisée aurait été contaminée à l’hôpital !

Les usines de transformation alimentaire britanniques – y compris les abattoirs – étaient également des lieux à haut risque viral, tandis que les chauffeurs de bus se sont révélés particulièrement exposés, notamment en raison du retard pris dans l’installation d’écrans de protection pour les chauffeurs. Les effets à long terme des traitements hospitaliers annulés, associés à des services défaillants pour les personnes vulnérables, handicapées ou souffrant de maladies mentales, n’ont pas encore été calculés, bien que près de cinq millions de patients du NHS aient été, début avril 2021, en attente d’un traitement annulé ou retardé “à cause du Covid”. La classe ouvrière en général n’a pas les moyens de se procurer des traitements “alternatifs” ou “privés”.

L’attitude de l’Etat envers la classe ouvrière en Grande-Bretagne

La bourgeoisie britannique a jugé prudent, face à sa pire crise économique depuis les années 1930, d’ “investir” environ 400 milliards de livres sterling dans diverses formes de plans de “sauvetage”, y compris des indemnités de licenciement et une extension temporaire du crédit universel. Ce déboursement par la dette de la valeur précédemment créée par la classe ouvrière, ou fondé sur son exploitation future, n’a pas été fait par altruisme mais pour préserver des industries et des entreprises entières de la faillite, pour maintenir une main-d’œuvre minimale et pour assurer un minimum de cohésion sociale. En ce sens, la situation actuelle – qui se reflète dans la plupart des grands pays industriels – présente certaines similitudes avec l’ancien Empire Romain qui, à son époque décadente, était obligé de nourrir ses esclaves, plutôt que d’être nourri par eux.

Cependant, déterminé à montrer qu’en dépit des mesures d’ “allègement”, l’État n’est pas un “tendre”, le gouvernement de Boris Johnson – celui qui a inventé “reconstruire en mieux” et “redressons-nous” – a insisté pour que les “héros” d’hier, le personnel du NHS, y compris les infirmières, “bénéficient” d’une augmentation de salaire limitée à 1 %, soit environ 60 pence par jour après déduction d’impôts. Cette mesure était froidement calculée pour envoyer un signal à la classe ouvrière dans son ensemble : “si les infirmières méritantes n’ont pas une belle augmentation, vous non plus n’y aurez pas droit

Cette idée a été renforcée par un arrêt très médiatisé de la Cour Suprême en mars 2021, selon lequel le personnel soignant du Royaume-Uni, qui dort sur son lieu de travail au cas où on aurait besoin de lui, n’a pas droit à une augmentation de salaire minimum pour l’ensemble de son service.

Et, au cas où le message ne serait pas assez clair, des dizaines de milliers d’autres travailleurs risquent de voir leurs contrats de travail actuels annulés et remplacés par un régime d’exploitation beaucoup plus dur – la politique de généralisation des contrats d’intérim, portail vers l’extension du travail précaire, les contrats à zéro heure et la gig economy (économie des petits boulots). Tesco, British Telecom, British Gas et diverses compagnies de bus font partie des entreprises qui emploient cette “tactique”. Un travailleur sur dix serait concerné par ces plans d’emplois intérimaires. Tout cela au nom d’une plus grande “productivité” et d’une plus grande “efficacité”. C’est la classe ouvrière qui se voit présenter une facture de 400 milliards de livres.

Tout cela est soutenu par la menace de l’État d’une plus grande répression, inscrite dans le projet de loi sur la police, la criminalité, les peines et les tribunaux, qui a déjà suscité des manifestations dans tout le pays15. Sabotant la lutte de l’intérieur, les syndicats se préparent à se poser en défenseurs “naturels” de la classe ouvrière, face à ces nouvelles attaques – la menace de grève du Royal College of Nurses (RCN) et la revendication d’un salaire de 12 % pour contrer l’offre de 1 % du gouvernement n’étant que l’exemple le plus évident.

La résistance de la classe ouvrière

Les traditions et les leçons tirées des grandes luttes de la classe ouvrière (comme celles de 1972 et 1984 en Grande-Bretagne), ont été largement enterrées au cours des 30 dernières années et les récents confinements nécessités par la pandémie imposent de nouvelles restrictions à la capacité des travailleurs de défendre leurs intérêts. Cependant, il y a eu des expressions de la colère de la classe ouvrière et des tentatives d’auto-organisation, y compris les manifestations de l’été dernier par les travailleurs de la santé à travers la Grande-Bretagne16, les récentes grèves des loyers des étudiants en Grande-Bretagne et les manifestations d’étudiants en France17.

Dans le secteur de la santé, comme nous l’avons mentionné plus haut, le syndicat des infirmières RCN et le syndicat Unison “représentant” les autres employés du NHS ont été obligés de parler de l’organisation d’une grève ou d’une action de protestation face à la colère croissante suscitée par les bas salaires et les conditions de vie dangereuses dans les services et les théâtres. Au moins une manfestation (à Manchester le 7 mars 2021) pour une augmentation plus importante des salaires a connu des ordres de dispersion et des arrestations “pour avoir enfreint les règles de distanciation sociale”. Pour l’instant, ces actions syndicales semblent avoir contribué à retarder toute initiative spontanée et à désamorcer la mobilisation, sans parvenir à apaiser les ressentiments et la colère des infirmières et des autres membres du personnel NHS.

D’autres incidents de lutte dans ce secteur ont été signalés par le blog AngryWorkersWorld Blog du 5 mars, notamment : “En janvier 2021, les portiers ont démarré une grève de 11 jours organisée par Unison contre la politique de recours aux emplois d’intérim par le NHS du trust Heartlands à Birmingham. En mars 2021, plus de 150 brancardiers, d’employés des services de nettoyage, de standardistes et le personnel de restauration employés au centre de soins de Cumberland par la société d’équipement Mitie, ont mené une première journée d’action avec Unison, en raison d’un défaut de paiement des heures supplémentaires. Les ouvriers de Mitie ont également engagé une action avec le syndicat GMB contre l’hôpital Epsom & St Helier Trust pour des salaires impayés. Ces conflits touchent principalement la frange externalisée (les entreprises sous-traitantes du sytème de santé)18.

Le 6 avril, environ 1 400 travailleurs des bureaux d’immatriculation des véhicules du gouvernement (DVLA) à Swansea, ont entamé une grève de quatre jours pour protester contre les dispositions de sécurité inadéquates contre le Covid, qui étaient responsables de plus de 500 cas d’infection dans deux sites. Dans le même temps, une grève “a durée illimitée”de près de 500 travailleurs des bus de la compagnie Go North West à Manchester, est entrée dans sa sixième semaine, face au projet de l’entreprise d’imposer un contrat intérimaire impliquant des pertes de salaires allant jusqu’à 2500 £ par an et des réductions massives au niveau des indemnités-maladie. Dans la capitale, plus de 2000 chauffeurs de bus des compagnies London United, London Sovereign et Quality Line ont entamé une grève “reconductible” depuis la fin du mois de février, pour s’opposer au programme de remplacer les emplois fixes par des contrats intérimaires. Environ un tiers des chauffeurs auraient rejeté l’accord proposé par le syndicat Unite avec les patrons et des piquets de grève ont été dressés dans les dépôts de bus.

Au début du mois de mars, des milliers de techniciens de terrain de British Gas ont organisé une grève de quatre jours – la dernière d’une série d’actions en opposition aux propositions de la direction de généraliser les contrats d’intérim. Le 1er avril, l’entreprise a envoyé des lettres de licenciement à près de 1000 travailleurs refusant de signer le nouvel accord. Le 5 avril, des centaines de chauffeurs Deliveroo – dont certains gagnent à peine 2 £ de l’heure et dont les conditions de service précaires incarnent la gig economy – se sont mis en grève et ont organisé une manifestation devant le siège de l’entreprise à Londres. La colère de près de 50 000 techniciens et employés d’entretien de British Telecom face aux fermetures de sites, aux 1000 suppressions d’emplois proposés et aux signatures de nouveaux contrats intitutionnalisant la précariation de l’emploi a jusqu’à présent été contenue par une double attaque : celle de l’entreprise, qui propose des incitations financières en espèces entre 1000 et 1500 £ (à condition d’accepter le nouveau contrat), et celle du syndicat des Communications, qui s’est engagé dans une série de scrutins et de pourparlers avec la direction afin de calmer la situation.

Les actions ci-dessus – qui ne constituent en aucun cas un compte-rendu exhaustif – montrent que les ouvriers n’ont pas été intimidés par la pandémie, ni par la propagande du gouvernement, mais aussi que, en général, leur résistance a été jusqu’à présent relativement bien encadrée et désamorcée par les syndicats et qu’ils ont été largement incapables de résister à l’austérité proposée ou imposée. Les attaques contre les conditions et le niveau de vie des travailleurs ne peuvent que s’intensifier dans la période à venir, quel que soit le stade atteint par la pandémie. La résistance de la classe ouvrière à ces attaques sera plus nécessaire que jamais.

Robert Frank, 17/04/2021

 

1Austerity blamed for life expectancy stalling for first time in century”, The Guardian, (25 février 2020). En outre, le British Medical Journal “a rapporté, début 2019 que les coupes dans les budgets de la santé et des soins sociaux entre 2010 et 2017 ont conduit à environ 120 000 décès précoces au Royaume-Uni, “un constat assez choquant”, selon l’auteur Bill Bryson dans son livre “The body…” publié par les éditions Doubleday en 2019.

2Health Equity in England : The Marmot Review 10 Years On”, The Health foudation, (février 2020).

3The Guardian, 25 février 2020.

5The Guardian, 26 janvier 2021

7“Inside The Covid Triangle”, The Financial Times, (5 mars 2021).

8“Effective test, trace and isolate needs better communication and support”, Centre d’information du King’s College de Londres, (25 septembre 2020).

9“UK poverty : The facts, figures and effects”, (3 mars 2021).

10“Trends in Suicide During the Cocid-19 Pandemic”, BMJ, (12 novembre 2020).

11“Covid : Nine million people forced to borrow more to cope”, BBC News, (21 janvier 2021).

12“Terrible loss of life’ as almost 1,000 UK homeless deaths recorded in 2020”, The London Economic, (22 février 2021).

14“Ministers under fresh pressure over PPE for NHS heroes on coronavirus frontline”, Daily Mirror, (20 janvier 2021).

15Voir notre article : “Workers have no interest in defending capitalism’s “democratic rights””, ICConline, (april 2021).

En vérité, l’État démocratique’ n’a pas besoin d’une nouvelle législation pour persécuter et attaquer pénalement la véritable lutte de classe : les révélations d’une conspiration infâme entre la police, les médias, les patrons, les syndicats, le système judiciaire et les gouvernement contre les ‘piquets volants’ (c’est-à-dire les ouvriers qui cherchent à étendre la lutte vers d’autres ouvriers) lors de la grève des mineurs britanniques, et les condamnations de 24 ouvriers (‘les 24 de Shrewsbury’) qui en ont découlé, n’ont été annulées qu’en mars de cette année… un demi-siècle après les événements ! Ainsi, tout en marquant une réelle extension des pouvoirs de la police, le nouveau projet de loi présenté au Parlement sert également d’avertissement spécifique à la population et aux travailleurs pour qu’ils “restent dans les clous”.

17Voir l’introduction de : “Mobilisation des étudiants : Confrontée à la misère, la jeunesse ne se résigne pas !”, Révolution internationale n°487, (mars-avril 2021).

18“1 %? Up yours ! We need health workers' and patients' power !”, Libcom.org, (mars 2021) Voir aussi : “A Sign of Things to Come”, sur le site de la Tendance Communiste Internationaliste Leftcom.

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