Soumis par Révolution Inte... le
L’impuissance des dernières luttas des ouvriers polonais, malgré leur rage, à renverser le cours de la répression et de la misère n’est pas l‘impuissance propre des ouvriers polonais, mais de leur isolement.
Il ne faut pas voir dans cette impuissance que l'impuissance : c'est ce gue voudrait la bourgeoisie. Il faut voir les possibilités réelles de son dépassement, les questions que cette lutte a posées et pose encore.
LA GUERRE D'USURE CONTRE LES OUVRIERS EN POLOGNE
L’interdiction de Solidarnosc fait partie d'une longue série de manœuvres des classes dirigeantes dans le monde pour détruire le mouvement en Pologne et ce qu'il peut représenter pour tous les ouvriers.
Non pas parce qu'en viendrait d'enlever aux ouvriers l’instrument de leur force que serait l'organisation syndicale de Solidarnosc ;
Solidarnosc ne l'a jamais été. L'encadrement des ouvriers dans le syndicat: après la manifestation de force de la classe ouvrière en août 80, a toujours poussé dans le sens de la dispersion, de 1'atomisation des ouvriers et de la défense des intérêts de la nation polonaise contre ces mânes ouvriers.
Bien plus, face à un mouvaient difficile à réduire au silence, la répression de Solidarnosc a contribuer à affaiblir les ouvriers... en les centrant sur la question de la "légalité" : les dirigeants de Solidarnosc, qui apparaissaient de plus en plus corme des briseurs de grève, avec Walesa le "pompier volant", sent devenus avec les répression des "martyrs de la classe ouvrière".
Pendant ce temps, les ouvriers en Pologne subissent des conditions de vie inconnues depuis 25 ans tant sur le plan économique que sur le pian du contrôle policier et de la répression : sur les médias, dans les rues, sur les communications téléphoniques l'Etat impose sa présence ouvertement partout.
La détermination dont les ouvriers ont encore fait preuve lors des derniers évènements, avec des grèves et des affrontements dans la plupart des grands centres industriels, avait pour racine la révolte contre l'ensemble des conditions subies. Mais la levée de l'état de siège et la libération des emprisonnés, qui seuls figuraient sur les revendications, ont été mises au second plan derrière la "libération de Walesa", le flic n°1, condition mise à la reprise du travail. Trois jours plus tard, le fusil dans le dos, les ouvriers reprenaient le travail à Gdansk :
- "Maintenant, nous sommes en train de perdre, mais si nous avons à perdre, nous devons le faire sans perdre la face" (un ouvrier de Gdansk, cité dans "le Monde" du 14-10).
La bourgeoisie n'a pas réussi à briser totalement la résistance des ouvriers en Pologne après plus de deux ans d'efforts, de stratégie, alternant répression et promesses de démocratie, utilisant l'enfermement des ouvriers dans la problématique nationaliste, et dans celle de la "religion persécutée par le communisme" pour les plus désespérés. Mais cette résistance n'arrive plus à s'exprimer avec la même force qu’avant. Coup après coup, la bourgeoisie asphyxie les ouvriers en Pologne, elle les épuise dans des impasses.
Un mouvement de l'ampleur de celui d'août 80 laisse des traces ; la Pologne reste un abcès de fixation des contradictions du monde capitaliste. Mais la bourgeoisie réussit aujourd'hui l'exploit d'utiliser la combativité des ouvriers en “Pologne contre eux-mêmes, et contre tous les ouvriers.
Alors que la détermination des ouvriers en Pologne devrait être un stimulant, un appel : la lutte pour les ouvriers des autres pays, elle est utilisée corme somnifère.
LA BOURGEOISIE DEFORME LA REALITE
Le plus dangereux de la propagande bourgeoise aujourd'hui, au-delà de l’accentuation de la pression sur les ouvriers en Pologne, c'est l'acharnement qu'elle met à donner une fausse image de ce qui se joue en Pologne.
C'est ce qui a été son arme principale pour isoler le mouvement après août 80, et qu'elle continue à utiliser, contrant ainsi la prise de conscience de tous les exploités,
La bourgeoisie a eu peur d’août 80, de la force des ouvriers, de ce qu’ils jetaient à la face du monde, du fait que tous les ouvriers pouvaient se reconnaître dans leur combat. Plus encore que le mouvaient en Pologne même, elle s'acharne à détruire sa portée, sur les ouvriers du monde, et plus particulièrement sur ceux d'Europe.
La lutte des ouvriers en Pologne a montré que la classe ouvrière peut agir et s'affirmer dans la société en tant que force : qu'elle a pu faire reculer la répression, qu'elle peut s'organiser et poser en tant que corps collectif les questions de l'orientation de la société. La bourgeoisie étale des images de FAIBLESSE du prolétariat : l'ouvrier qui s'immole par le feu avec un badge de Solidarnosc, les déclarations de l’Eglise "Dieu nous enverra une autre lumière", etc... pour nous dire : "vous voyez, ça ne sert à rien de lutter, ils ont des conditions pire, et ils sont dans le désespoir". Pire encore, quand la presse s'étend sur la "courageuse résistance du peuple polonais pour la liberté" en les montrant chantant des cantiques ou l'hymne national : la lutte des ouvriers polonais ne doit pas rester cela, ce goût amer de défaite et de soumission. La lutte des ouvriers polonais, c'est l'image de le FORCE des ouvriers, qui ont pu secouer le monde entier avec une grève de masse à l’échelle d'un pays. Ce n’est pas parce qu'ils se sont heurtés aux limites des possibilités de transformation du monde à l'échelle de la seule Pologne, et qu'ils ont subi de ce fait toutes les confusions possibles, que cela doit effacer l'importance de ce premier pas.
Une des leçons les plus claires du mouvement en Pologne devrait Sire le danger de la vision syndicaliste, qui enferme dans des considérations du bien de la "patrie" et divise les ouvriers. La bourgeoisie identifie la force du mouvement avec Solidarnosc. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de "syndicat libre et indépendant" en Pologne que la répression continue, mais en grande partie grâce à ce syndicat. Les syndicats européens y voient là la possibilité de faire renaître "l'esprit syndicaliste" qui manque tant à une population ouvrière qui déserte toujours plus les syndicats. Même le PC et la CGT, après avoir craché sur les ouvriers polonais et sur ces "feignants de grévistes qui n'ont que ce qu'ils méritent", font aujourd'hui des déclarations vibrantes :
- "Toutes les formes de la contrainte et de la violence -les arrestations, la répression, les interdictions, la censure... nous heurtent." (Editorial de "1 'Humanité" du 13-10)
Et de défendre la "démocratie" :
- "Comment voulez-vous que je sois heureux d'une situation qui a abouti à la dissolution de 1'ensemble des centrales syndicales, quelles qu'elles soient" (Krasucki, “Le Monde" du 13-10”)
- “Il faut mettre en œuvre, en définitive, les réformes démocratiques dont ce pays a visiblement besoin". (Jugula, idem)
La lutte des ouvriers en Pologne avait achevé de jeter la lumière sur la nature "socialiste”, "différente", des pays de l'Est : sous des formes différentes, les ouvriers s'opposent à la même réalité. La propagande bourgeoise s'emploie à réintroduire ces différences à la faveur de l'ouest.
Alors que l’opposition Est-Ouest s'était effacée derrière l'opposition entre ouvriers et classe dirigeante, la propagande la remet en avant :
- "Je condamne cette intolérable régression du droit qui, en dépit des apparences, tient moins aux circonstances qu'à la nature du système... C'est donc le système même qu'il faut considérer quand on porte condamnation“ (Mitterrand, "Libération“ du 13-10)
- "La lutte contre le totalitarisme est l'aspect fondamental des conflits Est-Ouest" (Cheysson, “Libération" du 13-10)
Comme si la social-démocratie occidentale n’avait jamais hésité, avec son "droit", à tirer sur des ouvriers en lutte, comme si la démocratie occidentale n'était pas une forme de dictature aussi impitoyable que celle de l'Est...
La logique contenue dans la façon dont la bourgeoisie parle de la Pologne, c'est aussi celle de la guerre (pour que les ouvriers de l'Est puissent goûter aux "bienfaits" de la démocratie à l'occidentale). C'est la logique de la soumission, une logique qui appelle à lutter contre une bourgeoisie au non d'une autre. La logique contenue dans la lutte des ouvriers est tout le contraire : elle est le début d'une autre alternative : celle que peuvent imposer les ouvriers de tous les pays, de l'Est comme de 1'Ouest, qui subissent tous la même oppression.
LE SENS DE L'INTERNATIONALISATION
Les ouvriers en Pologne ne peuvent ni arrêter leur lutte, ni aller plus loin. Seul le combat des ouvriers ailleurs peut ouvrir les portes qui leur sont fermées. L'internationalisation n'est pas un mot creux, ni une recette. Seule la négation des frontières peut :
- détruire les illusions qui pèsent encore en montrant ouvertement la racine commune de la condition ouvrière dans le monde entier, rejetant les divisions et les spécificités nationales, de régimes politiques etc...
Pour que l'alternative ouvrière s'impose, il faut qu'elle liquide les dernières illusions sur un "mieux être" à l'intérieur du système capitaliste.
Il n’y a plus d'illusions à l'Ouest sur la "démocratie socialiste" de l'Est, que les luttes ouvrières ont montré^ dans sa réalité aussi bien au niveau de 1'exploitation quotidienne que de la répression. Il y a par centre encore des illusions qui traînent sur la "démocratie libérale" de l'ouest... surtout à l'Est. Mais à l'ouest aussi, la bourgeoisie a de moins en moins de possibilité d'éviter la répression ouverte : quand elle n'a plus les moyens économiques d'accorder des miettes aux ouvriers, qu'elle est obligée de leur soutirer toujours plus, la confrontation est inévitable. Dans l'évolution des rapports entre classe ouvrière et classe bourgeoise à l'ouest, se joue la prise de conscience par l’ensemble du prolétariat que le capitalisme est UN sous n'importe quelle forme, et qu'il n'y a pas de "réforme" à faire mais une révolution.
Donner les éléments de la construction d’une autre alternative :
Si à l'Est il est encore possible de faire croire aux ouvriers que s'ils crèvent devant des vitrines vides c’est à cause d'une pénurie due à des causes locales, ou extérieures, ou conjoncturelles par contre les ouvriers de 1'Ouest, eux, sont amenés à subir la même misère devant des vitrines pleines et des moyens techniques surabondants.
- "La seule chose qui ait arrêté les ouvriers polonais, c'est la question des perspectives. Dans la situation de pénurie généralisée gui domine tiens les pays de l'Est, les ouvriers polonais livrés à eux-mêmes ne pouvaient pas les mettre en avant. Cette situation ne manquera pas de se reposer, mais dans les pays les plus développés, 1'existence tout à la fois d'une surproduction généralisée et d'une technicité productive ultra- développée pourra permettre aux ouvriers de mettre en avant leur propre perspective révolutionnaire et internationaliste". (Crise de surproduction capitalisme d'Etat et Economie de guerre, Revue Internationale n°31).
D.N.