Soumis par Révolution Inte... le
C'EST DE PLUS EN PLUS SIMULTANEMENT QUE LES OUVRIERS REPONDENT, AUX QUATRE COINS DE LA PLANETE, AUX ATTAQUES DE PLUS EN PLUS GENERALES ET BRUTALES DE LA BOURGEOISIE. ENCORE RECEMMENT, EN BELGIQUE ET EN GRANDE-BRETAGNE, DES LUTTES ONT EXPRIME CETTE TENSION MONTANTE. DANS LES PAYS DU BLOC DE L 'EST, LES POTENTIALITES D'UNE EXPLOSION GENERALISEE SE RENFORCENT: LA BOURGEOISIE STALINIENNE, DE LA HONGRIE A L'URSS EN PASSANT PAR LA RDA, EST CONTRAINTE D'ACCORDER DES AUGMENTATIONS DE SALAIRES, DES REDUCTIONS DE TEMPS DE TRAVAIL, POUR QUE L'AUSTERITE QU’ELLE IMPOSE PUISSE PASSER SANS AFFRONTEMENT.
POUR TOUS LES PROLETAIRES, LES LUTTES DE POLOGNE SONT UN PHARE QUI ECLAIRE LEUR PRESENT ET LEUR AVENIR : DEPUIS PLUS DE 8 MOIS, LA CLASSE OUVRIERE Y AFFIRME SA FORCE UNIE, CONTRE LA LOGIQUE D'UN MONDE POURRISSANT. DANS SA LUTTE, ELLE AFFRONTE TOUTES LES ARMES QUE LA BOURGEOISIE DEPLOIE PARTOUT DANS LE MONDE : LA REPRESSION, LE PIEGE SYNDICAL, LES MYSTIFICATIONS NATIONALISTES...
La classe ouvrière, en Pologne, a réussi à maintenir l'initiative. La bourgeoisie ne parvient pas à "rétablir l'ordre" ; l'autorité du parti et de l'Etat continue d’être mise en question au point d'ébranler toute la structure politique de la classe au pouvoir. La récente vague de grèves commencée au lendemain même du nouvel an, après la "trêve de Noël" est la troisième vague depuis l'été. Et, comme les deux qui l'ont précédée, elle a abouti à faire céder partiellement les bureaucrates du Pacte de Varsovie. Mais cette fois-ci, pour g parvenir, les ouvriers ont du s'opposer plus ouvertement à l'appareil de Solidarité. La bourgeoisie ne peut plus gouverner comme bon lui semble. Elle est obligée de tenir compte de ce que font et menacent de faire les exploités.
"La fin de l'été polonais. La Pologne à l'ombre de l'armée", titrait, ce mois-ci, parmi d'autres, le "Quotidien de Paris". Non, l'été polonais, n'est pas fini. L'image d'un talon de fer sur une classe ouvrière soumise par un syndicat "bien dans le rang" n'est pas encore la réalité.
LA BOURGEOISIE S'ARME CONTRE LE PROLETARIAT
Le nouveau changement de gouvernement est présenté comme la "solution" qui, maniant habilement la carotte et le bâton, réussirait à calmer la situation et â arrêter les grèves, par un subtil dosage de promesses de liberté et de menaces de répression. Le gouvernement actuel est la manifestation de la difficulté de manœuvre de la bourgeoisie face à une classe qui depuis maintenant 8 mois n'a cessé de se battre, de réfléchir collectivement, de construire un rapport de forces capable de desserrer l'étau, stalinien et d'améliorer ses conditions d'existence. LE GOUVERNEMENT ACTUEL EST LE RESULTAT DE L’INTRANSIGEANCE OUVRIERE ET D'UN ECHEC DE L'INTRANSIGEANCE DES BUREAUCRATES.
Depuis les cérémonies d'inauguration à Gdansk en décembre du monument aux victimes de la répression des luttes de 1970, l'espoir d'une UNION NATIONALE, ce consensus social tant désiré par Walesa, a bien volé en éclats.
La réunion des responsables du Pacte de Varsovie en décembre avait abouti à mettre en première ligne de front gouvernemental les tendances les plus "fermes"(le général Moczar en tête) afin de remettre l'ordre dans le pays.
Enhardi par le calme de la "trêve de Noël",1e gouvernement s'est attaché pendant près de 2 mois â tenir le langage de la force face aux luttes sociales : refus d'appliquer les accords de Gdansk en ce qui concerne les samedis libres; intervention de la police pour évacuer les bâtiments gouvernementaux occupés par des paysans et des ouvriers; refus net de céder à toute pression revendicative (jusqu'au point de pousser des responsables locaux â reprendre les démissions qu'ils avaient déjà acceptées face à des grèves locales) menaces ouvertes du conseil des ministres de "prendre des mesures pour remettre les usines en grève au travail"; au début février, des rumeurs courent sur l'imminence de l'imposition de la loi martiale dans le pays. "Il faut passer à l'offensive" déclare le général Moczar.
Les résultats ne se font pas attendre. Des millions d'employés en grève les samedis; le mouvement des paysans se généralise avec l'appui des ouvriers; les grèves exigeant la destitution des responsables locaux gouvernementaux se multiplient, provoquant dans le sud du pays des grèves générales avec occupation comme à Jelenia Gora et à Bielsko Biala, qui regroupent des centaines d'entreprises organisées pour la lutte ensemble. Au début février les grèves s'intensifient : les usines, les chantiers navals, les bureaux, les transports publics partent en lutte. Walesa, qui saute d'un foyer à l'autre pour "négocier avec les ouvriers" - étrange représentant!- s'écrie : "Le pays est en feu!"
La direction de Solidarité ne cesse de multiplier les appels au calme et à la responsabilité, sans succès. La presque totalité des grèves importantes ont été faites CONTRE L'AVIS DE SOLIRARITE.
L'Eglise traite le gouvernement d'irresponsable pour les mesures qu'il prend et qui ne font qu'attiser le feu social. Au moment des négociations sur Bielsko Biala, les éléments dits "modérés" du bureau politique menacent de démissionner si le gouvernement ne cède pas. La bourgeoisie a été obligée de céder partiellement sur les samedis libres, sur les revendications de ceux qui réclamaient la destitution des principaux responsables locaux de l'Etat.
Face à l'échec de la «fermeté" qui n'aboutissait qu'à des tergiversations, l'Etat fait un nouvel essai, tentant d'aligner ses divergences derrière la principale force cohérente de l'Etat :
L’ARMEE, elle n'efface pas la menace de répression qui pèse comme une épée de Damoclès sur la tête des ouvriers polonais : mais c'est que la classe ouvrière est trop forte. Il faut d’abord l'affaiblir. C'est pour ce but que le gouvernement met en avant aujourd'hui la "négociation", le "dialogue", en renforçant les moyens de contrôle sur la classe que sont le syndicat et les commissions chargées de régler les questions au sommet entre syndicats et représentants du gouvernement : démobilisez-vous, le syndicat s'occupe de vous ; plus de grèves, et plus de revendications économiques, pour commencer.
LES DIFFICULTES DE LA BOURGEOISIE A APPLIQUER LA FERMETE.
La classe ouvrière est trop forte, riais trop forte localement, et les tentatives de répression entraînent des réactions immédiates, mais aussi internationalement. Les ouvriers du monde entier, et surtout ceux des Pays de l'Est, gardent les yeux sur la Pologne. Si le mouvement se tassait, si le silence pouvait se faire, alors il serait plus envisageable de faire succéder à la déroute l'écrasement physi- que de la volonté ouvrière.
Et avec quoi réprimer? Si le général Jarulewski ne "voulait" pas employer la répression en 70, c'est que les premières tentatives d'utiliser l'armée pour la répression s'étaient soldées par des fraternisai tons avec les insurgés. Quant à l'URSS, elle a déjà des problèmes de désertions dans les contingents envoyés en Afghanistan, tirer sur les ouvriers de Pologne ne se ferait pas sans mal... Cet affaiblissement de l'armée bourgeoise, c'est le résultat de la formidable pression sociale qu'exerce la classe ouvrière quand elle lutte, quand elle fait entrevoir à l'humanité la possibilité d'une autre logique que celle qui fait aujourd'hui tourner ce monde à 1'envers.
Pour réprimer aujourd'hui la classe ouvrière en Pologne, il faut tenter de noyer cette lame de fond.
Le syndicat Solidarité est aujourd'hui pour l'Etat son atout majeur, pour la classe son pire danger. La nouvelle équipe dirigeante le place en première ligne de l'offensive anti-ouvrière.
L'ISOLEMENT SYNDICAL
La bourgeoisie peut tenter de prendre un autre visage. Mais elle ne peut pas céder sur des revendications qui sapent son économie et elle dit clairement, par la bouche du syndicat : plus de revendications économiques. D'AILLEURS, AVEC LES DIFFERENTES "CONCESSIONS" DE LA BOURGEOISIE, LA NEGOCIATION REUSSIE AVEC LES SYNDICATS PREVOIT DE NOUVELLES RESTRICTIONS SUR LA CONSOMMATION DE LA VIANDE ET DU SUCRE.
Or, justement, la classe ouvrière n'accepte toujours pas cette logique: rentable ou non, elle a exigé les samedis. Tant que l'économie peut produire des armes à la tonne, les ouvriers ne voient pas pourquoi ils devraient vivre dans la misère.
Solidarité, comme l'Etat en général, tend à présenter le problème et ses solutions sur le plan de la "distribution" de ce qui est disponible. La classe ouvrière pose le problème du BUT DE LA PRODUCTION ; le point de vue de la classe ouvrière n'est pas de répartir une misère imposée par des besoins qui lui sont étrangers, mais de produire en fonction de ses besoins, et de les satisfaire.
Or, justement, la classe ouvrière, jusqu'à présent a montré plus que de la méfiance vis à vis de la vision syndicale des négociations en bureau fermé par des délégués qui ne sont pas des délégués d'assemblées en lutte. A Bielsko Biala et à Jelenia Gora, elle a à nouveau montré que pour imposer sa volonté, il fallait se réorganiser en comités de grèves centralisés entre les différents secteurs.
De la force qu'ont eu ces réactions de la classe ouvrière en Pologne, c'est l'ensemble de la classe ouvrière mondiale qui doit en tirer la leçon, car ces problèmes ne sont pas "spécifiquement polonais". C'est la condition pour que la classe ouvrière affirme sa force et entrave la régression; c'est la condition pour approfondir la question qu'ont posé les ouvriers en Pologne : celle de la réorientation de la société vers la satisfaction des besoins humains. Elle ne peut se faire à l'échelle de la Pologne, mais à 1'échelle du monde.