Soumis par Internationalisme le
Tout comme l’avait fait le père de l’actuel président des Etats-Unis au moment de la première guerre du golfe, promettant un "nouvel ordre mondial", les grands dirigeants de ce monde, réunis dernièrement à Moscou pour commémorer la capitulation de l’Allemagne, eux aussi, nous annoncent encore et toujours la "paix". Mais tous ces discours ne relèvent que de la propagande et du mensonge !
Les derniers événements violents au Togo, apportent un démenti supplémentaire aux prétendues politiques "de paix" des grandes puissances, en particulier celles qui entretiennent le mythe d’une "Europe pacifique", la France et l'Allemagne.
Il faut se rappeler que l'Allemagne et surtout la France se sont hypocritement présentées comme les chefs de file d'un "camp de la paix" pour s'opposer à la politique américaine lors de la guerre en Irak en 2003, alors qu'elles s'étaient elles-mêmes illustrées comme des fauteurs de guerre tout au long des années 1990. C'est afin de défendre ses propres intérêts aux dépens de la Serbie que l'Allemagne a favorisé l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et provoqué le déclenchement de la guerre dans la poudrière des Balkans en poussant la Slovénie et surtout la Croatie à proclamer leur indépendance en 1991. La France devait pour sa part assumer un rôle tout aussi criminel dans la région en couvrant en toute complicité et sous couvert de l'ONU les massacres et les exactions des troupes serbes à l'encontre de la population bosniaque dans le réduit de Srebrenica en 1993. Sur le continent africain, l'impérialisme français a multiplié des menées criminelles tout au long des années 1990 pour chercher à maintenir son influence déclinante et menacée. Après le génocide du Rwanda en 1994, qui avait fait plus de 500 000 morts, où la responsabilité directe de la France a été engagée via l’opération "Turquoise", les massacres à grande échelle dans laquelle l'impérialisme français a été impliqué, se sont développés dans la région des Grands Lacs, en Côte d'Ivoire, au Soudan et un peu partout en Afrique, comme par exemple en 2003, lorsque 60 000 personnes étaient assassinées en Ituri, sous le regard bienveillant des forces françaises au sein de l’ONU.
Aujourd’hui, plus que jamais, dans le cadre d’un monde sinistré, c’est le continent africain, totalement ravagé par la guerre, qui fait les plus grands frais des rapines et des mœurs de tous les gangsters impérialistes où chacun veut maintenir son influence au prix de chocs militaires de plus en plus violents.
C’est au tour du Togo d’être en proie à une forte désta-bilisation, plongeant la population dans la terreur.
La mort du général président Gnassingbé Eyadema, début février dernier, a été l’événement déclencheur d’affron-tements latents entre cliques bourgeoises togolaises près desquelles se sont exprimées directement les convoitises des puissances impérialistes rivales. Parmi elles, la bourgeoisie française a cherché à masquer ses objectifs politiques. Soutenue par des puissances locales (notamment le Ghana, le Burkina et la Libye), elle s’est aventurée à parrainer le fils du président "ami de la France" défunt pour tenter de renforcer sa présence localement. Ainsi, c’est appuyé par l’armée et par Paris que le jeune putschiste a pu ainsi se maintenir après son coup d’état, grâce au simulacre d’élections « démocratiques », pour tenter de contrer l’opposition et répondre formellement aux exigences de l’UA (Union Africaine) et du CEDEAO (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). La victoire de Faure Gnassingbé, reconnue officiellement par une cour constitutionnelle inféodée, correspond bien à un coup de force dans lequel l’armée a joué un rôle central : c’est elle qui a tenu les bureaux de vote et embarqué les urnes à la clôture des bureaux ! Et ce sont ces pratiques, assorties préalablement de pressions sanglantes sur les opposants, que la France a couvert en totalité de son autorité pour imposer son soutien « amical » au nouveau président fraîchement élu et très contesté dans le pays. Une configuration politique qui place néanmoins la bourgeoisie française dans une situation délicate pour résister à ses rivaux.
L’opposition, quant à elle, dont la coalition animée par Akitani Bob avait refusé les résultats des élections gagnées par son adversaire, fait l’objet d’une fermentation politique où les grenouillages ne masquent plus les appuis de l’impérialisme allemand. Si ce dernier a toujours affiché un soutien quasi-officiel à l’opposition Togolaise depuis une quinzaine d’années, c’est de façon maintenant beaucoup plus ouverte en effet qu’il tente désormais d’avancer ses pions. Aujourd’hui, la confrontation est montée d’un cran entre les deux puissances impérialistes que sont la France et l’Allemagne. En fait, le Togo est une des anciennes colonies de l’Allemagne. C’est à partir de 1884 que Gustav Nachtigal, qui avait été nommé consul à Tunis quelques années avant, établit un protectorat allemand sur le Togo, dont les limites seront fixées en 1899. A la suite, les tensions entre les puissances coloniales vont augmenter et s’exacerber. Après la Première Guerre mondiale, c’est le traité de Versailles qui va déclarer que l’Allemagne était « indigne » de posséder des colonies, ce qui va permettre aux vainqueurs français et anglais de s’en emparer. Pour masquer la nouvelle conquête, sous l’autorité de la SDN (1), la France recevra mandat de la plus grande partie du Togo et de celle du Cameroun. Sous mandat de l’ONU en 1946, le Togo deviendra formellement indépendant en 1960, restant dans le "pré carré" de la France, puissance du bloc impérialiste occidental chargée durant la guerre froide du rôle de gendarme en Afrique contre les menées du bloc militaire soviétique. Durant cette période même, comme elle le montre à nouveau de façon plus marquée aujourd’hui, l’Allemagne n’a jamais renoncé à ses prétentions sur le Togo. C’est ce qu’illustre, parmi de nombreux autres exemples, les faits rapportés ici : « Sylvanus Olympio, le premier président du Togo, réputé pro-allemand, invite démonstrativement le Duc Adolph Friedrich zu Mecklenburg, le dernier gouverneur allemand du pays, aux célébrations de l’indépendance en avril 1960. Lorsque trois années plus tard, Olympio projeta de remplacer la monnaie togolaise -le franc CFA- par une nouvelle monnaie orientée sur le deutschemark, il fut assassiné. Dans cette action est impliqué le futur président togolais, Gnassingbé Eyadéma, un ex-officier de la Légion étrangère française. Le camp vassal francophone emportait ainsi provisoirement la décision dans cette lutte d’influence » (2). Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement allemand, qui n’a eut de cesse de solliciter et d’intervenir auprès de l’opposition, le fasse plus librement aujourd’hui, sans les contraintes des blocs militaires : « En avril 2000, le ministre d’Etat aux Affaires étrangères, Ludger Volmer [estampillé "vert"] reçoit le dirigeant de l’opposition togolais Yawovi Agboyibo qui avait été auparavant libéré de prison sous la pression de l’Allemagne » (2) Actuellement, les faveurs de Berlin vont aussi vers « le dirigeant le plus marquant de l’opposition (…) Gilchrist Olympio, un fils du président Sylvanus Olympio assassiné en 1963. » ! (2)
La prise de position de Berlin et sa politique raniment ainsi les luttes pour l’hégémonie au Togo et dans les pays de l’ouest africain. En retour, ce n’est pas un hasard si l’ambassade d’Allemagne est la cible d’attaques et que l’ancien ministre de l’intérieur, François Esso Boko, qui avait dénoncé le processus électoral, se soit réfugié dans ses locaux. De même, ce n’est pas un hasard non plus si un centre culturel allemand, l’institut Goethe, a été détruit et incendié par des militaires cagoulés et que l’Allemagne ait été obligée de rapatrier ses ressortissants.
Dans ce bras de fer, bien évidemment, les deux ex-puissances coloniales que sont la France et l’Allemagne ne sont pas les seuls protagonistes à grenouiller. Au premier chef, les Etats-Unis, qui ont du faire face au refus de l’assemblée nationale togolaise de toute aide à propos d’une formation pour la tenue des bureaux de votes, se sont empressés de faire pression appelant à « un gouvernement d’union nationale au Togo » ; afin de tenter d’imposer leur autorité impérialiste, tant sur les « vainqueurs » que sur les « vaincus » de ces élections. Plus discrètement et compte tenu du caractère composite de l’opposition, il est certain que l’impérialisme britannique est aussi à l’œuvre dans un Togo perçu comme « une enclave francophone au cœur de l’Afrique occidentale anglophone » (3).
Les premières violences des luttes de cliques, la répression et les poussées impérialistes ont déjà à l’actif le massacre officiel de plus d’une centaine de personnes. A cela, il faut ajouter les milliers de Togolais qui fuient de façon éperdue vers les frontières et le Bénin voisin. L'échec récent de la conférence d'Abuja, "arbitrée" par d'autres Etats africains est venu confirmer l'impasse et le caractère explosif de la situation.
Le regain des tensions impérialistes entre la France et l'Allemagne au Togo par fractions locales interposées, apporte un cinglant démenti à la propagande vantant le couple franco-allemand comme un facteur de paix et de stabilité pour l'Europe et pour le monde.
La réalité se charge de démontrer non seulement qu'il n'y a pas de paix possible dans le capitalisme mais que la défense des intérêts impérialistes de chaque Etat est un puissant accélérateur de chaos et d'instabilité qui entraîne les populations vers de nouveaux massacres dans des zones de plus en plus étendues du monde.
WH / 25.05.05
(1) Société des Nations, ancêtre de l’ONU, qualifiée à juste titre de "repaire de brigands" par Lénine.
(2) Extraits de l’article "Hegemonialkämpfe in Afrika" du 3 mars- sur germanforeignpolicy.com.
(3) A. Chauprade, Géopolitique, coll. Ellipses p. 125.