Soumis par ICConline le
Nous publions ci-dessous la traduction d'un article réalisé par Internationalism, organe de presse du CCI aux Etats-Unis.
Depuis l'écriture de ce texte, les syndicats et les patrons de Verizon, un des plus importants opérateurs de téléphonie des Etats-Unis, ont décidé de rouvrir les négociations et la grève a pris fin (peu avant la période de deux semaines après laquelle les travailleurs avaient droit à une indemnité de grève !). Cet article a été distribué sur les piquets de grève par nos camarades aux Etats-Unis, qui ont eu de nombreuses discussions avec eux.
Pour la première fois en onze ans, 45 000 travailleurs de Verizon sur la côte Atlantique ont renoué avec la lutte des classes, ayant courageusement refusé de se soumettre à la logique des patrons qui consiste à faire payer à la classe ouvrière la crise économique du capitalisme ! Nos exploiteurs disent que nous devrions nous sacrifier pour permettre à l'économie de repartir, ou pour soutenir la rentabilité d'une entreprise afin de sauvegarder les emplois. Mais le dernier assaut draconien sur les prestations de retraites est une preuve que plus les travailleurs renoncent, plus ils retardent leur réponse aux attaques des patrons, plus hardie et brutale sera la prochaine série d'attaques. Cela est évident chez Verizon Wireline (spécialisé dans les mobiles) qui considère sans humanité les ouvriers fabriquant encore des câbles téléphoniques jugés comme 'obsolètes'. Lorsque les sacrifices déjà réalisés ne sont plus suffisants pour satisfaire la faim insatiable de profit, les patrons disposent simplement de nous, comme si nous étions de simples marchandises. Contrairement à ce que raconte la classe dirigeante, les sacrifices qu'ils nous demandent n'ouvre pas la voie à un avenir meilleur. La vérité est que le seul avenir que le système capitaliste a à offrir est celui de la disparition des pensions, des prestations sociales, des salaires gelés, d'une augmentation du chômage et des attaques sauvages sur nos conditions de vie en tant que travailleurs.
Lorsque les syndicats CWA et l'IBEW ont mis en avant que Verizon ne devrait pas, à l'heure actuelle, demander aux ouvriers des concessions importantes par rapport aux soins de santé, aux pensions, aux congés de maladie ou d'invalidité, etc., parce que la compagnie avait estimée à 6 milliards de $ le profit de l'entreprise pour le reste de l'année ( elle a fait 9.6 milliards de $ de bénéfices dans la première période), ils ont vraiment caché la gravité de la crise économique capitaliste. En agissant ainsi, ils ont consciemment affaibli la capacité des travailleurs à affronter les attaques avec une idée claire des perspectives à venir. La gravité de la crise économique et la réalité de la concurrence imposent effectivement que chaque entreprise demande toujours plus de concessions, aujourd'hui comme demain. Comme les entreprises perdent leur avantage concurrentiel à cause des ravages de la crise économique capitaliste, leurs opérations perdent leur rentabilité. Face à la concurrence, les entreprises doivent moderniser leur technologie ou se retirer des affaires. Verizon, comme toutes les autres sociétés capitalistes, l'avait fait avec les sacrifices imposés à ses travailleurs, par rapport aux retraites, aux soins de santé et aux prestations sociales, la plupart négociés à l'époque de la grève de 2000. Pour illustrer comment, en cette période de décadence capitaliste, aggravée par la crise économique actuelle, les syndicats travaillent main dans la main avec les patrons pour négocier un accord en faveur de ces derniers, démoraliser les travailleurs et pour mieux affaiblir leur combativité dans les luttes à venir, nous devons nous rappeler ce que la CWA et la FIOE ont fait en 2000. A cette époque, lorsque 86 000 travailleurs de Verizon étaient entrés en grève par rapport à leurs prestations sociales et à leurs salaires, les syndicats CWA et FIOE avaient d'abord séparé les grévistes en deux groupes, puis, ils ont négocié deux contrats distincts, chacun des deux cédant aux exigences de la direction, avec pour résultat que même le Financial Times avait salué le nouveau contrat parce qu'il faisait gagner Verizon en compétitivité en favorisant le développement du marché de la téléphonie sans fil. L'une des clauses les plus notoires de ce contrat permettait à Verizon de transférer chaque année 800 travailleurs du réseau de téléphonie fixe au secteur du sans fil, où les travailleurs travaillaient déjà sans forfait de retraite. Le contrat n'a rien fait non plus pour satisfaire les griefs des travailleurs concernant les heures supplémentaires imposées. Les syndicats jouent, dans les négociations, le rôle d'un courtier qui favorise toujours les patrons, et ils piègent nos luttes en nous enfermant dans les directives strictes fixées dans le cahier des charges des règles syndicales : pas de réunions massives, aucune tentative pour organiser ou étendre la grève. En fait, l'actuel appel au vote de la grève par la CWA n'a pas été lancé pour répondre à l'attaque projetée, mais seulement parce que l'entreprise ne négociait pas avec 'bonne foi.'
Les syndicats CWA et IBEW mettent en avant l'idée des patrons selon laquelle une grève n'est légitime que lorsqu'une entreprise n'est pas en faillite et que si celle-ci est en difficulté, les ouvriers doivent en quelque sorte 'couler avec le navire'. Le gouvernement et les syndicats tiennent le même discours aux travailleurs du secteur public : les sacrifices sont inévitables parce que les Etats sont en faillite. Du point de vue de la classe ouvrière, cependant, il est clair que les intérêts des patrons, impulsés par le profit, sont en conflit ouvert avec les intérêts des travailleurs, poussés par la nécessité de la sauvegarde de leurs moyens de subsistance.
Donc, si les syndicats sont le faire-valoir des patrons, quelles sont les perspectives pour la grève actuelle ? Les travailleurs de Verizon ne devraient avoir aucune illusion sur le fait qu'ils gagneront ce combat en se laissant conduire par le syndicat. Mais ce que les travailleurs peuvent faire est de l'utiliser comme un moyen pour se réunir et discuter sur la façon de rendre le mouvement plus efficace et généralisé. Il est clair que les autres travailleurs sont favorables à la grève de Verizon, mais pour vraiment gagner, les travailleurs ont besoin d'étendre la grève et d'en faire vraiment un mouvement qui interpelle l'ensemble de la classe ouvrière. Un exemple de base de cela est le piquet de grève. D'un point de vue historique, quand les ouvriers sont en grève, ils encerclent les lieux de travail pour empêcher les travailleurs de remplacement d'entrer ou de sortir, et pour appeler les travailleurs embauchés pour les remplacer à ne pas prendre leurs emplois. Aujourd'hui, le piquet de grève est isolé derrière une clôture d'où les ouvriers ne peuvent que crier après les « jaunes ». Les travailleurs ont besoin de discuter des moyens de lutte, de comment ils peuvent utiliser les piquets de grève de façon créative pour les rendre efficace et encourager la solidarité. Les travailleurs syndiqués devraient essayer de convaincre les travailleurs non syndiqués de la nécessité de la grève. Ils devraient les arrêter et parler avec eux en expliquant les raisons de la grève, en répandant l'idée que c'est seulement grâce à l'unité la plus large des travailleurs que l'on peut résister aux attaques des patrons. Des piquets volants pourraient être créés pour aller parler avec les travailleurs dans les magasins de téléphonie mobile de Verizon (qui travaillent déjà avec des très pauvres allocations et presque pas de retraite), pendant les pauses déjeuner, pour discuter avec eux de leurs revendications, de ce qu'on peut faire pour les intégrer à la lutte, et pour souligner que la grève actuelle concerne aussi la protection de leurs propres intérêts, ce qui pourrait inciter plus de travailleurs à se défendre eux-mêmes, à travers le pays et à travers le monde. De cette façon, même si les patrons sortent vainqueurs de cette grève particulière (ce qui est vraisemblable si les ouvriers suivent les syndicats et leur laissent les mains libres), les travailleurs auront gagné de l'expérience et de la confiance en soi, ingrédients nécessaires pour mener les luttes à venir que la crise capitaliste va inévitablement les forcer à mener.
Dans le contexte de la crise économique la plus profonde du capitalisme, avec le risque de perdre son emploi ou de subir des conditions de travail encore pires, la lutte des travailleurs de Verizon est une lueur d'espoir pour toute la classe ouvrière. Mais les travailleurs, dans tous les secteurs, et dans tous les pays sont en difficulté à cause des attaques sur leurs conditions de vie et de travail. Coupes accrues par rapport aux soins de santé, licenciements, gels des salaires, chômage endémique et exploitation accrue au travail ont cours depuis déjà longtemps, et ne font que s'aggraver. Face à cela, la classe ouvrière est à la recherche de moyens pour résister. Les travailleurs, les étudiants et les chômeurs de tous les Etats-Unis comme du monde entier cherchent des moyens pour exprimer leurs revendications. En ce sens, la grève actuelle des travailleurs de Verizon est en continuité avec les grèves et les manifs d'étudiants en Californie d'il y a seulement un an, avec la grève des infirmières des hôpitaux de Philadelphie et de Minneapolis, avec la grève des ouvriers de Mott, avec celle des dockers de la côte Est, à l'automne dernier, et les manifestations dans le secteur public, à Madison, dans le Wisconsin, et aussi au niveau international avec la vague de révoltes qui a balayé l'Afrique du Nord et le Moyen Orient, qui résonne maintenant à travers la Grèce et l'Espagne. Mais ce n'est que lorsque les travailleurs seront en mesure de prendre leur lutte dans leurs propres mains, et qu'ils les arracheront des mains des syndicats, que leur résistance deviendra vraiment efficace.
Internationalism (août 2011)