Soumis par ICConline le
Nous publions ci-dessous un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
Le mois dernier, lorsque le prolétariat et les masses d’une grande partie du Maghreb et du Proche-Orient ont commencé à se soulever contre leurs dirigeants capitalistes, une manifestation a été appelée à marcher à Gaza derrière les drapeaux du Fatah pour protester contre le fait que l’Autorité palestinienne a été quelque peu insultée par des révélations la qualifiant de « troisième arme de la sécurité israélienne » (dixit le coordinateur américain pour la sécurité pour Israël et la Palestine, le général Keith Dayton). Or, comme le disait World Revolution il y a quelque temps, en décembre 2004 pour être précis, « alors que l’OLP était à l’origine un agent du bloc russe, l’Autorité palestinienne a été essentiellement créée pour agir en tant que force auxiliaire de répression pour le compte de l’armée israélienne. »
Le rôle de l’Autorité palestinienne, défenseur des intérêts impérialistes des Etats-Unis, de l’Angleterre et de l’Union européenne et par conséquent soutenue par eux, a été mis à nu par les 1600 documents qui ont fui vers Al-Jazeera et ont été publiés par le Guardian depuis la fin janvier. Ces documents, dont certains ont été rédigés afin de protéger leurs sources, ont été authentifiés par le journal et confirmés par les récents mails révélés par Wikileaks en provenance du consulat américain à Jerusalem et l’ambassade des Etats-Unis à Tel Aviv. Ils racontent l’histoire des gangsters totalement corrompus de l’Autorité, mis en place par les parrains américains, anglais et égyptiens, mendiant à leurs maîtres israéliens une « feuille de vigne » leur permettant de leur offrir une certaine crédibilité.
Les documents détaillent par le menu le complet mensonge et la comédie de tout le « processus de paix », une pantalonnade jouée maintenant depuis deux décennies alors même que les masses palestiniennes sont passées par tous les stades d’une misère humiliante, de la répression et de la guerre. Voilà la nature de la « paix capitaliste ». Le processus de paix au Proche-Orient n’a jamais été autre chose qu’une expression de l’impérialisme impliquant toutes les principales puissances et tous les gangsters locaux de la région. Entre autres choses, la nature anti-ouvrière de la libération nationale, ici la chimère d’un État palestinien, apparaît non seulement sous la forme d’un rêve pour les Palestiniens, mais aussi comme une attaque idéologique contre la classe ouvrière partout dans le monde.
Quoi qu’il advienne, les documents montrent que seul un très petit nombre de réfugiés pourront retourner dans les maisons dont ils ont été chassés, et dont ils continuent à être chassés au nom des intérêts du Grand Israël et des intérêts plus larges des impérialismes américain et anglais. Ils présentent une suggestion pas si étrange que ça de la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, il y a quelques années, faisant écho à des visions de l’après-Seconde guerre mondiale, lorsqu’il avait été demandé aux Juifs de s’installer dans des marais infestés de maladies en Amérique latine, et qui demandait si les Palestiniens ne pouvaient pas être déplacés vers des pays comme « le Chili, l’Argentine, etc. ». La juriste, ex-agent du Mossad et actuelle ministre des affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, qui « négocie » avec l’Autorité palestinienne, a dit : « Je suis contre la loi, la loi internationale en particulier ». Le fait qu’il n’y ait pas de processus de paix, que l’impérialisme ne reconnaisse aucune loi, qu’elle soit internationale ou autre, est particulièrement mis en lumière par le fait que le juriste Tony Blair soit rémunéré en tant qu’« envoyé du quartet pour la paix au Proche-Orient » ! Il y a bien une loi à l’œuvre ici, mais c’est la loi de la jungle, et le chef négociateur de l’Autorité palestinienne, Saeb Erekat, l’a parfaitement résumé : « nous avons dû tuer des Palestiniens… Nous avons même tué notre propre peuple pour maintenir l’ordre et la loi ». En plus de cela, et pour confirmer la nature de gangsters des acteurs de l’actuel « processus de paix », il y a la stupéfiante révélation qu’au cours d’une rencontre en 2005 entre le ministre de l’Intérieur de l’Autorité palestinienne, Nasser Youssef, et le ministre de la Défense israélien, Shaul Mofaz, ce dernier a posé à Youssef cette question concernant un commandant des Brigade des Martyrs d’Al-Aqsa soupçonné de préparer un attentat en Israël : « Vous connaissez son adresse… Pourquoi ne le tuez-vous pas ?» Les documents montrent le rôle de la Grande-Bretagne dans la constitution d’une force de sécurité de contacts « sûrs » de l’Autorité palestinienne dans les opérations clandestines en lien direct avec les services secrets israéliens. L’actuel directeur du MI6, mis en place par le gouvernement travailliste, a été lui-même ambassadeur britannique en Egypte au début des années 2000.
L’ordre capitaliste, sa loi, c’est la torture et le meurtre. D’autres documents montrent qu’en réponse à la proposition de l’Autorité palestinienne de reconnaître toutes les implantations israéliennes en terre palestinienne, une offre immédiatement rejetée par les Israéliens, ces derniers ont proposé que les Palestiniens vivant en Israël soient en quelque sorte « échangés », autrement dit déplacés vers l’emprise de l’Autorité palestinienne. Livni est très claire sur la politique à long terme d’Israël qui est de s’emparer de « …toujours plus de territoires, jour après jour… » afin de créer « un fait accompli par le sol ».
L’Autorité palestinienne, elle-même gangrenée par la corruption et les rivalités manipulées par la CIA, le MI6 et les services secrets israéliens et égyptiens, a été ainsi avertie à l’avance de l’invasion israélienne de Gaza en 2008/2009.
Mieux, comme le notait le Guardian : « Les dépêches mettent en lumière l’implication profonde et officielle des Britanniques dans la mise sur pied de l’appareil de sécurité de l’Autorité palestinienne dans les Territoires ». Ils montrent ainsi que le MI6 a concocté son propre plan de sécurité pour la Palestine, de concert avec les services secrets égyptiens à l’ambassade britannique au Caire. Ce plan a utilisé des fonds pour l’aide au « développement » de l’Union Européenne et de la Grande-Bretagne afin d’enrôler ces forces. Il est cependant quelque peu douteux que la Grande-Bretagne ait également fourni armes et entraînement. Ces forces ont été chaleureusement accueillies par les Israéliens et les Américains, mais « elles causent quelques problèmes… parce qu’elles torturent les gens » (déclaration du général K. Dayton).
Rien de tout cela ne nous amène à accorder la moindre crédibilité au Hamas, lui-même co-négociateur avec les services secrets israéliens lorsque le besoin s’en fait sentir, constituant lui aussi une force répressive et un nid de tortionnaires dans sa propre enclave. Son rôle impérialiste est très clair quand on sait qu’il est soutenu par l’Iran et la Syrie.
Tout le processus des « partenaires pour la paix » n’a pas été seulement une cruelle plaisanterie pour les masses palestiniennes, ainsi qu’une défense de l’impérialisme, il a également constitué une vaste attaque idéologique menée contre la classe ouvrière partout dans le monde. Mais les événements font bouger les choses et la manifestation pro-palestinienne, pro-Fatah que nous avons déjà rappelée n’a pas été la seule qui ait eu lieu en janvier. C’est Human Rights Watch qui le rapporte : « le 20 janvier, un groupe de jeunes de Ramallah qui voulaient manifester leur soutien aux Tunisiens en ont été empêchés par la police de l’Autorité palestinienne. » Une semaine à peu près plus tard, la même source ajoute : « Dans la bande de Gaza, les autorités du Hamas ont empêché les manifestations qui voulaient exprimer leur solidarité avec les manifestants anti-gouvernementaux d’Egypte. » La police du Hamas a arrêté trois femmes et, dans une démonstration de force disproportionnée, a menacé tous ceux qui voulaient manifester1. Nous voyons clairement ici l’unité d’intérêts de tous ces gangs bourgeois : l’Autorité palestinienne, le Hamas, les États d’Israël et d’Egypte, en réprimant les manifestations, répriment aussi leurs opposants et défendent « leurs » territoires. C’est là une leçon bien connue de la Commune de Paris, de la Révolution russe, de l’Italie et de la France après la Seconde Guerre mondiale et de la Pologne en 1980, tous ces événements étant exemplaires de la capacité des forces impérialistes à mettre leurs antagonismes sous le boisseau dès lors qu’il s’agit d’affronter la menace de la lutte de classe. Fin janvier, cela a été mis en évidence par le fait que les Etats-Unis, avec l’accord d’Israël, ont facilité l’envoi de forces spéciales égyptiennes à travers le Sinaï démilitarisé afin de réprimer les soulèvements aux alentours de Rafah et de renforcer la frontière avec Gaza ; dans ce cas, Etats-Unis, Hamas, Fatah, Israël et Egypte ont coordonné en parfaite harmonie leurs forces de répression, permettant le maintien de la frontière et de l’ordre capitaliste. Cette « trêve » ne durera que tant qu’ils sont tous préoccupés par une possible généralisation des manifestations ; lorsqu’ils en seront venus à bout, ils retourneront à leurs rivalités et affrontements habituels.
Baboon (03 février)
1 Il y a également eu de petites manifestations de soutien aux masses tunisiennes et égyptiennes au nord de Tel-Aviv.