LCR-CNT : La lutte de classe ne passe ni par les émeutes ni par le bulletin de vote

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Les émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises au cours des mois d’octobre-novembre 2005, ont été pour le moins spectaculaires. Les mots "d’insurrection" et de "guerre civile" ont même fait leur apparition ici ou là. Finalement, l’idée du "quand ça brûle c’est bon signe", parce que cela serait une preuve tangible d’une authentique contestation sociale, a bel et bien traversé tout ce chaos. Mais le plus significatif, c’est que cette idée a été officiellement appuyée et relayée par voie de communiqués par des organisations du milieu anarchiste, telles la CNT-AIT qui, en plein milieu des événements a clairement laissé entendre que "dans une situation de crise, de misère économique et sociale, d’oppression étatique, qui nous excède tous, les jeunes qui se sont révoltés peuvent être l’étincelle pour une remise en question plus globale de cette société fondamentalement injuste". Ce que l’on retrouve encore dans un texte du bureau confédéral de la CNT, en date du 13 novembre, où il est dit que "cette implosion de violence est l’expression d’un affrontement contre un système capitaliste qui les marginalise."

La CNT-AIT fait l'apologie des émeutes…

En somme, il s’agit de faire des jeunes émeutiers "des insurgés" dont la violence serait le retour de flamme nécessaire pour faire sauter le couvercle de la marmite capitaliste. Comme si les fumées s’échappant des carcasses des bagnoles calcinées emportaient avec elles l’odeur d’un soulèvement populaire. Tout cela n’est ni gratuit ni fortuit mais vise un objectif bien précis, celui d’émasculer la classe ouvrière, réduire à néant son identité révolutionnaire en mettant un grand coup de gomme sur la lutte de classe pour lui substituer l’exemple de l’émeute aveugle et sans espoir.

Pourtant, c’est cette colère désespérée des jeunes de banlieues que la CNT-AIT monte en épingle pour en faire le nec plus ultra de la lutte contre le capitalisme. Pourquoi ? Parce qu’ainsi, elle peut jeter un voile sur la seule colère et la seule révolte capable de menacer l’ordre établi, à savoir celle qui émane de la classe ouvrière. En effet, celle-ci est autrement plus dangereuse pour la classe dominante parce qu’elle porte un avenir, la possibilité d’en finir avec la misère et la barbarie, la possibilité d’un autre monde, la perspective d’une société communiste qui est inscrite au plus profond de ses luttes, même les plus immédiates.

De plus, tout ce discours "radical" ne sert qu’à renvoyer à la classe ouvrière une image bien peu reluisante d’elle-même puisque l’acte révolutionnaire (qui est au cœur de son identité) est amalgamé ici avec la mise à sac, les déprédations, la folie suicidaire de jeunes sans avenir. En effet, la CNT-AIT applaudit les émeutiers qui brûlent les voitures de leurs parents et voisins, bien qu'elles soient des éléments indispensables de leurs conditions de travail et de survie dans les cités.

… la LCR défend la voie démocratique !

Comment redonner l’espoir à tout ces jeunes de cité ? Comment comprendre et quelle solution apporter au chômage massif, à la grande pauvreté qui frappe de plein fouet les banlieues populaires ? Evidemment, il n’est pas question pour la classe dominante de laisser entrevoir, ne serait ce qu’une fraction de seconde, la perspective que porte le prolétariat et ses luttes. Alors, pour bien couvrir le terrain et cadenasser tout effort de réflexion, elle ne s’est pas privée tout au long des événements, et encore aujourd’hui, de proposer une autre impasse, celle de la mobilisation sur le terrain électoral et démocratique.

C’est de cette façon que la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) se retrouve en première ligne pour faire bruyamment la promotion de ce terrain totalement pourri. Ici, il est question , dans un premier temps, de dédouaner le capitalisme de toute responsabilité face à la misère croissante en mettant en accusation une simple dérive du système, celle du libéralisme et de ses "méchants patrons" "sans foi ni loi", pour proposer de la contrecarrer à grand coup de mobilisations citoyennes et de réformes démocratiques. "Pour la LCR, le gouvernement est totalement responsable de la situation dégradée que connaissent les quartiers populaires… les jeunes et les populations des quartiers doivent, non pas s’opposer, mais trouver le chemin de la solidarité. La mobilisation populaire contre le gouvernement est indispensable pour […] stopper les réformes libérales." "La LCR en appelle à la population, aux jeunes, aux forces de gauche et démocratiques à ne pas se laisser diviser et à réagir, ensemble pour défendre leur exigence de justice ; d’égalité des droits et de dignité, et combattre les politiques libérales" (communiqués de la LCR du 7/11/05).

Ainsi, en même temps qu’elle se donne des faux airs de radicalité, de manière à flatter démagogiquement "les jeunes de banlieue", quitte à les inciter à aller au casse-pipe et à s'affronter aux forces de police comme lors de son appel "à braver le couvre-feu là où il serait instauré" le 9 novembre, la LCR renvoie, au bout du compte, tout le monde dans le marécage des initiatives citoyennes.

C'est d'abord en les poussant vers les isoloirs qu'Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, compte "recréer de la solidarité et de l’espoir dans la jeunesse". C'est d’ailleurs toute la propagande que distille actuellement le collectif "Devoirs de mémoires" dans son appel publié le 8 décembre dans le Nouvel Observateur et qui commence par une nauséabonde évocation du cri du chant patriotique national : "Allons jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s’inscrire sur les listes électorales est arrivé". Ce collectif, créé il y a un an par le rappeur Joey Starr, quelques autres vedettes du spectavle et… (faut-il s’en étonner ?) Olivier Besancenot, nous martèle que pour changer les choses, pour "construire l’avenir", il faut "s’inscrire" pour aller voter : "Chacun de nous est une voix, chacun de nous a des droits sur les choix sociaux, économiques, culturels et politiques, faisons-les valoir". En résumé, la LCR et son collectif nous incitent à tirer la conclusion que, pour changer la société, l’avenir, ce n’est pas la lutte de classe mais le bulletin de vote. Autrement dit, les "solutions concrètes" résident dans l’effort pour rendre le capitalisme plus juste, plus humain, plus démocratique mais surtout il s'agit de ne pas remettre en cause les fondements et l'existence-même de ce système. Quand ce collectif déclare dans son appel, "la démocratie n’attend que nous", il ne s'adresse aux ouvriers que pour les détourner de leur terrain de classe.

Tous ceux qui voudraient faire croire que les prolétaires n'ont pas d'autre choix que les émeutes ou le bulletin de vote ne font qu'agir dans le sens des intérêts de la bourgeoisie, en tentant de priver la classe ouvrière de tout moyen d'action et de stériliser toute réflexion en son sein sur la nécessité d'en finir avec ce monde incapable d'offrir la moindre perspective d'avenir. Ces organisations sous leur masque radical ne font en définitive que participer au sale travail de sape de l'identité de classe des prolétaires.

Azel (10 décembre)

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