Deux cent deux morts et
plus de mille cinq cent blessés à ce jour, quatre trains détruits, des corps
humains tellement déchiquetés qu'ils ne pourront être identifiés que par leur
ADN, tel est pour l'instant le terrifiant bilan de l'attentat terroriste baptisé
" train de la mort " qui a violemment secoué la matinée du 11 mars à
Madrid.
Comme le 11 septembre, le 11 mars est une date importante dans l'histoire des
massacres terroristes. Non seulement c'est le plus grand massacre subi par la
population espagnole depuis la guerre civile de 1936-39, mais c'est aussi
l'attentat terroriste le plus meurtrier en Europe depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale.
La bourgeoisie déverse aujourd'hui cyniquement des torrents de larmes de
crocodile sur les victimes, elle proclame trois jours de deuil national en
Espagne, elle inonde les médias vingt-quatre heures par jour d'informations
spéciales, elle accumule les minutes et les minutes de silence, elle convoque
des manifestations contre le terrorisme, etc. Pour notre part, comme nous
l'avions déjà fait le 11 septembre, nous nions tout droit à la bourgeoisie
hypocrite et à ses médias aux ordres de pleurnicher sur les ouvriers assassinés,
car "la classe dominante capitaliste est déjà responsable de trop de
massacres et de tueries : l'effroyable boucherie de la Première Guerre mondiale
; celle encore plus abominable de la Seconde, où pour la première fois les
populations civiles furent les principales cibles. Rappelons-nous ce dont la
bourgeoisie s'est montrée capable : les bombardements de Londres, de Dresde et
de Hambourg, d'Hiroshima et de Nagasaki, les millions de morts dans les camps
de concentration nazis et dans les goulags… Rappelons-nous l'enfer des
bombardements des populations civiles et de l'armée irakienne en fuite pendant
la guerre du Golfe en 1991 et de ses centaines de milliers de morts.
Rappelons-nous les tueries quotidiennes, et qui continuent encore, en
Tchétchénie, perpétrées avec toute la complicité des Etats démocratiques
d'occident. Rappelons-nous la complicité des Etats belge, français et américain
dans la guerre civile en Algérie, les pogroms horribles du Rwanda… Rappelons
enfin que la population afghane, aujourd'hui terrorisée par la menace des
bombardiers américains, a subi vingt années de guerre ininterrompue (…) Ce ne
sont là que des exemples, parmi tant d'autres, des basses œuvres d'un
capitalisme aux prises avec une crise économique sans issue, aux prises avec sa
décadence irrémédiable. Un capitalisme aux abois". Loin de s'affaiblir,
cette barbarie que nous décrivions par ces lignes dans la Revue internationale
n° 107 en octobre 2001 n'a fait que croître, ajoutant à la sinistre liste de
nouveaux jalons horribles comme la seconde guerre en Irak, les incessant
massacres du Moyen-Orient, les tueries récentes en Haïti ou les attentats
terroristes à Bali, Casablanca, Moscou, etc. Il nous faut maintenant ajouter à
cette liste la gare d'Atocha à Madrid.
Les attentats du 11 mars ne sont pas une attaque "contre la civilisation", mais l'expression même de ce qu'est réellement cette "civilisation" de la bourgeoisie : un système d'exploitation qui suinte la
misère, la guerre et la destruction par tous ses pores. Un système qui n'a
d'autre perspective à offrir à l'humanité que celle de la barbarie et de
l'anéantissement. Le terrorisme n'est pas un sous-produit, un enfant bâtard du
capitalisme que celui-ci voudrait ignorer, il est au contraire le produit
organique du capitalisme, son enfant légitime comme l'est aussi la guerre
impérialiste ; et au fur et à mesure que le capitalisme s'enfonce
irrémédiablement dans la phase ultime de sa décadence, celle de la
décomposition, le terrorisme devient toujours plus sauvage et irrationnel.
Une des caractéristique de la décadence du capitalisme consiste en ce que la guerre impérialiste devient le mode de vie permanent de ce système, avec comme conséquence que "ces classes [petites bourgeoises] perdent complètement leur indépendance et ne servent que de masse de manœuvre et d'appui aux affrontements que se livrent les différentes fractions de la classe dominante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières nationales" (Revue internationale n° 14, "Terreur, terrorisme et violence de classe", 1978). Des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution du terrorisme confirme pleinement cette caractéristique d'instrument utilisé par les diverses fractions de la bourgeoisie nationale ou par chaque impérialisme dans leur lutte contre les rivaux internes ou sur l'arène impérialiste. Le terrorisme est ainsi un enfant chéri du capitalisme, soigneusement nourri au sang par les uns ou les autres. Terrorisme et conflits impérialistes ont été, sont et seront toujours davantage de sanglants synonymes. Au cours des années 1960-70, la bourgeoisie n'avait pas hésité une seconde à utiliser l'assassinat " sélectif " de dirigeants politiques pour régler ses "affaires internes". Souvenons-nous que la bombe qui projeta Carrero Blanco (premier ministre espagnol du régime franquiste) aux cieux et du même coup l'ETA aux sommets du terrorisme fut utilisée par la classe dominante pour accélérer le changement de régime politique en Espagne. La bourgeoisie ne rechigna pas non plus à utiliser le terrorisme comme moyen pour déstabiliser le Moyen-Orient en assassinant le président égyptien Sadate en 1981 ou l'Israélien Itzhak Rabin en 1995. Quand il s'agit de défendre ses intérêts contre des fractions nationales rivales ou contre des impérialismes rivaux, la bourgeoisie n'éprouve aucun scrupule à provoquer des massacres aveugles parmi les populations civiles. Pour ne donner qu'un exemple, ce fut le cas en août 1980 en Italie dans l'affaire de l'attentat de la gare de Bologne, qui fit 80 morts et fut pendant longtemps attribué aux Brigades rouges mais qui, en réalité, avait été perpétré par les services secrets italiens et le réseau Gladio, installé par les Etats-Unis dans toute l'Europe pour contrecarrer l'influence de l'impérialisme russe rival. Durant toute cette période, le terrorisme a été toujours plus au service des conflits impérialistes dans le cadre de la confrontation entre les deux superpuissances.
La tendance au chaos généralisé détermine les affrontements impérialistes
depuis la fin des années 1980, période durant laquelle le capitalisme est entré
dans sa phase de décomposition[1] [1]. Le
cadre constitué par l'affrontement entre blocs impérialistes, mis en place
après la Seconde Guerre mondiale, laisse la place au règne du "chacun
pour soi"[2] [2]. Le terrorisme dans ce
contexte devient toujours plus une arme entre les mains des puissances, y
compris dans les guerres elles-mêmes où les armées en présence utilisent
toujours plus dans leurs exploits guerriers les méthodes terroristes comme les
bombardements d'hôpitaux et d'écoles comme on a pu le voir récemment encore
dans la guerre en Irak. La décomposition du capitalisme marque de son sceau les
attentats terroristes mêmes : les "machines infernales" cherchent de
moins en moins des " objectifs militaires ou politiques " et
s'attaquent directement à la population civile sans défense. L'horrible chaîne
de ces attentats avait été inaugurée par les bombes qui tuèrent aveuglément
dans les rues de Paris en septembre 1987, elle a connu une sorte de paroxysme
avec les deux avions remplis de passagers qui ont percuté et détruit les Tours
jumelles "abritant" des milliers de personnes, mais elle a continué
avec les morts de Bali et de Casablanca, de Moscou tout récemment encore, etc.,
pour s'acharner maintenant sur les travailleurs entassés dans les trains de
banlieue en gare d'Atocha à Madrid. Il serait illusoire de penser que cette
barbarie va cesser. Tant que la classe ouvrière, la seule force sociale capable
d'offrir une perspective alternative à celle de la barbarie capitaliste, n'en
finira pas une fois pour toutes avec ce système inhumain d'exploitation,
l'humanité continuera à vivre et à mourir partout dans le monde sous la menace
permanente de nouveaux attentats, toujours plus violents, et de nouvelles
guerres toujours plus destructrices.
Au fur et à mesure de l'avancée de la décomposition de la société capitaliste
prolifèreront comme des rats ses sous-produits que sont les fractions les plus
irresponsables et irrationnelles dont s'alimentent toutes les bandes
terroristes, les seigneurs de la guerre, les gangsters locaux, etc., qui
disposent non seulement de moyens de destructions inégalés mais aussi de
quantité de " parrains " à qui profitent leurs crimes. Après
l'attentat des Tours jumelles, nous écrivions : "nous ne pouvons pas
affirmer avec certitude aujourd'hui si Oussama Ben Laden est vraiment
responsable de l'attaque des Twin Towers, comme l'en accuse l'Etat américain.
Mais, si l'hypothèse Ben Laden s'avérait juste, c'est véritablement le cas d'un
seigneur de la guerre devenu incontrôlable par ses anciens maîtres"
(Revue internationale, n° 107). Effectivement, nous avons ici un exemple d'une
caractéristique cruciale de l'évolution vers la généralisation de la barbarie :
indépendamment de savoir quelle puissance impérialiste ou fraction de la
bourgeoisie tire profit des actions terroristes, celles-ci tendent toujours
plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance.
Comme pour l'apprenti sorcier, la "créature" tend à devenir
incontrôlable. Au moment où nous rédigeons cet article, à défaut d'éléments
réellement concrets et compte tenu de la faible confiance que nous devons
accorder aux médias de la bourgeoisie, nous ne pouvons qu'appliquer notre cadre
d'analyse et notre expérience historique, et nous poser la question : à qui
profite le crime ?
Comme nous l'avons vu plus haut, le terrorisme et les affrontements
impérialistes sont aujourd'hui frères de sang. L'attentat contre les Tours
jumelles du 11 septembre 2001 avait amplement profité à la puissance
impérialiste américaine qui avait pu imposer à ses anciens alliés devenus ses
rivaux après l'effondrement du bloc russe (comme la France et l'Allemagne), de
lui apporter un plein soutien dans sa campagne militaire en vue d'occuper
l'Afghanistan.
L'émotion provoquée par le 11 septembre avait également permis à
l'administration Bush de faire accepter par la majorité de la population
américaine la seconde Guerre du Golfe en 2003. C'est pour cela qu'il est tout à
fait légitime de se demander si l'incroyable "imprévoyance" des
services secrets américains avant le 11 septembre ne résultait pas tout simplement
de leur volonté de "laisser faire" Al Qaïda[3] [3].
Pour ce qui est des attentats du 11 mars, il est clair qu'ils ne profitent
aucunement aux Etats-Unis. C'est tout le contraire qui est vrai. Aznar
apportait un soutien indéfectible à la politique américaine (il avait fait
partie du "trio des Açores" - Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne
- les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU qui s'étaient retrouvés pour
appeler à la seconde Guerre du Golfe) mais Zapatero qui va lui succéder après
une victoire du PSOE aux élections du 14 mars qui doit beaucoup aux attentats
de Atocha, a déjà annoncé qu'il retirerait les troupes espagnoles présentes en
Irak. C'est un camouflet pour l'administration américaine, et une victoire
incontestable pour le tandem franco-allemand qui anime aujourd'hui l'opposition
à la diplomatie américaine.
Cela dit, cet échec de la politique américaine ne constitue nullement une victoire de la classe ouvrière, comme certains essaient de le faire croire. Entre 1982 et 1996 à la tête du gouvernement, le PSOE a fait ses preuves comme défenseur zélé des intérêts du capitalisme. Son retour ne mettra pas fin aux attaques bourgeoises contre le prolétariat. De même, le succès diplomatique présent de Chirac et Schröder est celui de deux autres défenseurs loyaux des intérêts du capitalisme et ne saurait apporter absolument rien à la classe ouvrière.
Mais pire encore : les événements qu'on vient de vivre ont permis un grand
succès idéologique de la bourgeoisie comme un tout qui a réussi à renforcer le
mensonge selon lequel l'antidote contre le terrorisme est la
"démocratie", que les élections sont un moyen efficace de mettre fin
aux politiques anti-ouvrières ou bellicistes de la bourgeoisie, que les
mobilisations pacifistes sont un réel rempart contre la guerre.
Ainsi, la classe ouvrière n'a pas seulement subi une attaque dans sa chair avec
tous les morts et les blessés du 11 mars, elle a subi aussi une attaque
politique de première ampleur.
Encore une fois, le crime a profité à la bourgeoisie.
C'est pour cela que face à la barbarie terroriste, expression de la guerre
impérialiste et de l'exploitation, il n'y a qu'une seule voie :
Avec des dizaines de cadavres encore non identifiés, avec des dizaines de
familles d'immigrés illégaux (29 morts et plus de 200 blessés sont des
immigrés) qui n'osent même pas chercher leurs parents dans les hôpitaux ou les
morgues improvisées de crainte d'être expulsés, la bourgeoisie crée une
situation de désastre pour empêcher les prolétaires de réfléchir, ne serait-ce
qu'un minimum, sur les causes et les conséquences de l'attentat. Dans les
premiers instants qui ont suivi l'attentat, avant même que n'interviennent les
organes de secours de l'Etat, ce sont les victimes elles-mêmes, les travailleurs
et les enfants de la classe ouvrière qui voyageaient dans les " trains de
la mort " ou qui se trouvaient dans les gares sinistrées, ceux qui vivent
dans les quartiers de Santa Eugenia ou de El Pozo qui ont secouru les blessés,
qui ont recouvert de linceuls de fortune les cadavres éparpillés sur les voies.
Ils étaient au plus haut point animés par un sentiment de solidarité. C'est
cette solidarité qu'ont exprimée des milliers et des milliers de personnes qui
ont donné leur sang, qui ont accouru pour proposer leur aide dans les hôpitaux,
mais aussi les pompiers, les travailleurs sociaux et ceux de la santé qui ont
volontairement travaillé au-delà de leur temps de travail salarié malgré la
dramatique absence de moyens due aux économies imposées par les mesures
d'austérité de l'Etat en ce qui concerne le matériel sanitaire ou de protection
civile.
Les révolutionnaires et l'ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut
et fort, leur solidarité avec les victimes. Seul le développement de la
solidarité dont est porteuse la classe ouvrière en tant que classe
révolutionnaire, et qui s'exprime notamment par son combat contre le
capitalisme, pourra créer les bases d'une société dans laquelle ces crimes,
cette exploitation, cette barbarie abominables pourront être définitivement
dépassés et abolis. L'indignation de la classe ouvrière envers l'abominable
attentat, sa solidarité naturelle avec les victimes a été manipulée par le
capital et dévoyée dans le sens de la défense de ses intérêts et objectifs. En
riposte au carnage, la bourgeoisie a appelé la classe ouvrière le vendredi 12 à
" manifester contre le terrorisme et pour la Constitution ", elle lui
a demandé de resserrer les rangs en tant que citoyens espagnols au cri de
" España unida jamás será vencida " (l'Espagne unie ne sera jamais
vaincue), elle l'a incité à voter massivement le dimanche 14 pour que "jamais ne se répètent ces actes de sauvagerie".
Les doses de patriotisme distillées tant par la droite (Aznar déclarant :
"ils sont morts parce qu'ils étaient Espagnols") que par la gauche
de la bourgeoisie ("si l'Espagne n'avait pas participé à la guerre en
Irak, ces attentats n'auraient pas eu lieu") ne cherchent qu'à faire
avaler aux prolétaires que l'intérêt de la nation est aussi le leur. C'est un
mensonge, un mensonge cynique et éhonté ! Un mensonge qui ne vise qu'à grossir
les rangs du pacifisme qui, comme nous l'avons par ailleurs développé dans
notre presse, n'empêche pas les guerres mais détourne de la vraie lutte contre
le vrai fauteur de guerres : le capitalisme.
Le capitalisme n'a d'autre avenir à offrir à l'humanité que sa destruction à
travers des guerres toujours plus meurtrières, des attentats toujours plus
barbares, la misère et la famine. Le mot d'ordre donné par l'Internationale
communiste au début du XXe siècle résume parfaitement la perspective qui se
posait à la société avec l'entrée du système capitaliste dans sa phase de
décadence et reste pleinement valable et d'actualité : "l'ère des guerres
et des révolutions "dont l'issue ne pourra être que la victoire du "socialisme ou de la barbarie".
Le capitalisme doit mourir pour que l'humanité puisse vivre et il n'y a qu'une seule classe sociale capable d'assumer le rôle de fossoyeur du capitalisme, le prolétariat. Si la classe ouvrière mondiale ne parvient pas à affirmer son indépendance de classe, dans la lutte pour la défense de ses intérêts spécifiques d'abord et ensuite pour le renversement de cette société putréfiée, l'humanité n'aura d'autre avenir que celui d'être détruite par la multiplication des affrontements entre bandes et entre Etats bourgeois, qui utiliseront tous les moyens, jusqu'aux plus innommables, et parmi ceux-ci la banalisation au quotidien de l'arme terroriste.
CCI (19 mars[1] [4] Revue internationale n° 62, "Thèses sur la décomposition.
[2] [5] Revue internationale n° 113, "Résolution du XVe Congrès du CCI sur la situation internationale.
[3] [6] Voir à ce sujet notre article "Pearl Harbour 1941, les "Twin Towers" 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue internationale n° 108.
Il est nécessaire
que la classe ouvrière se souvienne. Il y a un an, le 20 mars
2003, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entraient en guerre contre
l'Irak. L'Europe était alors le théâtre de nombreuses
manifestations pacifistes. "Non à la guerre en Irak"
était alors un mot d'ordre à la mode.
L'Etat français, sous l'égide de Jacques Chirac, et avec l'appui unanime de la gauche comme des gauchistes, dirigeait la campagne idéologique anti-américaine la plus impitoyable et la plus déterminée, et tout cela au nom du pacifisme. L'impérialisme français se donnait alors le beau rôle. Mais ce mensonge propagandiste qui n'a pas cessé depuis d'être déversé sur la tête de la classe ouvrière, ne doit pas masquer la réalité guerrière et barbare de l'impérialisme français : dans ce domaine aucun impérialisme à la surface de cette planète ne peut plus faire exception. Les médias français se sont empressés de donner un maximum de publicité à ces manifestations pacifistes, mais dans le même temps ils se sont employés à cacher autant qu'ils le pouvaient la politique guerrière et militaire de la France en Côte d'Ivoire. C'est en effet au même moment, en février 2003, que l'impérialisme français est passé à l'offensive en Côte d'Ivoire, avec plus de 4000 soldats. C'est au mois de mars de la même année que l'armée française réinvestit Bangui en Centrafrique, plongeant un peu plus ces pays dans une barbarie et un chaos total. Voilà ce que valent les discours idéologiques pacifiques de l'Etat bourgeois.
Triste anniversaire, il y a dix ans, l'impérialisme français
au nom de l'humanitaire rentrait en force au Rwanda, armé jusqu'aux
dents, chars d'assauts en tête, et allait présider à
l'un des plus importants génocides civils de l'histoire. Ce sont
entre 500 et 800 000 morts (d'après les estimations officielles)
en 100 jours qui sont pratiquement passés inaperçus. L'armée
française avait attendu cyniquement aux frontières du
Rwanda que le génocide inter-ethnique soit porté à
son paroxysme pour intervenir. Pendant qu'à l'intérieur
du Rwanda, "des soldats de notre pays ont formé sur ordre,
les tueurs du génocide tutsi. Nous les avons armés, encouragés
et le jour venu, exfiltrés. J'ai découvert cette histoire
malgré moi, dans les collines rwandaises. Il faisait chaud, c'était
l'été. Il faisait beau, c'était magnifique. C'était
le temps du génocide." (Patrick de Saint Exupéry,
journaliste au Figaro et auteur du livre L'inavouable, la France au
Rwanda dans Le Monde diplomatique de mars 2004). En effet, c'est la
France qui, depuis de nombreuses années, a entraîné
et organisé la gendarmerie locale, les milices à base
ethnique et enfin les FAR ( Forces Armées Rwandaises). C'est
elle qui a soutenu a bout de bras le régime en place du président
Habyarima. C'est dès le début des années 1990 que
le Rwanda est devenu un enjeu géostratégique entre l'impérialisme
français et l'impérialisme américain. Le Rwanda
est en effet un pays ayant une importance évidente dans l'affrontement
inter-impérialiste car il se situe comme frontière entre
la zone sous contrôle américain et celle sous contrôle
de la France, sur le continent africain.
A cette époque, en 1994, l'impérialisme américain
tentait d'affaiblir de manière irrémédiable le
contrôle de la France dans cette région du monde. C'est
pour cela que, dès 1993, les Etats-Unis ont entraîné
le FPR (Front Patriotique Rwandais formés de Tutsis) et ceci
en territoire ougandais, avant de les lâcher un an plus tard au
Rwanda. L'avancée militaire du FPR ne s'y est d'ailleurs pas
fait longtemps attendre. C'est le krach de l'avion des présidents
rwandais Habyarima et burundais Ntaryma qui fut le prétexte au
déchaînement des évènements. Le 6 avril 1994
marque le début du génocide. Le FPR ira jusqu'à
Kigali et un nouveau pouvoir s'y installera. La France "a dû
se contenter de créer dans l'Ouest une 'zone humanitaire sûre'
vers où convergèrent tous les groupes extrémistes
ainsi que le gouvernement intérimaire, encadrant des millions
de civils hutus" (Le Monde Diplomatique, mars 2004).
Cette zone fut le théâtre de massacres de masse, et comme
le cite Le Monde Diplomatique, la France refusa de désarmer militaires
et miliciens. Comme l'armée française s'est bien gardée
d'arrêter les responsables du génocide, car il s'agissait
de ceux-là qu'elle avait téléguidés et qui
allèrent ensuite se réfugier au Zaïre.
L'Ouganda baignait également à cette époque dans
une marée de sang. 300 000 orphelins erraient dans le pays. Choléra
et famines se développèrent et emportèrent rapidement
plus de 40 000 réfugiés hutus, pendant que les hélicoptères
de combats, Mirages et autres Jaguars de l'armée française
attendaient une nouvelle occasion pour intervenir. Le responsable principal
et immédiat de ce massacre de masse fut sans aucun doute l'impérialisme
français s'affrontant par ethnies interposées à
l'impérialisme américain.
Ce même Etat français qui, dix ans plus tard, pour les mêmes raisons se cachera derrière l'idéologie pacifiste pour poursuivre son affrontement impérialiste contre les Etats-Unis.
C'est l'alibi humanitaire qui avait servi de couverture idéologique à la politique barbare de la France il y a dix ans au Rwanda. C'est le même alibi qui a permis à tous les grands impérialismes de se ruer comme des vautours sur les Balkans en avril 1999. Depuis cette époque comme au Rwanda le chaos n'a fait que s'aggraver. Aujourd'hui les affrontements ethniques entre Serbes et Albanais se généralisent à tout le Kosovo. Et c'est encore une fois comme au Rwanda, sous le même prétexte, que l'armée française y renforce ses effectifs. L'impérialisme français a été il y a dix ans un des principaux responsables et acteurs du génocide rwandais. La décomposition du système capitaliste, le développement ininterrompu des tensions inter impérialistes à l'échelle planétaire est le seul véritable responsable du génocide au Rwanda. C'est ce système agonisant et de plus en plus barbare que la classe ouvrière doit détruire. Seule la révolution communiste est en mesure d'empêcher définitivement l'éclatement d'autres Rwanda et la généralisation de nouveaux génocides.
T.Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".
Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué
lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les
autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau
lâché par ses parrains américains et français.
Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté
des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains
qui réclament à cor et à cri une enquête
internationale sur l'éviction anti-démocratique subie
par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper
du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est
eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire
n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile",
mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré
les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac
pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point
sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait
intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence
qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre,
même si cela génère encore plus de chaos et de massacres
pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence
pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour
le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait
que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de
la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis
s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont
chassé Aristide, fait céder ses opposants armés,
désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration.
Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement
de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle
de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus
l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et
le caractère irrationnel du point de vue économique de
ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche
et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti
met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus
irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre
n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même
pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des
tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées
aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation
Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de
gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine
ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des
différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander
si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle
Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres
puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme.
Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe
en réalité les contradictions impérialistes, alimente
le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement
le plus total.
La dernière
semaine de janvier, une grève impliquant 8 000 ouvriers éclatait
dans les usines Land Rover, à Solihull. C'était la première
lutte depuis seize ans dans cette entreprise. Elle avait été
précédée, une semaine auparavant, par la constitution
d'un piquet de grève massif de 900 ouvriers, dont des membres
des syndicats TGWU, GMB et Amicus. La même semaine, une grève
de deux jours aurait dü être suivie par plus de 100 000 employés
des services publics, leur première grève nationale depuis
17 ans. Mais le syndicat PCS a annulé au dernier moment le mot
d'ordre de grève pour la grande majorité d'entre eux (ceux
du secteur Travail et Pensions), laissant partir en grève les
seuls employés des plus petits départements. Avant cela,
il y avait eu dans ce secteur une grève "sauvage" en réaction
à un projet de "réforme" du DWP (Department
of Work and Pensions) que les ouvriers ne pouvaient que rejeter.
Dans les mois qui ont précédé, rien que pour la
Grande-Bretagne, on pouvait recenser les mouvements suivants : les grèves
"non officielles" dans les postes en novembre et décembre;
la grève en septembre de 2000 ouvriers des chantiers navals du
Humberside pour soutenir la lutte des travailleurs intérimaires
de l'entreprise ; celle des employés du secteur public du département
"Travail et Pensions", et la grève sauvage des employés
de British Airways à l'aéroport d'Heathrow. La reprise
de la combativité est un phénomène international
dont les grèves et manifestations en France et en Autriche contre
les attaques visant les retraites avaient constitué une illustration.
La colère des ouvriers est suscitée par les attaques nombreuses
et simultanées qu'ils subissent partout. Les employés
des services publics ont reçu des propositions de hausses salariales
allant de 0,5 à 2,8%, en fonction du secteur, dérisoires
en regard de l'augmentation du coût de la vie. Les employés
de Land Rover ont rejeté une offre d'augmentation de 6% des salaires
sur deux ans (soit moins de 3% par an). Les syndicats et la direction
des entreprises ayant jusqu'alors négocié des accords
crapuleux contre les ouvriers, la réponse de la classe ouvrière
aux différentes attaques indique un changement d'état
d'esprit, une maturation qui s'est opérée au son sein.
Ceci est dû en partie au fait que, depuis trente ans de crise
économique ouverte, les promesses sur la sortie du tunnel n'ayant
rien donné, il n'existe plus guère d'espoir dans la possibilité
d'une future reprise. Mais le plus important est la nature des attaques
qui laisse peu de place pour des illusions sur le capitalisme. Le démantèlement
des "amortisseurs sociaux" de l'Etat providence, en même
temps que l'intensification de l'exploitation dans les usines, les bureaux,
les hôpitaux, etc. et l'augmentation du chômage massif (près
de 5 millions de chômeurs en Allemagne, soit 10% de la population
ouvrière, des niveaux de licenciements aux Etats-Unis inconnus
depuis des décennies, la perte de 800 000 emplois industriels
en Grande-Bretagne depuis 1997, etc.) mettent la classe ouvrière
face à la sinistre réalité du capitalisme : soit
s'épuiser au travail pour produire la plus-value, soit sombrer
dans la misère. En effet, la perte de confiance dans la capacité
du capitalisme à offrir une perspective alimente la combativité
croissante à laquelle on assiste aujourd'hui.
Le CCI a décrit la situation actuelle comme constituant un tournant
de la lutte de classe, où l'on voit se développer les
conditions qui vont permettre au prolétariat de retrouver et
renforcer son identité de classe, son sentiment d'appartenir
à une classe ayant des intérêts communs à
défendre. C'est la base de toute solidarité de classe
et ce sera la base pour que, dans le futur, les luttes puissent s'élever
à un niveau supérieur à travers leur extension
et leur unification. Cette identité de classe doit se développer
contre les campagnes idéologiques sur la fin de la lutte de classe,
sur la possibilité d'un "monde alternatif" au sein
du capitalisme, et aussi contre les efforts de la bourgeoisie pour diviser
les ouvriers, en particulier de la part des syndicats. La grève
dans le service public constitue une claire illustration de cette nécessité.
D'abord, l'Etat a divisé les ouvriers par service, chacun avec
de légères différences dans l'échelle des
salaires, et dans l'attribution des augmentations, bien que les différences
réelles soient peu significatives puisqu'une majorité
d'ouvriers gagne moins de 15 000 livres par an et que, parmi ceux-là,
des milliers gagnent moins de 10 000 livres par an. Cela a donné
l'opportunité au syndicat PCS, prétendument "intraitable",
avec Mark Serwotka à sa tête, d'annuler l'appel à
la grève dans la majorité des services suite à
une petite modification dans les propositions de la direction.
Il y a de nombreux autres exemples de ce type de division de la classe
ouvrière : division entre les nombreuses compagnies ferroviaires,
entre les différents emplois et même entre les différents
syndicats. Dans les écoles de Londres, les salariés en
conflit avec le même employeur sur la question des indemnités
de logement dans la capitale ont été appelés par
les syndicats à franchir les piquets de grève des autres
syndicats. Et cela ne concerne pas seulement les petites luttes et les
grèves en Grande-Bretagne puisque l'énorme mobilisation
contre l'attaque sur les retraites en France au printemps 2003 a été
confrontée aux mêmes tactiques : en premier lieu l'attaque
visait de façon massive le secteur de l'éducation, ensuite
une partie de cette attaque concernait spécifiquement une minorité
d'employés (psychologues, conseillers d'éducation et autres
travailleurs spécialisés) de façon à créer
des divisions dans ce secteur de la classe ouvrière. Les syndicats
ont poursuivi ce travail de sabotage en maintenant une partie de la
classe ouvrière hors de la lutte et en poussant une autre partie
à s'y engager à fond. Enfin, ils ont appelé à
la grève générale à la fin, lorsque le mouvement
s'était retrouvé totalement épuisé. "On
en revient donc aujourd'hui à un schéma beaucoup plus
classique dans l'histoire de la lutte de classes : le gouvernement cogne,
les syndicats s'y opposent et prônent l'union syndicale dans un
premier temps pour embarquer massivement des ouvriers derrière
eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement ouvre des négociations
et les syndicats se désunissent pour mieux porter la division
et la désorientation dans les rangs ouvriers. Cette méthode,
qui joue sur la division syndicale face à la montée de
la lutte de classe, est la plus éprouvée par la bourgeoisie
pour préserver globalement l'encadrement syndical en concentrant
autant que possible le discrédit et la perte de quelques plumes
sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. Cela signifie
aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à l'épreuve
du feu et que le développement inévitable des luttes à
venir va poser à nouveau le problème pour la classe ouvrière
de la confrontation avec ses ennemis pour pouvoir affirmer ses intérêts
de classe et les besoins de son combat." (Revue Internationale
n° 114)
La tactique consistant à diviser les ouvriers est normale pour
les syndicats, c'est ce qu'ils ont fait de façon très
efficace au service de la bourgeoisie depuis qu'ils ont été
intégrés à l'Etat au début du vingtième
siècle. Aujourd'hui les ouvriers doivent retrouver leur identité
de classe contre cette tactique, contre l'idée qu'ils devraient
se concevoir comme membres de tel ou tel syndicat, comme employés
du DWP (Department of Work and Pensions), ou de toute autre branche
du service public, comme enseignants ou techniciens, au lieu de se concevoir
d'abord et avant tout comme membres de la classe ouvrière avec
des intérêts communs.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut pas s'attendre à
des luttes se dégageant spontanément des syndicats ; nous
n'attendons pas de ces dernières qu'elles soient capables d'éviter
les pièges tendus par la classe dominante ; beaucoup d'entre
elles tomberont dans la provocation. Ce qui importe, c'est que toutes
les tactiques planifiées de la classe dominante (gouvernement,
patrons et syndicats) visant à provoquer et à diviser
les ouvriers ne puissent empêcher la combativité croissante
qui se développe aujourd'hui. Ce lent développement des
luttes ouvrières porte en lui la potentialité d'un renforcement
de l'identité de classe, condition pour que la classe ouvrière
commence à tirer les leçons de toutes les expériences
des batailles qu'elle a menée de la période allant de
1968 à 1989.
Le premier décembre
dernier, mettant en doute l'efficacité des grèves symboliques
des syndicats, les travailleurs des transports en Italie ont décidé
de faire grève sans respecter les "plages horaires protégées",
pendant lesquelles ils sont tenus par la loi d'assumer le service. Ils
ont recommencé le 15 décembre dans plusieurs villes, sans
respecter les consignes syndicales et en passant outre les menaces de
poursuites judiciaires. Le 20 décembre et les jours suivants,
ils se sont mis spontanément en grève contre l'accord
bidon que les syndicats avaient signé avec le gouvernement. Celui-ci
prévoyait une augmentation de 80 Euros au lieu des 106 dus au
titre de la plate-forme contractuelle (rattrapage de la perte du pouvoir
d'achat due à l'inflation officielle, bien inférieure
à l'inflation réelle) et 600 Euros d'arriérés
(destinés à rattraper le manque à gagner sur toute
la période pendant laquelle aucun accord n'avait été
renégocié) alors que ceux-ci s'élevaient en réalité
à plus de 2000 Euros.
Pour désamorcer le mouvement, un accord complémentaire
a alors été signé avec l'ATM de Milan, concédant
pour les ouvriers de cette entreprise l'octroi des 25 Euros manquants,
en contrepartie d'une plus grande flexibilité du travail. En
faisant une concession à une partie des grévistes, ceux
qui en fait avaient été à l'initiative de la grève,
il s'agissait pour la bourgeoisie et ses syndicats de diviser le mouvement.
Pendant cette même période, la CGIL tenait des assemblées
avec ses adhérents, pour les convaincre des avantages de l'accord
signé et aussi pour tenter de les intimider en mettant en avant
tous les risques d'une grève faite en dehors des règles
de la législation en vigueur.
Cependant, ce sont les syndicats de base (les Cobas) qui ont effectué
le travail le plus efficace contre la lutte du fait de la confiance
que les ouvriers conservaient vis-à-vis d'eux. En effet, ils
n'avaient pas eu à jouer un rôle de premier plan dans la
participation aux négociations stériles précédentes
ni dans la programmation de grèves bidon (sept au total) pour
"appuyer" les négociations en question ; et surtout,
ils avaient été les seuls à ne pas condamner les
grèves spontanées des semaines précédentes.
Ils ont ainsi pu se présenter comme ceux qui allaient continuer
la lutte alors que dans la réalité ils ont œuvré
efficacement à ce que les ouvriers cessent leur mouvement.
Ils ont commencé par appeler à une grève pour le
9 janvier, au plus mauvais moment pendant la sacro-sainte trêve
des vacances de Noël, dans le but de faire baisser la tension.
Ils ont alors veillé au strict respect de la réglementation
du droit de grève, ce qui leur a valu les félicitations
du journal de Rifondazione Comunista, Liberazione qui, le 10 janvier,
parlait de la grève en ces termes : "totale responsabilité
des travailleurs qui ont assuré, sans exception aucune, les plages
horaires garanties". Ayant ainsi gagné du temps, les Cobas
ont immédiatement lancé un appel pour une nouvelle grève
le 26 janvier, qui fut ensuite repoussée au 30 janvier. Mais
ils ont alors appelé les traminots à Milan, et seulement
eux, à choisir une autre date afin que leur mobilisation ne coïncide
pas avec celle des chauffeurs de taxi dans cette ville ! Naturellement,
le travail de pompier social accompli par le syndicalisme de base a
payé comme en a témoigné la baisse de mobilisation
à l'occasion de la journée du 30 janvier. Si bien que
le mouvement s'est terminé sans que les ouvriers n'aient rien
obtenu de substantiel. Mais il y a bien évidemment toute une
série de leçons qui devront être tirées par
les ouvriers. C'est la volonté de se battre vraiment qui a fait
que les travailleurs ont été contraints d'aller au delà
des consignes syndicales et leur a permis de ne pas se laisser intimider
par toutes les menaces de dénonciation et de sanctions. Les travailleurs
de ce secteur ont su mettre en pratique, dans la lutte, ces qualités
essentielles du combat de classe que sont la solidarité et l'unité.
Mais, dans le même temps, l'isolement au sein d'un secteur spécifique
s'est avéré constituer la plus forte limite du mouvement,
qui en a considérablement réduit l'impact sur l'ensemble
de la classe ouvrière.
En même temps, ce mouvement a montré la véritable
nature des syndicats, qu'ils soient "classiques" et "responsables"
ou bien "de base", celle de saboteurs de la lutte ouvrière.
Le syndicalisme est-il une arme de la classe ouvrière ?
Né des convulsions qui déchirent la CNT-AIT française depuis plusieurs années, le Groupement d'Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste (GARAS)[1] [15] publie depuis janvier 2002 une "Lettre de liaison" . Il rassemble des éléments qui font le constat de "l'échec de la CNT-AIT à résoudre ses problèmes internes, comme à être utile dans la lutte contre la classe dominante" et ont décidé de "préparer l'après CNT" [2] [16] Convaincus qu'"aujourd'hui aucun groupe essayant de mettre en œuvre une pratique syndicale efficace en rupture avec le capitalisme n'arrive réellement à ses fins" , il se propose d'aborder les problèmes qui se posent " aux révolutionnaires sincères qui veulent agir au niveau syndical et promouvoir l'auto-organisation des luttes"[3] [17]. Son but affirmé est de "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires"[4] [18]. L'article ci-dessous s'inspire en grande partie d'un texte adressé par le CCI il y a quelques mois au GARAS, lequel se déclarait "preneur de toute contribution à [sa] feuille". Il vise à montrer que le syndicalisme n'est pas une voie que peut emprunter la classe ouvrière pour développer son combat.
Le GARAS se donne comme objectif de promouvoir des méthodes de luttes " en rupture avec le capitalisme " et d'agir en faveur de "l'auto-organisation des luttes". Nous ne doutons pas de la sincérité de ces éléments, mais ce qu'ils ne comprennent pas c'est que pour rompre avec le capitalisme et favoriser l'auto organisation des luttes, il faut justement rompre avec le syndicalisme et non pas revendiquer un syndicalisme "efficace". Toute l'histoire du 20e siècle a montré que la forme syndicale non seulement n'est plus adaptée au besoins de la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme, mais que les syndicats sont devenus un rouage de l'Etat bourgeois visant à encadrer la classe ouvrière, saboter ses luttes et leur auto-organisation par les ouvriers eux-mêmes. Ce que ne comprennent pas les anarcho-syndicalistes, c'est que la classe ouvrière ne peut réformer les syndicats, les transformer en organe de lutte révolutionnaire en critiquant leur bureaucratie. Mais pour pouvoir comprendre la nature bourgeoise des syndicats et de l'idéologie syndicaliste en général, les éléments qui, comme le GARAS, veulent mener une activité révolutionnaire, ne peuvent faire l'économie de se réapproprier les leçons de l'histoire du mouvement ouvrier.
Ne pas se référer à l'histoire de
notre classe, et notamment de la vague révolutionnaire mondiale des années
1920, point le plus élevé atteint par sa lutte, constitue une importante erreur
de méthode interdisant toute clarification. L'examen des leçons léguées par
cette expérience nous enseigne non seulement que l'outil de la transformation
sociale dont se dote le prolétariat pour s'ériger en classe révolutionnaire
n'est pas le syndicalisme, mais les conseils ouvriers, de même que syndicalisme
et révolution s'excluent désormais totalement.
Comme l'Internationale Communiste l'affirme en 1919 : "(…) le prolétariat doit créer son propre
appareil pour (…) lui assurer la possibilité d'intervenir de manière
révolutionnaire dans le développement de l'humanité. Cet appareil, ce sont les
conseils ouvriers. Les vieux partis, les vieilles organisations syndicales se
sont montrées incapables en la personne de leurs chefs de comprendre les tâches
imposées par l'époque nouvelle et a fortiori de la résoudre. Le prolétariat a
créé un appareil qui englobe l'ensemble de la classe ouvrière, indépendamment
du métier et de la maturité politique, un appareil souple capable de se
renouveler en permanence, de s'élargir, d'entraîner dans sa sphère des couches
nouvelles. (…) Cette organisation, irremplaçable, du gouvernement de la classe
ouvrière par elle-même, de sa lutte et aussi de la conquête du pouvoir d'Etat[5] [19] a été mise dans
différents pays à l'épreuve de l'expérience. Elle constitue la conquête la plus
importante et l'arme la plus puissante du prolétariat à notre époque. (…) C'est
au moyen des conseils que la classe ouvrière parviendra le plus sûrement et le
plus facilement au pouvoir, dirigera tous les domaines de la vie économique et
culturelle (…)"[6] [20]. Les conseils ouvriers
sont "ce que la révolution ouvrière met à la place de la démocratie
bourgeoise ;(…) la forme de transition du capitalisme au socialisme, la forme
de la dictature du prolétariat"[7] [21].
L'autre leçon fondamentale tirée de la révolution, formulée par le Parti
Communiste Ouvrier d'Allemagne (KAPD) dans son programme en mai 1920, c'est que
les syndicats et les formes de luttes qui s'y rattachent ont cessé d'être une
arme pour le prolétariat. Au contraire, les syndicats s'intègrent à l'Etat
capitaliste pour devenir le fer de lance de la contre-révolution. "Les syndicats forment le principal rempart
contre le développement de la révolution prolétarienne en Allemagne. (…) Leur
influence décisive sur l'orientation principielle et tactique du vieux parti
social-démocrate conduisit à la proclamation de "l'union sacrée" avec
la bourgeoisie allemande, ce qui équivalait à une déclaration de guerre au
prolétariat international. Leur efficacité social-traître trouva sa
continuation logique lors de l'éclatement de la révolution de novembre 1918 en
Allemagne : (…) Les syndicats sont ainsi, à côté des fondements bourgeois, l'un
des principaux piliers de l'Etat capitaliste. (…) Cette formation
contre-révolutionnaire ne peut être transformée de l'intérieur. La
révolutionnarisation des syndicats n'est pas une question de personnes : le
caractère contre-révolutionnaire de ces organisations se trouve dans leur
structure et dans leur système spécifique eux-mêmes : cela entraîne la sentence
de mort pour les syndicats ; seule la destruction même des syndicats peut
libérer le chemin de la révolution sociale en Allemagne. L'édification
socialiste a besoin d'autre chose que de ces organisations fossiles."
Ces leçons tirées au cours même de
l'affrontement révolutionnaire ont été amplement confirmées par la suite. A la
base de l'organisation des ouvriers en conseils se trouvent les assemblées
générales souveraines qui décident des moyens et des orientations de la lutte
et qui élisent sur des mandats précis des comités de grèves, constitués de
délégués révocables et chargés de faire appliquer les décisions de l'assemblée
générale. C'est la forme que prend spontanément la lutte ouvrière dans la
période de décadence du capitalisme, y compris dans les périodes où la classe
ouvrière n'est pas suffisamment forte pour s'organiser en conseils. Dans cette
période historique, les luttes de résistance de la classe ouvrière tendent
spontanément à s'élargir aux autres secteurs, à développer leur unification, à
faire éclater leur contenu révolutionnaire en mettant en question l'existence
même du système d'exploitation en s'affrontant à l'Etat capitaliste. En ce
sens, la révolution communiste constitue l'aboutissement ultime, et le seul
conséquent, des luttes revendicatives et de défense de ses conditions de vie
par le prolétariat.
La bourgeoisie ne laisse pas le champ libre à de telles tendances au sein de la
classe ouvrière et les combats en permanence justement à travers l'action des
syndicats. Aucun mouvement d'ampleur de la classe ouvrière depuis le début du
20e siècle ayant conduit à l'édification d'un rapport de force face à la
bourgeoisie n'a été permis par l'organisation des ouvriers au sein de
syndicats. Au contraire, de tels mouvements ont toujours eu à se confronter aux
syndicats, instruments indispensables du contrôle social par la bourgeoisie.
La révolution russe et la vague
révolutionnaire mondiale ont montré que les assertions de Malatesta, selon
lesquelles "une entente entre tous
les ouvriers qui luttent pour leur émancipation ne peut avoir lieu que sur le
terrain économique (…)" et que "l'action politique, parlementaire ou
révolutionnaire du prolétariat, est également impuissante tant que celui-ci ne
constitue pas une puissance économique organisée et consciente"[8] [22] sur
lesquelles les syndicalistes révolutionnaires fondent les principes de leur
action, désarment complètement la classe ouvrière.
Dans sa lutte vers la prise du pouvoir en Russie, le prolétariat n'a pas eu
besoin de "syndicats révolutionnaires". Ceux-ci n'ont alors joué
aucun rôle entre février et octobre 1917. C'est d'un parti politique que le
prolétariat a besoin[9] [23].
Ensuite, la lutte que se livrent les conseils et l'Etat capitaliste dans la
période de dualité des pouvoirs, lutte éminemment politique dont l'enjeu est la
prise du pouvoir par l'insurrection prolétarienne ou la réduction à néant du
mouvement révolutionnaire, signe la faillite de la tactique de la grève
générale : elle "peut être un coup
dur pour la clique gouvernante l'obligeant à faire telle ou telle concession,
mais elle n'est pas en mesure de démolir tout le régime d'une classe"[10] [24].
Lors du mouvement de grèves révolutionnaires en Italie en 1920, l'expropriation
des usines et leur autogestion, sans se préoccuper de la prise du pouvoir
politique, n'ont pas eu pour résultat la conquête de la société à partir des
positions investies dans les usines, mais au contraire l'émiettement de la
force de frappe de la classe ouvrière, son asphyxie dans l'isolement, puis la
répression étatique.
En niant la nécessité de l'organisation politique (avec l'argument que "les
partis corrompent et trahissent") et en limitant l'organisation du
prolétariat au domaine économique, le syndicalisme révolutionnaire fait
obstacle à son affirmation politique contre la classe dominante. En donnant la
primauté à l'organisation locale, l'autogestion économique et le fédéralisme
politique, le syndicalisme révolutionnaire reproduit les divisions entre les
secteurs de la production capitaliste. Il tend ainsi naturellement, de par ses
principes mêmes, à s'opposer aussi bien à la prise du pouvoir par la classe
ouvrière, qu'à l'exercice de sa dictature par les conseils.
Le syndicalisme révolutionnaire a
effectivement représenté une expression authentique de la classe ouvrière au
début du 20e siècle. Mais il n'a pas connu un sort différent des
autres formes du syndicalisme : celui de se transformer en instrument
contre-révolutionnaire aux mains de l'Etat capitaliste.
En dépit de sa radicalité en paroles, la CGT syndicaliste révolutionnaire
trahit le prolétariat en 1914, et passe à la bourgeoisie en appelant à l'union
sacrée.
Lors de la guerre civile en Espagne, en 1936-37, la mise en pratique des
principes de l'anarcho-syndicalisme par la CNT l'a conduit directement dans le
camp de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Alors que les bolcheviks mettaient en avant à partir d'avril 1917 la
destruction de l'Etat capitaliste bourgeois par les conseils ouvriers, l'"apolitisme"
de la CNT, face aux campagnes idéologiques antifascistes, l'amène à la
capitulation devant l'Etat bourgeois : elle choisit la défense de la démocratie
bourgeoise républicaine contre Franco, sacrifiant l'autonomie politique de la
classe ouvrière[11] [25]. Le réformisme radical de
"l'autogestion" et des "collectivités anarchistes" forme un
puissant moyen d'enfermement des ouvriers dans leur usine, leur région ou leur
localité pour empêcher toute confrontation directe avec l'Etat.
Alors que les bolcheviks refusaient tout compromis avec la bourgeoisie, la CNT
entre dans le gouvernement catalan, puis dans celui de Madrid, proclamant
qu'avec sa présence "le gouvernement
en tant qu'instrument régulateur des organes de l'Etat, a cessé d'être une
force d'oppression contre la classe ouvrière ; l'Etat ne représente déjà plus
l'organisme qui divise la société en classes. Tous deux cesseront
définitivement d'opprimer le peuple si des membres de la CNT interviennent dans
ces organes.[12] [26]"
En Russie en 1917, le prolétariat et les bolcheviks transforment la guerre
impérialiste en guerre civile : en Espagne, la CNT s'unit aux socialistes de
l'UGT et aux forces démocrates du Front Populaire pour détourner les ouvriers
de leur lutte de classes et les envoyer servir de chair à canon sur les champs
de bataille, participant à l'embrigadement du prolétariat mondial dans la
Seconde guerre mondiale au nom de l'antifascisme.
La défense du syndicalisme par le
GARAS et son inclination à créer une nouvelle fédération anarcho-syndicaliste
procèdent directement de sa vision non prolétarienne de la révolution. Dans
l'éther azuré de la perspective de la construction de la société "communiste au sens non marxiste du terme"[13] [27]., il n'est nullement question de
l'action des classes (prolétarienne ou bourgeoise), ni de l'Etat capitaliste
qu'il faut briser, ni de l'élimination des lois économiques du système
capitaliste à l'échelle mondiale : "Nous
désirons une gestion et une propriété collective des moyens de production
puisque la production bénéficie à tout le monde (…) Rien ne doit entraver
l'épanouissement individuel et la volonté de participer réellement à la vie. A
chacun de participer, s'il le souhaite, à la vie de son quartier, de sa ville,
de son village… A chaque travailleur de participer à l'organisation de la
production : puisque personne ne travaille à notre place, que personne ne
décide à notre place. Nous sommes également attachés à la liberté d'association
ou non à un groupe, du moment qu'aucun individu ou groupe ne devienne nuisible
aux autres par ses actes." [14] [28].
Le GARAS calque sa vision du communisme "libertaire" sur le modèle de
la révolution bourgeoise où cette nouvelle classe exploiteuse pouvait alors
développer au sein même des rapports féodaux ses libertés locales face au
pouvoir royal dans le cadre des communes médiévales "libres" , avant
de renverser la monarchie ou de passer des compromis avec des parties de
l'ancienne classe dominante féodale. La révolution dont il parle n'est qu'une
réorganisation collective de la production au sein de la société actuelle ne
nécessitant pas la destruction préalable du système capitaliste et de l'Etat.
Elle se fonde sur de petites communautés soudées par la rigueur morale de ses
membres donnant l'exemple et séparées les unes des autres par leur "autonomie".
Les éléments du GARAS ne peuvent que trouver dans le syndicalisme le support et le débouché "naturel" à leurs perspectives "révolutionnaires", influencées et inspirées par l'idéologie dominante. En effet le syndicalisme, reproduisant les divisions sectorielles de branches imposées par la production capitaliste, va comme un gant aux propositions anarchistes des communes ou groupes de production autonomes. Il s'adapte parfaitement aux illusions du réformisme radical anarchiste, négateur de la politique, concevant la possibilité d'une transformation sociale gradualiste à petit pas, en se basant sur le plan économique. Et voici résolu le mystère sur lequel le GARAS se casse les dents, expliquant comment anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires s'accommodent parfaitement du rôle de partenaires de la gestion et de la planification capitaliste en raison même de leur syndicalisme. Celui-ci a toujours été utilisé comme instrument du capitalisme d'Etat pour soumettre la classe ouvrière aux impératifs de la production nationale depuis l'entrée en décadence du système capitaliste ! En dépit de ses dires et de ses craintes, c'est sur cette pente fatale que s'engage le GARAS.
C'est dans les fondements mêmes de l'anarcho-syndicalisme que résident les racines de son caractère nocif pour la classe ouvrière. C'est donc avec ces prémisses mêmes que les éléments formant le GARAS doivent rompre s'ils veulent être utiles à la cause du prolétariat. S'ils n'opèrent pas cette rupture avec l'idéologie syndicaliste, ils ne peuvent que servir de base "radicale" aux syndicats et apporter leur contribution au sabotage des luttes en rabattant les ouvriers derrière les forces d'encadrements capitalistes et derrière les illusions réformistes.
Scott[1] [29] GARAS C/o S. L., 4 rue d'Arcole, 72000 Le Mans
[2] [30] L'Anarcho du Val de Loire n°60
[3] [31] Lettre de Liaison n°4, juin 2003
[4] [32] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[5] [33] Selon la vision qui prévalait alors et remise en cause par le marxisme par la suite.
[6] [34] Manifeste de l'IC aux prolétaires du monde entier, 6 mars 1919
[7] [35] Lénine, Lettre à S. Pankhurst, septembre 1919.
[8] [36] Manifeste des anarchistes au congrès de la IIe Internationale, Londres, 1896.
[9] [37] Voir notre Revue Internationale n°17.
[10] [38] Préobrajenski, Anarchisme et Communisme.
[11] [39] "La lutte contre le fascisme sur les fronts de bataille se terminera bientôt parce que nombreuses sont les forces que nous mettons en jeu (…) L'Espagne grande, l'Espagne productrice, l'Espagne vraiment rénovatrice, c'est nous qui la faisons, républicains, socialistes, communistes et anarchistes, quand nous travaillons à la sueur de notre front (…) Nous sommes tous unis dans le front de lutte, union magnifique qui a fait disparaître toutes les classes, tous les partis politiques, toutes les tendances qui nous séparaient auparavant." Discours radiodiffusé de F. Montseny, cité par La Révolution prolétarienne n° 230, septembre 1936
[12] [40] F. Montseny, 4 novembre 1936, citée dans La Révolution prolétarienne n°235.
[13] [41] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[14] [42] Lettre de Liaison n°6, février 2004
Tout le 20e siècle a été marqué par des guerres incessantes, sur l'ensemble de la planète, dont deux guerres mondiales. Ce siècle a été un siècle de barbarie, comme aucun autre dans l'histoire de l'humanité. Nous entamons le troisième millénaire et cette barbarie non seulement continue mais prend des proportions de plus en plus destructrices. Des régions entières du globe sont entrées dans la guerre et n'en sortent plus. Des générations entières n'ont jamais connu que la guerre. Cette situation ne laisse pas la classe ouvrière indifférente. Des questionnements émergent, et ils sont légitimes. On doit en effet se poser certaines questions. Alors qu'en 1989 la bourgeoisie nous a promis l'avènement définitif de la paix, c'est le contraire qui s'est passé : il y a de plus en plus de guerres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cet investissement incroyable des Etats dans l'armement, qu'est-ce qui préside à tant de dépenses pour faire la guerre ? La bourgeoisie est-elle obligée de faire la guerre pour défendre ses intérêts ? Quel est le résultat de la guerre ? la guerre a-t-elle une rationalité du point de vue du capitalisme ? Que peut faire la classe ouvrière face à la guerre ? Faut-il parfois les soutenir, ou au contraire toutes les dénoncer ? Ces questions sont avant tout motivées par l'immense battage médiatique qui accompagne chaque campagne de guerre de la bourgeoisie : beaucoup d'explications se bousculent, beaucoup de bonnes volontés se font jour… mais malgré tout ça, la guerre continue, elle empire, elle tue et elle détruit.
La question de la guerre n'est pas une récente découverte pour le mouvement ouvrier. Déjà, vers la fin du 19e siècle, devant la concurrence de plus en plus aiguë entre grandes nations d'Europe, les révolutionnaires se posaient la question de la perspective de la guerre. Face à l'évolution qui se dessinait d'un capitalisme de plus en plus prisonnier de ses contradictions insurmontables, le mouvement ouvrier avec Engels à sa tête, avait clairement annoncé que la perspective serait, désormais, "Socialisme ou Barbarie". Pendant le congrès socialiste de Paris, au début du 20e siècle, Rosa Luxembourg avait fait une intervention d'une grande clairvoyance dans laquelle elle avait prévu comme possibilité que la première grande manifestation de la faillite du capitalisme pourrait être non pas la crise économique aiguë mais d'abord l'explosion de la guerre impérialiste. Et c'est ce qui s'est produit. La bourgeoisie ne manque pas de ressources pour expliquer pourquoi elle envoie des pluies de bombes sur des populations, pourquoi elle consacre des parts toujours plus importantes de ses budgets pour inventer et fabriquer des armes toujours plus destructrices.
A quelques nuances près, on peut assez facilement faire un
inventaire exhaustif de ces explications : le pétrole, bien sûr,
et plus largement les matières premières ; mais aussi
la religion, la défense de la démocratie, la maîtrise
de fous dangereux, la lutte contre le terrorisme, le respect du droit
international, celui des droits de l'homme, la poursuite d'un but humanitaire,
ou tout simplement, quand tout a été passé en revue,
la nature humaine, qui veut que, comme disait Victor Hugo, "Depuis
six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs. Et Dieu
perd son temps à faire les étoiles et les fleurs ".
La poésie a son charme, mais plus encore que la philosophie,
elle échoue à transformer le monde. La guerre est-elle
inhérente à la nature humaine ? L'homme aime-t-il tant
se battre ? L'humanité est-elle condamnée à engendrer
des esprits malades dont la folie incontrôlable finira toujours
par mettre le feu aux poudres, et ne pourra être contenue que
par les armes ? En tant que marxistes, nous rejetons fermement cette
explication.
Il est vrai de dire que la guerre fait partie de l'histoire des civilisations,
mais ce n'est pas une raison qui ferait que la guerre devrait être
un phénomène éternel. La guerre fait partie de
l'histoire des civilisations parce que depuis qu'elle est sortie du
communisme primitif, l'humanité n'a connu que des sociétés
divisées en classes, c'est-à-dire des sociétés
de pénurie et de concurrence, y compris bien sûr dans le
capitalisme.
Dès sa naissance le capitalisme a connu la guerre : guerres d'unification
allemande en 1866 et germano-française en 1871, guerre d'unification
aux Etats-Unis entre 1861 et 1865, et également les guerres coloniales.
Mais cette situation a pris un tournant qualitatif avec l'entrée
dans le 20e siècle. Le 20e siècle a connu deux guerres
mondiales, qui ont eu leur théâtre au cœur même
des grandes nations capitalistes. Elles ont vu des millions de prolétaires
s'entretuer sous l'uniforme et surtout elles ont vu des destructions
comme jamais on ne l'avait vu dans toute l'histoire de l'humanité
: morts de millions de civils sous les bombardements conventionnels
ou nucléaires, déportations et génocides de populations,
destruction de pans entiers d'infrastructures économiques. Depuis
la Seconde Guerre mondiale, la guerre n'a pas cessé une seule
seconde sur la planète. Elle a touché tous les continents,
semant la mort et la destruction.
Il nous faut donc constater que la guerre menace de plus en plus l'humanité.
Si la guerre au 20e siècle prend une telle ampleur, c'est que
le capitalisme est arrivé à un stade ultime de son évolution.
Les guerres du siècle précédent jalonnaient un
capitalisme en pleine expansion. Elles permettaient la poursuite du
développement du capitalisme dans le cadre de structures nationales
plus solides, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis ou
encore permettaient la conquête de nouveaux marchés, comme
dans le cas des guerres coloniales.
La Première Guerre mondiale, qui a marqué les prolétaires
par sa barbarie et par son horreur, manifeste une rupture avec les guerres
du siècle précédent. Désormais, l'objectif
n'est plus de permettre au capitalisme de poursuivre son développement
mais de voler les marchés des nations concurrentes, de les affaiblir
et de s'emparer de positions stratégiques qui permettent d'imposer
sa force face à elles. Cela sanctionne l'entrée du capitalisme
dans sa période de décadence. Le capitalisme ne trouvant
plus de nouveaux marchés à conquérir, alors qu'il
est capable de produire beaucoup plus que les marchés solvables
ne sont capables d'acheter, un cycle d'autodestruction commence.
Du point de vue capitaliste, la décadence se traduit dans une
fuite éperdue dans la guerre. Comme disait Hitler : "Exporter
ou mourir" ! Pour ces guerres, des ressources gigantesques deviennent
nécessaires. Avec la décadence du capitalisme tout le
potentiel économique est tendu vers la guerre, les budgets militaires,
les productions de guerres deviennent gigantesques. Tout progrès
technique, toute recherche scientifique, toute découverte est
sous-tendu par un but guerrier.
Il y a donc une profonde différence entre les guerres de la période
d'ascendance et celles de la période de décadence du capitalisme.
Une différence pas seulement quantitative, mais aussi qualitative.
Cela montre que le concept de décadence est incontournable si
nous voulons comprendre la nature de la guerre dans le capitalisme,
et surtout, nous devons comprendre que les guerres dans la période
de décadence sont fondamentalement irrationnelles du propre point
de vue capitaliste.
Quand nous parlons d'irrationalité, nous ne posons pas la question
d'un point de vue moral, mais bien en tant que marxistes, d'un point
de vue matérialiste et objectif. Avec la décadence du
capitalisme les marxistes ont caractérisé les guerres
du capitalisme comme des guerres impérialistes. Tous les pays
sont impérialistes des plus grands au plus petits, tous ont un
budget militaire et une armée, avec l'aide d'un plus grand ou
non. Mais tous rêvent de conquérir ou de détruire
leur voisin, ou d'avoir une influence particulière dans une région,
sur un continent ou sur le monde.
Tout au long de la décadence les guerres du capitalisme ont évolué.
La crise économique est permanente et irréversible. La
bourgeoisie est parfaitement incapable de résoudre cette crise
car elle ne dépend pas d'une bonne ou mauvaise gestion mais est
l'expression, prévue par le marxisme, des contradictions internes
du capitalisme qui se sont concrétisées au début
du 20e siècle pour s'aggraver continuellement jusqu'à
aujourd'hui.
Au moment de la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie avait
l'espoir que le camp qui sortirait vainqueur de la guerre pourrait imposer
au vaincu un repartage du monde à son profit et récupérer
ainsi les marchés du vaincu. Mais cette Première Guerre
mondiale, déjà, avait démontré l'inanité,
même pour les vainqueurs, des espoirs économiques. Toutes
les nations (sauf les Etats-Unis pour des raisons particulières)
en sont sorties économiquement affaiblies, y compris dans le
camp des vainqueurs. Ce fut flagrant pour l'Angleterre notamment qui
commença alors sa chute en tant que grande puissance. Le développement
de la guerre s'est manifesté depuis, pour ce qu'il est : un pur
produit logique et inéluctable de la crise historique du capitalisme,
poussant chaque nation, à commencer par les plus grandes, à
affronter leurs concurrentes dans une fuite éperdue pour survivre.
La logique économique a de plus en plus laissé la place
à la simple recherche de positions stratégiques pour pouvoir
faire la guerre. La logique est la guerre pour la guerre. Un des exemples
les plus saisissants de cette folie est illustrée par l'URSS
qui s'est épuisée dans la course aux armements avec les
Etats-Unis, au point de voir son économie s'effondrer comme un
château de carte à la fin des années 1980. Encore
une fois, c'est en comprenant l'évolution du capitalisme et son
entrée en décadence, que l'on peut comprendre la nature
irrationnelle de la guerre aujourd'hui. Et ce n'est pas une surprise
que des groupes internationalistes, capables de dénoncer la guerre
d'un point de vue prolétarien, soient en revanche incapables
de voir l'irrationalité des guerres. En effet, ces groupes, en
particulier le BIPR et les différents groupes bordiguistes, soit
rejettent totalement le concept de décadence (les bordiguistes),
soit le remettent de plus en plus en cause (le BIPR). Et de ce fait,
si ces camarades parviennent parfaitement à prendre fait et cause
pour l'internationalisme, par contre, ils n'arrivent pas à se
défaire des explications rationnelles de la guerre, puisqu'ils
n'arrivent pas à comprendre la différence qu'il existe
entre les guerres de la décadence et celles de l'ascendance.
Au point de voir la défense d'intérêts pétroliers
dans le bourbier ex-yougoslave, en Irak ou en Afghanistan. La réalité
est pourtant bien là. Pour l'Irak par exemple, qui peut soutenir
aujourd'hui que l'intervention américaine a pour motivation principale
la production de pétrole pour enrichir les grandes compagnies
américaines ? Cela fait plus de huit mois que l'armée
américaine est en Irak et pas une seule goutte de pétrole
n'a été exportée.
Les mêmes constats s'imposent pour l'ex-Yougoslavie, pour l'Afghanistan
etc. Là-bas ne règne plus que le chaos et l'insécurité,
tout ce que le capitalisme craint le plus pour développer ses
affaires. En déchaînant la guerre, le capitalisme détruit
toujours plus le terrain sur lequel il peut évoluer : cette spirale
est celle d'une faillite, et cette faillite place sur le devant de l'histoire
la nécessaire destruction de ce système.
Sur le chemin de sa lutte historique, la classe ouvrière rencontre
la guerre impérialiste et est amenée à se questionner
et à se soulever. Depuis sa naissance, la classe ouvrière
se distingue des autres classes par son internationalisme. Le prolétariat
n'a pas de patrie. L'internationalisme est la frontière fondamentale
entre les classes.
Quand nous disons que tous les pays sont impérialistes, cela
veut dire que les prolétaires n'ont rien à gagner et tout
à perdre à défendre "leur" pays sous
prétexte qu'il serait sous la domination d'un autre. Cette idéologie
d'une nation faible agressée par un impérialisme, la bourgeoise
l'a largement répandue tout au long des guerres qui ont suivi
la Seconde Guerre mondiale, comme au Vietnam, ou aujourd'hui au sujet
de la Palestine.
Face à ces mensonges les révolutionnaires s'en sont toujours
tenus à un principe essentiel du mouvement ouvrier : l'internationalisme
prolétarien. Une des grandes leçons des révolutionnaires
défendant l'internationalisme prolétarien c'est que l'ennemi,
c'est la bourgeoisie, de "son propre" pays ou d'ailleurs.
Que peut faire la classe ouvrière aujourd'hui pour défendre
l'internationalisme ? Aujourd'hui la bourgeoisie ne mobilise plus massivement
de troupes parmi les ouvriers : la guerre devient professionnelle, même
si la pression du chômage fait endosser l'uniforme à bien
des ouvriers désespérés. Aujourd'hui, la guerre
se déclare sous des motifs plus sournois : combattre le terrorisme,
détrôner des dictateurs sanguinaires, sauver la vie de
milliers d'affamés. Mais au bout du compte, la guerre est la
même, elle défend toujours les intérêts de
la classe dominante. Le terrorisme reste dans sa grande majorité
l'arme des Etats; ceux-là même qui prétendent le
combattre ici, l'utilisent ailleurs. Les dictateurs sanguinaires sont
de la même façon déchus ici et sacrés et
protégés ailleurs. Enfin, les populations affamées
continuent de mourir de faim, car sinon elles ne légitimeraient
plus la présence des troupes.
Toutes les nations sont impérialistes, toutes les guerres doivent
être dénoncées. Mais la dénonciation ne suffit
pas, encore faut-il savoir sur quelle base on la fonde. Car la bourgeoisie
sait très bien aussi dénoncer les guerres, en utilisant
une arme dangereuse : le pacifisme. Le pacifisme n'est pas seulement
le porteur d'une utopie d'un monde capitaliste sans guerre, il est aussi
le moyen d'enrôler les ouvriers dans l'opposition à telle
ou telle guerre. Chaque fois, le pacifisme s'exprime derrière
les intérêts d'une bourgeoisie. Le pacifisme, c'est finalement
le pendant du nationalisme. C'est-à-dire le pire poison qui puisse
exister contre le prolétariat. Ce n'est pas un hasard si l'altermondialisme,
la réponse adaptée de la bourgeoisie à la montée
des questionnements dans la classe ouvrière, s'est à ce
point investi dans ce créneau, en le spécialisant dans
le chauvinisme anti-américain dont il s'est fait le plus grand
porteur.
La classe ouvrière doit donc dénoncer non pas telle ou
telle guerre, mais la guerre impérialiste, mode de vie du capitalisme
décadent. Elle doit dénoncer la guerre comme étant
l'expression de la faillite du capitalisme. Quelles que soient les formes
spécifiques que peut prendre la guerre aujourd'hui, le prolétariat,
et particulièrement celui des pays centraux, plus expérimenté,
garde intact son rôle. C'est par sa lutte contre ce système
et son déchaînement de misère et de barbarie, que
le prolétariat pourra élever sa conscience jusqu'à
remettre à l'ordre du jour de l'histoire l'alternative cruciale
: "Socialisme ou barbarie".
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