Il y a un peu plus d'un an maintenant, la crise de l'immobilier qui s'ouvrait aux Etats-Unis (la désormais célèbre "crise des subprimes") donnait le coup d'envoi à une brutale accélération de la crise économique mondiale. Depuis lors, l'humanité est touchée de plein fouet par une véritable vague de paupérisation. Subissant les affres de l'inflation (en quelques mois, les denrées alimentaires de base ont plus que doublé dans de nombreuses régions du monde), les couches de la population les plus démunies ont été confrontées à l'horreur de la famine. Les émeutes de la faim qui ont explosé du Mexique au Bengladesh, en passant par Haïti et l'Egypte, ont représenté une tentative désespérée de faire face à cette situation insoutenable. Au cœur même des pays les plus industrialisés, les conditions de vie de toute la classe ouvrière se sont profondément dégradées. Un seul exemple : plus de deux millions d'Américains, dans l'incapacité de rembourser leurs emprunts, ont été expulsés de leur maison. Et un million de personnes encore sont menacées de se retrouver à la rue d'ici 2009.
Cette dure réalité ressentie dans leur chair par les ouvriers et toutes les couches non-exploiteuses du monde ne peut plus être niée par la bourgeoisie. Les déclarations des responsables des institutions économiques comme celles des analystes financiers ne peuvent même plus aujourd'hui dissimuler leur inquiétude :
• "Nous sommes confrontés à l'un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficiles jamais vu" (d'après le président de la Réserve fédérale américaine, la FED, le 22 août).
• La "conjoncture" actuelle est "la plus difficile depuis plusieurs décennies" (d'après HSBC, la "plus grande banque du monde", citée par Libération le 5 août 2008).
• Il s'agit d'un "interminable krach" (titre du Point daté du 24 juillet).
• "Pour l'économie, la crise est un tsunami qui approche" (J.Attali, économiste et homme politique français, dans le Monde du 8 août 2008).
Les rayons "Economie" des librairies se remplissent de livres aux titres qui proclament eux-aussi le caractère catastrophique de la situation. De La grande crise monétaire du XXIe siècle a commencé de P. Leconte à L'implosion, la finance contre l'économie de P. Jorion, ces ouvrages nous annoncent tous un avenir carrément cataclysmique.
La crise économique mondiale actuelle est donc particulièrement grave mais cela, la classe ouvrière le savait déjà, elle qui en subit la première ses brutales conséquences. La vraie question est de savoir s'il s'agit d'un simple mauvais passage, d'une sorte de "trou d'air" ou, mieux, d'une "purge salvatrice" permettant aujourd'hui à l'économie mondiale de punir les excès de la finance pour, demain, repartir de plus belle. A en croire tous les plumitifs de la classe dominante, il ne peut en être autrement. "Je suis convaincu que 2010 devrait être une année de fort retour à la croissance" affirme ainsi J.Attali dans le même journal, et la bourgeoisie de reprendre en cœur "oh oui, nous en sommes convaincus". Mais est-ce la réalité ? L'accélération actuelle de la crise ne démontre-t-elle pas quelque chose de beaucoup plus profond : la faillite historique du capitalisme ?
En fait, la crise n'a pas commencé en 2007 mais à la fin des années 1960. A partir de 1967 en effet, de graves troubles monétaires s'accumulent et les grandes économies nationales voient peu à peu leurs taux de croissance diminuer. C'est la fin de la période de "prospérité" des années 1950 et 1960, ce que la bourgeoisie appela "les Trente Glorieuses" (1). Cela dit, en 1967, cette crise n'éclate pas avec la violence et l'aspect spectaculaire du krach de 1929. La raison en est simple. Les Etats avaient tiré les leçons de la période noire de l'entre-deux-guerres. Pour empêcher que l'économie ne soit à nouveau submergée par la surproduction et ne se bloque, ils ont eu recours à un artifice : l'endettement systématique et généralisé. Par cet endettement des Etats, des entreprises et des particuliers, "la demande" s'est maintenue à peu près au niveau de "l'offre" ; autrement dit, les marchandises se sont écoulées à coup d'emprunts.
Mais l'endettement n'est qu'un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction. Incapable de se "soigner" réellement, ce système d'exploitation doit avoir recours sans cesse et de manière croissante à cet artifice. En 1980, le montant de l'endettement aux Etats-Unis était à peu près égal à la production nationale. En 2006, la dette était 3,6 fois plus grande (soit 48 300 milliards de dollars) ! Il s'agit d'une véritable fuite en avant. Le capitalisme vit sur une montagne de dette, c'est un fait indéniable ; mais les spécialistes bourgeois nous rétorquent que peu importe puisque cela fonctionne. La réalité est toute autre. L'endettement n'est pas une solution magique, le capital ne peut pas indéfiniment sortir de l'argent de son chapeau. C'est le b-a-ba du commerce : tout endettement doit un jour être remboursé sous peine d'engendrer, pour le prêteur, de sérieuses difficultés pouvant aller jusqu'à la faillite. Nous revenons donc en quelque sorte à la case départ, le capital n'a fait que gagner du temps face à sa crise historique. Pire ! En reportant ainsi les effets de sa crise au lendemain, il a préparé en réalité des convulsions économiques plus violentes encore. La bourrasque de la crise asiatique de 1997, son aspect fulgurant et dévastateur en avait constitué une démonstration vivante. A l'époque, les fameux tigres et dragons asiatiques connaissaient une croissance record grâce à un endettement massif. Mais le jour où il fallut rembourser, tout s'écroula comme un château de carte. En quelques semaines, cette région fut tout simplement exsangue (un millions de chômeurs supplémentaires en quelques semaines en Corée, par exemple). Et la bourgeoisie n'eut alors d'autre choix, pour éviter que cette tempête ne se propage à l'économie mondiale, que de recourir à de nouveaux prêts, à coups de centaines de millions de dollars. Il s'agit d'une spirale infernale... et qui s'accélère ! Peu à peu, le "remède" devient de moins en moins efficace et le malade doit, pour survivre, sans cesse augmenter les doses. Cette fois les effets de la perfusion de 1997 ne durèrent que quatre ans. En 2001, en effet, la bulle Internet éclate. Devinez quelle fut la "solution" de la bourgeoisie ? Une augmentation spectaculaire de l'endettement ! Les autorités économiques américaines, conscientes de l'état réel de leur économie et de sa dépendance à la perfusion de crédits, ont à ce point fait tourner la machine de l'endettement qu'un analyste de la banque ABN-AMRO surnomma le directeur de la FED de l'époque, A.Greenspan, "d'Hercule de la planche à billets" !
1967-2007 est donc une longue période de crise avec ses phases d'accalmie puis de récession plus ou moins profondes. Mais depuis une décennie, l'histoire semble accélérer et le nouvel épisode actuel apparaît comme une bourrasque particulièrement violente. La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s'est transformée en véritable Everest suite aux crises de 1997 et 2001 et le capital en dévale aujourd'hui la pente.
Pendant une décennie, la bourgeoisie américaine a facilité à l'extrême l'accès au crédit immobilier aux couches les plus défavorisées de la classe ouvrière. Mais en même temps, à cause de la crise, elle l'a appauvrie en licenciant, en précarisant, en baissant les salaires, en détruisant l'accès aux soins, etc. Le résultat était inévitable : une bonne partie de ceux que les banques ont poussé à s'endetter pour acheter une maison (ou à hypothéquer leur logement pour acheter tout simplement de la nourriture, des vêtements...) n'ont plus été en situation de pouvoir rembourser. Ne voyant pas "leur" argent revenir, les banques ont accumulé les pertes, des pertes tellement importantes que de plus en plus d'établissements financiers sont en faillite ou menacés de faillite. Or, par le biais de la "titrisation" (c'est-à-dire de la transformation des créances en valeurs mobilières échangeables sur le marché mondial comme les autres actions et obligations), les organismes prêteurs sont parvenus à revendre leurs créances à des banques dans tous les pays. C'est pourquoi la crise des "subprimes" a touché le système bancaire dans le monde entier. Aux Etats-Unis, la faillite de la banque Indymac est la plus importante depuis 1982. Sans l'aide des banques centrales, la banque suisse UBS, qui est l'une des plus grandes banques du monde, aurait fait banqueroute elle aussi. Et puisque c'est toujours la classe ouvrière qui paie les pots cassés, les banques ont supprimé 83 000 emplois dans le monde depuis début 2007 et ce chiffre pourrait doubler dans les mois qui viennent (les Echos, 24 juin 2008).
La banque est le cœur de l'économie, c'est elle qui concentre tout l'argent disponible : si elle n'est plus là, les entreprises s'arrêtent parce qu'elles ne peuvent plus payer les salaires, ni acheter les matières premières et les machines ; surtout, elles ne peuvent plus contracter de nouveaux prêts. Or, même les banques qui ne sont pas en faillite sont de plus en plus frileuses pour accorder un prêt de peur de ne pas être remboursées dans le climat économique actuel.
La conséquence est inexorable : l'activité économique ralentit aujourd'hui brutalement. Dans la zone euro, le PIB a baissé de 0,2 % au deuxième trimestre 2008. Dans l'industrie, c'est par milliers que Peugeot, Altadis, Unilever, Infineon suppriment des emplois. General Motors est menacé purement et simplement de faillite et annonce comme possible la suppression de 73 000 emplois (le Figaro, 10 mars 2008). Lorsque la direction de Renault affirme, au moment où elle annonce 5000 suppressions d'emplois, "Il vaut mieux le faire quand vous commencez à voir le vent tourner plutôt que quand la tempête est là" (le Monde, 25 juillet 2008), il faut entendre qu'il y a vraiment le feu à la maison et que le pire est à venir pour la classe ouvrière !
Mais une question vient immédiatement à l'esprit : pourquoi ne pas continuer à accroître l'endettement comme après l'éclatement de la bulle Internet ? N'y aurait-il plus "d'Hercule de la planche à billets" à la Réserve Fédérale des Etats-Unis ou ailleurs ?
En fait, le fort retour actuel de l'inflation montre que l'endettement a atteint des limites qui ne peuvent pas être dépassées, pour le moment, sans quoi le remède serait pire que le mal. L'endettement signifie la création de quantités d'argent toujours plus considérables. D'après l'économiste P. Artus, "les liquidités augmentent de 20 % l'an depuis 2002". La création de telles masses d'argent ne peut engendrer que de fortes poussées inflationnistes (2). De plus, les spéculateurs de la planète ont accentué cette tendance inflationniste en misant massivement sur le pétrole et les denrées alimentaires de base. Ne pouvant miser de façon classique en bourse sur les entreprises (compte-tenu de la crise), ni dans la nouvelle économie (qui a fait "flop" en 2001), ni dans l'immobilier (en train de s'écrouler), les spéculateurs se sont en effet tous rabattus sur ce que les gens sont obligés d'acheter, le pétrole et la nourriture, quitte à plonger dans la famine une partie de l'humanité ! (3)
Le danger est grand pour l'économie capitaliste. L'inflation est un véritable poison, elle peut entraîner l'effondrement des monnaies et le dérèglement du système monétaire mondial. L'affaiblissement du dollar en prend actuellement le chemin. Si un tel événement se produisait, cela entraînerait un blocage du commerce mondial puisque la monnaie américaine constitue la référence internationale. Il est d'ailleurs tout à fait significatif que les directeurs des grandes banques centrales (la FED, la BCE...) dans toutes leurs interventions nous disent toujours deux choses contradictoires. D'une part, pour éviter la récession, ils disent qu'il faut lâcher encore un peu plus la bride au crédit, qu'il faut baisser les taux d'intérêt pour développer la demande. D'autre part, ces mêmes directeurs veulent combattre l'inflation ce qui veut dire... augmenter les taux d'intérêt pour freiner l'endettement ! Ces grands bourgeois ne sont pas schizophrènes, ils expriment ici simplement la contradiction réelle dans laquelle est enferré le capitalisme. Ce système est maintenant pris entre l'enclume de la récession et le marteau de l'inflation. En d'autres termes, la bourgeoisie va devoir dorénavant naviguer entre deux eaux : freiner l'endettement pour limiter l'inflation, tout en ne coupant pas trop les robinets du crédit afin de ne pas bloquer l'économie comme cela s'est passé en 1929. Bref, ils sont réellement dans une impasse.
La récession actuelle est un nouvel épisode de la faillite historique du capitalisme particulièrement grave et violent. Cette crise qui dure depuis quarante ans vient de changer de rythme, elle marque une véritable accélération même s'il ne faut pas croire, qu'emporté par une sorte de "crise ultime", le capitalisme va se bloquer définitivement et "disparaître de lui-même. Ce qui est important, c'est que cette situation, jamais vue depuis 1929, va avoir des implications considérables sur les conditions de vie de la classe ouvrière comme sur le développement de ses luttes. La bourgeoisie va abattre ses foudres sur le prolétariat ; comme toujours, elle va lui faire payer sa crise. Et ici, une chose est certaine : aucunes des politiques économiques que nous proposent les différents partis (de l'extrême droite à l'extrême gauche), dans quelque pays que ce soit, ne peut améliorer la situation. C'est seulement la lutte de la classe ouvrière qui peut empêcher la bourgeoisie de prendre ses mesures drastiques. Or, l'inflation qui se développe, parce qu'elle touche tous les ouvriers, crée un terrain favorable à la lutte unie et solidaire. Le développement de la lutte de la classe ouvrière est non seulement le seul moyen qui peut empêcher la bourgeoisie de porter ses coups, mais c'est aussi le seul moyen réaliste d'ouvrir la voie à la destruction du capitalisme et à l'avènement d'une société -le communisme -dans laquelle les crises n'existeront plus parce qu'enfin on ne produira plus pour le profit mais pour satisfaire les besoins humains.
Vitaz (30 août)
1) Expression consacrée par l'ouvrage de référence de J. Fourastié : "Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975", Paris, Fayard, 1979. Un débat a aujourd'hui lieu dans le CCI pour mieux comprendre les ressorts de cette période faste de l'économie capitaliste, débat que nous avons commencé à publier dans notre presse (lire "Débat interne au CCI : Les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale" [1] in Revue internationale n° 133, 2e trimestre 2008). Nous encourageons vivement tous nos lecteurs à participer à cette discussion lors de nos réunions (permanences, réunions publiques) par courrier [2] ou par mail [3] .
2) Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, développer et expliquer le lien entre la masse d'argent disponible et sa valeur. Simplement, chaque fois que la planche à billets tourne à plein régime, que de l'argent est créé et jeté sur le marché massivement, ce même argent perd de la valeur ce qui se traduit par une poussée d'inflation, c'est-à-dire, concrètement, une hausse généralisée des prix.
3) En passant, notons que la gauche de la gauche et les altermondialistes ne cessent de demander aux Etats de reprendre toutes les masses financières de la spéculation pour les réinjecter dans l'économie sous la forme de grands travaux par exemple. On voit ici la supercherie de cette proposition. Cela aurait pour effet essentiel d'aggraver l'inflation. En d'autres termes, ils nous proposent d'éteindre l'incendie avec de l'essence !
L'Etat français est aussi un patron, et même le pire des patrons. Pour réaliser ses travaux au coût le plus bas, il fait toujours appel aux entreprises les plus compétitives, c'est-à-dire celles qui exploitent la main d'œuvre la moins chère et la plus corvéable. Et dans le bâtiment c'est bien connu, quoi de plus rentable qu'un sans-papier menacé d'expulsion.
C'est ainsi que cet été, des "clandestins" (terme utilisé par le Parisien du 9 août) ont été embauchés par un sous-traitant pour agrandir à Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) un centre de rétention administrative (CRA) ou, autrement dit, une prison pour sans-papiers !
Mais l'histoire, déjà assez cynique, n'est pas finie. Une entreprise de gardiennage, sans doute un peu zélée et convaincue par le ferme discours anti-immigré du gouvernement, repère ces sans-papiers et les signale, en "bon citoyen", aux forces de l'ordre. Catastrophe et embarras ! Embaucher des sans-papiers à bas-coût, oui, mais il ne faut pas que cela se sache. La réaction de l'Etat est immédiate : ordre est donné à la police nationale d'aller les chercher. Au final, trois immigrés furent arrêtés. Rapidement, la police en relâcha un mais avec un arrêt de reconduite à la frontière. Cette véritable épée de Damoclès signifie pour cet homme vivre dorénavant caché, la peur au ventre en permanence. Quant aux deux autres, comble de l'ironie, ils sont placés en rétention au centre de... Mesnil-Amelot, celui-là même sur lequel ils travaillaient !
Des immigrés construisant leur propre prison ? Toute la bourgeoise en rêvait, B. Hortefeux, ministre de l'Immigration, l'a fait !
Pawel (30 août)
Fin juillet, la mesure, programmée déjà depuis plusieurs mois, tombe : Goodyear supprime 402 postes sur 1400 dans son usine de fabrication de pneus à Amiens-Nord dès le mois de septembre. La raison officielle invoquée ? La CGT et Sud, principaux syndicats de l'entreprise, ont imposé leur veto pour le passage aux 4x8. En fait, la direction a mis en place un véritable chantage : soit le passage aux 4x8 pour sauver l'entreprise, soit des suppressions de postes. Pourtant à quelques mètres de là, à l'usine de Dunlop, filiale de Goodyear, employant plus de 1000 ouvriers, la CGT a accepté la nouvelle réorganisation du travail. Ni une ni deux, la direction syndicale décide d'exclure cette section locale, événement exceptionnel dans l'histoire de la CGT. Pendant ce temps à Goodyear, CGT et patronat se renvoient la balle, le second accusant le premier d'être responsable des licenciements tandis que le syndicat parle de mauvaise gestion, d'agressivité patronale pour recentrer la production vers des secteurs plus rentables et délocaliser le reste, ce qui veut dire "casser l'outil industriel national". Mais qu'en est-il réellement pour la classe ouvrière ?
Il est une réalité que tout le monde essaie d'occulter dans cette affaire, c'est l'aggravation de la crise économique qui touche aujourd'hui un des secteurs clefs de l'économie capitaliste, à savoir le secteur de l'automobile. Toutes les grandes entreprises connaissent des situations très difficiles : aux Etats-Unis, Général Motors est en faillite, sans parler des deux autres grandes marques que sont Ford et Chrysler ; en France, Peugeot et Renault connaissent aussi de grandes turbulences (dernière mesure en date : Renault va supprimer 6000 postes dans le monde, dont 1000 sur le territoire national). Le marché automobile est arrivé à saturation, la concurrence est exacerbée, aggravée par l'arrivée de voitures chinoises, voire hindoues qui sont déjà vendues à des prix très bas sur le marché asiatique. Tout ce qui est lié à l'industrie automobile est touché à son tour, ce qui est le cas du pneumatique. S'ouvre alors une guerre ouverte entre les grandes marques, Michelin, Continental, Bridgestone et Goodyear, une guerre impitoyable qui nécessite, pour rester dans la compétition, une réduction des coûts de production. Ce qui veut dire, fermer des sites de production en faisant travailler plus ceux qui n'ont pas été licenciés et, pour réduire encore plus la masse salariale, délocaliser pour aller chercher une main d'œuvre encore moins chère. Ainsi, alors que Goodyear licencie et ferme des sites aux Etats-Unis et au Canada (ce qui a entraîné une lutte dans ces pays avec 15 000 grévistes fin 2006), un projet d'ouverture d'une grande usine en Chine est décidé.
C'est dans ce contexte qu'une nouvelle organisation du travail est envisagée dans les sites de production d'Amiens. Le passage des 5 x 8 aux 4 x 8 est un véritable bouleversement dans la vie de milliers d'ouvriers. Qu'est ce que cela veut dire concrètement ? De 3 équipes en semaine et 2 en week-end qui respectivement faisaient 35 h et 28 h, la direction envisage de passer en 2 équipes en semaine et d'augmenter le temps de travail le week-end, soit 35 h pour les 2 équipes restantes. Cette réorganisation s'accompagne d'un volet salarial avec une augmentation de 160 à 190 euros par mois et une prime au changement de 3500 euros. Le plan prévoit également un investissement de 52 millions d'euros afin de "moderniser l'outil de production" et une suppression de 450 emplois sur 3 ans, sous forme de départs volontaires. Pour Goodyear, l'enjeu est de diminuer la masse salariale et de faire fonctionner les usines 350 jours par an contre 328 actuellement. En clair, cela veut dire que les ouvriers travailleraient 7 jours sur 7 en 4 équipes avec une rotation : 2 jours de suite en équipe du matin, 2 en équipe d'après-midi, 2 en équipe de nuit puis 2 de repos. Ce rythme infernal fait, en plus, sauter 30 week-ends ! On peut imaginer les conséquences sur la vie de famille et sur la santé de milliers de travailleurs. Ce n'est plus "travailler plus pour gagner plus" mais travailler plus pour... mourir plus vite ! Et on peut mesurer le cynisme du patronat qui dans son plan prévoyait de toutes façons de licencier, bien sûr pas dès septembre... mais dans les prochains mois. En fait, il s'agissait de culpabiliser les ouvriers pour qu'ils acceptent de se faire plus exploiter dans l'immédiat en attendant... de se faire licencier plus tard. Une telle attaque ne s'adresse pas seulement aux ouvriers de Goodyear et de Dunlop, mais à toute la classe ouvrière qui va faire les frais d'une crise économique qui va connaître une forte aggravation.
Dans la course au cynisme, le patronat a trouvé un rival de taille : les syndicats et en particulier la CGT. Pour éviter une réaction ouvrière contre la violence de ces mesures, les syndicats et le patronat ont joué sur plusieurs tableaux. Dès l'annonce du plan en octobre 2007, au lieu d'appeler à la grève, les syndicats main dans la main avec la direction proposent une consultation démocratique pour que les ouvriers se prononcent en "toute conscience". Une belle démonstration de l'utilisation de la démocratie bourgeoise contre la lutte ouvrière : l'atomisation des ouvriers par le vote à bulletin secret dans l'isoloir pour éviter les débats en assemblées générales où les prolétaires peuvent décider collectivement et de manière solidaire les actions à mener. Refuser une attaque en utilisant l'arme de la lutte n'a pas la même valeur que de le faire par le biais d'un vote à bulletin secret car cela laisse au patronat et aux syndicats la possibilité de manoeuvrer dans le dos des ouvriers.
Le deuxième acte de ce drame social va se jouer entre la CGT et la direction avec comme objectif de diviser et de dégoûter les ouvriers d'entrer en lutte. Tout d'abord, ce sont des syndicats minoritaires qui vont signer sous la "pression" du chantage patronal, mais ce qui va enfoncer le clou, c'est l'attitude de la CGT de Dunlop qui, en mars 2008, passera au-dessus du vote démocratique pour aller signer le plan. Alors que l'unité entre les 2 sites, séparés juste par une rue, était nécessaire pour repousser les mesures du patronat, la CGT organise la division dans les rangs ouvriers : elle se scinde en deux, les traîtres de Dunlop et les durs et radicaux de Goodyear.
Comment, dans une telle ambiance, où la vulgarité et les insultes rivalisent avec la violence des actions "coups de poing" contre les traîtres de l'autre usine, une lutte unie et solidaire peut-elle exister ? Ceci dit, cette pseudo-guerre fratricide nous montre le comportement maffieux des syndicats, et en particulier de la CGT, plus préoccupés du sort de l'entreprise et qui n'hésitent pas à se mener une petite guerre dont les principales victimes sont les ouvriers. Un simulacre de conflit entre véritables défenseurs du système capitaliste, tentant d'entraîner les travailleurs dans leur sillage. Car ne nous y trompons pas, les soit disants durs et radicaux de Goodyear, soutenus d'ailleurs par l'ensemble des forces de gauche et gauchistes, n'ont pas pour but de défendre les intérêts des travailleurs, mais de sauver "l'outil industriel français" contre l'agressivité patronale qui veut le démanteler au profit de l'étranger, en l'occurrence ici la Chine. Plus nationaliste que la CGT, tu meurs ! Et les voilà en pleine préparation d'une journée d'action nationale le 16 septembre à Amiens pour la défense des intérêts du capital national aux côtés des staliniens du PC, du PS et autres trotskistes, LO et LCR. Leur combat n'est pas contre l'exploitation capitaliste mais pour "la défense de l'industrie en France et celle du droit du travail" comme le déclare le PCF, et Besancenot de renchérir "ce conflit porte en lui toutes les problématiques nationales : remise en cause du temps de travail, préservation des emplois, amélioration des salaires...".
Les prochains mois risquent d'être difficiles. En France comme partout dans le monde, la bourgeoisie n'a plus le choix, sous la pression de la crise, elle sera amenée à attaquer très violemment les conditions de vie et de travail de l'ensemble de la classe ouvrière. Les travailleurs eux aussi n'ont plus le choix, la lutte s'impose contre l'ignoble exploitation capitaliste et contre ceux qui, sous couvert de les défendre, veulent, en fait, les entraîner à se soumettre aux lois de ce système moribond. Une lutte solidaire, organisée en assemblées générales où les travailleurs décideront collectivement des actions à mener : voilà ce qui hante tous ces défenseurs zélés du capitalisme !
Antoine (22 août)
Une fois de plus, le Caucase a été mis à feu et à sang. Au moment même où Bush et Poutine dégustaient des petits gâteaux à Pékin et assistaient pratiquement côte à côte à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, prétendu symbole de paix et de réconciliation entre les peuples, le président géorgien Saakachvili, protégé de la Maison Blanche, et la bourgeoisie russe envoyaient leurs soldats se livrer à un effroyable massacre de populations. Cette guerre a donné lieu à une nouvelle quasi-"épuration ethnique" de chaque côté dont il est impossible d'évaluer exactement le nombre de victimes (plusieurs milliers de morts) dont une bonne partie dans la population civile.
Chaque camp accuse l'autre d'être le fauteur de guerre ou se justifie d'avoir agi en étant placé dos au mur. La population locale, qu'elle soit d'origine russe, ossète, abkhaze ou géorgienne, dont les villes, les villages et les habitations ont été bombardés, brûlés, pillés, détruits, a été prise en otage par toutes ces fractions nationalistes bourgeoises et a été exposée aux mêmes massacres, aux mêmes exactions, aux mêmes atrocités. Les prolétaires n'ont aucun camp à défendre. Ils n'ont pas à choisir entre leurs exploiteurs. Ils doivent continuer à se mobiliser contre eux sur leur terrain de classe et rejeter les slogans nationalistes et guerriers de tous bords, allant de "Défendons le peuple qui a confiance en l'aide de la Russie !" à "Que Dieu sauve l'intégrité territoriale de la Géorgie !" ; tous ces mots d'ordre sont au service de l'une ou de l'autre bande de ces capitalistes cherchant à les réduire à de la chair à canon.
C'est en réponse à une série de provocations de la bourgeoisie russe et de ses fractions séparatistes en Ossétie, que le président géorgien Saakachvili a cru pouvoir déclencher impunément l'invasion brutale de la minuscule province de l'Ossétie du Sud dans la nuit du 7 au 8 août par ses troupes appuyées par l'aviation. En un clin d'œil, il a réduit en cendres la ville de Tshinkvali, "capitale" de la province séparatiste pro-russe.
Pendant que Moscou faisait entrer en scène des milices à ses ordres dans l'autre foyer séparatiste en Géorgie, l'Abkhazie, qui ont investi la vallée de Kodori, les forces russes ont directement répliqué de manière aussi féroce et barbare en bombardant intensivement plusieurs villes géorgiennes (dont le port de Poti sur la mer Noire entièrement détruit et pillé, ainsi que sa base navale, et surtout Gori, dont la plupart des habitants ont dû fuir sous un pilonnage intensif). En un éclair, les chars russes ont occupé le tiers du territoire géorgien, menaçant même la capitale, les blindés s'avançant et paradant plusieurs jours après le cessez-le-feu à quelques dizaines de kilomètres de Tbilissi. Des deux côtés se sont reproduites les mêmes scènes d'horreur et de tueries. La quasi-totalité de la population de Tsinkhvali et de ses alentours (30 000 réfugiés) a été contrainte de fuir la zone de combats. Dans l'ensemble du pays, le nombre de réfugiés, démunis de tout, s'est élevé en une semaine à 115 000 personnes selon le porte-parole du Haut Commissariat aux Réfugiés.
Le conflit couvait depuis longtemps. Le président géorgien, partisan inconditionnel de Washington, héritait d'ailleurs d'un Etat entièrement porté à bout de bras dès sa création en 1991 par les Etats-Unis comme tête de pont du "nouvel ordre mondial" annoncé par Bush père. Cela l'a probablement conduit à surestimer le soutien que pourraient lui apporter les puissances occidentales dans son entreprise, à commencer par celui des Etats-Unis. Si la Russie de Poutine, en tendant un piège à Saakachvili, dans lequel ce dernier est tombé, a saisi une formidable occasion de montrer ses muscles et de restaurer son autorité dans le Caucase, c'est en réponse à l'encerclement déjà effectif depuis 1991 de la Russie par les forces de l'OTAN. Cet encerclement a atteint un niveau inadmissible pour la Russie avec la récente demande appuyée par les Etats-Unis de la Géorgie et de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN. De même et surtout, la Russie ne peut tolérer le programme de déploiement de bouclier anti-missiles notamment prévu en Pologne et en République tchèque qu'elle estime, non sans raisons, en réalité dirigée non contre l'Iran mais contre elle. La Russie a profité du fait que la Maison Blanche, dont les forces militaires se retrouvent enlisées dans un bourbier en Irak et en Afghanistan, ait les mains liées, pour lancer une contre-offensive militaire dans le Caucase, quelque temps après avoir rétabli à grand-peine son autorité dans des guerres atrocement meurtrières en Tchétchénie.
Mais la responsabilité de cette guerre et de ces tueries ne se limite pas à ses protagonistes les plus directs. Les puissances impérialistes qui jouent aujourd'hui hypocritement les pleureuses sur le sort de la Géorgie ont toutes trempé les mains dans le sang des pires atrocités, qu'il s'agisse des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak dans les deux guerres du Golfe, ou de la part prise par la France dans le génocide au Rwanda en 1994 ou encore de celle de l'Allemagne qui a poussé résolument au déclenchement de la terrible guerre en ex-Yougoslavie en 1992.
De toute évidence, la fin de la guerre froide et de la politique de blocs n'a pas vu la moindre "ère de paix et de stabilité" dans le monde, de l'Afrique au Moyen-Orient, en passant par les Balkans et maintenant par le Caucase. Le démantèlement de l'ex-empire du bloc stalinien n'a débouché que sur le déchaînement de nouveaux appétits impérialistes et sur un chaos guerrier grandissant. La Géorgie a d'ailleurs constitué un enjeu stratégique majeur qui en a conduit beaucoup à la courtiser de façon intéressée au cours de ces dernières années avec le transit du pétrole.
De façon provocatrice, la Russie a déclaré que la perspective d'une nouvelle "guerre froide" ne l'effrayait pas et s'est empressée de reconnaître "l'indépendance" de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, présentant cela comme une juste revanche sur la proclamation "unilatérale" du Kososvo indépendant par les Etats-Unis et l'Europe début 2008. Les deux ex-têtes de bloc, la Russie et les Etats-Unis, se retrouvent à nouveau ainsi dangereusement face à face aujourd'hui (les destroyers américains venus "ravitailler" la Géorgie mouillent désormais à quelques encablures de la base navale russe de Gudauta en Abkhazie comme du port de Poti occupés par les chars russes) mais dans un cadre de relations interimpérialistes tout à fait différentes de la période de la guerre froide où la discipline de bloc était sans faille. A l'époque, on nous a longtemps fait croire que le conflit entre les deux blocs rivaux était avant tout l'expression d'une lutte idéologique : la lutte des forces de la liberté et de la démocratie contre le totalitarisme, assimilé au communisme Aujourd'hui, on voit combien ceux qui nous avaient promis "une nouvelle ère de paix et de stabilité" nous ont trompés, et que leur confrontation ne recouvre qu'une concurrence bestiale et meurtrière pour de sordides et mesquins intérêts impérialistes qui ressort sans le moindre fard.
Aujourd'hui, les rapports entre nations sont dominés par le chacun-pour-soi. En effet, le "cessez-le-feu" en Géorgie ne fait qu'entériner le triomphe des maîtres du Kremlin et la supériorité de la Russie sur le terrain militaire, entraînant une quasi-capitulation humiliante pour la Géorgie aux conditions dictées par Moscou. La Russie a d'ailleurs profité de son avantage militaire pour se réinstaller dans la région avec ses troupes déployées sur presque tout le territoire géorgien au grand dam de "la communauté internationale".
C'est aussi un nouveau revers retentissant que vient d'essuyer le "parrain" de la Géorgie, la bourgeoisie américaine. Alors que ce pays a payé un lourd tribut (un contingent fort de 2000 hommes envoyés en Irak et en Afghanistan) pour son allégeance aux Etats-Unis, en retour l'Oncle Sam n'a pas su servir autre chose à son allié qu'un soutien moral et prodiguer de vaines condamnations verbales envers la Russie, sans pouvoir lever le petit doigt pour le défendre. L'aspect le plus significatif de cet affaiblissement, c'est que la Maison Blanche n'a pas d'autre plan de rechange à proposer à la place de cet accord bancal de "cessez-le-feu" fait de bric et de broc et qu'elle est contrainte d'avaliser le "plan européen" et, pire encore, un plan dont les conditions sont dictées par les Russes eux-mêmes. Cette nouvelle étape dans l'expression de son affaiblissement ne peut que contribuer à la discréditer davantage aux yeux du monde et inquiéter les Etats contraints de miser sur son appui comme la Pologne ou l'Ukraine.
Si les Etats-Unis étalent leur impuissance, l'Europe illustre à l'occasion de ce conflit le niveau atteint par le chacun-pour-soi. Ainsi, face à la paralysie américaine, c'est la "diplomatie européenne" qui est entrée en action. Mais il est significatif que c'est le président français Sarkozy qui en a été le porte-parole en tant que président en exercice de l'Union européenne, alors qu'il ne représente souvent que lui-même dans ses prestations de m'as-tu-vu, dénuées de toute cohérence et champion de la navigation à courte vue sur la scène internationale. Une fois de plus, Sarkozy s'est empressé de mettre son grain de sel dans le conflit, surtout afin d'en tirer gloriole. Mais le fameux "plan de paix français" (il n'a pu maintenir longtemps l'illusion de le faire passer pour un grand succès diplomatique national ou européen) n'est qu'un ridicule simulacre qui masque mal que ses conditions sont purement et simplement imposées par les Russes.
Quant à l'Europe, comment en tirerait-elle profit alors qu'elle abrite les positions et les intérêts les plus diamétralement opposées ? Comment pourrait-il y avoir une once d'unité dans ses rangs avec la Pologne et les Etats baltes fervents défenseurs de la Géorgie par conditionnement viscéral anti-russe d'un côté et l'Allemagne de l'autre qui, par opposition à la volonté de mainmise américaine dans la région, était parmi les opposants les plus résolus à l'intégration de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN ? Si, récemment, Angela Merkel a fait spectaculairement volte-face en allant assurer le président géorgien de son soutien à cette candidature, c'est parce qu'elle y a été contrainte par l'impopularité croissante de la Russie se comportant avec morgue dans toute la Géorgie comme en territoire conquis, désormais livrée à la réprobation générale de la "communauté internationale". Il n'en demeure pas moins que l'Europe fait penser à un panier de crabes.
Quant au bénéfice qu'en tire la Russie elle-même, il reste très limité. Certes, celle-ci renforce à court terme sa position impérialiste non seulement dans le Caucase et se fait craindre à nouveau sur la scène mondiale. Mais cette victoire militaire est insuffisante pour dissuader les Etats-Unis de leur projet de bouclier anti-missiles sur le sol européen : au contraire, elle ne fait que pousser la Maison Blanche à en accélérer le déploiement comme le prouve l'accord qui vient d'être signé avec la Pologne pour son implantation sur le sol polonais. D'ailleurs, en représailles, le chef-adjoint d'état-major russe a menacé la Pologne en la désignant comme cible prioritaire de son arsenal nucléaire.
Sur le fond, son agressivité belliqueuse et l'énormité des moyens militaires qu'elle a mis en œuvre en Géorgie réveillent les vieilles peurs qu'elle inspirait à ses rivaux impérialistes et elle se retrouve plus isolée diplomatiquement que jamais pour rompre son encerclement.
Aucune puissance ne peut prétendre pouvoir se rendre maître ou même contrôler la situation comme le prouve tous les flottements ou les revirements d'alliances.
Avec le pétrole et le gaz de la mer Caspienne ou des pays d'Asie centrale souvent turcophones, les intérêts vitaux de la Turquie et de l'Iran sont engagés dans cette région mais le monde entier est partie prenante dans le conflit. On peut d'autant plus facilement se servir des hommes comme chair à canon dans le Caucase que cette région est une mosaïque d'enchevêtrements multiethniques. Il est facile d'attiser le feu guerrier du nationalisme avec un tel morcellement. Le passé dominateur de la Russie pèse aussi fortement. Cela préfigure d'autres tensions impérialistes plus graves et plus larges encore dans le futur : on a vu l'inquiétude et la mobilisation des Etats baltes et surtout de l'Ukraine, puissance militaire avec son arsenal nucléaire d'une toute autre envergure que celui de la Géorgie.
Cette guerre accroît le risque d'embrasement de déstabilisation non seulement à l'échelle régionale mais aura des conséquences inévitables au niveau mondial sur l'équilibre des forces impérialistes pour l'avenir. Le "plan de paix" est de la poudre aux yeux qui concentre en fait tous les ingrédients d'une nouvelle et dangereuse escalade guerrière pour l'avenir, menaçant ainsi d'ouvrir toute une chaîne continue de foyers d'embrasement du Caucase au Moyen-Orient.
On assiste à une accumulation de risques explosifs dans plusieurs zones très peuplées de la planète : Caucase, Kurdistan, Pakistan, Moyen-Orient, etc. Non seulement, les puissances impérialistes y démontrent une fois de plus leur incapacité à régler les problèmes et attisent au contraire les foyers guerriers mais chaque conflit ouvert marque une dimension supérieure des enjeux et des affrontements. Cela vient démontrer une fois de plus que le capitalisme n'a rien d'autre à offrir que le déchaînement de la barbarie guerrière et des tueries dont des fractions de plus en plus larges de la population sont les otages et les victimes. Le ballet de charognards autour de la Géorgie n'est qu'un maillon dans la chaîne du sanglant et monstrueux sabbat guerrier que le capitalisme ne cesse de danser dans le monde. Ce n'est pas en réclamant plus de démocratie, le respect des droits de l'homme ou en s'en remettant à la croyance dans des accords entre brigands impérialistes ou à leurs conventions internationales, que cette situation pourra prendre fin. Le seul moyen de mettre fin à la guerre est de mettre fin au capitalisme. Et c'est le combat du prolétariat. Les seuls alliés que possèdent les prolétaires sont les autres prolétaires, par delà les frontières, les peuples et les fronts nationalistes. La seule façon pour les prolétaires du monde entier de témoigner de leur solidarité envers leurs frères de classe qu'ils soient russes, géorgiens, ossètes ou abkhazes ou envers les victimes des guerres et des massacres qui pullulent partout, c'est en unissant leurs forces, en développant leurs luttes pour le renversement de ce système.
CCI (17 août)
Le temps de la grande messe des Jeux Olympiques, tous les médias du monde ont braqué leurs projecteurs sur Pékin.
Dès la cérémonie d'ouverture, les superlatifs n'ont cessé de pleuvoir : "spectaculaire", "grandiose", "du jamais vu"... Il faut dire qu'effectivement les moyens furent déployés pour "faire rêver". Des feux d'artifices monumentaux, des figurants par milliers, rien n'a manqué. Et dans tous les pays, les journalistes ont tenu le même rôle, ont joué la même farce : focaliser toutes les attentions sur ces joutes sportives, faire comme s'il s'agissait d'un événement historique et surtout, en passant, distiller le poison nationaliste. Il est presque comique d'entendre, parfois dans la même phrase, un présentateur vanter les valeurs de l'olympisme ("L'important, c'est de participer", "La fraternité des peuples", etc.) pour littéralement s'enflammer la seconde suivante pour la victoire "grandiose" de son compatriote et donc de son pays. Les Olympiades sont toujours un moment d'intense propagande chauvine. La vraie valeur de l'olympisme, c'est la guerre des médailles, nation contre nation. Il fallait d'ailleurs voir avec quel plaisir toutes les presses de la planète (à l'exception, évidemment, de la presse "made in US") annonçaient jour après jour le total des médailles par pays, se délectant de la défaite de l'Oncle Sam face à l'Empire du milieu.
Bref, le show sportif, médiatique et nationaliste fut total. Hier, au temps de l'empire romain, les Césars promettaient au peuple du pain et les jeux du cirque (Panem et circense). Aujourd'hui, rien a changé donc... ou presque. Le capitalisme a dû revisiter quelque peu ce vieux proverbe latin : cet été, ce fut le cirque des jeux mais sans le pain ! La Chine finit première au tableau de chasse des médailles d'or mais on y meurt de faim, dans les campagnes et dans les bagnes industriels. La crise alimentaire y fait rage comme en Egypte, au Bengladesh, en Haïti, en Mauritanie, en Indonésie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mexique, au Pakistan..., la liste est interminable (1). Les Etats-Unis en sortent deuxième mais il faut remonter à la crise de 1929 pour retrouver des files d'attente aussi longues devant la soupe populaire. Vingt-huit millions d'Américains ne pourraient tout simplement pas survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des Etats fédéraux !
C'est un signe des temps. Si la bourgeoisie déploie autant d'énergie pour ses cirques sportifs, c'est qu'il manque de plus en plus cruellement de pain. Mais tous ces artifices, tous ces jeux olympiques et autres coupes du monde ne peuvent plus le cacher, ce système est agonisant et il n'est plus capable de subvenir aux besoins de l'humanité.
GD (26 août)
1) Lire sur notre site web : "Les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme" [8] et "Le capitalisme va nous faire mourir de faim" [9] écrit par nos camarades des Philippines.
Le 18 août dernier en Afghanistan, 10 soldats français trouvaient la mort et 21 étaient blessés lors d'une embuscade tendue par les talibans. Ces soldats étaient des jeunes gens, pas de vieux baroudeurs aguerris aux pires exactions, avec tout juste six mois de "formation", avant d'aller se faire canarder sur un terrain d'affrontements militaires particulièrement dangereux. Ces gamins sont morts, pas forcément parce qu'ils avaient la fibre patriotique dans l'âme mais parce qu'il faut bien manger, parce que plus de 20 % de jeunes de moins de 25 ans sont officiellement au chômage et que plus de 25 % des SDF proviennent de cette tranche d'âge. Et aussi parce que la plupart ont été appâtés par des publicités du genre de celle diffusé par l'armée de terre à la télévision sur le thème "Engagez-vous", où la guerre leur est présentée comme un gigantesque jeu-vidéo très éloigné de l'enfer auquel ils sont confrontés dans la réalité.
Le président Sarkozy a "salué" ces jeunes gens morts, envoyés au casse-pipe pour la gloire de l'Etat français à Kaboul, puis aux Invalides à Paris, entonnant les vieilles antiennes nationalistes et chauvines dignes des pires époques guerrières. "Nous n'avons pas le droit de perdre là-bas. Nous n'avons pas le droit de renoncer à défendre nos valeurs. Nous n'avons pas le droit de laisser les barbares triompher", a-t-il déclaré. On croirait entendre George Bush exhortant les troupes américaines à foncer sur l'Irak et sur l'Afghanistan au nom de la civilisation et de la démocratie.
La politique impérialiste de la France implique une présence militaire en Afghanistan, avec tous les dangers qu'elle représente. Aussi, malgré les 24 militaires français tombés au combat depuis 2001 sur un contingent de 3300 soldats, la bourgeoisie française persiste et est bien décidée à accentuer sa présence (pas seulement Sarkozy, mais le PS qui a été le premier sous le gouvernement Jospin à expédier des troupes en Afghanistan en 2002 et qui vient de réaffirmer la nécessité de l'armée là-bas lors de son Université d'été à La Rochelle). Très concrètement, le gouvernement va envoyer de Castres, dès septembre, une nouvelle section de 30 jeunes soldats qui auront "bénéficié" de 10 mois de formation. On voit ici quelle valeur à la vie d'un gamin de 20 ans pour cette classe dominante, on voit ce que valent ses larmes de crocodiles sur "ses" dix soldats tombés au front aujourd'hui ! Doté d'un cynisme sans bornes, son plus haut représentant, le président Sarkozy, a ainsi déclaré lors de "l'éloge funèbre de la nation" : "Soldats, vous avez accompli votre devoir. C'est votre honneur. [...] Un mot qui peut paraître bien dérisoire devant le corps d'un homme de 20 ans. Et pourtant, donner sa vie avec honneur, c'est réussir sa vie". Autrement dit, mourir à vingt ans, partir à l'aube de sa vie dans une tombe, c'est une belle réussite si c'est pour la patrie ! Voilà l'avenir que les Sarkozy du monde entier souhaitent et revendiquent pour les jeunes générations : mourir sous les balles pour "défendre" les barbares démocratiques et humanitaires face aux "barbares" islamistes. On croirait entendre se répéter les pires insanités et les discours va-t-en-guerre et chauvins de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de Mussolini ou d'Hitler ou de Churchill.
Comme le dénonçait déjà Rosa Luxemburg dans sa Brochure de Junius publiée en 1916, en plein cœur de la Première Guerre mondiale : "Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre toute nue, telle qu'elle est vraiment".
Sous leurs conventions de bienséance et leurs efforts pour présenter les guerres comme des causes "nobles" et "nécessaires", les Sarkozy et autres dignes représentants de la bourgeoisie nationale qui n'hésitent pas une seconde à envoyer des gamins au casse-pipe sont de vulgaires assassins de la pire espèce. Ainsi, Kouchner, auto-proclamé prince de l'humanitaire international, répond à la question posée par le quotidien 20 minutes sur le temps où vont rester les soldats français avec détermination : "Personne ne peut répondre à cette question. On restera le temps nécessaire
Il est clair que l'embuscade du 18 août, à l'issue de laquelle les dix jeunes soldats français ont trouvé la mort, a été permise par l'inefficacité du commandement militaire mais surtout par la pression que lui met l'Etat français pour montrer qu'il veut jouer dans la cour des grands. La présence française en Afghanistan participe du plus pur esprit aventuriste de la bourgeoisie mondiale actuelle, sans perspective, sans logique autre que de rouler des mécaniques sur la scène impérialiste internationale.
Au nom du combat contre le terrorisme, l'armée française est partie "bouffer" du taliban en Afghanistan, dans la droite ligne de Bush et consorts. L'Etat français n'est sûr que d'y rencontrer échecs sur échecs et de s'y enliser, à l'instar de la première puissance mondiale, en s'enfonçant dans le bourbier afghan. Et cet engagement de la France en Afghanistan est significatif de cette fuite en avant de plus en plus irraisonnée des grandes puissances, dont la logique guerrière ne fait qu'attiser et exciter toujours plus les tensions impérialistes de par le monde.
Mulan (25 août)
Cet été fut particulièrement sanglant. Les attentats se sont enchaînés, jour après jour, au rythme effréné d'une danse macabre :
• Le 6 juillet, 11 tués à Islamabad (au Pakistan) et 22 tués à Nangarhar (en Afghanistan).
• Le 7 juillet, 41 tués et 150 blessés à Kaboul (en Afghanistan).
• Le 9 juillet, 3 tués à Istanbul (en Turquie).
• Le 13 juillet, 18 tués et 35 blessés en Afghanistan.
• Le 21 juillet, 2 morts et 14 blessés suite à des explosions quasi-simultanées dans deux bus à Kunming, capitale de la province chinoise du Yunnan.
• Le 26 juillet, 17 explosions ( !) font 49 morts et 160 blessés à Ahmedabad (en Inde).
• Le 27 juillet, 2 explosions successives à Istanbul (en Turquie) tuent 17 personnes et en blessent 154.
• Le 28 juillet, 39 tués et 146 blessés dans des attentats presque simultanés à Bagdad et Kirkouk, (en Irak).
• Le 3 août, 25 blessés à Tizi Ouzou (en Algérie).
• Le 5 août, 16 tués dans la province de Xinjiang (en Chine).
• Le 10 août, 8 morts et 17 blessés à Zemmouri (en Algérie).
• Le 13 août, 14 tués et 40 blessés à Tripoli (au Liban).
• Le 17 août, 8 tués à Skikda (en Algérie).
• Le 18 août, 9 tués et 13 blessés dans la province de Khost (en Afghanistan).
• Le 19 août, 43 tués et 45 blessés à Issers (en Algérie).
• Le 20 août, 11 tués et 31 blessés à Bouissa (en Algérie).
Les cibles de ces actes barbares sont en premier lieu les populations civiles. Ces attentats frappent les lieux les plus peuplés comme les marchés ou les écoles. En Algérie, à Zemmouri, le 9 août, un kamikaze s'est fait sauter au volant de son véhicule tuant 8 jeunes de moins de 25 ans puis, comble de l'horreur, un groupe armé a tiré sur les ambulances pour retarder l'arrivée des secours ! Le 20 août, dans la ville de Dera Ismaïl Khan, toujours en Algérie, un attentat à la bombe a eu lieu devant... la porte des urgences d'un hôpital ! Le bilan fut de 23 morts et 15 blessés.
Le responsable de toutes ces tueries n'est autre que le capitalisme. Le terrorisme est le fruit de l'affrontement entre cliques bourgeoises. Il est l'arme par laquelle les bourgeoisies les plus faibles tentent de défendre leurs sordides petits intérêts locaux (comme aujourd'hui le font les "seigneurs de la guerre" en Afghanistan ou en Irak). Quant aux grandes puissances, en tirant les ficelles en coulisses, elles n'hésitent pas à utiliser dès qu'elles le peuvent cette violence aveugle pour déstabiliser leurs rivaux (comme, par exemple, le font actuellement les Etats-Unis en Algérie en soutenant l'Al-Qaïda local contre la France).
Mais la situation actuelle révèle encore bien plus que la nature guerrière et sanguinaire de la bourgeoisie. La multiplication des attentats et leur extension géographique montrent clairement la dynamique de ce système : le capitalisme plonge dans l'abîme et risque d'entraîner avec lui toute l'humanité. Plus que jamais, la seule alternative est "socialisme ou barbarie" !
Map (21 août)
"C'est une arrestation historique, qui marquera l'histoire de la justice pénale internationale dans cette partie du monde. Il n'y a donc pas d'échappatoire, de fuite possible pour un criminel de guerre. C'est le message adressé aux assassins et aux auteurs de génocides." Bernard Kouchner s'est félicité en ces termes le 22 juillet sur France Info de l'arrestation de Radovan Karadzic. Pour bien enfoncer le clou, il ajoutait en substance : "C'est également une arrestation pour l'avenir parce que désormais on peut à nouveau croire à la responsabilité de protéger, ce que nous avions appelé le droit d'ingérence." En effet, l'histoire de la guerre dans l'ex-Yougoslavie à laquelle renvoie celle du boucher Karadzic a été un des épisodes les plus marquants de cette "ingérence" prônée par Mitterrand en particulier, l'ancien mentor de Kouchner. Ce dernier, toujours prompt à saisir un sac de riz sous l'œil des caméras ou à lécher à présent les bottes de Sarkozy, n'en rate jamais une pour se distinguer. Car, si Karadzic est bien le responsable avec Radko Mladic du massacre de 8000 hommes à Srebrenica en deux jours, c'est avec la complicité active de Paris et de Londres qu'il a pu accomplir cet immonde forfait, monstrueux épisode de la lutte entre les Etats-Unis et l'Allemagne d'un côté, la France et la Grande-Bretagne de l'autre, pour le contrôle de l'ex-Yougoslavie. Rappelons brièvement quelques faits saillants (1). 1995 est l'année d'une accélération brutale de la guerre et des affrontements entre Serbes et Bosniaques (alliés à ce moment à la Croatie). Les atrocités, purifications ethniques, tirs de snipers, etc., font rage dans les deux camps. Prétendument afin de "calmer le jeu", certaines enclaves bosniaques en territoire serbe, dont Srebrenica, sont déclarées "neutres" et leurs habitants désarmés, leur protection étant censément assurée par les soldats britanniques et français de la Forpronu. En réalité, la présence de ces derniers n'est là que pour gêner et empêcher les tirs américains de l'OTAN sur les troupes serbes et donc protéger ces dernières. Lors de l'offensive serbe, on verra donc les militaires français de la Forpronu, sous l'ordre de l'état-major de garder leur "neutralité" devant ce massacre, se laisser purement et simplement "prendre en otages" volontairement par les hommes de Karadzic !
Notre ancien administrateur du Kosovo en rajoute sur RTL le même jour : "C'est une nouvelle extraordinaire. (...) Il (Karadzic) était cependant très bien caché puisqu'on a cru pendant très longtemps qu'il était hors de Serbie." Que voudrait nous faire croire le pantin Kouchner, qui se félicite dans le même temps de l'appui de la France au nouveau gouvernement serbe pro-européen, qui a vendu Karadzic contre son adhésion à l'Europe ? Qu'il n'était pas au courant des magouilles entre Richard Holbrooke, négociateur américain des accords de Dayton de 1996, et Karadzic, soutenu dans un deuxième temps par Washington, promettant à celui-ci, malgré les accusations dont il était déjà l'objet, qu'il ne serait pas inquiété s'il quittait la scène politique.
La prétendue ignorance de ce "secret de polichinelle" ne fait que souligner l'hypocrisie de celui qui fanfaronne aujourd'hui en essayant de faire oublier sa propre responsabilité et la politique criminelle de l'Etat français à cette époque.
Wilma (21 août)
1) Pour de plus amples informations et un rappel précis des évènements, lire nos Revue internationale numéros 82 [15] et 83 [16], 3e et 4e trimestres 1995.
Au printemps dernier s'est tenu le 18e congrès de la section en France du Courant communiste international. Ce congrès s'est déroulé à un moment très particulier de l'histoire de la lutte de classe mondiale, hautement symbolique et important politiquement pour la lutte ouvrière d'aujourd'hui. En effet, ce congrès coïncidait avec le 40e anniversaire des "événements de Mai 68" (suivant le terme employé dans les médias), en fait la plus grande grève de l'histoire du mouvement ouvrier international, un mouvement qui inaugurait une reprise historique du combat prolétarien à l'échelle internationale après quatre décennies de contre-révolution. Par ailleurs, notre section en France célébrait aussi le 40e anniversaire de sa fondation, puisque c'est à la suite de ce mouvement, alors que le travail n'avait pas encore repris partout, que s'est constitué le petit groupe Révolution Internationale qui allait former, en compagnie de 5 autres groupes, le Courant communiste international en janvier 1975. La constitution de notre organisation internationale n'était évidemment pas un fait du hasard : elle cristallisait toute une réflexion qui s'était réveillée dans le prolétariat en même temps qu'il reprenait le chemin des luttes massives (1).
Qu'en est-il aujourd'hui des espoirs fondés par Mai 68 et de cette perspective ainsi ouverte ? Comment ont évolué la société capitaliste, les luttes du prolétariat, les forces révolutionnaires ? Le XVIIIe congrès de Révolution internationale se devait de répondre à ces questions et de faire part de ses réflexions et de ses analyses à l'ensemble de la classe ouvrière et du milieu politique prolétarien. Tel est le souci et l'objet de cet article.1
Comme nous l'écrivions dans notre journal n° 391, dans l'article "Mai 68 : la signification internationale de la grève générale en France" : "Si l'ensemble de la classe ouvrière de ce pays s'est lancée dans une grève quasi générale, c'est que tous ses secteurs commençaient à être touchée par la crise économique qui, en 1968 n'en était qu'à son tout début, une crise non pas ‘française' mais de l'ensemble du capitalisme mondial." Les attaques que commençaient à subir les ouvriers en France sur les questions de salaire, de chômage ou de remboursement des soins de santé, ne manifestaient que ce qui se déroulait également ailleurs dans les principaux pays capitalistes du monde. La crise économique mondiale revenait ainsi sur le devant de la scène après plusieurs décennies de répit. La période qualifiée de "miracle économique" ou des "trente glorieuses" par la bourgeoisie et commencée à la fin de la dernière guerre mondiale était ainsi définitivement close. Cependant, à cette époque, la bourgeoisie était encore très loin d'avoir utilisé et usé tous les moyens dont elle disposait pour tenter de faire face ou, en tout cas, de ralentir l'aggravation de la crise mortelle de sa propre économie. En effet, cela fait plus de quarante ans maintenant que cette crise évolue et que le monde capitaliste s'enfonce inexorablement dans sa crise et la barbarie. A la fin des années 1920 et au cours des années 1930, la société capitaliste avait également connu une manifestation majeure de sa crise économique. Depuis cette époque, la bourgeoisie a bien appris et notamment elle s'est donnée des moyens pour en atténuer et repousser autant que possible les effets les plus dévastateurs. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'elle possède les moyens de résoudre les contradictions contenues dans son propre système et qui sont à l'œuvre au plus profond de cette société. C'est pour cela que les discussions dans ce congrès ont mis en évidence que, si au moment de Mai 68, la bourgeoisie avait les moyens de faire face aux premières nouvelles manifestations de sa crise, il en est bien différemment aujourd'hui. Tous ces moyens et autre palliatifs sont très largement usés (voir l'article sur la crise économique dans ce numéro du journal). Il est ressorti clairement de nos discussions que la crise économique mondiale entrait dans une nouvelle phase, dans de nouvelles et profondes convulsions autrement plus importantes que toutes celles qui se sont succédées depuis 1968. Si, à la fin des années 1960, beaucoup de secteurs de la classe ouvrières subissaient les premières attaques sérieuses de leurs conditions de vie, amenant ainsi une première grande vague de mécontentement dans de nombreux pays, la situation autrement plus grave au niveau économique entraîne dans la période actuelle des attaques d'une toute autre ampleur et profondeur qu'à cette époque. (Voir l'éditorial dans ce même journal.) Mais surtout, depuis l'époque de la lutte de Mai 1968, les attaques se sont généralisées à l'échelle de toute la planète. Plus aucun pays n'y échappe, plus aucun secteur de la classe ouvrière. Ainsi se développent les conditions d'un mécontentement et d'une combativité autrement plus puissants et généralisés qu'à cette époque.
Après 1968 et tout au long des années 1970 et 1980, à travers des vagues de luttes successives, l'espoir et la perspective levés par la lutte massive en France de la fin des années 1960 se sont confirmés et renforcés. Mais ce cheminement de la classe ouvrière a été en permanence confronté à tous les pièges et manoeuvres déployés par une bourgeoisie mondiale unie face à la lutte de classe, malgré ses rivalités commerciales et impérialistes, et qui s'était remise de sa surprise de 1968. Le coup le plus rude reçu par le prolétariat a consisté en la campagne idéologique massive et internationale menée par la bourgeoisie sur le thème de "la mort du communisme" suite à l'effondrement du mur de Berlin et du bloc soviétique en 1989. Selon la bourgeoisie, le communisme avait ainsi échoué lamentablement et le capitalisme, malgré ses insuffisances, avait montré son écrasante supériorité. Toute idée de révolution communiste possible, et même de la capacité de la classe ouvrière de jouer un rôle dans la société, allait donc ainsi être ensevelie sous une avalanche de mensonges. Plus de dix années de recul profond de la combativité et de la conscience de classe allaient en découler, rendant la vie de la classe ouvrière et de ses organisations révolutionnaires d'autant plus difficile. L'espoir et la perspective levés par Mai 1968 semblaient donc avoir eux-mêmes disparu. Mais le 18e Congrès de Révolution Internationale qui vient de se tenir, de même que les Congrès internationaux et territoriaux qui se sont tenus depuis au moins 2003, ont pu réaffirmer dans leurs discussions et résolutions sur l'évolution de la situation internationale et la lutte de classe que tel n'était absolument pas le cas. C'est en effet au début des années 2000 que le poids de la défaite subie pendant les années 1990 par la classe ouvrière allait progressivement s'estomper et le fil de la lutte se renouer avec son passé. Depuis, même si c'est de façon beaucoup moins spectaculaire qu'en 1968, la lutte s'est développée simultanément de plus en plus sur tous les continents. En Asie, en Chine par exemple, où les ouvriers de l'industrie sont aujourd'hui les plus nombreux au monde, les luttes se sont succédées tout au long de ces dernières années. Nous avons relaté et analysé dans notre presse l'ensemble des luttes qui se sont développées dans le monde au cours de cette période. Le congrès a mis en évidence l'importance toute particulière des dernières luttes qui se sont déroulées tout récemment en Allemagne après celles contre le CPE en France, il y a maintenant deux ans. L'Allemagne est le pays où se concentre une des parties de la classe ouvrière la plus expérimentée du monde, celle qui a effectué la révolution de 1918-19 dans la continuité de la révolution de 1917 en Russie. C'est aussi cette classe ouvrière qui a subi une défaite écrasante orchestrée par toute sa bourgeoisie nationale (avec à sa tête le parti socialiste) au moment de la révolution et qui pourra en tirer le mieux toutes les leçons pour les nouvelles générations ouvrières. Le fait que des luttes se développent maintenant au cœur du capitalisme mondial, au moment même où tous les continents connaissent également des grèves et des luttes, démontre concrètement que la perspective historique ouverte en 1968 est en train de se confirmer. La discussion du congrès a mis en évidence les difficultés que rencontrent ces luttes dans leur développement, et qu'il ne s'agit pas pour la classe ouvrière et pour ses minorités de révolutionnaires de sous-estimer. Contrairement à l'époque de Mai 1968, la classe ouvrière ne se fait plus beaucoup d'illusions aujourd'hui sur l'avenir que peut lui offrir à elle-même et à ses enfants ce capitalisme englué de plus en plus profondément depuis quarante ans dans sa crise généralisée et dans une décomposition de plus en plus visible et avancée. Mais la question de la perspective de la lutte de classe, la nécessité de la révolution communiste reste encore aujourd'hui en dehors de la conscience qui existe dans la très grande majorité de la classe ouvrière. Cette difficulté est sans aucun doute une des caractéristiques majeures de la nouvelle vague mondiale de la lutte de classe. Cependant, nous avons pu analyser dans le congrès comment les attaques de plus en plus simultanées, la dégradation de plus en plus uniformes des conditions de la vie ouvrière conduisaient les prolétaires à développer de plus en plus fréquemment la solidarité active dans leurs luttes. Cette solidarité indispensable au développement de l'extension et de l'unité de son combat. Un autre aspect de la lutte de classe discuté au congrès et qui n'était pratiquement pas présent au moment de Mai 1968, est celui des réactions de plus en plus fréquentes de la classe ouvrière au problème de la faim. Se nourrir devient une question de plus en plus pressante pour une partie croissante de la classe ouvrière. Au cours de la dernière période, des émeutes de la faim ont ainsi éclaté dans de nombreux pays, comme en Égypte encore tout récemment. La classe ouvrière dans son ensemble va devoir intégrer dans sa lutte générale contre le capitalisme, cet aspect maintenant incontournable de la lutte de classe. Contrairement à 1968, l'état du capitalisme mondial est aujourd'hui autrement plus grave et décomposé et la lutte de classe autrement plus indispensable et vitale encore. Mais cette situation pose de fait à la lutte ouvrière des questions autrement plus complexes encore à résoudre qu'au moment de Mai 1968. Ce sont les luttes à venir qui devront dans leur pratique se confronter et résoudre l'ensemble de ces questions.
Le congrès a analysé de manière approfondie la situation en France et a mis en évidence qu'elle illustrait de façon significative l'évolution de la lutte de classe au niveau mondial. Ainsi, en 2003, c'est la classe ouvrière en France, en même temps que celle d'Autriche, qui a montré le renouveau de la lutte de classe plus de dix ans après le coup reçu avec la chute du Mur de Berlin. Cette dynamique s'est confirmée avec la lutte contre le CPE au printemps 2006 et les luttes de novembre 2007 : celle des étudiants contre la trop fameuse loi dite LRU et celles des cheminots, des gaziers et des électriciens contre les attaques sur les retraites. Toutes ces luttes ont illustré la profondeur de la reprise des combats de classe par la place qu'y ont jouée les jeunes générations et par les formes de lutte qui renouaient avec celles que l'on avait vu en mai 68. En même temps, la sophistication des manœuvres de l'ensemble des forces politiques et syndicales de la bourgeoisie qu'on a vues en oeuvre en novembre 2007 (2) constitue une illustration de ce dont est capable la classe dominante au niveau international pour faire passer ses attaques et retarder le plus possible les surgissements massifs du prolétariat.
Après le XVIIe congrès du CCI, qui s'est tenu en 2007 et celui de notre section en France en 2006, c'était la troisième fois que des groupes du milieu politique prolétarien étaient présents et ont participé activement aux travaux d'un congrès de notre organisation. Une délégation du groupe OPOP du Brésil était déjà présente au congrès de Révolution internationale en 2006 (et avait pu être témoin des manifestations de la lutte contre le CPE). Au congrès international de 2007 étaient présentes des délégations d'OPOP, d'EKS de Turquie et du SPA de Corée du Sud (le groupe Internasyonalismo des Philippines, qui avait accepté notre invitation, n'avait pu venir mais avait envoyé un salut au congrès et des prises de position sur tous les points à l'ordre du jour) Au dernier congrès de la section en France étaient de nouveau présentes des délégations d'OPOP et d'EKS (Internasyonalismo avait de nouveau envoyé des prises de position, étant encore empêché de venir tout comme plusieurs groupes d'Amérique latine qui avaient accepté notre invitation). Cette participation active des groupes internationalistes est ainsi devenue maintenant un acquis dans le camp de la Gauche Communiste. Elle manifeste, après les regroupements effectués dans la suite de Mai 1968, un nouveau regain pour les positions révolutionnaires. Elle traduit le développement de la maturation de la conscience qui commence à se développer dans l'ensemble de la classe ouvrière et qui s'exprime aujourd'hui dans l'émergence de petites minorités organisées ou non. Difficilement certes, mais de manière maintenant visible, la classe ouvrière est amenée nécessairement à se poser de nouveau avec beaucoup plus de profondeur, les questions esquissées en 1968. Il est indéniable que plus encore qu'à la fin des années 1960, début des années 1970, ce regain d'intérêt se concrétise à un niveau jamais atteint depuis lors sur le plan international. Notre congrès a montré à quel point était vitale la capacité de notre organisation et des anciennes générations de militants ayant vécu notamment Mai 1968 de transmettre à leur tour aux jeunes éléments en voie de politisation toute l'expérience accumulée depuis quarante ans. Sans cette capacité, il est évident que la construction du futur Parti communiste mondial ne pourrait se faire. Le regain d'intérêt pour les positions de la Gauche Communiste que nous connaissons actuellement sont sans aucun doute les premiers pas effectués dans ce sens.
Tous les ouvriers ou militants qui ont vécu Mai 1968 ont eu un avant-goût de ce que débattre de manière prolétarienne veut dire. La bourgeoisie veut toujours nous présenter les luttes de 1968 comme de simples affrontements violents entre les étudiants et les forces de police. Rien n'est plus faux ! Dans les luttes massives de la classe ouvrière à cette époque et malgré toutes les difficultés liées au sabotage des forces de gauche et des syndicats, les ouvriers en lutte, dans les assemblées générales et les manifestation de rue ont commencé à développer des discussions collectives sur le sens et les objectifs de leur lutte. De la même manière sans l'envie de débattre, il n'y aurait pas eu de regroupement des forces révolutionnaires à cette époque et sans aucun doute pas de CCI. Le renouveau de la lutte de classe internationale a nécessairement poussé tous ceux qui ressentaient réellement les exigences posées par le combat de classe et ses perspectives vers le développement le plus large et le plus ouvert des discussions. Depuis lors, cette condition même de la lutte ouvrière et du regroupement des révolutionnaires s'est imposée beaucoup plus clairement et consciemment à notre organisation. Cela fait maintenant plusieurs années que le CCI a placé la question de la culture du débat dans le mouvement ouvrier au coeur de ses préoccupations, tant théoriques que pratiques. Ce XVIIIe congrès de Révolution internationale a poursuivi en profondeur ce travail. Mais plus encore, c'est dans la tenue de ses débats : ouverts, fraternels, faits d'écoute attentive et réciproque, que s'est manifestée le mieux toute notre maturation dans ce domaine. Mais cette nécessité, cette condition du regroupement des forces internationalistes et du combat de classe, s'est également manifestée dans la manière dont les groupes présents ont participé eux-mêmes aux discussions du congrès, reprenant entièrement à leur compte cette manière de débattre et la réflexion du CCI sur cette question.
Malgré toutes les difficultés, les défaites partielles subies par la classe ouvrière depuis quarante ans, il est une réalité qui s'est dégagée avec force dans les travaux du congrès et qui doit rester claire aux yeux de la classe ouvrière et de ses minorités : l'espoir et les promesses ouvertes par Mai 1968 ne sont pas mortes et enterrées. Bien au contraire, la perspective historique ouverte à cette époque se trouve confirmée jour après jour. Mai 1968 en France et toutes les luttes qui se sont développées à cette époque dans de nombreux pays font partie intégrante de l'expérience et de l'histoire de la classe ouvrière. L'énorme intérêt suscité par Mai 68 lors de son 40e anniversaire, non seulement en France mais aussi dans beaucoup d'autres pays, notamment auprès des nouvelles générations, est le signe que, dès à présent, les éléments les plus avancés du prolétariat mondial ont pris le chemin de la réappropriation de cette expérience et de cette histoire afin d'en féconder les combats de demain.
CCI
1) Sur la signification internationale de Mai 68 et ses implications sur le renouveau des forces révolutionnaires, voir notre série d'articles sur "Mai 68 et la perspective révolutionnaire" publiée dans les numéros 388 à 392 [19] de notre journal.
2) Voir à ce propos notre article "Lutte des cheminots, mouvement des étudiants : gouvernement et syndicats main dans la main contre la classe ouvrière" [20] dans Révolution internationale n° 385.
Pendant la période estivale, l'Etat et ses dirigeants préparent toujours de mauvais coups. Profitant de la période des vacances, la classe dominante a pu de nouveau perfectionner en catimini son arsenal destiné à fliquer la population et en particulier la classe ouvrière. A l'échelle de tous les pays, notamment là où les prolétaires sont les plus nombreux et concentrés, les moyens et dispositifs de surveillance se sont accrus brutalement, toujours accompagnés des technologies dernier cri.
Une des priorités mises en avant, c'est la surveillance des rues et lieux publics. Cette question semble particulièrement brûlante en France puisque cette dernière a accusé un retard relatif eu égard aux mesures prises par ses voisins anglo-saxons.
Aussi, le projet de multiplier par trois les caméras de vidéosurveillance a donc été relancé, permettant d'ici à 2009 de passer de 340 000 à 1 million de caméras dans tous les lieux publics. En la matière, c'est la Grande-Bretagne qui détient officiellement le record avec, rien qu'à Londres, plus de 400 000 caméras ! Cette dernière envisage maintenant de moderniser son parc en équipant un certain nombre de sites de "caméras intelligentes". Ces caméras, capables d'un zoom à plus d'un kilomètre de distance d'intensifier la lumière et équipées d'infrarouges, sont censées maintenant déceler et analyser des situations "troublant l'ordre public". Elles font de plus en plus appel à des données biométriques. Le dispositif "person tracking unit" d'IBM existant permet déjà de scanner des étiquettes sur les éléments d'une foule afin de suivre ses mouvements dans les lieux publics. Des véhicules mobiles de police sont déjà dotés d'équipements hautes technologies (Automatic Number Plate Recognition) qui permettent simultanément sur un lieu de lire toutes les plaques d'immatriculation, les photographier, les localiser par GPS et envoyer toutes les coordonnées à un fichier informatique centralisé pour renseignements (1). Outre le suivi à la trace, on peut avoir en prime la localisation de celui qui n'a pas encore payé son assurance, qui a son contrôle technique en retard, etc. En matière de téléphonie mobile, le Danemark et la Suède viennent de commercialiser un mobile GPS qui permet "d'espionner ses amis" ! En Australie, le "telecommunication act", texte gouvernemental, autorise les agences de sécurité à surveiller les communications des employés. Certaines entreprises ne se gênent même plus pour contrôler les mails de leurs salariés et les scruter au travail. Il existe donc toute une stratégie industrielle et étatique permettant de façon insidieuse de faire accepter cette logique totalitaire de surveillance aux populations, en commençant dès le plus jeune âge (2). C'est pour cela par exemple que commencent à fleurir dans les écoles et lycées des dispositifs faisant appel à des données biométriques (dans les cantines, etc.) ou des fichiers (3) permettant de traquer les sans-papiers ou "délinquants".
On assiste parallèlement à un développement croissant du fichage, au croisement des fichiers et à la coopération européenne et euro- atlantique pour le partage des données contenant des informations sensibles sur la vie privée des personnes.
C'est dans cette optique que la France envisage d'ouvrir un nouveau fichier, répondant au doux prénom d'Edvige. Ce nouveau fichier, né d'un décret et paru au journal officiel le premier juillet, correspond à la volonté de mêler les fichiers des RG et de la DST. Il permet de "centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public". Les personnes visées le sont désormais à partir de l'âge de 13 ans ! En fait, ce fichier ne fait qu'officialiser une pratique déjà rôdée recoupant le fichier Christina (centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux), classé "secret défense", véritable centre de données sur les personnes fichées englobant leurs proches et relations (4). Tout cela montre qu'un véritable observatoire en vu de réprimer les militants et les organisations du prolétariat est déjà largement en place. Le nouveau fichier Edvige ne fait que l'officialiser en le renforçant !
Il existe en fait officiellement 37 fichiers dont celui sur les empruntes génétiques FNAEG (5). Créé en 1998 pour réprimer les infractions sexuelles, ce dernier fichier a glissé à partir de 2003 pour s'ouvrir sur "l'identification criminelle". Un fichier qu'on a voulu étendre aux immigrés pour "faciliter le rapprochement familial" !
Ce qu'on peut dire, c'est qu'une telle volonté de contrôle absolu et une telle paranoïa exprime la réalité d'une société en déclin, menacée de toutes parts par les convulsions de sa propre crise avec les tensions sociales qui l'accompagnent. C'est cette tendance au capitalisme d'Etat, devenue universelle pratiquement depuis un siècle, qui fait que l'Etat a aspiré toute la vie sociale en se donnant des moyens qui font froid dans le dos pour "tout voir et tout savoir". (dixit Sarkozy, ex-premier flic de France)
C'est bien entendu au nom de la "menace terroriste" et de la "protection du citoyen" que ces dernières années, notamment depuis l'attentat du 11 septembre 2001 à New York, les Etats ont pris des mesures de flicage d'une ampleur sans précédent, dépassant de loin la fiction 1984 de G. Orwell. Exploitant jusqu'à la nausée le choc brutal de l'attentat, la bourgeoisie et ses médias ont su exploiter habilement l'émotion et l'indignation légitimes des populations pour muscler tout un arsenal répressif avec des "lois liberticides". Cependant, la mise en évidence des mensonges de la clique Bush et l'échec patent des Etats-Unis en Irak rendent de plus en plus difficile la justification des mesures de flicage qui suscitent questionnement et inquiétudes. Bas les masques ! Il apparaît de plus en plus évident que ce qui obsède la bourgeoisie, c'est en fin de compte la défense de "l'ordre public", c'est-à-dire le maintien de la dictature du capital face aux mouvements sociaux. Cette crainte du prolétariat, des "classes dangereuses", n'est pas nouvelle et remonte aux origines des confrontations entre prolétaires et bourgeois. Dès 1803, Napoléon a été le premier à imposer le "livret ouvrier" pour contrôler les déplacements et surveiller les prolétaires combatifs. Comme par le passé, mais avec des moyens plus modernes, la bourgeoisie se prépare centralement à réprimer aujourd'hui les luttes ouvrières. Depuis 2003 en effet, avec le développement de la lutte de classe à un niveau international, la bourgeoisie est sur le qui-vive. Aujourd'hui, alors que la récession mondiale est en train de s'installer et que la crise économique s'approfondit, elle sait que les attaques massives et brutales qu'elle va encore devoir porter ne peuvent que pousser les ouvriers à réagir. C'est d'ailleurs pour cela que déjà lors des grèves étudiantes contre le CPE en 2006 et lors de la grève des étudiants et cheminots de l'automne dernier, les médias ont diabolisé les grévistes et les forces de l'ordre n'ont cessé de multiplier les intimidations en usant de brutalité. Tout ceci, afin de dissuader et de dégoûter de la lutte. Dans la même logique, les étudiants grévistes arrêtés et jugés ont fait l'objet de propos extrêmement violents de la part du procureur de la république accusant ces jeunes de "criminels". Un président d'université les avait, il est vrai, accusé de "khmers rouges" ! Quant aux cheminots en lutte, combien de fois avons-nous entendu qu'ils étaient des "preneurs d'otages" ? Bref, en quelque sorte, des "terroristes" !
Il n'est pas étonnant d'entendre cet été le ministre de l'Immigration, B. Hortefeux, évoquer la réaction des sans papiers parqués dans les prisons infâmes que sont les centres de rétention administratif (CRA) en termes "d'agissements" perpétrés par des "agitateurs" et des "provocateurs". Cherchant des boucs émissaires en traquant les militants et les éléments combatifs, ce monsieur "a demandé aux forces de sécurité d'être extrêmement vigilantes" (6). Tout ce climat sécuritaire renforcé à l'extrême depuis longue date, entretenu par la droite, la gauche et les médias, vise centralement les banlieues ouvrières. La militarisation et le contrôle des quartiers populaires sont d'ailleurs ouvertement prônés par le "livre blanc" de la défense nationale. On sait que la bourgeoisie a une expérience d'infiltration policière dans les manifestations, qu'elle observe les militants et surveille les organisations en permanence. Elle peut maintenant parfaire cet exercice en croisant les caméras urbaines et des engins tels que les drones. Ces derniers sont des engins légers pour une surveillance aérienne des manifestants. Silencieux et indétectables, munis de caméras, ils sont capables de zoomer sur des groupes de personnes ou des individus. L'expérimentation a déjà eu lieu à Saint-Denis, autour du stade de France, donnant entière satisfaction aux sbires du capital. Un engin tel que le drone prénommé ELSA est amené, n'en doutons pas, a faire de nombreuses sorties lors des prochaines manifestations de rue. Il ne faut pas se tromper, c'est ouvertement face à la contestation et aux menaces de grèves massives que la bourgeoisie aiguise ses armes !
Face à cette préparation intensive de la bourgeoisie, le prolétariat doit prendre conscience qu'il ne peut compter que sur sa force collective et sa lutte. Il faut prendre conscience que si, individuellement, tout un chacun semble très vulnérable devant un arsenal monstrueux de technologie, cette dernière devient impuissante devant une riposte massive et consciente de la classe ouvrière. Ne nous laissons pas intimider ! Encore une fois, "Big Brother" n'est que le visage hideux d'une classe sociale agonisante, paranoïaque parce que totalement impuissante devant les contradictions qui minent son système économique barbare.
WH (14 août)
1) https://libertesinternets.wordpress.com [22].
2) Un courrier du groupement des industries de l'interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques (GIXEL) définit dans son "livre bleu" qu'il faut "conditionner les populations à la biométrie et au fichage en commençant dès le plus jeune âge".
3) Outre la mise en place du fichier "base élève", il faut dénoncer une "opération expérimentale" menée dernièrement à l'école primaire de Monein qui a fait réagir les enseignants. Comme questions hautement pédagogiques l'enfant de CM2 pouvait lire : "es-tu né en France ? Ta mère est-elle née en France ? Ton père est-il né en France ? Quelle langue parles tu à la maison ? D'habitude, qui vit avec toi à la maison ?")
4) Voir le site lemonde.fr [23]
5) www.agoravox.fr [24]
6) www.liberation.fr [25] le 9 août 2008.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/rint133/les_causes_de_la_periode_de_prosperite_consecutive_a_la_seconde_guerre_mondiale.html
[2] https://en.internationalism.org/contact/postal
[3] https://fr.internationalism.org/contact
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/sans-papiers
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/guerre-georgie
[8] https://fr.internationalism.org/content/crise-alimentaire-emeutes-faim-montrent-necessite-renverser-capitalisme
[9] https://fr.internationalism.org/ri392/crise_alimentaire_le_capitalisme_va_nous_faire_mourir_de_faim.html
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/jo
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/121/afghanistan
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/afghanistan
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/guerre
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/attentats
[15] https://fr.internationalism.org/rinte82/yougoslavie.htm
[16] https://fr.internationalism.org/rinte83/yougo.htm
[17] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/35/europe
[18] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/karadzic
[19] https://fr.internationalism.org/booktree/2863
[20] https://fr.internationalism.org/ri385/lutte_des_cheminots_mouvement_des_etudiants_gouvernement_et_syndicats_main_dans_la_main_contre_la_classe_ouvriere.html
[21] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/resolutions-congres
[22] https://libertesinternets.wordpress.com/
[23] https://www.lemonde.fr/
[24] https://www.agoravox.fr/
[25] https://www.liberation.fr/