Le mois de mai a été émaillé de grèves et de manifestations et le mois de juin s'annonce lui aussi mouvementé. Il faut dire que la colère est forte dans les rangs ouvriers. Qu'elle soit au travail, au chômage ou à la retraite, toute la classe ouvrière ressent un profond ras-le-bol. Les prix flambent, les soins médicaux deviennent inaccessibles, les allocations s'effondrent... Mais plus encore que la situation immédiate, c'est la noirceur de l'avenir qui inquiète. Même les médias ne peuvent cacher ce mécontentement grandissant, simplement ils en parlent avec des mots bien choisis et bien à eux : "Le moral des ménages français au plus bas depuis 1987" (1). Ce qu'ils oublient volontairement d'écrire, c'est que derrière cette baisse du "moral des ménages", il y a surtout une montée de la combativité des familles ouvrières ! Un seul exemple : pour protester contre les 18 000 suppressions de postes frappant les établissements scolaires à la rentrée prochaine, 40 000 enseignants et élèves se sont retrouvés dans les rues de Paris le dimanche 18 mai !
Pourtant, ce mécontentement généralisé n'a enfanté, pour l'instant, aucune lutte d'ampleur. Pourquoi ?
En apparence, les syndicats ont tout fait pour mobiliser. Tout au long du mois de mai, les manifestations se sont enchaînées à un rythme effréné : le 15, le 18, le 22, le 24... Chaque fois, ces journées d'actions ont rassemblé des dizaines de milliers d'ouvriers. Mais en fait, derrière leurs appels bidons à la lutte, les syndicats se sont attelés à un véritable travail de sape.
Le 15 mai, un appel à la grève de toute la fonction publique est lancé contre les suppressions de postes. Trois jours après, sur cette même question, la journée d'actions ne concernait plus que les seuls enseignants. Pourquoi cette réduction au secteur de l'enseignement ? En 2003 déjà, lors de la lutte contre la réforme des retraites, les enseignants avaient essuyé une cuisante défaite et payé cher (plusieurs mois de salaires pour certains) leur isolement. Les syndicats leur refont ici le même coup, à plus petite échelle. Cette cible n'est d'ailleurs pas choisie au hasard car la colère y est particulièrement grande. Depuis plusieurs années maintenant, les coupes claires se succèdent et les conditions de travail se détériorent à toute vitesse. Il y a un "risque" pour le gouvernement et les syndicats de voir ce secteur partir en lutte et entraîner derrière lui d'autres parties de la classe ouvrière, d'autant plus que la jeunesse lycéenne a déjà commencé à se porter aux côtés de leurs enseignants (et la bourgeoisie sait à quel point cette jeunesse, qui s'est mobilisée en 2006 contre le CPE et en 2007 contre la loi LRU, porte en elle l'élan de la solidarité). La classe dominante s'applique donc à isoler ce secteur et à saucissonner ses luttes. En mars et avril, les syndicats ont ainsi fait défiler les lycées les uns après les autres devant les différentes préfectures de France. Le spectacle était surréaliste. Il faut imaginer jour après jour, une centaine d'élèves et de professeurs du lycée Malraux, ou Jaurès, ou Blum, venir se planter une heure devant la préfecture, sono syndicale à fond, puis repartir comme ils étaient venus, sans même parfois savoir qu'un autre lycée était là la veille, au même endroit et pour les mêmes raisons ! Les manifestations enseignantes des 18 et 24 mai furent la suite logique de cet épandage, par les syndicats, du poison de l'isolement et de la dispersion.
Décidément, plus on y regarde de près, plus le sabotage apparaît évident, voire caricatural. Même les manifestations des 15 et 22 mai n'avaient "d'unitaires" que le nom. Le 15, sur la question des suppressions de poste, l'appel ne concernait que la fonction publique comme si le privé n'était pas touché par ce problème ! La mobilisation du 22, qui devait enfin rassembler public et privé sur la question commune des retraites, est venue volontairement trop tard, les enseignants et les lycéens ne pouvant se mobiliser ainsi tous les trois jours et devant privilégier, sous les consignes syndicales, "leurs" manifestations. Cerise sur le gâteau, pour être bien sûrs qu'il n'y aurait pas trop de monde, les syndicats ont pris même soin de lancer un appel à la grève pour la SNCF et la RATP, faisant craindre à beaucoup les perturbations d'un déplacement ! Ainsi, amputée du secteur le plus combatif et de la jeunesse lycéenne, cette dernière manifestation de mai ne fut qu'un morne défilé, sans vie ni entrain. Il est évident qu'au lieu de ces multiples journées d'action, une seule et même manifestation, appelant tous les secteurs à se battre contre les suppressions de postes et pour la retraite, aurait eu un tout autre impact !
Mais tout ce travail de sabotage systématique des mobilisations est de plus en plus apparent aux yeux de la classe ouvrière. Lors d'une réunion de coordination dans un lycée de la région de Tours, et suite aux interventions de militants du CCI, une enseignante est venue nous demander inquiète : "Les syndicats sont-ils incompétents ou malveillants ?". Non, il ne s'agit pas là d'incompétence ou d'erreurs malheureuses, mais d'une politique délibérée et consciente.
Les syndicats se rendent parfaitement compte que leur crédit aux yeux des ouvriers est en train de fondre à mesure des attaques gouvernementales. Cet automne, lors de la lutte contre l'abrogation des régimes spéciaux, la collusion entre syndicats et gouvernement fut si flagrante qu'elle en ébranla même les troupes cégétistes et cédétistes. On se souvient de Thibault hué par les cheminots et de Chérèque contraint de quitter honteux le cortège de la manifestation du 20 novembre ! Les organisations syndicales doivent donc tenter d'apparaître comme combatives pour ne pas se discréditer totalement alors que les attaques massives pleuvent à coups redoublés sur l'échine de tous les ouvriers. C'est pourquoi, en cette fin mai, ils sont contraints de jouer la carte de l'omniprésence sur tous les fronts sociaux.
Il existe partout, et depuis des mois, quantité de petites grèves. Et partout, les syndicats ont eu la même attitude : calmer les ardeurs et focaliser l'attention sur des aspects spécifiques des attaques au secteur concerné. Pendant des mois, le black-out des médias sur ces luttes et l'organisation de leur dispersion par les syndicats ont été l'arme du gouvernement pour masquer la colère ouvrière. En revanche, lorsque les syndicats bombent le torse et "durcissent" un mouvement, comme c'est le cas dans les services des impôts, les médias rompent le silence en leur faisant même un peu de publicité. Ainsi, fin mai, la perturbation d'une dizaine de centres des impôts a eu, elle, l'honneur des médias. Dans tous ces centres, le scénario est presque identique : vote de grèves reconductibles par une poignée de syndicalistes dans des parodies d'AG, blocage des centres aux "usagers" (en pleine période de remise de déclaration annuelle d'impôt sur le revenu) et appel de la police par la direction qui intervient en surnombre (leur déploiement est plus important que le nombre de grévistes) pour permettre, parfois au prix de petites bousculades, la réouverture des centres administratifs. Puis les syndicats, ces organes de l'appareil d'Etat qui ne cessent depuis des mois de travailler, en catimini, main dans la main avec le gouvernement pour faire passer les attaques à répétition, tentent ainsi de se présenter, CGT en tête, comme les cibles et les victimes de la répression policière ! Ce radicalisme de façade correspond à un triple objectif. D'abord, "lâcher de la vapeur" et faire en sorte que les éléments les plus combatifs puissent se défouler dans une "lutte" totalement quadrillée par les syndicats et qui n'a donc aucune possibilité de s'étendre. Ensuite, parce que la majorité des ouvriers ne se reconnaissent pas dans ce genre d'action "radicale" minoritaire, inhibante et stérile, les syndicats peuvent en profiter pour faire passer à leurs troupes le message frauduleux suivant : "si vous n'avez pas été suivis, c'est parce que la classe ouvrière n'est aujourd'hui pas assez combative". Tous les syndiqués ayant participé de bonne foi à ce genre d'actions, en ressortent déboussolés et démoralisés !
Enfin, les blocages, voire les affrontements avec les forces de l'ordre, organisés sous les projecteurs médiatiques, permettent de créer l'illusion de la combativité syndicale (2).
Ce mouvement aux impôts est significatif du type de manœuvres qui vont se multiplier dans les prochains mois. D'ailleurs, sur le terrain de la fausse radicalité, toutes les confédérations viennent de pousser de hauts cris, dont les médias se sont faits évidemment l'écho, contre le nouveau projet de loi sur le temps de travail : "A la hâte, la CGT et la CFDT déterrent la hache de guerre", "La CGT et la CFDT vent debout contre la réforme des 35 heures" (3)... Une manifestation est prévue le 17 juin (4). Mais d'ores et déjà, tous ces cris d'orfraie apparaissent pour ce qu'ils sont : des gesticulations hypocrites. Les syndicats organisent d'ailleurs déjà la division : une autre manifestation, contre la mobilité des fonctionnaires, est prévue le 10 juin. Pourquoi un sabotage aussi évident ? Tout simplement parce que le climat actuel ne leur permet pas de mener un mouvement syndical d'ampleur sans risquer d'en perdre le contrôle. Ils ne peuvent pas se permettre de rassembler en un même endroit trop de secteurs différents de la classe ouvrière !
Face aux attaques incessantes du capital, la combativité va continuer de se développer et le sabotage syndical sera de plus en plus criant, alimentant la réflexion sur la nature réelle de ces officines. Restera alors le pas le plus difficile à franchir : oser se passer des "spécialistes officiels de la lutte" pour organiser nous-même les assemblées générales, aller chercher la solidarité et étendre le combat par l'envoi de délégations massives aux usines, aux écoles, aux administrations, aux hôpitaux voisins,... bref, oser prendre en mains nos luttes ! La classe ouvrière peut et doit acquérir cette confiance en sa force collective !
Pawel (31 mai)
1) Le Nouvel Observateur et Le Monde du 28 mai.
2) Un autre mouvement, et de façon bien plus importante encore, a eu les honneurs de la presse : la "lutte" des marins-pêcheurs. Ce simple fait doit attirer l'attention et la méfiance. Pourquoi une telle publicité ? Mieux encore, alors qu'il y a un véritable black-out sur les luttes ouvrières internationales (lire, par exemple, les trois articles de ce journal aux Etats-Unis [1], au Venezuela [2] et en Grande-Bretagne [3]), les actions des marins-pêcheurs de toute l'Europe sont détaillées en large et en travers aux journaux télévisés de 20 h. La raison en est simple : les marins-pêcheurs sont soit des petits patrons (propriétaires de leurs bateaux), soit des ouvriers dont le rêve premier est de devenir petit patron. Ainsi, même s'il est vrai que leur condition de vie et de travail sont pour tous très rudes, voire inhumaines, il n'en reste pas moins qu'ils se battent souvent pour leur intérêt particulier et corporatiste. La bourgeoisie fait toujours une large publicité à leur mouvement car elle veut promouvoir l'idée que pour obtenir quelque chose il faut se battre dans son coin, pour soi et non pour les autres.
3) Libération et la Tribune du 30 mai.
4) Il est bon de se rappeler en passant que les syndicats avaient en 2002 "négocié" avec les 35h, le gel des salaires, la flexibilité et, souvent, l'annualisation du temps de travail !
Le 15 avril dernier, des travailleurs sans papiers, pour la plupart embauchés dans les fameux "secteurs en tension" (1), se mettaient en grève. En plus de subir les pires conditions de travail, ces prolétaires sont traités comme des délinquants, contraints de vivre dans la clandestinité permanente, l'angoisse quotidienne et la terreur du contrôle et de l'expulsion (2). Ceux qui ont pris le risque de tout perdre en faisant grève au grand jour pour faire cesser une situation insupportable font preuve d'un grand courage. Mais en se mettant sous les banderoles de la CGT, ils sont en réalité tombés dans un piège !
Cette grève avait de fait été préparée de longue date, plusieurs mois à l'avance. La CGT avait organisé un appel à la syndicalisation massive de ces ouvriers, avec pour objectif affiché de mettre en oeuvre une action de masse et médiatisée pour... se faire de la pub, comme une vulgaire opération de marketing. Pour être médiatisée, elle le fut en effet. Au sein du cortège syndical parisien du 1er mai, on ne voyait qu'eux. La presse écrite et télévisée en a parlé tous les jours, galvanisant les troupes qu'une CGT en mal de publicité et de crédibilité voulait voir s'agréger autour d'elle, suscitant d'immenses faux espoirs. Ainsi, des milliers de travailleurs "clandestins" se sont engouffrés dans le mouvement, espérant la fin de leurs cauchemars : pouvoir vivre et dormir sans avoir à se cacher et sans craindre les rafles policières. Mais, au bout du compte, ce sont à peine plus de 800 dossiers qui seront déposés. Pourquoi seulement 800 et pas plusieurs milliers, comme avait pu le laisser entendre la CGT avec sa prétendue "action de soutien de masse" ? Parce que la centrale syndicale avait auparavant déjà négocié en secret avec le gouvernement pour précisément et uniquement 800 dossiers de "régularisation", point final ! Pour tous les autres, cette manœuvre n'a pas simplement suscité une immense déception, elle a surtout permis leur fichage par les préfectures !
Ceux qui ont osé poser des questions sur cette magouille de la CGT avec le gouvernement de Sarkozy se sont vus renvoyer dans les cordes par un "laissez-nous faire !" hautain, méprisant, voire menaçant (3). Refusant de se laisser traiter ainsi, tous ceux qui dans l'affaire se sont sentis floués et trahis, ont envahi et occupé, début mai, les locaux de la CGT de la Bourse du travail de Paris. Les explications se sont multipliées sur cet épisode faisant tâche dans les médias et on a même parlé d'un manque de courage de la CGT devant le gouvernement. La CGT n'a en réalité pas "manqué de courage", elle a fait son habituel sale boulot de saboteur de la lutte ouvrière, comme elle le fait dans toutes les entreprises et contre TOUTE la classe ouvrière. Elle a travaillé main dans la main avec le gouvernement pour aider à remplir les fichiers de la préfecture de police qui conduiront aux nouvelles charrettes d'expulsions de demain ! Rien de nouveau sous le ciel capitaliste ! En 2006, toute la gauche politique, syndicale et associative avait incité les sans papiers ayant des enfants scolarisés à se déclarer massivement auprès de leur préfecture. Au final, seulement un millier de dossiers avaient débouché sur une régularisation, et de l'aveu même des organismes d'immigration, il ne pouvait en être autrement, ce que les associations savaient depuis le début (4). Et tous les autres ont été expulsés manu militari par charters entiers. A l'époque, cette opération avait permis de roder le système ELOI (5) qui se mettait en place. En 2006, c'était "Droits devant !" qui était à l'initiative de cette cynique opération (6). Aujourd'hui, la bourgeoisie plante le même poignard dans le dos des travailleurs immigrés. Et si cette fois-ci, c'est à la CGT qu'est revenue la charge principale de cette basse besogne, c'est pour viser spécifiquement ceux qui ont un travail régulier, du fait de son implantation dans les entreprises.
Aussi longtemps qu'ils s'en remettront aux syndicats ou aux associations de gauche, les sans papiers se verront livrés pieds et poings liés à la police. Leurs luttes, aussi combatives et courageuses soient-elles, resteront sans issue car isolées et marginalisées du combat unitaire du prolétariat. Tel fut encore une fois le cas : en s'emparant du rôle de "défenseur exclusif" et de "porte-parole" du mouvement, la CGT a étouffé dans l'œuf tout élan de solidarité que cette grève aurait pu soulever chez tous les ouvriers.
Le seul souffle d'espoir réel, la seule perspective qui s'offrent aux travailleurs sans papiers, c'est de chercher la solidarité de leurs frères de classe. Comme pour tous les ouvriers, ils ne pourront sortir du piège de l'isolement qu'en étant capables de relier leur lutte aux combats de toute la classe ouvrière.
GD (23 mai)
1) Il s'agit de secteurs les plus pénibles, les plus précaires ou les plus mal payés en "pénurie de main-d'oeuvre" comme l'hôtellerie, la restauration ou les travaux publics, secteurs où les conditions d'exploitation et l'insécurité de l'emploi sont à leur niveau maximal.
2) Rappelons qu'il y a eu plusieurs cas de mort "accidentelle" ces derniers mois face au durcissement des lois Hortefeux, certains travailleurs clandestins cédant à la panique pour tenter d'échapper aux perquisitions ou aux contrôles de police.
3) Ce mépris, les ouvriers, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, ne le connaissent que trop bien. D'autres sans papiers en avaient d'ailleurs fait l'amère expérience, l'an dernier, en se faisant mettre dehors par les syndicats de la Bourse du travail qu'ils occupaient. Voir "Quand les syndicats expulsent les sans-papiers [5]", RI n° 379, mai 2007.
4) Voir "Expulsions de sans-papiers, quand la gauche prête main forte à la droite [6]", RI n° 371, septembre 2006.
5) Base de données informatiques sur les immigrés en situation irrégulière, dont la précision dans le fichage avait fait pousser des cris d'orfraie à ceux-là mêmes qui aidaient à l'alimenter.
6) Ainsi, les "désaccords" actuels entre la CGT et "Droits devant !" (fondée à l'origine par la CGT) apparaissent pour ce qu'elles sont : des querelles de chapelle. Ce que reproche vraiment "Droits devant !" à la CGT, c'est en fait d'avoir par trop tiré la couverture à elle en s'accaparant la publicité exclusive de ces 800 dossiers. Rien de plus.
L'émission de Michel Drucker "Vivement dimanche" du 11 mai 2008 a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Et pour cause ! Ce divertissement est une véritable institution médiatique habituée à accueillir les "grands de ce monde", comme madame Chirac, Bertrand Delanoë, Valéry Giscard-d'Estaing, Edouard Balladur, en passant par Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, François Bayrou, Martine Aubry ou les "citoyens d'honneur" et autres "fiertés nationales" comme David Douillet ou Bernard-Henri Lévy, etc. Eh bien, cette fois, l'invité de ce monument médiatique n'était autre... qu'Olivier Besancenot. Toute une après-midi dominicale consacrée au "contestataire révolutionnaire" le plus en vogue ; de quoi faire frémir "la ménagère de plus de 50 ans", cible principale de l'émission... et certains trotskistes ! Cette très people "spéciale Besancenot" a en effet été contestée par le chef de file de la tendance minoritaire de la LCR, Christian Picquet, qui déclarait dans les colonnes du Parisien (media pourtant lui aussi "bourgeois" et "people", patronné par le groupe Hachette-Lagardère) : "Ce type d'émission ne contribue pas à la différence d'idées, mais, au contraire, dépolitise l'espace public". Mais immédiatement, arrivant à la rescousse, le mentor de Besancenot, Alain Krivine, autre ex-candidat à la présidence, est venu plaider la participation de son poulain : "Boycotter la presse bourgeoise ? Si on fait ça, notre message ne passe nulle part". Quant à notre pétulant facteur et récent candidat à la présidentielle à la jeune bouille si sympathique et télégénique, il proclamait : "Je n'ai pas hésité une seconde à venir. C'est l'occasion de présenter un certain nombre d'engagements, de causes et de donner la parole à d'autres, de s'adresser à des millions de personnes, donc de s'adresser au peuple, quand on est une organisation populaire". Cette "tempête dans un verre d'eau" (dixit Besancenot lui-même) (1) a pourtant été relayée et gonflée par toute la bourgeoisie. Il n'y a qu'à se reporter aux manchettes de tous les médias de ce joli mois de mai. Besancenot est partout : à la une de Libération (du 12 mai) ou du Nouvel observateur (du 8 mai) qui titrait son grand article par un très accrocheur "Enquête sur le mystère Besancenot" en passant par l'Express, le Point, Gala, etc. (2).
Evidemment, y aller ou pas, le problème ne se pose pas du tout ainsi. La vraie question qui est soulevée par cette invitation est celle-ci : pourquoi les médias bourgeois non seulement inviteraient Besancenot mais lui offriraient-ils aussi un tel coup de pub s'il était bien le "grand révolutionnaire" qu'il prétend être ? Si la LCR mettait vraiment ce système en danger, pourquoi la bourgeoisie offrirait-elle au postier le plus célèbre du pays sa rampe de lancement médiatique la plus populaire ? La réponse est évidente : la prétendue "politique anticapitaliste" attrape-tout de la bande à Besancenot n'a rien de révolutionnaire et ne constitue nullement une menace pour le système capitaliste (3), car il est impossible de croire la bourgeoisie convertie à la révolution par la seule grâce de la LCR et de son rameau printanier d'Olivier. Cette invitation et le grand barouf fait autour d'elle relèvent au contraire d'une véritable opération de marketing supplémentaire au moment même où, en pleine période de commémoration de Mai 68, Besancenot et la LCR annoncent d'ici la fin de l'année la construction d'un "futur nouveau parti anticapitaliste" à la gauche du PS. Il n'y a pas le moindre "mystère Besancenot" : il n'est qu'un pur produit de l'idéologie bourgeoisie et ne fait que travailler à alimenter une mystification de plus. La mise en avant de Besancenot n'est qu'une opération de marketing montée de toutes pièces par la bourgeoisie, à l'heure où le PS a tant de mal à se faire passer pour un parti d'opposition crédible afin de canaliser et stériliser la montée de la combativité et de la colère ouvrières. Par la même occasion, il s'agit pour l'opération médiatique Besancenot de permettre que puisse être diffusé le poison du nationalisme, sur tous les tons et en chansons, émission de "variétés" oblige ! (4) D'ailleurs, le Monde célébrait le lendemain comme il se doit la réussite de l'émission qui avait fait plus d'audience que lors du passage de Ségolène Royal et même de l'acteur Dany Boon, grâce à ce "jeune homme plein de générosité", riche de messages d'unité et de solidarité... essentiellement nationales et nationalistes. Sarkozy a paraît-il promis de supprimer la pub des chaînes publiques ! En tout cas sûrement pas pour tous ceux qui trompent la classe ouvrière et s'efforcent de lui servir des discours soi-disant "révolutionnaires" pour mieux l'asservir aux forces du capital, comme le font Besancenot et la LCR. Car ils sont bien trop utiles à la classe dominante (5) !
W (12 mai)
1) En effet, Besancenot a déjà une longue expérience des shows "peopolisants". Au nom de la "popularisation de la révolution", il s'est retrouvé sur France-Inter aux côtés de Christine Bravo et Laurent Ruquier, en compagnie de Patrick Sébastien et Daniela Lumbroso, chez Ardisson ou Karl Zéro, ou encore interviewé sur Canal+ par Laurence Ferrari, sans oublier les Grosses têtes de Philippe Bouvard sur RTL, comme il n'avait pas hésité à poser auprès du "jet-seter" Massimo Gargia pour le magazine VSD en 2002.
2) Il n'y a pas si longtemps, c'était la consœur trotskiste concurrente de la LCR, LO et son égérie Arlette Laguiller qui bénéficiaient de ce traitement de faveur médiatique. Ainsi, "Arlette" a elle aussi joué les "vedettes" d'une émission de variétés de Drucker en 1993 et a même été en 1998 la première invitée politique du même show "Vivement dimanche". En particulier, la persévérance de la plus assidue candidate (six fois) à l'élection présidentielle, qui n'aura jamais cessé d'appeler les ouvriers à tomber dans le piège électoral, y avait été chaleureusement saluée ! La bourgeoisie n'a jamais manqué de reconnaître les mérites des organisations trotskistes à son service en leur offrant la vedette sur les plateaux de télé.
3) Il est d'ailleurs significatif que lors du "débat" chez Drucker, la députée "invitée" Christiane Taubira, du Parti des Radicaux de Gauche, parti fort peu suspect de sympathie avec "la révolution", a encouragé ainsi Besancenot qui, en toute fausse modestie, émettait des réserves sur la continuité de sa fonction de porte-parole pour l'avenir : "S'il te plaît, continue à parler !"
4) Le véritable fil rouge (ou plutôt tricolore) de l'émission a été tricoté en se vautrant dans ce nationalisme puant, alliant la pire tradition ultra-chauvine du stalinisme (l'hymne écœurant à Ma France entonné par Jean Ferrat) à sa version plus moderne et plus rap avec le groupe Zebda interprétant le morceau Carte de résidence dont le refrain martelait "Sachez bien que nos aïeux ont combattu pour la France", bien dans le style de ces co-fondateurs des "indigènes de la République". Autrement dit, travailleurs immigrés sans-papiers, mettez vous bien dans le crâne que pour mériter d'être citoyen français, il faut servir de chair à canon à la France !
5) Dans les mois à venir, nous reviendrons sur l'histoire de la LCR pour comprendre sa vraie nature.
Les larges extraits de cet article publié en janvier 2008 par Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis, mettent en lumière la similitude des préoccupations des familles ouvrières de part et d'autre de l'Atlantique. Partout, la classe ouvrière se bat contre les mêmes maux : contre la précarité et le chômage, contre la dégradation des conditions de retraites et d'accès aux soins. Partout, elle est animée des mêmes sentiments de colère, d'indignation et de solidarité. Partout, la combativité de la classe ouvrière se développe peu à peu.
Ces derniers mois, les grèves se sont succédées aux Etats-Unis. Une telle vague de luttes n'avait pas été vue depuis longtemps : grève des conducteurs d'Access-A-Ride à New-York, chargés du transport de personnes handicapées, des machinistes du théâtre de Broadway, des scénaristes de cinéma et de télévision qui ont paralysé la production de nouveaux films et de nouveaux programmes (...)
Il s'agit là d'exemple de grèves syndicales "officielles", les syndicats étant bien obligés, face au mécontentement grandissant, de lâcher un peu de vapeur sous peine de trop se décrédibiliser et de voir se développer un mouvement hors de leur contrôle. Et justement, la lutte la plus importante a été la grève sauvage des intermittents de la chaîne de télévision MTV à New York. Ces ouvriers, dont la plupart ont entre vingt et trente ans, mènent une existence précaire, pratiquement sans couverture médicale, et soumis à de relativement bas salaires "en échange" du côté "glamour" du travail pour MTV. Les dirigeants aiment les appeler free-lancers pour justifier le fait qu'ils n'aient pas accès aux statuts légaux de l'entreprise et qu'ils soient traités comme des contractuels indépendants. MTV emploie presque 5000 de ces travailleurs qui préfèrent s'appeler eux-mêmes permalancers puisque beaucoup d'entre eux travaillent pour MTV depuis des années : en fait "d'intermittents", ils sont des précaires permanents. Le 11 décembre 2007, lorsque la compagnie a annoncé unilatéralement un plan pour réduire encore un peu plus leurs "avantages" médicaux et leurs droits à la retraite, ces jeunes travailleurs ont réagi spontanément en manifestant leur colère dans la rue. Fait remarquable, ils étaient fortement conscients de leur statut de prolétaires. Ils savaient qu'ils avaient les mêmes besoins et subissaient les mêmes conditions d'exploitation que n'importe quel ouvrier, quel que soit son secteur d'activité. C'est pourquoi ils se sont adressés directement aux autres ouvriers, de MTV ou d'ailleurs, pour les informer de leur lutte, de leurs conditions de travail et des attaques qu'ils subissaient. Ils ont ainsi inscrit sur leurs banderoles : "Il y a beaucoup trop d'entre vous qui ne savent pas." Et, lors de la grève sauvage du 14 décembre, ils ont fait circuler une liste avec l'adresse mail du personnel : "Nous pouvons organiser un site Internet pour que les gens puissent retrouver les informations." Ils ont également élu un groupe de délégués pour rencontrer les scénaristes de films et de télévision, qui étaient en grève au même moment. Cette ouverture, cette recherche de la solidarité ouvrière et cette volonté d'étendre le mouvement aux autres secteurs sont très précieux pour la classe ouvrière. Une grève puise sa force dans l'unité des travailleurs en lutte.
Ce n'est pas un hasard si MTV a dû finalement momentanément reculer et concéder des avantages médicaux pour les free-lancers qui ont travaillé régulièrement. Evidemment, sur le plan matériel, il ne s'agit là que d'un détail, d'une toute petite victoire très ponctuelle ; d'ailleurs, les attaques sur les conditions d'accès aux soins sont maintenues (franchises plus élevées et plafond de 2000 $ sur les frais d'hospitalisation chaque année). Mais la vraie victoire se situe dans la lutte elle-même. Il est clair que les dirigeants ont voulu éviter une épreuve de force. Ainsi, le mouvement de ces jeunes ouvriers a montré la capacité des travailleurs à prendre leur lutte en main, à s'organiser de manière autonome et à comprendre qu'il est possible de chercher l'unité avec les autres travailleurs dans le combat !
Mais si ce sentiment d'appartenir à une classe et cette volonté d'étendre la lutte ont pu émerger chez les free-lancers, c'est parce que la colère et la combativité se répandent peu à peu depuis plusieurs années de façon diffuse dans l'ensemble de la classe ouvrière. Pour preuve, en même temps que cette grève à MTV, le personnel d'entretien des immeubles, les portiers et les conducteurs d'ascenseur, ont fait grève de façon massive à Manhattan. Devant leur menace de faire grève aussi le Jour de l'An à New York, les dirigeants ont là-aussi reculé en trouvant un accord de dernière minute - qui doit encore être ratifié - incluant une augmentation de 20 % d'indemnisation pour les dépenses de santé et de 40 % sur toutes les pensions de retraites perdues. Au total, les salaires devraient donc augmenter de 4,18 % par an pour les quatre années à venir. Beaucoup d'emplois ont été transformés de temps partiel en temps plein et de nombreux gardiens ont reçu une couverture médicale familiale.
Dans les grèves des scénaristes de cinéma et de télévision, les syndicats ont rempli leurs fonctions habituelles de saboteurs des luttes. Les revendications des travailleurs pour revendiquer leur part sur les revenus des ventes de DVD et de téléchargement Internet des émissions qu'ils ont écrites ont eu un large soutien dans cette industrie particulière. Beaucoup d'acteurs qui sympathisaient avec la grève des scénaristes ont refusé de traverser les piquets de grèves. Par contre, la douzaine de syndicats de l'industrie du divertissement et des émissions télévisées (il y a des syndicats distincts pour les acteurs, les rédacteurs, les journalistes, les charpentiers, les électriciens et les machinistes) ont maintenu leurs bonnes vieilles traditions corporatistes, instaurant "leur" piquet tout en traversant sans vergogne les piquets des "autres" et, surtout, en ne demandant jamais, au grand jamais, aux travailleurs des "autres corporations" de se joindre à "leur" lutte ! Néanmoins, malgré leurs salaires relativement élevés et leurs emplois "glamour", les scénaristes sont de plus en plus conscients de leur condition de prolétaires, comme l'illustrait les propos de l'un d'entre eux à un meeting de la Writers Guild of America (syndicat des scénaristes), juste avant que la grève ne commence : "Cette question [les paiements d'un quota sur les DVD et les téléchargements] est si énorme que si les patrons voient que nous nous laissons faire sans nous battre, d'ici trois ans, ils reviendront à la charge pour autre chose [...], ce sera ‘nous voulons revoir tout le système des quotas', puis trois ans plus tard, ce sera ‘vous savez quoi, nous ne voulons plus financer vos assurances santé comme avant'. Puis ce sera les retraites [...]. Et puis, on en arrivera bien au point où tout le monde devra se rendre compte qu'il faut vraiment qu'on tienne bon dès maintenant."
Toutes ces luttes confirment ce que nous écrivions dans Internationalism no 143 : les grèves des ouvriers du transport de New York en décembre 2005 ont marqué aux Etats-Unis l'entrée dans une "période où la lutte de classe sera encore une fois au centre de la scène de la situation sociale, tandis que les politiques d'austérité et de guerre seront de plus en plus contestées" (1). Cette nouvelle période n'en est encore qu'à son tout début. Tout cela mûrit progressivement. Il s'agit d'un développement international de mobilisation auquel les travailleurs des Etats-Unis participent pleinement. Aujourd'hui, les luttes des ouvriers démystifient la campagne de la bourgeoisie sur la supériorité du capitalisme à l'américaine et sur la manière dont celui-ci attaque le niveau de vie des ouvriers. C'est une avancée qui va au-delà d'une victoire défensive immédiate, car elle apprend aux ouvriers que les luttes présentes ne sont qu'une préparation pour une bien plus grande lutte contre ce système agonisant. La classe ouvrière est en train de vivre un moment extraordinaire de prise de conscience et de réflexion. Le dynamisme de ces luttes démontre une maturation grandissante dans la compréhension de la nécessité de la solidarité et de l'impasse que représente le capitalisme. C'est une nouvelle période qui s'ouvre à travers d'importantes confrontations entre les deux principales classes aux intérêts antagoniques de notre société.
D'après Internationalism n° 145
1) Pour connaître plus en détail cette lutte qui est l'un des épisodes les plus importants des luttes de ces dernières années (en particulier sur cette question de la solidarité ouvrière), lire "Grèves dans les transports à New York : aux Etats-Unis aussi, la classe ouvrière réagit" [9]. En quelques mots, en 2005, les travailleurs du métro de New-York étaient entrés en lutte illégalement, tout en sachant que cela impliquerait pour eux et leurs familles des amendes exorbitantes, pour protester contre le projet d'un nouveau contrat d'embauche qui ne les concernait pas directement eux-mêmes mais était destiné aux nouvelles générations. Il s'agissait là d'une démonstration vivante de ce qu'est la solidarité ouvrière !
Voici la traduction de larges extraits d'un tract 1 diffusé par nos camarades d'Internacionalismo, section du CCI au Venezuela. Nous voulons apporter tout notre soutien aux travailleurs de la "Zone du Fer" 2 et envers nos camarades qui luttent tous dans les conditions difficiles de l'oppression et du chantage chavistes. La répression déchaînée par le gouvernement vénézuélien contre les ouvriers de la sidérurgie, révèle la vraie nature du "socialisme du xxie siècle", si cher à M. Chavez. D'ailleurs, au moment où nous traduisions ce tract, le gouvernement Chavez venait de décider la nationalisation de SIDOR. En fait, cette nationalisation était déjà prévue par le chavisme depuis l'an dernier, faisant partie du programme capitaliste d'Etat à la sauce Chavez. Mais face à l'intransigeance et à la combativité des travailleurs, le gouvernement avait pris la décision de la nationaliser de suite pour essayer d'arrêter le mouvement qui risquait de se radicaliser et de s'étendre à d'autres travailleurs de la zone [...]. Puis le gouvernement a déclaré que les revendications allaient être gelées jusqu'à ce que les négociations sur la nationalisation soient terminées et a commencé à menacer les travailleurs en les culpabilisant sur le "sabotage" de la production. Cela dit, la lutte n'a pas encore dit son dernier mot puisque, dans le même temps, des groupes de travailleurs ont exigé que l'on donne une suite immédiate à leurs revendications.
Après plus de 13 mois de discussion sur les conventions collectives, les ouvriers de l'entreprise sidérurgique Ternium-SIDOR ont manifesté, par des arrêts de travail, leur indignation face à leurs conditions de vie : salaires de misère [...] et conditions de travail effroyables ayant entraîné la mort et la maladie de dizaines d'ouvriers en quelques années. L'entreprise [...] s'est alors présentée en "victime" au travers d'une grande campagne de désinformation, prétendant que les augmentations demandées par les ouvriers dépassaient les bénéfices de l'année, campagne aussitôt relayée par tous les médias, qu'ils soient chavistes ou d'opposition. Ces mensonges font partie du black-out médiatique sur les véritables causes de la lutte des travailleurs de la sidérurgie qui, depuis les années 1990, [...] ont dû subir des réductions de salaire et de prétendus "avantages" sociaux [...].
Ils savent que s'ils acceptent les conditions du contrat que l'entreprise leur propose (3), on leur imposera pendant deux ans des augmentations misérables, alors que les prix de l'alimentation et le coût de la vie en général s'accroissent de 30 % par an (4) ! Une autre revendication importante de cette "réforme" est de transformer les travailleurs précaires (75 % des 16 000 ouvriers sont des CDD !) en travailleurs "fixes" [...]. Les sidérurgistes ont aussi dénoncé tous ces "planqués" et ces "lèche-bottes", que sont les représentants de l'entreprise, du gouvernement et des syndicats, qui ont fini par rabaisser progressivement les revendications initiales du mouvement (les syndicats "exigent" aujourd'hui 50 bolivars par jour, après en avoir réclamé 80 au début des négociations). Après avoir fait traîner pour remplir toutes les formalités légales pour se mettre en grève, les syndicats ont sorti de leur manche qu'il fallait constituer une commission d'arbitrage composée de ce trio infernal ! Tandis qu'ils débattaient à huis clos dans le dos des travailleurs, ceux-ci, dans une assemblée à l'entrée de l'aciérie, ont décidé des arrêts de travail [...]. La riposte de l'entreprise et de l'Etat ne s'est pas fait attendre : le 14 mars, ils déclenchaient une répression brutale avec la Garde nationale et la police. Bilan : 15 ouvriers blessés et 53 arrestations. Cette répression du gouvernement Chavez l'a démasqué aux yeux des travailleurs : il a enlevé son masque ouvriériste pour mettre son véritable uniforme, celui de défenseur des intérêts du capital national. Ce n'est pas la première fois que cet Etat "ouvrier et socialiste" s'attaque aux travailleurs en lutte [...] : il suffit de se rappeler de la répression subie l'an dernier par les travailleurs du pétrole (5). Le syndicat SUTISS (6) est tout aussi responsable de la répression contre les travailleurs (indépendamment du fait que certains responsables syndicaux ont été aussi réprimés), car il n'a cessé de jouer les pompiers pour éteindre le mouvement. Ce syndicat a en effet essayé de se mettre à la tête du mouvement au moment même où il négociait avec l'entreprise et l'État la révision à la baisse des exigences salariales, en espérant ainsi juguler le mouvement.
Face à l'intransigeance des ouvriers, l'Etat vient de sortir de sa manche une nouvelle carte : la réalisation d'un vote pour consulter chaque ouvrier sur la proposition de la direction de l'entreprise. Cette trouvaille est proposée par le ministre chaviste du travail, à laquelle le syndicat SUTISS a apporté sa bénédiction ! [...] Leur instinct de classe a poussé certains ouvriers à rejeter un tel piège avec lequel on essaie de contourner les décisions des assemblées générales, là où s'exprime la véritable force de la classe ouvrière. Avec ce référendum, on traite chaque ouvrier comme un "citoyen" qui sera confronté individuellement à son entreprise et à l'État atomisé face aux urnes ! Les travailleurs, devant de tels agissements, doivent réaffirmer le rôle de leurs assemblées souveraines.
Un autre piège encore tendu par les syndicats et les secteurs "radicaux" du chavisme est de re-nationaliser SIDOR, tenu majoritairement par du capital privé argentin et dont l'État vénézuélien ne possède que 20 %. Le seul but de cette campagne est de dévoyer la lutte des travailleurs, car la seule lutte possible est l'affrontement aux capitalistes de l'entreprise, qu'ils soient patrons argentins ou bureaucrates de l'État vénézuélien. La nationalisation des entreprises ne veut pas du tout dire disparition des conditions de l'exploitation : l'État-patron, même déguisé en "Etat ouvrier", n'a pas d'autre choix que de s'attaquer en permanence aux salaires et aux conditions de vie des travailleurs. Les gauchistes et la gauche du capital qui voient dans la concentration des entreprises aux mains de l'État une main tendue au "socialisme", occultent une des leçons de base du marxisme : l'État est le grand représentant des intérêts de chaque bourgeoisie nationale et par conséquent l'ennemi du prolétariat [...]. Ces "révolutionnaires bolivariens" essaient d'effacer de la mémoire des travailleurs que SIDOR fut pendant des années une entreprise d'Etat. Les ouvriers ont dû s'y battre à plusieurs reprises pour leurs revendications contre les hauts bureaucrates de l'Etat [...] mais aussi contre les syndicats (alliés du capital à l'intérieur des usines) allant même, au début des années 1970, lors du premier gouvernement de Caldera, à mettre le feu aux bâtiments de la CTV à Caracas à cause des actions anti-ouvrières de ce syndicat. L'État, aux mains des chavistes depuis 1999, n'a pas perdu par un tour de magie sa nature capitaliste. Il y a eu un simple changement de présentation, enrobé aujourd'hui d'un verbiage "socialiste", mais sa condition d'organe fondamental de défense des intérêts du capital contre le travail est toujours la même. [...] Nous ne devons jamais nous laisser berner sur la nature de classe du gouvernement chaviste, qui a été installé par les capitalistes pour défendre leur système d'exploitation [...]. Nous, travailleurs, ne pouvons pas être aussi naïfs que ces "révolutionnaires d'opérette" le pensent quand ils nous proposent la panacée de la "re-nationalisation", eux qui vivent en bourgeois qu'ils sont, avec des salaires 30 fois plus élevés que le salaire minimum officiel !
La possibilité de succès du mouvement se trouve dans la recherche de solidarité. Concernant les "sidéristes" précaires, le fait que le mouvement revendique leur intégration en tant qu'ouvriers de l'effectif (en CDI) a été une forte expression de cette solidarité. Il faut rechercher la solidarité des travailleurs des autres branches industrielles [...], puisque nous sommes tous frappés de la même manière par la crise économique [...]. Il faut aussi rechercher la solidarité de la population de la région, également très affectée par les attaques salariales, le chômage, la hausse du coût de la vie [...]. La bourgeoisie nationale sait que la situation en Guyane vénézuélienne est un danger latent pour ses intérêts. La concentration ouvrière qui existe dans cette région, l'expérience des luttes passées, l'accumulation du malaise social et les années d'attaques contre l'emploi et le niveau de vie rendent la situation hautement explosive. Mais cette solidarité ne doit pas être organisée par les syndicats, ces organes dont la fonction principale est le contrôle des luttes en divisant par branches et par secteurs [...]. La solidarité doit être "gérée" par les ouvriers eux-mêmes, à travers les assemblées ouvertes à tous les travailleurs.
La lutte des sidérurgistes est la nôtre : c'est le prolétariat tout entier qui tire avantage de toute lutte pour essayer d'avoir une vie plus digne. Mais l'avantage principal, au-delà de l'amélioration immédiate, est la prise de conscience de la force que le prolétariat a entre ses mains [...]. En ce sens, cette "Zone du fer" contient tout un potentiel pour devenir la référence des luttes ouvrières dans le pays, comme dans les années 1960-70. Les travailleurs de SIDOR ont emprunté le seul chemin possible pour affronter les attaques du capital : le chemin de la lutte de classe. Son extension à d'autres branches de la production régionale et nationale, ainsi que la recherche de la solidarité [...], ouvrira la voie au prolétariat vénézuélien pour rejoindre dans le futur la lutte mondiale pour le renversement du capital et la mise en place des fondements d'une véritable société socialiste.
Internacionalismo,
organe
du CCI au Venezuela
(25 mars)
1) L'intégralité de ce tract est disponible en espagnol ici [11].
2) Cette "zone" se trouve à l'Est du pays, dans la Guyane vénézuélienne, sur le fleuve Orénoque. La sidérurgie est, après le pétrole, la deuxième industrie du pays.
3) Soit 44 bolivars ainsi repartis : 20 à la signature du contrat, 10 en 2009 et 10 en 2010 ; et 1,5 % d'augmentation annuelle au mérite.
4) Données, pas très dignes de foi par ailleurs, de la Banque du Venezuela.
5) Voir l'article : "Les travailleurs du pétrole s'opposent aux attaques du chavisme" [12] (RI n° 387, février 2008).
6) Syndicat unique des travailleurs de la sidérurgie.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un tract 1 que la section du CCI en Grande-Bretagne a diffusé à l'occasion de la grève générale des enseignants le 24 avril dernier.
Le 24 avril, 250 000 enseignants lanceront une grève d'un jour contre les dernières propositions salariales du gouvernement. Ils seront rejoints par des éducateurs, des travailleurs des services publics et des employés communaux. Des manifestations [...] seront organisées dans de nombreuses villes. Il y a effectivement toute une série de raisons pour se mobiliser, pas seulement d'ailleurs dans ces secteurs mais aussi dans l'ensemble de la classe ouvrière : des hausses salariales en dessous de l'inflation ; la hausse des prix des produits de première nécessité [...] ; la montée du chômage, songeons par exemple aux 6500 emplois menacés à la banque Northern Rock fraîchement nationalisée ; les attaques contre les pensions et d'autres allocations ; le démembrement des services sociaux, tels que la santé ou l'éducation.
Toutes ces attaques contre le niveau de vie [...] ne sont pas décidées et imposées par des patrons individuels mais par l'Etat [...]. Confronté au développement de la crise économique [...], l'Etat national apparaît de plus en plus comme la seule force capable d'organiser la réponse requise par le système capitaliste : réduire le coût du travail afin de pouvoir être concurrentiel sur le marché mondial [...].
Confrontés à ces attaques [...], les travailleurs ont partout les mêmes intérêts : résister aux pertes d'emplois et aux réductions des salaires, réagir aux attaques [...]. Mais ceci n'est pas possible en se battant séparément, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Face à la force de l'Etat capitaliste, ils doivent de leur côté constituer leur propre force, basée sur leur unité et leur solidarité [...]. Après des années de dispersion et de désarroi, les travailleurs commencent tout juste à redécouvrir ce que l'unité et la solidarité signifient. [...]. Si les syndicats appellent à des grèves et des manifestations autour de questions qui les concernent directement, comme c'est le cas le 24 avril, les travailleurs doivent répondre aussi massivement que possible : Allez aux rassemblements de masse, rejoignez les manifestations, participez aux piquets de grève, discutez et échangez des idées avec des travailleurs d'autres secteurs ou entreprises.
[...] Les syndicats, qui se présentent comme les représentants des travailleurs, servent en réalité à faire en sorte que nous restions divisés. Ceci n'est nulle part plus évident que dans le secteur de l'éducation. La grève du 24 avril implique les membres du NUT dans l'enseignement primaire et secondaire. Elle n'implique pas les enseignants de la sixième dans les lycées qui ont des employeurs "différents". Elle n'implique pas non plus les enseignants d'autres syndicats, comme ceux du NAS/ UWT, qui affirment que le problème n'est pas le salaire mais la charge de travail. Elle n'implique pas non plus des milliers de travailleurs de l'éducation qui ne sont pas des enseignants, comme les assistants pédagogiques, le personnel administratif, de nettoyage ou de restauration, etc., même si ceux-ci ont de nombreuses revendications à faire valoir. Et si le NUT aujourd'hui développe un discours radical, en 2006, lorsqu'un grand nombre de ces travailleurs sont partis en grève, ce même NUT a appelé ses membres à franchir les piquets de grève. [...] Depuis longtemps, l'Etat britannique a rendu toute grève de solidarité illégale pour des ouvriers travaillant pour des employeurs différents. En maintenant les travailleurs dans le carcan de ces lois, les syndicats font le travail de l'Etat dans l'usine. [...] Par conséquent, si nous voulons développer une réelle force, nous devons commencer à prendre en charge notre lutte et ne pas la laisser aux mains de "spécialistes" comme les syndicats. Les employés municipaux de Birmingham ont voté en assemblées générales leur participation aux grèves du 24 avril. C'est un bon exemple à suivre : nous devons tenir des assemblées partout sur les lieux de travail, là où tous les travailleurs, de tous les syndicats ainsi que les non-syndiqués, peuvent être présents et participer à la prise de décision. Et nous devons insister pour que les décisions prises en assemblée générale soient souveraines et pas dépendantes de votes syndicaux ou des réunions privées de délégués syndicaux.
L'unité sur le lieu de travail est inséparable du développement de l'unité avec des travailleurs d'autres entreprises et d'autres secteurs, que ce soit par l'envoi de délégations à leurs assemblées, en rejoignant leurs piquets de grève ou en se retrouvant lors de meetings ou de manifestations.
Appeler tous les travailleurs à se rassembler, à faire grève et à manifester ensemble pour des revendications communes est évidemment "illégal" pour un Etat qui veut mettre hors-la-loi la véritable solidarité de classe. L'objectif peut donc sembler à première vue effrayant, un pas trop important à franchir. Mais c'est dans l'action même, en prenant les luttes en main et cherchant l'unité avec d'autres travailleurs que nous développerons la confiance et le courage nécessaires à la poursuite du combat. Et étant donné les sombres perspectives proposées par le système capitaliste mondial - un futur de crise, de guerre et de désastre écologique - il ne fait guère de doute que la lutte devra aller plus loin [...].
World
Revolution,
organe du CCI en Grande Bretagne
(5 avril)
1) La traduction de l'intégralité de ce tract a été publiée dans notre presse en Belgique (Internationalisme) et est disponible ici [14].
Dans la première partie de cet article[1], nous avions tenté de comprendre ce que représentait la crise économique actuelle. Nous avions vu qu'elle n'était qu'un nouvel épisode particulièrement grave de la lente agonie du capitalisme décadent. Notamment, nous avions montré que pour survivre, le capitalisme avait recours à une sorte de drogue : l'endettement. "L'endettement est au capitalisme ce que l'héroïne est au drogué. La drogue de l'endettement fait que le capitalisme tient encore debout [...]. Avec la drogue, il atteint des moments d'euphorie [...] mais, de plus en plus fréquemment, apparaissent [...] des périodes de convulsions et de crise, comme celle que nous vivons depuis l'été 2007. Au fur et à mesure que l'on augmente les doses, la drogue a un effet moindre sur le drogué. Il faut une dose plus grande pour atteindre une stimulation de plus en plus petite. Voilà ce qui arrive au capitalisme actuel !" Mais deux questions restaient encore en suspens : comment, concrètement, l'endettement soutient depuis 40 ans l'économie tout en préparant chaque fois de nouvelles crises plus violentes ? Et surtout, existe-t-il une issue à la crise ?
Dans les années 1970, l'endettement a ravagé les pays du "tiers-monde" auxquels on avait prêté de l'argent à profusion afin qu'ils deviennent des débouchés solvables pour les marchandises des principaux pays industrialisés. Le rêve n'a pas duré longtemps : en 1982, le Mexique puis l'Argentine, par exemple, se sont retrouvés proches de la faillite. Une voie se fermait pour le capitalisme. Quelle fut alors la nouvelle fuite en avant ? L'endettement des Etats-Unis ! A partir de 1985, ce pays, après avoir été le créancier du monde, en est devenu peu à peu le plus grand débiteur. Avec une telle manœuvre, le capitalisme est arrivé à assurer sa survie, mais en minant les bases économiques de la principale puissance de la planète. Cette stratégie s'est révélée insoutenable lors des convulsions qui se sont succédées entre 1987 et 1991. Depuis, l'économie mondiale s'est orientée vers ce qu'on appelle la "délocalisation" : pour soulager les coûts de productions élevés qui étouffaient les économies principales, on a déplacé des pans entiers de la production vers les fameux « tigres et dragons » asiatiques. Mais, à nouveau, les fortes convulsions de 1997-98, la fameuse "crise asiatique", se sont soldées par l'effondrement de tous ces pays que l'on nous présentait comme la preuve même de la prospérité capitaliste. Seule la Chine réussit alors à sauver les meubles grâce, en grande partie, à ses salaires de misère. Elle est même devenue aujourd'hui un concurrent direct des principaux pays capitalistes. Cette course fulgurante de la Chine a paru "résoudre" une contradiction flagrante de l'économie mondiale - le poids des coûts de production qui était devenu insupportable - mais elle a aussi fait grimper la concurrence à des niveaux bien plus insupportables encore.
Ces dernières années, le capitalisme est parvenu à se donner un semblant de "prospérité" grâce à une gigantesque spéculation immobilière qui a touché les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne et une quarantaine d'autres pays. Le "boom de la pierre" est une expression criante du degré d'aberration que le système est en train d'atteindre. Le but de la construction de maisons n'était nullement de donner un logement aux gens... le nombre des "sans-abri" n'a cessé d'augmenter ces dernières années, en particulier aux Etats-Unis ! L'objectif n'était rien d'autre que la spéculation immobilière. À Dubaï, le désert s'est parsemé de gratte-ciel, sans autre vocation que celle d'assouvir la soif des investisseurs internationaux, avides d'obtenir de grands bénéfices en achetant des logements pour les revendre trois mois plus tard. En Espagne, les régions côtières qui n'étaient pas encore trop surpeuplées, se sont couvertes de lotissements, de gratte-ciel et de terrains de golf. Tout cela a pu remplir les poches d'une minorité mais, par contre, la plupart de ces constructions restent dramatiquement vides. Une des conséquences de cette folie spéculative, c'est que le logement est devenu inaccessible pour la plupart des familles ouvrières. Des millions d'êtres humains ont dû contracter des prêts hypothécaires pouvant s'étendre jusqu'à 50 ans (!) ou bien jeter des quantités énormes d'argent dans "le puits sans fond des loyers". Des centaines de milliers de jeunes couples sont obligés de vivre en sous-location dans des taudis ou entassés chez leurs parents. Aujourd'hui, la bulle a éclaté et une économie fragilisée où tout était tenu avec les agrafes de la spéculation, des fraudes comptables, des paiements ajournés sine die pour un fantomatique "marché d'avenir", s'effondre dans de violentes convulsions.
Il y a dix ans, dans un article intitulé "Trente ans de crise ouverte du capitalisme" [2], nous tracions un bilan de cette fuite en avant continue dans le crédit : "Cette intervention de l'Etat pour accompagner la crise, s'adapter à elle pour la ralentir et si possible en retarder les effets, a permis aux grandes puissances industrielles d'éviter un effondrement brutal, une débâcle générale de l'appareil économique. Elle n'est cependant parvenue ni à trouver une solution à la crise, ni à résoudre ne serait-ce que quelques-unes de ses expressions les plus aiguës comme le chômage et l'inflation. Trente années de ces politiques de palliatifs à la crise n'ont permis qu'une espèce de descente accompagnée au fond de l'abîme, comme une chute planifiée dont l'unique résultat réel est de prolonger la domination de son système avec son cortège de souffrances, d'incertitude et de désespoir pour la classe ouvrière et pour l'immense majorité de la population mondiale. Pour sa part, la classe ouvrière des grands centres industriels a été soumise à une politique systématique d'attaques graduelles et successives contre son pouvoir d'achat, ses conditions de vie, ses salaires, ses emplois, sa survie même. Quant à la grande majorité de la population mondiale, celle qui survit misérablement et agonise dans l'énorme périphérie qui entoure les centres vitaux du capitalisme, elle n'a connu, pour l'essentiel, que la barbarie croissante, la famine et la mort, à un niveau tel qu'on peut aujourd'hui parler du plus gigantesque génocide que l'humanité ait jamais connu".
Et en effet, le bilan de ces quarante dernières années est terrifiant. Dans les années 1960, la plupart des travailleurs, même ceux des pays les moins riches, avaient un poste de travail plus ou moins fixe ; aujourd'hui la précarité est partout la tendance dominante. Depuis plus de 20 ans, le salaire réel des travailleurs des pays les plus riches n'a cessé de décroître. Et dans les pays plus pauvres, le salaire moyen atteint aujourd'hui difficilement les 100 $ ! [3] Le chômage est devenu chronique. Le mieux que les États soient arrivés à faire, c'est de le rendre moins visible socialement. La bourgeoisie a réussi à ce que les chômeurs vivent leur situation comme un stigmate honteux ; le discours officiel, c'est qu'ils ne sont que des paresseux, des inutiles, des "perdants", incapables de bénéficier des "merveilleuses possibilités d'emploi" qui, selon cette propagande, leur seraient offertes. Et que dire des pensions de retraite ? La plus ancienne génération actuelle au travail (les 50-60 ans) voit ses pensions de retraite potentielle fondre comme neige au soleil, des pensions qui seront encore plus réduites que celle de ses parents, et une part très importante de ces futurs retraités comprend qu'elle sera en réalité obligée de continuer un petit boulot après 60 ou 65 ans pour survivre. Et il est certain que les jeunes d'aujourd'hui ne toucheront jamais la moindre retraite.
Ces perspectives catastrophiques sont présentes depuis 40 ans. Mais le capitalisme a eu cette extraordinaire capacité à semer des illusions et à faire croire que le fameux cycle "crise-prospérité" est éternel. Or, aujourd'hui, la capacité de l'État capitaliste à "accompagner" la crise à coups de palliatifs s'est affaiblie. La nouvelle chute qui s'annonce sera, par conséquent, encore plus brutale et plus abrupte que les précédentes. Les attaques contre le prolétariat et l'humanité toute entière vont donc être encore plus cruelles et destructrices : prolifération des guerres impérialistes, attaques sur les salaires, hausse du chômage et de la précarité, redoublement de la misère. Dans tous les pays, les gouvernants appellent au calme et prétendent avoir des solutions pour remettre le moteur économique en marche. Et partout, l'opposition participe à la tromperie, en attribuant la catastrophe, bien entendu, à la mauvaise gestion du parti au pouvoir et en promettant une "nouvelle politique".
Ne nous laissons pas abuser ! L'expérience de ces derniers mois est très instructive : les gouvernants de ce monde, de tous les bords et de toutes les couleurs, armés de leurs cohortes "d'experts" et de gourous de la finance - ont essayé tout l'éventail de formules pour "sortir de la crise". Nous pouvons affirmer que leurs tripatouillages sont tous inévitablement voués à l'échec. Le prolétariat, les travailleurs du monde entier, ne peuvent pas leur faire confiance. Nous ne pouvons avoir confiance qu'en nos propres forces ! Nous devons développer notre expérience de lutte, de solidarité, de débat, développer notre conscience pour acquérir - après un effort qui ne pourra être que dur et difficile - la capacité pour détruire le capitalisme qui est devenu un obstacle pour la survie de l'humanité. La devise de l'Internationale communiste de 1919 "Pour que l'humanité puisse survivre, le capitalisme doit périr !" est plus que jamais d'actualité.
Acción proletaria, 23 janvier 2008
organe du CCI en Espagne
1. Cet article est une traduction tirée d'Acción proletaria n° 199 (janvier 2008), publication du CCI en Espagne. La première partie de cet article [16] a été publié dans Révolution internationale n° 390 (mai 2008).
2. Article disponible ici [17].
3. Il faut inclure ici la situation de l'immense majorité des ouvriers soi-disant "bénéficiaires" du "miracle chinois".
Links
[1] https://fr.internationalism.org/ri391/greves_mtv_acces-a-ride_aux_etats_unis_aussi_les_ouvriers_entrent_en_lutte.html
[2] https://fr.internationalism.org/ri391/luttes_au_venezuela_chavez_reprime_les_travailleurs_de_la_siderurgie_en_greve.html
[3] https://fr.internationalism.org/ri391/greves_en_grande_bretagne_pour_l_unite_dans_la_lutte_contre_toutes_les_divisions.html
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[5] https://fr.internationalism.org/ri379/immigration_quand_les_syndicats_expulsent_les_sans-papiers.html
[6] https://fr.internationalism.org/ri371/sanspapiers.html
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/immigration
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/trotskysme
[9] https://fr.internationalism.org/isme324/NY.html
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/50/etats-unis
[11] https://es.internationalism.org/node/2230
[12] https://fr.internationalism.org/ri387/courrier-des-lecteurs_Venezuela.htm
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/54/venezuela
[14] https://fr.internationalism.org/content/greves-et-manifestations-du-24-avril-grande-bretagne-lunite-lutte-contre-toutes-divisions
[15] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/37/grande-bretagne
[16] https://fr.internationalism.org/ri390/existe_t_il_une_issue_a_la_crise_1.html
[17] https://fr.internationalism.org/rinte96/crise2.htm
[18] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[19] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/leconomie