Toutes les organisations syndicales se sont félicitées en présentant la journée de grève du 18 octobre dernier contre la remise en cause des régimes spéciaux de retraites comme un "grand succès". A l’avance, le gouvernement avait prévenu que ce serait une "journée noire" et que la grève serait largement suivie. Et, en effet, avec 73% de grévistes à la SNCF (davantage que les 68% de la "grande grève contre les régimes spéciaux" de 1995 sous le gouvernement Juppé) et 59% à la RATP, cette grève a largement mobilisé. Pourtant, les manifestations organisées dans une trentaine de villes, n’ont rassemblé que 200 000 personnes environ (dont seulement 25 000 à Paris). C’est peu en comparaison de 1995 où le plan Juppé avait rassemblé contre lui plus d’un million de personnes dans la rue comme lors des grandes manifestations contre la réforme des retraites dans la fonction publique en 2003. Pourquoi ce décalage ?
La bourgeoisie française a le plus grand mal depuis 1968 à imposer des attaques frontales et massives, comme l’a démontré encore la mobilisation des jeunes prolétaires contre le CPE en 2006 qui est parvenue à faire reculer le gouvernement. La stratégie des gouvernements successifs en France depuis près de 15 ans est donc de masquer cet aspect frontal des attaques qui touche l’ensemble des prolétaires en se concentrant chaque fois sur un secteur particulier et imposer ses attaques paquets par paquets. Il en est de même aujourd’hui où le gouvernement cible un secteur particulier de la classe ouvrière en isolant les régimes spéciaux des autres attaques. Il a misé sur la propagande assénée depuis des mois pour présenter cette attaque comme "inévitable" et les bénéficiaires des régimes spéciaux comme des privilégiés, des profiteurs montrés du doigt. Mais contrairement aux fois précédentes, cette manœuvre de division n’est pas si bien passée. Les prolétaires ont de plus en plus clairement conscience que derrière les régimes spéciaux, c’est la voie ouverte à la poursuite de l’attaque contre le régime général des retraites et à toutes les autres.
C’est pourquoi le 18 octobre a été longuement préparé à l’avance comme "défouloir" par le gouvernement et les syndicats pour désamorcer le mécontentement et la combativité montante au sein de la classe ouvrière. Dans leurs tracts, les syndicats ont mis en avant la nécessité d’une large et forte mobilisation au-delà des régimes spéciaux mais dans la réalité, ils ont au contraire fait tout pour l’empêcher et pour s’y opposer. En effet, même si plusieurs syndicats avaient fini sous la pression du mécontentement par appeler à la grève le même jour et sur d’autres revendications (contre la vie chère, contre les suppressions d’emplois dans la fonction publique, contre la fusion ANPE-ASSEDIC, etc.) ils l’ont fait de façon très sélective chez les fonctionnaires, dans les hôpitaux, dans les écoles, les collectivités territoriales, comme dans le privé, dans certains établissements et pas dans d’autres. Les syndicats ont réussi à limiter l’expression du mécontentement par une série concomitante de manœuvres. En particulier, profitant du fait que les transports publics étaient au cœur de l’attaque, ils ont organisé de concert avec la direction de la SNCF et de la RATP autour de la capitale, le blocage et la paralysie quasi-totale des trains, des bus, des principales lignes de métro : la plupart des stations de métro à Paris étaient même carrément fermées. Ce qui a massivement découragé et dissuadé de nombreux ouvriers de se rendre à la manifestation parisienne et à se résigner à rester à la maison. Le cortège syndical s’est souvent déroulé dans une ambiance de kermesse bruyante (dominé par les chansons à tue-tête et la sono de la CGT à fond, conditionnement privant les salariés de tout moyen de discuter, d’échanger leurs expériences, de communiquer et de réfléchir).
De plus, si les syndicats ont lancé "un appel unitaire" à se mobiliser pour le 18 dans les seules entreprises directement concernées par la suppression des régimes spéciaux, on a assisté immédiatement après au spectacle de la division syndicale portée à son paroxysme. A chaque syndicat, sa tactique : la CFDT n’a appelé ce jour-là que les seuls cheminots à faire grève et à manifester, pour "ne pas mélanger tous les problèmes et toutes les revendications", selon les déclarations de son secrétaire général Chérèque ; la CGT s’est limitée à une journée de grève "carrée" de 24 heures (tout en laissant les unions départementales prendre des "initiatives" pour prolonger la grève) alors que SUD et FO appelaient de leur côté à une grève reconductible. Mais le coup de poignard dans le dos le plus décisif, prévu à l’avance1, fut porté par la FGAAC (syndicat des conducteurs de train très minoritaire représentant 3% des agents dans l’ensemble de la SNCF mais 30% de cette corporation). La FGAAC, après avoir appelé, elle aussi, à une "grève reconductible", s’empressait le soir même de la manifestation de négocier avec le gouvernement la promesse d’un "compromis" et d’un statut particulier pour tous les "roulants" présenté comme une "victoire" (retraite à 55 ans - soit 5 ans de plus qu’auparavant) en appelant à la reprise du travail dès le lendemain matin et d’endosser le rôle du "traître" de service. Alors que la SNCF était traditionnellement le secteur de pointe dans les grèves des transports, la dynamique de la lutte, touchée au cœur, était cassée. Dès lors, tout l‘éventail de la division, entre corps de métiers, entre ouvriers d’un même secteur, entre grévistes et non grévistes, entre ouvriers des transports publics et travailleurs usagers, était déployé pour briser l’image d’une grève que la propagande médiatique et gouvernementale n’était pas jusque là parvenue à rendre vraiment impopulaire. SUD et FO ont alors joué les premiers rôles pour chercher à prolonger minoritairement la grève. Dans les jours qui ont suivi le 18, beaucoup de travailleurs ont été désagréablement surpris en se rendant à leur travail de voir que les transports publics sont restés très perturbés ou avec des retards très importants alors que plus de 90% des grévistes avaient repris le travail. Dans plusieurs villes de province, comme à Marseille, la campagne d’intox a été telle que la direction annonçait que tel ou tel train avait été supprimé alors qu’en réalité il circulait normalement. Dans le même temps, dans les dépôts, des AG en vase clos, totalement isolées avaient lieu, tournant régulièrement à de virulentes empoignades entre syndicats, s’accusant mutuellement de saboter le mouvement. Les syndicats les plus "radicaux" cherchaient à semer l’illusion parmi les ouvriers grévistes qu’ils étaient l’avant-garde d’une grande mobilisation et d’une période d’ébullition sociale en cours. C‘est dans un tel contexte que Thibault a eu le culot d’affirmer "qu‘on a un rapport de force pour nous". Dans le mois qui vient, tous les régimes spéciaux vont être à présent disséqués, découpés en rondelles, pour évaluer le degré de "pénibilité" du travail et moduler en conséquence les nouvelles règles d’application du régime de retraité agrémenté ou non de pseudo-"compensations" négociées entreprise par entreprise, branche par branche, "métier par métier", comme l‘avait décidé le gouvernement. Certains syndicats comme la CGT peuvent bien menacer de relancer le mouvement … dans 3 semaines en faisant miroiter une grève cette fois reconductible à partir de la mi-novembre tandis que tous les syndicats lancent d’ores et déjà un appel à une grève dans la fonction publique le 20 novembre prochain. La ficelle est un peu grosse à l’approche des élections syndicales interprofessionnelles, début décembre, qui les poussent à se redonner une image plus positive.
La colère des ouvriers n’est pas éteinte pour autant ni leur combativité désarmée, malgré le sentiment d’écœurement vis-à-vis des syndicats2. Ils ne doivent pas être dupes : la fonction de la gauche et des syndicats sera toujours de chercher à diviser les ouvriers pour aider l’ensemble de la bourgeoisie à faire passer ses attaques. Le but réel de ces manœuvres de division et de ce partage des tâches doit être d’autant plus clair que pour la bourgeoisie cette attaque sur les régimes spéciaux ne va rapporter que des économies dérisoires (850 millions d’Euros) et ne peut avoir aucune efficacité réelle pour combattre le déficit budgétaire colossal ni celui vertigineux de sa balance commerciale. Cela signifie que malgré le poids de ce qui frappe les prolétaires aujourd’hui et dans les mois qui viennent (les franchises médicales où les plus pauvres des travailleurs sans couverture mutualiste seront dans l’impossibilité de se soigner dès janvier 2008, la poursuite des réductions massives d’effectifs dans la fonction publique et les services publics, les plans de licenciements, la hausse vertigineuses des produits alimentaires de base et la chute du pouvoir d’achat, la chasse aux ouvriers émigrés dont la loi particulièrement inhumaine et "dégueulasse" d’Hortefeux est un symbole3), ce qui est devant nous s’annonce encore bien pire. La classe ouvrière ne peut nourrir aucune illusion sur l’avenir qui lui est réservé.
La bourgeoisie française va être contrainte de mettre les bouchées doubles : non seulement avec l’aggravation palpable de la crise économique mondiale mais parce qu’elle a pris un retard énorme à combler sur ses concurrents (le régime général des retraites vient par exemple de passer à 67 ans en Allemagne et il a été porté à 68 ans en Grande-Bretagne). Cela donne la mesure des "nouveaux chantiers de réformes" tous azimuts que le gouvernement prépare au lendemain des élections municipales, car il est manifeste qu’il a choisi de freiner ses assauts jusqu’à cette échéance.
Les prolétaires n’ont pas d’autre choix que de lutter. Pour pouvoir empêcher efficacement son ennemi de classe de donner libre cours à ses attaques, l’unité et la solidarité de la classe ouvrière est le seul moyen de développer la lutte et de déjouer les pièges et les manœuvres inévitables de division de la gauche et des syndicats.
W (25 octobre)
1 Le Journal du Dimanche du 21 octobre a révélé que des contacts entre la direction de la SNCF et la FGAAC avaient été pris dès le 10 octobre, immédiatement après la présentation officielle de la réforme, pour négocier à part et secrètement avec ce syndicat et que ces propositions avaient été transmises par écrit au ministère du travail qui les avaient validées.
2 Le sale travail de sabotage et de division joué par les syndicats dans cette grève a été évident pour beaucoup d’ouvriers combatifs : la pilule a gardé un goût très amer et nombre d’entre eux ont déchiré avec rage leur carte d’adhérent à tel ou tel syndicat.
3 La bourgeoisie tente même d’enrôler les travailleurs dans l’exercice de leur fonction pour le flicage et le fichage des sans-papiers clandestins avec la directive applicable depuis le 1er octobre demandant aux employés de l’ANPE et des ASSEDIC de transmettre systématiquement aux préfectures une copie des titres de séjour et de travail des demandeurs d’emploi étrangers.
Pour plus d’informations sur la signification de cette loi, lire notre article : "Non à l‘État policier ! Solidarité de tous les travailleurs avec les immigrés ! [1]"
L'amendement Mariani, soutenu par le gouvernement, qui prévoit un test ADN pour toute demande de regroupement familial de la part de travailleurs immigrés résidant en France, est abject, ignoble, révoltant. C'est vrai qu'il est parfaitement "dégueulasse" d'instrumentaliser la question de l'immigration comme l'a affirmé la secrétaire d'État Fadela Amara1.
Ces tests qui permettraient la "traçabilité" des familles de travailleurs immigrés marquées comme du bétail, comme des bêtes d'abattoir, sont une nouvelle illustration que les progrès de la science sont de plus en plus mis au service du Capital, de son État et de son appareil de répression. Ce traitement jusque-là réservé aux criminels évoque le marquage au fer rouge des bagnards du 19e siècle. C'est l'empreinte d'un État de plus en plus totalitaire qui cherche à contrôler et à fliquer les êtres humains en général et les travailleurs en particulier dans tous les moments de leur vie avec les moyens les plus modernes et les plus coûteux, avec le recours aux progrès scientifiques et l'appel à la technologie dernier cri. Alors que les progrès de la génétique sont utilisés contre les travailleurs immigrés, d'autres applications des avancées scientifiques sont déjà au service de l'État bourgeois contre l'ensemble de la classe exploitée. Ainsi, des dispositions récentes sont en train d'imposer les moyens les plus sophistiqués de la police "scientifique" et de l'armée : la ministre de l'Intérieur, Madame Alliot-Marie se propose, par exemple, de tripler le nombre des caméras de vidéosurveillance sur tout le territoire et de les installer notamment dans les artères des grandes villes, dans les stations de métro et dans les cités de banlieue en suivant le modèle britannique. Et cela au nom de la lutte contre d'éventuels agissements terroristes ainsi que pour prévenir, de façon plus générale, les "troubles de l'ordre public". Le récent salon de la police et de l'armée a mis en vedette des drones, ces petits avions sans pilote de l'armée (déjà mis en service dans les guerres) que l'État français entend désormais utiliser comme instrument de surveillance dans les manifestations de rue afin de pouvoir cibler et repérer les "fauteurs de troubles"2. Dans le même sens, un hélicoptère muni de caméras infrarouges a été testé aux alentours du stade de France à Saint-Denis lors de la coupe du monde de rugby. Depuis, l'outil informatique et Internet jusqu'à l'électronique et à la médecine, la classe dominante dispose aujourd'hui d'un formidable arsenal technologique de surveillance et d'encadrement de la classe exploitée de même que pour terroriser et intimider les populations (non seulement en France, mais également dans d'autres pays comme par exemple la "très démocratique" Grande-Bretagne).
C'est le règne de "Big Brother" et la réalité dépasse désormais la fiction du roman de George Orwell, 1984.
Le test ADN a provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la classe politique : d'une partie de la droite (Villepin, Balladur...) à la gauche et à l'extrême gauche, c'est un tollé. Le 14 octobre, à l'appel de SOS-Racisme, de Charlie Hebdo et de Libération, plus de 6000 personnes se sont rassemblées dans la salle du Zénith à Paris pour proclamer "Touche pas à mon ADN !" sur le modèle du fameux "Touche pas à mon pote !" avec de multiples personnalités artistiques comme Isabelle Adjani ou Josiane Balasko et un vaste front commun unissant le villepiniste Goulard, le centriste Bayrou et le "socialiste" Hollande. Tous ces gens-là ne sont que des hypocrites !
En particulier, derrière leur fausse indignation, les partis de la gauche "plurielle" cherchent à se refaire une virginité à bon compte. Ils ont démontré qu'ils ont toujours été à la pointe des mesures répressives et de la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier contre les immigrés qui cherchaient une "terre d'asile" pour fuir la misère et la barbarie guerrière de leur pays d'origine. C'est sur la déclaration du "socialiste" Rocard "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" que la classe dominante s'est toujours appuyée pour justifier sa politique répressive en matière d'immigration. C'est Mitterrand, avec son Premier ministre Edith Cresson et son ministre de l'Intérieur Pierre Joxe, qui a inauguré et mis en service la politique d'expulsion par charters. Avec un succès jamais interrompu. Les fameux accords de Schengen et la mise en place d'un "bouclier européen contre l'immigration clandestine" ont été signés par Jospin, alors Premier ministre. Tout ce beau monde encense le président socialiste espagnol Zapatero qui, avec sa police, ne cesse de traquer les migrants africains, en les poussant à s'empaler sur des clôtures grillagées à Ceuta ou Mellila ou en les escortant (avec la complicité de la police marocaine) dans le désert saharien pour les abandonner et les condamner à crever de soif et de faim.
Les partis de gauche profitent du caractère scandaleux des tests ADN pour s'en servir comme d'un leurre. Leur fausse indignation, c'est l'arbre qui cache la forêt. Les larmes de crocodile de la gauche plurielle ne servent en réalité que deux objectifs. Ce qui intéresse la gauche, c'est d'abord et avant tout d'exploiter l'indignation des citoyens pour préparer le cirque électoral des élections municipales. C'est celui qui criera le plus fort "Au loup !" qui raflera la grosse mise.
Par ailleurs, les cris d'orfraie de notre très "morale" gauche plurielle sur la question de l'ADN aboutissent à éclipser les autres mesures de la loi Hortefeux qui vont passer en douce alors que, elles aussi, sont une véritable crapulerie : tout étranger de plus de 16 ans demandant à rejoindre la France au titre du regroupement familial "sera soumis avant son départ à une évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République". Autrement dit, les femmes de travailleurs émigrés devront suivre sur place des cours de français alors qu'il n'y a pratiquement pas de structure éducative... (et les rares qui existent sont souvent payantes). D'autre part, les ressources exigées pour un regroupement familial seront indexées sur la taille de la famille (par exemple pour une famille de 6 personnes, il faudra avoir des revenus un tiers au-dessus du SMIC). A ce tarif-là, beaucoup de familles "françaises de souche" seraient, elles aussi, exclues du regroupement familial. De même, les parents devront conclure avec l'État un "contrat d'accueil et d'intégration pour toute la famille". Autrement dit, au moindre démêlé ou accroc avec la police ou la justice d'un membre de la famille, ce sera l'expulsion immédiate. Par ailleurs, l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), dont les services dépendaient jusque-là du Quai d'Orsay, passera sous la tutelle directe du ministère de l'immigration. La politique d'immigration "choisie" s'opérera désormais à partir de quotas nationaux. Le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, Monsieur Hortefeux, s'est donné le même objectif que celui déjà donné par l'ex premier flic de France, Nicolas Sarkozy dans sa politique "d'immigration choisie" : l'expulsion de 25 000 immigrés en situation irrégulière par an. Et il met les bouchées doubles pour l'atteindre d'ici la fin de l'année. Bref, il s'agit de "faire du chiffre" en matière de politique de contrôle des flux migratoires. Tout cela s'accompagne déjà d'une multiplication des contrôles d'identité, de la chasse au faciès, d'une intensification de rafles de parents à la sortie des écoles, d'expulsions de squats de travailleurs qui ne peuvent plus être logés décemment, de traque aux clandestins, de "chasse à l'homme". Cette politique ignoble et inhumaine pousse de plus en plus d'immigrés à des actes désespérés, tel le cas de cette femme sans papiers d'origine asiatique qui s'est défenestrée, et qui est morte, parce qu'elle pensait être concernée par une perquisition dans l'immeuble où elle était logée. Et pour accompagner cette politique répugnante, le "copain" de Nicolas Le Petit, Brice Hortefeux est bien décidé à réprimer tous ceux qui abritent ou hébergent des immigrés clandestins. 3
L'inhumanité profonde de ces mesures4, c'est celle d'un système capitaliste historiquement condamné, un système en putréfaction qui ne peut apporter que de plus en plus de barbarie.
Le test ADN de la loi Hortefeux n'est pas une nouveauté. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, avait déjà proposé un test ADN pour dépister le "gène" de la délinquance chez les enfants qui entrent à l'école maternelle. Et il avait suggéré cette même mesure pour débusquer le "gène" de la pédophilie. 5 Mais au-delà de son ignorance dans le domaine scientifique, ses prises de position avaient pour avantage de caresser dans le sens du poil l'électorat de Le Pen, c'est-à-dire les secteurs les plus arriérés idéologiquement de la société française, les plus affectés par les préjugés racistes et xénophobes6.
Ce type de préjugés n'est pas nouveau. Il date principalement de la colonisation, lorsqu'il fallait à la bourgeoisie "justifier" les crimes qu'elle perpétrait contre les populations indigènes. Mais le développement de ces préjugés à la fin de 20e siècle, en même temps que la montée des intégrismes religieux, révèle un pourrissement sur pieds d'une société qui était déjà entrée en décadence depuis la Première Guerre mondiale, une décadence qui a trouvé avec le nazisme et le stalinisme ses expressions les plus tragiquement caricaturales. Évidemment, Sarkozy et son ami Heurtefeux ne sont pas Hitler ou Staline. Ce sont des "démocrates". De même, la situation d'aujourd'hui n'est pas celle des années 30 et 40, marquées par la guerre mondiale. Mais l'obsession des deux comparses pour "faire du chiffre" en matière d'expulsion des immigrés a des relents de celle de Hitler et de Staline qui, eux aussi, demandaient à leurs fonctionnaires de "faire du chiffre" en matière de déportations. Ils sont les sinistres exécuteurs des basses oeuvres d'un système capitaliste dont l'impasse historique ne peut qu'exacerber toujours plus le caractère inhumain, dont l'irrationalité croissante ne peut que favoriser la montée des idéologies obscurantistes issues de la nuit des temps.
Les prolétaires "français de souche" doivent affirmer haut et fort leur solidarité envers leurs frères de classe immigrés, victimes de l'ignominie du gouvernement Sarkozy-Fillon-Hortefeux et consorts. Si les immigrés ont fui leur terre natale, en laissant leur famille au pays, ce n'est certainement pas pour venir "manger le pain des français" ou pour leur "voler leur emploi" ou "profiter" de l'État providence (avec sa "sécurité" sociale et ses allocations familiales) comme le prétend Le Pen avec la caution de Sarkozy, Hortefeux et tous leurs complices. S'ils sont venus en France, c'est tout simplement parce que "chez eux", la vie était devenue un enfer. Ils cherchaient une terre d'asile. Malheureusement pour eux, la "douce France", "terre d'asile", n'est pas disposée à "accueillir toute la misère du monde", comme disait si bien Michel Rocard. C'est le capital en crise qui dicte sa loi. Si on veut bien faire venir des immigrés, il faut que ce soit "rentable". C'est pour cela que Sarkozy veut une "immigration choisie", qu'il essaie, autant que possible, de limiter la venue des familles des travailleurs immigrés, qu'il n'a de cesse de s'attaquer à la dignité de ces derniers.
La solidarité est la seule force qui puisse rendre à l'homme sa dignité, cette dignité que le capitalisme lui a retirée en le traitant comme une marchandise qu'on peut maintenant "choisir" dans le grand magasin du marché mondial. Avec l'aggravation de la crise économique, le sort que subissent aujourd'hui les immigrés, c'est celui qui attend demain tous les travailleurs "français de souche".
La seule solidarité réelle envers les travailleurs immigrés victimes de la répression féroce du Capital et de son État policier, c'est la lutte la plus large, la plus solidaire et unie possible. Une lutte contre toutes les attaques que porte aujourd'hui la bourgeoisie à la classe ouvrière (retraites, frais de santé, baisse du salaire réel, conditions de travail, etc.). Une lutte qui permette à l'ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, de développer la force et la conscience pour être en mesure de renverser ce système barbare et de construire une nouvelle société, sans classe, sans exploitation et sans frontières nationales. Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre des exploités :
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Courant Communiste International (16 octobre 2007)
1 Cela n'empêche pas l'ex-présidente de l'association "Ni putes ni soumises" de se déclarer à l'aise dans ce gouvernement sous la tutelle d'un premier ministre qui a lui-même qualifié de "détail" aux relents lepénistes cette mesure. Il y a des limites à l'insoumission... même s'il n'y en a pas à l'arrivisme. Il y a quelques mois, le journal Le Prolétaire qualifiait avec raison l'association de Fadela de "Mi-putes, mi-soumises". Aujourd'hui, Fadela ne fait plus les choses à moitié.
2 Un des prétextes est de "protéger" les manifestants contre les "casseurs" dont on sait pertinemment qu'ils sont souvent manipulés pour discréditer les véritables mouvements de la classe ouvrière. Ce n'est pas un hasard si, pendant le combat contre le CPE au printemps 2006, les images de la télévision, particulièrement à l'étranger, en rajoutaient sur les quelques actions violentes des jeunes des banlieues (lesquels sont provoqués quotidiennement par les forces de police) au détriment notamment des images des assemblées générales.
3 L'hypocrisie de la classe régnante n'a pas de limites : alors même qu'elle célèbre comme des héros ceux qui ont caché des familles juives pendant l'occupation, elle considère comme des criminels ceux qui, aujourd'hui, offrent leur protection à des clandestins sans papiers.
4 Une inhumanité qui n'a pas l'air de scandaliser beaucoup ce grand spécialiste de "l'humanitaire", le docteur Kouchner, qu'on n'entend guère sur la question des tests ADN et qui, depuis la gaffe de ses déclarations jusqu'auboutistes sur l'Iran, semble surtout préoccupé de tout faire pour ne pas déplaire à son maître.
5 On ne peut pas reprocher à Sarkozy de n'avoir pas fait d'études scientifiques ; il n'avait pas la "vocation". Il était plus brillant dans le domaine de la magouille politique (il avait tout juste 28 ans lorsqu'il a rafflé la mairie de Neuilly-sur-Seine à Pasqua, pourtant orfèvre en matière de coups tordus).
6 Des secteurs qui ont beaucoup de mal à admettre que leurs ancêtres, avant les gaulois, venaient tous d'Afrique.
Nous avons reçu un courrier d’un de nos contacts en province qui illustre le climat actuel de mécontentement grandissant et le potentiel de solidarité ouvrière face à la pénurie d’effectifs et à la détérioration des conditions de travail dans les centres administratifs dits "de service public" de la Sécurité Sociale. Cette situation et cet état d’esprit combatif sont loin d’être spécifiques à ce seul secteur.
C’est pourquoi nous livrons ce compte rendu et les réflexions qu’il suscite, notamment à travers la confrontation au travail de sabotage et de division des syndicats, comme exemple encourageant d’un mûrissement incontestable des conditions d’un développement ultérieur de la lutte et de la solidarité.
Le 17 septembre dernier, suite à des incidents dans la file d’attente des assurés sociaux, le personnel d’un bureau de Sécurité Sociale a décidé de mener des actions pour demander une augmentation des effectifs et une meilleure formation pour les jeunes qui ont été affectés dans cette unité.
Depuis plusieurs mois, les conditions de travail se sont dégradées. Ce centre de Sécurité Sociale est entièrement consacré à l’accueil des assurés sociaux. Il est situé dans des arrondissements très difficiles (le centre ville de Marseille) avec un très grand nombre d’étrangers en situation précaire, souvent sans papier, avec comme seul revenu des petits boulots pour certains, les ASSEDIC, pour d’autres le RMI, avec un très grand nombre de CMU. Mais y sont concentrés aussi des services centralisés (Accidents de Travail, Invalidité, Service Médical, Assistantes sociales, Plate-forme téléphonique). Près de 1000 personnes viennent quotidiennement pour régler leurs problèmes administratifs. C’est le plus gros centre de Sécurité Sociale de France. Aux étages, il y a d’autres unités de travail, c’est donc près de 500 personnes qui travaillent dans l’immeuble et beaucoup sont des jeunes. Depuis plusieurs mois donc, le nombre d’agents affectés à l’accueil se réduit, comme d’ailleurs les effectifs de l’ensemble des services du site. De plus, les jeunes sont très peu formés, que ce soit pour la législation, mais aussi pour la communication et la gestion des conflits. Et ils gagnent à peine le SMIC alors que l’intensité du travail devient de plus en plus stressante. C’est l’effet des "35 heures" mises en place par la gauche. Pour les assurés, la situation est tout aussi stressante, attendant plus d’une heure dans la file pour aller dans les différents box. Un assuré y passe la moitié d’une journée pour régler les problèmes. Une telle situation est source de tensions. Pour y faire face, la direction n’a rien trouvé de mieux que de mettre deux vigiles. Et c’est justement une altercation entre les vigiles et des jeunes du quartier qui a été la goutte qui a fait déborder le vase. Suite à cela, le cadre responsable décide de fermer le centre, les jeunes employés refusant de travailler dans ces conditions. Les syndicats ont été informés de la situation, mais très vite, ce sont les employés eux-mêmes qui ont pris leurs affaires en main. Et ce n’est pas la première fois puisque cet hiver il y a eu aussi des réactions des employés pour demander des effectifs qui ne sont pas arrivés. L’été a été particulièrement pénible, mais la situation s’est aggravée depuis la rentrée. Ce sont les jeunes employés eux-mêmes qui décident de se réunir et d’établir un cahier de revendications. Comme les esprits étaient assez échauffés, ni la direction ni les syndicats n’ont montré le bout de leur nez. Le seul délégué cégétiste sur place a dit "prenez vos affaires en main et le syndicat vous aidera". C’est le lendemain que la direction fait son apparition et c’est tout le centre en délégation qui lui a remis les revendications. Réaction du directeur : "Vous me mettez dans une situation difficile par rapport au Directeur Général alors que je me bats pour vous". Le lendemain, une note paraît qui précise que 2 nouveaux employés seront affectés, 6 autres d’ici la fin de l’année. Pour les employés, ce n’était pas suffisant mais ils décidaient d’attendre pour voir ce que vaut cette promesse, et en cas de retour de sources de tension, alors ils se réuniraient pour mener des actions.
Les syndicats ont tout fait pour que ce qui se passe sur ce site ne soit pas trop connu dans le reste des unités de travail où, là aussi, les problèmes sont identiques. Parallèlement, une grève s’est engagée sur un autre site, beaucoup plus petit, prévu dans un plan de restructuration à la fermeture. La direction s’est déplacée pour annoncer cyniquement qu’il n’y aura pas de nouvelles affectations d’emploi. Colère et grève immédiate. La CGT réagit vite et prend la tête de la grève. Cela se passe le 19 septembre et la CGT fait tout pour isoler les 2 mouvements qui se menaient simultanément. Sachant très bien que sur le site où s’est déclenché le premier mouvement de colère, la direction a reculé, la CGT, le 26/09 fait une parodie de solidarité. Une délégation de grévistes, syndicat en tête, décide d’y aller. Sur place, l’assemblée générale rencontre peu d’écho, quelques employés y participent. Un débat s’enclenche sur comment créer un rapport de force, car sur le site qui a démarré en premier, les employés sont démobilisés dans l’attente d’effectifs supplémentaires promis par la direction ; elle a donc très bien joué la division. Si la petite assemblée réunie a déclaré sa solidarité avec les grévistes, certains employés sont intervenus pour dire que la grève n’est pas le seul et unique moyen de lutte. Il a été donc proposé de décider d’un après-midi d’action où tous les centres ( il y en a plusieurs répartis aux quatre coins de la ville) se réuniraient pour discuter des revendications et d’un planning d’action, car c’est en élargissant le mouvement que l’on pourra créer un rapport de force mais, pour cela, la discussion la plus large possible est nécessaire. Les syndicalistes CGT présents ont tout fait pour saboter la discussion, et ce de manière agressive, en martelant l’idée que la lutte c’est la grève et rien d’autre. En fait, ce simulacre de solidarité a permis à la CGT de montrer que les employés sont divisés, contribuant ainsi à créer un malaise général, un sentiment de culpabilité de ceux qui continuaient à travailler. Et ce sabotage de la CGT a si bien marché qu’un employé s’en est pris aux grévistes disant qu’il était obligé de renseigner "leurs" assurés, rendant plus difficiles les conditions de travail. Déstabilisés malgré tout par la discussion, les cégétistes se sont montrés menaçants contre ceux qui posaient le problème de savoir comment construire un rapport de force avant de partir pour faire la tournée des services. Ponctuellement la CGT a réussi son coup. Deux jours après, elle sort un tract pour appeler à la solidarité financière avec les grévistes, sans parler bien sûr de ce qui s’est passé ailleurs où les employés eux-mêmes ont pris leur combat en mains. C’est ainsi que dans un autre bureau, lors d’une réunion, la CGT a été prise en flagrant délit : appelant à la solidarité avec le bureau en grève sans mentionner ce qui s’était passé ailleurs, certains employés, au courant des événements qui se sont produits sur le premier site, ont dénoncé le rôle de diviseur et de saboteur du syndicat, suscitant tout un questionnement sur comment lutter. Même si la grève continue sur le petit centre de manière isolée, il y a un tel climat de mécontentement général que la situation risque de ne pas en rester là. Alors il y aura toute une réflexion sur comment mener une lutte, comment faire face aux manœuvres de division de la direction...et des syndicats. Chez les employés, les jeunes en particulier, il existe une méfiance vis-à-vis des syndicats qui se traduit par cette réflexion : "Ils ne font pas ce qu’ils doivent faire, c’est donc à nous d’agir". Comment prendre contact avec l’ensemble des unités de gestion et de service, comment élargir le mouvement, voilà les questions. De toute façon, pour agir, il faut réfléchir, se réunir et discuter, il n’y a pas à foncer tête baissée. C’est ce sentiment qui existe. Et lorsque les employés se réunissent pour discuter et agir le plus collectivement possible, la direction et la CGT font tout pour saboter des initiatives qui vont dans ce sens, pourquoi ? Parce qu’ils ont peur que les travailleurs ne prennent véritablement leurs luttes en main, qu’il y ait de véritables assemblées générales avec des prises de décision sur comment mener la lutte, ce qui a commencé à être fait par une poignée de jeunes employés.
Sébastien, Marseille (1er octobre)
Fin septembre, éclatait en France un mini-scandale mettant en lumière le lien étroit du patronat et des syndicats.
Retour sur l’affaire. Tout commence par l’alerte de quelques employés de banque de la BNP intrigués par des retraits en liquide colossaux (entre 150 000 et 200 000 euros) de Denis Gautier-Sauvagnac, le président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). La boîte de Pandore venait de s’ouvrir. Les enquêteurs annoncent successivement se pencher sur des retraits suspects représentant 5,6 millions, puis 9,6 millions et, aujourd’hui, 20 millions d’euros ! La question est alors : à qui était destiné tout cet argent ?
Très vite la réponse apparaît comme une évidence. Un secret de polichinelle est révélé : une grande partie de cet argent va dans la poche… des syndicats. Denis Gautier-Sauvagnac avoue lui-même que ces fonds servent à « fluidifier les relations sociales » (et quoi de mieux, en effet, que des liquidités pour « fluidifier les relations sociales »). Et, il n’y a ici rien d’étonnant ou d’exceptionnel. Denis Gautier-Sauvagnac n’est pas spécialement un pourri, en tout cas pas plus que les autres. Il ne faisait ici que perpétuer ce qui ce fait depuis près d’un siècle. Le président de l’UIMM de 1994 à 1999, Daniel Dewavrin, a ainsi affirmé avoir lui aussi eu recours à cette forme de financement syndical. Le président du Conseil national du patronat français (CNPF) de 1981 à 1986, Yvon Gattaz, a assuré « Il était de tradition dès 1984 qu’il y eût une caisse qui alimentait les syndicats […]. Ce n’était pas arroser pour peser [dans les négociations salariales], c’est un financement normal ». Enfin, François Ceyrac, un autre ancien président de l’UIMM et du CNPF, a écrit à son collègue aujourd’hui inquiété (lettre publiée dans Le Monde) : « Je suis bien placé pour savoir que les actions que l’on vous reproche, consistant à donner des aides en espèces à divers partenaires dans la vie sociale sont dans la continuité historique de l’UIMM dans sa mission de recherche de dialogue » (sic !). Pour reprendre les termes de la présidente actuelle du Medef, ces liens financiers étroits entre patronat et syndicats sont un « secret de famille ». Oui, il s’agit d’un « financement normal » ! Oui, patronat et syndicats font bel et bien partis de la même « famille » ! Une famille qui se nomme bourgeoisie !
Face à toutes ces « révélations », la protestation syndicale fut, pour le moins, molle et discrète. Pourtant, nous connaissons tous à notre travail un délégué syndical nous encourageant régulièrement à nous syndiquer, à « adhérer à la cause », au moins pour soutenir financièrement la lutte… syndicale. Qui n’a pas eu droit à ce couplet classique « le syndicat, c’est un organisme qui te défend au quotidien et qui t’appartient. C’est grâce aux cotisations des travailleurs, à ta cotisation, qu’il peut le faire » ? Le syndicat, organe de lutte des travailleurs, financé par les travailleurs… voici l’un des piliers de l’idéologie syndicale. Et pourtant, quand une affaire vient mettre à mal cette propagande, ébranler ce pilier, les syndicats se font tout petits. Pourquoi ?
Il suffit de mener une toute petite enquête sur le Net, via Google, pour le comprendre. Des affaires et des témoignages de ce genre de financement occulte y pullulent. Voici quelques exemples piochés au hasard.
En 2000, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) met les pieds dans la Caisse de retraite interentreprises (CRI), une retraite complémentaire du régime des salariés (Arrco). Le pot aux roses est découvert : "Cette enquête effectuée entre février et mai 1999 à mis en lumière 'tout un système de financement direct ou indirect des syndicats' […] Selon ce rapport, le CRI aurait versé entre 1995 et 1999, 34,3 millions de francs aux syndicats, en salaires pour certains permanents, présentés dans les comptes comme des 'délégués extérieurs' ou en 'convention d'assistance technique' prévoyant des honoraires et des remboursements de frais." Quatre ans plus tard, l'Igas remet les pieds dans le plat, cette fois-ci sur la délicate question des "mises à disposition". Des milliers de salariés gracieusement mis au service des syndicats par des entreprises publiques ou des administrations. En termes voilés, cela donne l'analyse suivante des inspecteurs de l'Igas [6]: "Il est pourtant de notoriété publique que de très nombreux permanents syndicaux sont mis à disposition par l'Etat, les organismes de Sécurité sociale et des entreprises privées ou publiques sans aucune base juridique."1 L’hebdomadaire Marianne2 fournit lui aussi quantité d’exemples : « La CGT a dû admettre, voilà 4 ans, qu’elle avait touché de l’argent de Vivendi sous forme de publicité sur-payée (120 000 euros la page) dans l’hebdomadaire ‘La vie ouvrière’, en 2001. […] Dans le même ordre d’idée, pourquoi les industriels comme Thalès ou Dassault, qui n’ont absolument rien à vendre au grand public, achètent-ils au prix fort des pages de publicités dans ‘Le métallo CFTC’ ? […] Récemment, les représentants de l’Union Fédérale des Transports ont expliqué aux députés comment la CGT incluait dans les accords sur le service minimum une centaine de permanents à rémunérer sur les fonds des entreprises ! »
Officiellement, sans même compter toutes ces magouilles, en ne considérant donc que la partie émergée de l’iceberg, l’Etat finance déjà très largement les syndicats, à coups de subventions publiques. La CGT, par exemple, perçoit 145 millions « hors cotisations » sur un budget de 220,6 millions d’euros de budget3. Soit 66% payé par la bourgeoisie ! Pourquoi la classe dominante entretiendrait-elle ainsi des « organes de lutte » ? C’est d’ailleurs l’Etat lui-même qui encourage les salariés à se syndiquer en les appâtant par une déduction fiscale sur le montant de leurs cotisations syndicales. Pourquoi financerait-elle « ses pires ennemis » ? Il ne s’agit pas là de corruption de quelques bureaucrates. Yvon Gattaz a tout à fait raison d’affirmer que cet argent n’a pas pour but de « peser » dans les négociations salariales mais qu’il s’agit tout simplement d’ « un financement normal ». Les syndicats appartiennent à la bourgeoisie : idéologiquement et financièrement. Elle a besoin de ces structures comme d’un cheval de Troie, pour saboter de « l’intérieur » le développement des luttes et de la réflexion ouvrière. C’est donc tout naturellement qu’elle prend soin de bien nourrir, entretenir et toiletter ses syndicats, véritables chiens de gardes du capital !
Pawel (26 octobre)
2 Marianne du 20 au 26 octobre 2007
3 in la revue Société civile
« Et si le Grenelle de l‘environnement constituait une pure et simple supercherie ? » lançait Le Canard Enchaîné le 10 octobre dernier. La question est légitime mais ce grand carrefour de l‘écologie est bien plus que cela.
Jean-Louis Borloo, champion de la gouaille gouvernementale, ne tarit pas de superlatifs sur l‘initiative qu‘il a repris de son prédécesseur Alain Juppé. Pour lui, c‘est une « révolution » qui est en marche, pas moins, et quand le terme est lié à un « Grenelle », on ne met pas longtemps à faire le lien avec les célèbres accords de la rue du ministère du Travail, en 1968.
Mais de quelle révolution s‘agit-il ? Est-on en train de fonder les bases d‘un capitalisme propre et soucieux de son environnement ? Va-t-on enfin trouver les moyens de réduire les pollutions, les déforestations, les déchets industriels et nucléaires ? Va-t-on enfin trouver les moyens de produire des véhicules moins polluants et de remplacer les vieux tacots fumants du siècle dernier ? La bourgeoisie prend-elle enfin conscience que son système met en danger l‘humanité et qu‘il importe d‘y remédier même si le remède doit coûter cher au capitalisme et aller à l‘encontre de sa propre logique ?
Réveillons-nous... Certes, la bourgeoisie n‘ignore pas que la course folle de son système englué dans la crise est en train de détruire notre environnement et pose la perspective d‘une destruction de la planète. Mais elle sait également qu‘elle n‘a pas les moyens d‘y remédier totalement, ni d‘aller contre sa propre logique de profit. Elle sait qu‘un certain nombre de mesures intéressent des industriels qui y voient de nouveaux terrains de développement pour leur activité, mais que cette même activité n‘offre pas la moindre garantie de respect environnemental. Elle sait aussi que l‘efficacité de la quasi-totalité des mesures proposées par son « Grenelle » est remise en cause par les spécialistes et les scientifiques sérieux.
Alors, la bourgeoisie fait ce qu‘elle fait encore de mieux : elle ment. Elle culpabilise. Elle manipule. Tout le battage autour de ces tables rondes « démocratiques », auquel le scandaleux Prix Nobel de la Paix attribué à Al Gore1 et au GIEC vient rajouter encore quelques paillettes, n‘aboutit qu‘à la même conclusion : l‘avenir de la planète appartient à chacun de nous, la révolution, c‘est chacun de nos comportements modifiés mis bout à bout. C‘est la fin des ampoules à incandescence, le retour des tramways, les maisons chauffées à 19° au lieu de 20°. Et pourquoi ne pas promouvoir les voitures à pédales pendant qu‘on y est ? On se moque littéralement de nous. Confrontée à sa propre incurie, à sa propre impuissance devant la folie destructrice de son système, la bourgeoisie nous exhorte quasiment à fermer le robinet quand on se savonne les mains. Et c‘est censé sauver la Terre, c‘est censé compenser toutes les blessures infligées à l‘environnement par les menées guerrières de la bourgeoisie et l‘exploitation industrielle déraisonnée, motivée par la recherche d‘un profit mis à mal par une concurrence toujours plus rude dans un marché toujours plus restreint.
« Plus ils parlent de paix et plus ils préparent la guerre », disait Lénine. Aujourd‘hui, plus ils parlent d‘écologie et plus ils détruisent la planète.
C‘est donc bien plus qu‘une « pure et simple supercherie », c‘est une grande opération idéologique destinée à cacher derrière une prétendue responsabilité partagée, les vraies responsabilités du capitalisme dans la dégradation fulgurante de notre milieu naturel. Tous les « Grenelles », « sommets de la terre » et Al Gore sentencieux du monde ne changeront rien à cette situation. L‘avenir de la planète est dans les mains de la classe ouvrière.
G (19 octobre)
1 Ce prétentieux est surtout un opportuniste : on se rappelle bien sa position contre la guerre en Irak, mais on oublie qu‘il a voté pour la première guerre du Golfe en 1990, qu‘il n‘a jamais critiqué, loin de là, les menées guerrières de Clinton en Afrique ou en Yougoslavie quand il était à la vice-présidence. Depuis son engagement, tout jeune, dans l‘armée pour partir comme journaliste au Vietnam, la paix n‘a jamais été son obsession. La guerre est effectivement bien connue pour ses vertus écologiques : destruction et pollution massive !
En Algérie, rien ne sera épargné à une population pourtant déjà réduite à la misère, dans sa grande majorité. L’année 2006 avait déjà connu une nouvelle vague d’attentats tous plus barbares et inhumains les uns que les autres. Mais, au cours de cette année, et notamment pendant la fin de l’été, on a vu une nouvelle recrudescence de la violence aveugle, faisant craindre le pire à une population vivant dans une peur permanente.
Au mois de février dernier, des explosions quasi-simultanées ont eu lieu dans un rayon d’une trentaine de kilomètres, à Boumerdès et à Tizi-Ouzou en Kabylie. Ces attentats ont été immédiatement revendiqués par un groupe proclamant appartenir à la branche d’Al-Qaïda au Maghreb. C’est aussi apparemment ce même groupe qui aurait perpétré des attaques à la voiture piégée au mois d’avril contre le Palais du gouvernement, faisant plusieurs dizaines de morts et 162 blessés. Le 6 septembre dernier, c’est le cortège du président Bouteflika qui a été pris pour cible lors de son voyage dans la région des Aurès. Cet attentat ne toucha pas le président, mais a fait à nouveau plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés. L’histoire récente de l’Algérie est ainsi une triste suite d’attentats, de meurtres en séries et de tueries atroces, visant bien souvent sciemment femmes et enfants.
Peut-être que les jeunes générations ouvrières, en France et en Algérie, n’ont pas en mémoire le drame que fut la tristement célèbre guerre d’Algérie. En 1952, une fraction de la bourgeoisie algérienne livre bataille contre la France, pays colonisateur, entraînant la population dans une guerre sans merci. Massacres et tortures furent pendant toute cette période le lot quotidien de la population, une population sans défense, prise au piège dans cette lutte à mort que se livrent la bourgeoisie française et la bourgeoisie naissante de l’Algérie.
Après dix années de conflit meurtrier (plus de 23 000 tués parmi les appelés du contingent français et surtout au moins 400 000 morts au sein de la population algérienne, massacrée des deux côtés), l’armée française se retire, vaincue. Mais la déclaration officielle de « l’indépendance » de l’Algérie n’a en rien signifié le répit et la paix. Pour la population de cette région, ce fut tout simplement une bourgeoisie qui en chassa une autre, elle ne fit que changer de maître, d’exploiteur et d’oppresseur. Pire, ce fut une bourgeoisie algérienne particulièrement brutale et sanguinaire qui prit les rênes du pouvoir : une caste militaire issue du FLN. Cette caste fit dès lors supporter de tout son poids la corruption généralisée à tous les travailleurs et la répression systématique pour les récalcitrants. Cela a été le prix, durant des années, de la “paix sociale” algérienne dont les détracteurs étaient jetés en prison ou éliminés, avec la bénédiction de… l‘Etat français qui gardait évidemment, bon an mal an, un certain contrôle partagé de l‘Algérie.
En 1992, même ce faux-semblant de « paix » s’écroule. Après l’effondrement de l‘URSS et le mouvement international de “démocratisation” lancé à l’époque sous la pression de l’Etat américain, le pouvoir algérien organise des élections “libres”. Le score historique des islamistes du FIS (Front Islamique du Salut), qui ne pouvait déboucher que sur l‘éviction des vieux caciques militaires algériens, pousse ces derniers à annuler le résultat de ces élections législatives. L‘Algérie rentre à nouveau dans une guerre civile qui n’a cessé depuis lors.
Les attentats de ces derniers mois sont donc un énième épisode sanglant de cette histoire tragique. Dans ce pays, les organisations armées terroristes changent de nom mais la barbarie demeure. Hier, c‘était les GIA (Groupes Islamistes Armés) qui semaient la mort. Aujourd’hui, c’est sous les coups de l’ex-GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) qui semble avoir fait allégeance au réseau d’Oussama Ben Laden, que tombe la population.
Cela dit, il n’est pas certain, loin s‘en faut, que d’autres fractions de la bourgeoisie algérienne ne soient pas mêlées plus ou moins directement à tous ces massacres. En effet, on sait que, depuis 1992, bien des crimes, des attentats, des viols et des enlèvements en masse ont parfaitement été identifiés comme ayant été perpétrés par des fractions du pouvoir et de l‘armée algérienne elle-même. Ces fractions de l‘armée se sont servis de l‘état de guerre “contre le terrorisme islamiste” pour d‘un côté en rajouter dans la terrorisation de la population et justifier les mesures de répression et, d‘un autre côté, régler des conflits internes au sein de la junte militaire au pouvoir. Dans ce panier de crabes que constitue l‘Etat algérien, qui fait subir à la population toutes sortes de rackets et de menaces, perpétrer des attentats et autres massacres afin de pouvoir en accuser une fraction rivale est ainsi devenu monnaie courante.
Il est donc difficile de savoir quelle fraction de la bourgeoisie algérienne a été l’auteur de la dernière vague d’attentats. Mais s’il est un fait certain, c‘est que jamais toute cette horreur n’aurait pu prendre une telle ampleur sans la participation active des grandes puissances impérialistes mondiales.
Depuis maintenant plus de quinze ans, la France et les Etats-Unis se disputent le contrôle de l’Algérie. L’impérialisme américain est ainsi venu chasser sur des “terres” traditionnellement sous influence française. Tel est par exemple le sens du projet actuel de libre-échange prévu entre l’Algérie et les Etats-Unis. Ce projet entre dans le cadre de la tentative américaine de renforcer son influence dans toute l’Afrique du Nord en passant par des accords commerciaux avec le gouvernement algérien qui se vend au plus offrant. Hier encore, soutenant ouvertement les groupes armés islamistes anti-gouvernementaux dans ce pays, les Etats-Unis semblent aujourd’hui avoir changé leur fusil d’épaule. La preuve en est qu’ils ont signé, au mois de juin dernier, un accord sur le nucléaire qui prévoit ni plus ni moins une collaboration directe entre les laboratoires algériens et américains du Commissariat à l’énergie atomique. On est loin ici du discours sur la question du nucléaire iranien ! Bien entendu, l’impérialisme français ne pouvait pas rester sans réaction devant un tel pied de nez venant des Etats-Unis. La France s’est donc tout naturellement empressée de faire des propositions analogues au gouvernement algérien. Mais les impérialismes français et américain ne sont plus aujourd’hui les seuls à courtiser ainsi l’Algérie. Pas plus la Russie de Poutine que la Chine ne veulent rester à l’écart de tout ce sordide marchandage. En 2006, pendant la visite de Poutine à Alger, le président russe a effacé d’un trait de plume la dette estimée à 4,7 milliards de dollars contractée par l’Algérie envers la Russie pendant les années 1960 et 1970 en échange de vente d’armes.
Ce que représente l’Algérie pour tous ces prédateurs impérialistes, au-delà de la question immédiate du pétrole, devient clair lorsque l’on se réfère au projet américain de réaliser le Grand Moyen-Orient du président Bush. Certes, les ambitions américaines ne peuvent qu’être fortement revues à la baisse dans ce domaine face à leur lamentable échec en Irak et à l’affaiblissement accéléré de leur leadership. Mais le projet américain, même s‘il est probablement devenu irréalisable, de construire une zone de contrôle allant de la mer Caspienne à l’Afrique du Nord, en passant par le Moyen-Orient, exprime l’importance stratégique de cette région pour quiconque veut tenter de contrôler le bassin méditerranéen1.
Il n’y a, par conséquent, pas de pause à attendre dans l’explosion de l’horreur dans ce pays ! La déstabilisation en cours de l’ensemble du monde arabo-musulman, sous les coups de boutoir du déchaînement des rivalités impérialistes grandes ou petites, ne peut que plonger toujours un peu plus cette région du monde dans le chaos.
Tino
1 De même que le rêve concurrent démesurément prétentieux de Sarkozy d‘instaurer sous la houlette de la France une “Union de la Méditerranée” déjà très contestée en Europe, notamment par l‘Allemagne.
Wilma (le 26 octobre)
Des grèves qui durent depuis plusieurs mois, au cours desquelles s’expriment la solidarité entre les ouvriers, une colère immense contre la dégradation de leurs conditions de vie et une combativité exemplaire, voilà ce que veut nous cacher la bourgeoisie. A peine quelques articles dans la presse ou sur Internet, nous sommes loin du compte. Quels sont les ouvriers en France ou ailleurs qui sont au courant de ce que font leurs frères de classe en Egypte ?
Pourtant déjà, la grève massive de décembre 2006 à l’usine textile Ghazl Al-Mahalla avait ouvert la voie à une vague de protestation sans précédent dans tout le pays. L’article de Révolution Internationale n° 380 de juin 2007 titrait « La solidarité de classe, fer de lance de la lutte » et montrait la détermination que les ouvriers ont affichée dans cette lutte mais aussi la force d’entraînement qui s’est manifestée à partir de cette lutte dans le textile.
De fait, les luttes ne se sont jamais arrêtées depuis lors. De décembre 2006 à mai 2007, il y a eu des grèves impliquant des milliers d’ouvriers d’autres usines textiles, notamment à Kafr el Dawwa (11 700 travailleurs), à Zelfia Textile Co. à Alexandrie (6000 grévistes) et à l’usine textile d’Abul Mukaren. Ce sont aussi de nombreux autres secteurs de la classe ouvrière qui étaient entrés en lutte : 3000 ouvriers en grève de deux jours à l’usine de conditionnement de volailles Cairo Poultry Co., 9000 grévistes dans une minoterie à Gizeh ainsi que les éboueurs de cette même ville, occupation de l’usine Mansoura Spanish Garment Factory par 300 ouvrières et grève des transports du Caire avec blocage de la ligne Le Caire-Alexandrie, soutenue par des conducteurs du métro du Caire. Et aussi de nombreuses actions comme un sit-in à la poste principale du Caire, des grèves de boulangers, dans des briqueteries, d’employés du Canal de Suez, de dockers, d’employés municipaux, de personnels des hôpitaux… « Fin juin, un communiqué d’un syndicat américain annonçait que 200 grèves étaient terminées, mais ne disait rien sur celles qui pouvaient encore être en cours. » Mondialism.org. Il y a eu 220 grèves spontanées en 2006 en Egypte, chiffre qui sera largement dépassé en 2007.
En effet, depuis le 23 septembre 2007, les 27 000 ouvriers et ouvrières de l’entreprise publique de textile de Ghazl Al-Mahalla, à une centaine de kilomètres du Caire, ont repris le combat quelques mois seulement après la première vague de luttes dont ils étaient déjà le cœur. La promesse du gouvernement de verser à chacun l’équivalent d’un mois et demi de salaire avait alors mis fin à la grève. Mais c’était encore trop payé pour le gouvernement qui n’a pas tenu ses engagements, cette somme n’ayant été versée que très partiellement et au compte goutte. Quel cynisme ! Des salaires de misère de 200 à 250 livres égyptiennes (soit 25 à 30 euros), des loyers d’environ 300 livres égyptiennes et des denrées de base qui ont augmenté de 48% depuis l’an dernier, voilà la réalité des ouvriers qui ne savent plus comment se loger, se nourrir, se soigner eux et leurs familles.
En juillet 2007, alors que la grève menaçait de nouveau de s’étendre, le gouvernement a immédiatement promis de payer l’équivalent de 150 jours de salaire en guise de part des bénéfices actuels de l’entreprise. Somme qu’il tardait de nouveau à payer. C’est ce qui a relancé la colère des ouvriers dont la combativité était toujours intacte. « ‘On nous a promis 150 jours de prime, nous voulons seulement faire respecter nos droits ‘ explique Mohamed el-Attar, qui a été arrêté quelques heures par la police mardi dernier. ’Nous sommes déterminés à aller jusqu‘au bout’ affirme-t-il. » (Le Figaro du 1/10/07). A la grille d’entrée de l’usine, une affiche proclame : « Vous entrez en territoire libre. » Des enfants ont rejoint leur mère car ils ont été renvoyés des écoles par défaut de paiement des frais scolaires ou impossibilité d’achat des manuels. Pour tenter une nouvelle fois de casser le mouvement, la direction a décrété une semaine de congé afin de rendre l’occupation de l’usine illégale et laisser planer la menace d’une intervention militaire.
Dans cette lutte, face aux ouvriers, le gouvernement n’est pas seul ; il est épaulé par ses fidèles chiens de garde, passés maîtres dans le sabotage : les syndicats. Mais là aussi, les ouvriers ne semblent pas vouloir se laisser manipuler si facilement : « Le représentant du syndicat officiel, contrôlé par l’Etat, venu demander à ses collègues de stopper la grève, est à l’hôpital, après avoir été passé à tabac par des ouvriers en colère. ‘Le syndicat est aux ordres, nous voulons élire nos vrais représentants’ expliquent les ouvriers » (Libération du 1/10/07).
Peu à peu, la classe ouvrière prend conscience que sa force réside dans sa solidarité et son unité, au-delà des secteurs et des corporations. Les ouvriers des usines textiles de Kafr Al-Dawar déclaraient en décembre dernier : « Nous sommes dans le même bateau que vous et embarquerons ensemble pour le même voyage » et reprenaient à leur compte les revendications de Mahalla. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’ils aient de nouveau manifesté leur solidarité dès la fin septembre et entamé une grève. Et d’autres aussi comme les ouvriers de minoterie au Caire qui ont entamé un court sit-in et ont envoyé un communiqué soutenant les revendications des ouvriers. Ils les ont qualifiées de légitimes surtout celles de la fixation par le gouvernement d’un salaire minimum qui soit indexé sur les prix actuels. Les ouvriers des usines de Tanta Linseed and Oil ont suivi l’exemple de Mahalla et posé aussi leurs revendications.
C’est bien parce que le gouvernement redoute en premier lieu que la lutte continue à se développer qu’il apparaît aujourd’hui comme hésitant. Il agite le bâton ou la carotte suivant les situations. Au cours de ces derniers mois, il s’en est pris aux juges ou aux journalistes qui s’opposaient à lui en les menaçant ou en les emprisonnant. Mais face à des milliers d’ouvriers en lutte, il se doit d’être plus prudent (même si le recours à une répression n’est pas à exclure).
Pour le moment, face à la force montante du mouvement, le gouvernement est obligé de proposer aux ouvriers textiles de Mahalla 120 jours de prime et des sanctions contre la direction. Mais les ouvriers n’arrivent plus à croire aux promesses du gouvernement, promesses qui sont d’ailleurs inférieures à leurs revendications. Non, ces grèves ne sont pas organisées par les Frères musulmans comme l’Etat aurait aimé le faire croire, c’est une vraie lame de fond ouvrière qui secoue l’Egypte et celui-ci a bien raison d’avoir peur. La classe ouvrière d‘Egypte est la plus importante du Proche et du Moyen-Orient et ses luttes ne peuvent qu’inspirer les ouvriers de la région et du reste du monde.
Map (22 octobre)
Ce développement de la combativité et de la conscience, ce refus de la misère et cette méfiance envers les syndicats… tout ceci s’exprime clairement à travers les revendications mêmes des ouvriers de Ghazl Al-Mahalla :
• Recevoir l’équivalent de 150 livres égyptiennes du salaire de base en profits annuels.
• Retirer la confiance au comité syndical ainsi qu’au PDG de l’entreprise.
• Inclure les primes dans le salaire de base comme pourcentage fixe non lié à la production.
• Augmenter les primes pour la nourriture.
• Allouer une prime pour le logement.
• Fixation d’un salaire minimum conformément aux prix actuels.
• Fournir un moyen de transport pour les ouvriers qui habitent loin de leur entreprise.
• Améliorer les services médicaux.
Fin septembre, aux Etats-Unis, le syndicat UAW (United Auto Workers) appelait les 73 000 salariés de General Motors à la grève. Un tel mouvement ne s‘était pas vu, depuis 1988, sur les sites au Canada et au Mexique et, depuis 1970, au niveau national américain. Les médias, spécialisés dans le black-out des conflits sociaux, ont pris soin cette fois de souligner cette initiative syndicale spectaculaire, présentée comme un des moments phare de défense des salariés. Qu’en est-il en réalité ?
Tout nous montre que cette grève, exploitant un authentique sentiment de ras-le-bol et de colère, a été déclenchée pour être instrumentalisée par le syndicat UAW et la direction de Général Motors. Ceci afin de porter de nouvelles attaques contre les ouvriers. Alors que le précédent accord salarial avait expiré depuis peu, un round de négociations entamé depuis des mois devait aboutir à un nouvel accord applicable pour tout le secteur automobile, avec pour objectif une baisse des coûts de la force de travail : licenciements, réduction des pensions de retraite et baisse drastique des salaires, forte détérioration de la couverture santé… Certaines mesures du nouvel accord, restées très discrètes, révèlent d’ailleurs ces intentions du syndicat et de la direction de Général Motors : "Greg Shotwell, un membre dissident de l’UAW, a diffusé sur le site Internet Soldiers of Solidarity, des extraits du projet d’accord UAW-GM contre lequel il milite. Ainsi, on y découvre que l’UAW a donné son accord pour la fermeture de deux usines situées à Indianapolis et à Livonia près de Détroit." 1
Ce coup de poignard dans le dos des ouvriers n’a rien d’étonnant et correspond bien à la pratique des syndicats. Depuis 2005, les "big three", c‘est-à-dire les trois plus grandes entreprises automobiles, Général Motors, Ford et Chrysler, sont dans le rouge et enregistrent des pertes qui s’élèvent aujourd’hui à 26 milliards de dollars. Face à une crise économique plus aiguë, à l’agressivité et à la pénétration du marché par les concurrents asiatiques, en particulier le japonais Toyota, il devient plus qu’urgent pour le patronat américain de baisser encore les coûts de la force de travail au nom de la sacro-sainte compétitivité. Ceci d’autant qu’une nouvelle récession se profile à l’horizon avec pour corollaire une fragilisation supplémentaire de tout l’édifice industriel. Le moment était donc crucial pour "remettre les choses à plat", pour ouvrir un dossier particulièrement "épineux" sur la table avec la complicité des syndicats ! C’est cette nécessité urgente qui explique le déclenchement d’une manœuvre de grande ampleur sous la houlette syndicale dans cette entreprise.
Cette grève déclenchée fin septembre à Général Motors devait servir de test, de ballon d’essai, pour faire passer les mesures d’austérité dans les deux autres grandes firmes que sont Ford et Chrysler. Test réussi !
Tout a commencé par une sorte "d’ultimatum" où un communiqué syndical s’est chargé de polariser l’attention sur "la sécurité de l’emploi". L’ultimatum était censé "faire pression" pour "accélérer le processus des négociations" sur cette seule question, alors que tout le reste de l’attaque (le financement des retraites, la couverture santé et les salaires) a été soigneusement mis au second plan. Dès lors, la direction syndicale pouvait donner ses consignes pour lancer la grève et organiser les débrayages. La "pression" syndicale a été telle que la direction de General Motors… a menacé de fermer une dizaine de sites et de "délocaliser" en Asie !
Pour les médias, il était alors temps de souligner la "position délicate du syndicat", conseillant de ne "pas courir le risque des délocalisations". Au nom du "moindre mal", le syndicat pouvait alors soutenir aisément la position consistant à "accepter l’accord" (dont les modalités étaient prévues et ficelées de longue date).
Profitant du mécontentement des ouvriers, direction et syndicat ont focalisé sur cette question des menaces de délocalisations pour coincer les salariés en les contraignant à accepter les sacrifices sur les retraites, sur la santé et une baisse du salaire horaire, en "échange" d’une prime et de la création d’un fonds géré par le syndicat UAW, fonds destiné à assurer une couverture des dépenses maladie et des retraites, prétendument “à moindres coûts”. Vous avez bien lu : ce sont dorénavant directement les syndicats qui vont gérer l’accès aux soins et les retraites des ouvriers ! Autrement dit, ce sont eux qui auront la responsabilité directe de réduire le coût des dépenses de santé et celui des pensions de retraite !
Pour l’entreprise, ce principe d’un transfert de gestion de fonds (appelés VEBA) au syndicat UAW, moyennant le versement d’une somme de départ, lui permet de réduire ses coûts annuels de 3 milliards de dollars. Pour les salariés, en revanche, cela implique d’une part une plus grande incertitude, l’expérience de VEBA ayant déjà fait faillite2, d’autre part, une hausse des cotisations d’assurance maladie. En même temps, cette mesure a permis d’accélérer les départs anticipés et de recruter des jeunes, là encore à moindres coûts, avec en réalité l’objectif d’une baisse effective des salaires pour tous. Le tarif horaire de la force de travail passe ainsi de 25 à 6 dollars. Quelle avancée ! Voilà la réalité de cette nouvelle "convention collective" !
Forte de sa victoire sonnante et trébuchante et d’une si habile manœuvre, la bourgeoisie américaine ne pouvait s’arrêter en si bon chemin. Une fois rodée, l’opération a été reproduite à Chrysler début octobre, où, grâce à une "grève éclair de 7 heures", il a été possible de "déboucher sur un accord" de la même eau.
Dans cette affaire, les ouvriers ont tout perdu. Loin d’être une sinécure, la nouvelle gestion syndicale avec les VEBA sera inexorablement soumise aux impératifs du capitalisme en crise. Ce qu’ont gagné les ouvriers avec le syndicat, c’est qu’il faudra payer plus pour moins de garanties ! De fait, l’accord entérine la politique de restructuration amorcée, avec des suppressions de postes à la clé : Chrysler annonce déjà qu’il va supprimer 1500 postes de plus que prévu. Et ce n’est pas tout ! L’attaque aura nécessairement des répercussions sur l’ensemble des ouvriers, notamment ceux des entreprises sous-traitantes. Il s’agit là d’un encouragement pour toute la bourgeoisie à porter des attaques toujours plus cinglantes, même si elle sait que cela comporte des dangers, notamment celui du développement d’une réflexion et la colère des ouvriers.
Le syndicat UAW a été l’outil privilégié pour faire passer une attaque violente. Pour cela, il a su créer un rideau de fumée sur les vraies intentions de la bourgeoisie et des firmes automobiles, s’est servi du mécontentement bien réel et légitime des salariés afin de le stériliser, en poussant ces derniers dans le piège d’un accord où ils ont été dupés.
WH (11 octobre)
1 lefigaro.fr [12]
2 On a vu ce que valaient ces VEBA avec leur effondrement en 2005 dans l’entreprise Caterpillar.
Il y a quelques mois déjà, nous avons reçu sur notre boîte Internet1 deux messages concernant Che Guevara d’un camarade se nommant E.K. Nous publions ici la lettre que nous lui avons envoyée début avril tout en saisissant cette occasion pour compléter et élargir notre réponse aux questions restées alors en suspens. Nous rendons publique cette correspondance parce que, comme EK le dit lui-même, on est "dans les célébrations des 40 ans de sa mort au combat" et il s’agit pour nous, CCI, non pas de nous ajouter à la ronde de célébrations mais, bien au contraire, d’essayer de comprendre si Che Guevara était réellement un révolutionnaire et si la classe ouvrière et les jeunes générations doivent se revendiquer ou non de son action.
Pour le camarade EK, Che Guevara est un authentique combattant pour la cause des peuples opprimés. En effet, pour lui, "l‘internationalisme du Che est hors de doute. Il est le modèle du combattant international et de la solidarité entre les peuples". Il serait ainsi l’un des rares révolutionnaires à avoir osé critiqué le régime de l’URSS : "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS". Enfin, EK expose dans ce premier courrier sa vision du prolétariat et du rôle des révolutionnaires : "Quant à l‘agent historique de la transformation sociale, il n‘y a pas, me semble-t-il, de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers, négation absolue de la condition humaine. (…) La tâche des intellectuels est d‘introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation par des moyens éminemment politiques."
Suite à notre réponse, le camarade E.K nous a envoyé très rapidement un deuxième message dans lequel il tient à se démarquer d’emblée de tous ceux qui transforment le Che en icône, en multipliant les T-shirts et autres posters à son effigie : "La mythification du Che à travers la duplication de son image a tendance à occulter sa vie et son oeuvre.". Mais surtout, il y réaffirme que "poursuivant des objectifs distincts, le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS. La CIA et le KGB coopéreront même pour s‘en débarrasser lors de sa tentative révolutionnaire en Bolivie". Et le camarade de conclure : "Ernesto Che Guevara a payé sa probité intellectuelle de sa vie. Lui rendre hommage, c‘est lire ses textes ; perpétuer sa mémoire, c‘est continuer la lutte ; lui rendre justice, c‘est soutenir ses valeurs. A l‘aube des célébrations des 40 ans de sa mort au combat, il est plus que temps de redonner vigueur à sa pensée et vie à ses idées".
Nous te remercions pour ton message de début avril. Excuse-nous pour le retard de ce complément de réponse. Nous voulons faire ici une critique de ce que tu nous écris. Cette critique ne signifie pas pour nous une "fin de non-recevoir", bien au contraire. Nous sommes toujours disposés à répondre à tes questions et à tes points de vue. Nous voudrions répondre à ce que tu dis à propos de Che Guevara en étudiant le plus sincèrement et sérieusement possible ce que furent réellement, comme tu le demandes, "ses valeurs", "ses idées" et "sa lutte".
En ce mois d’octobre, on célèbre le 40e anniversaire de la mort de Che Guevara, tué par l’armée bolivienne, encadrée par la CIA américaine.
Depuis 1967, "le Che" est devenu le symbole de l’éternelle "jeunesse révolutionnaire romantique" : mort jeune, les armes à la main, luttant contre l’impérialisme américain, grand "défenseur des masses pauvres d’Amérique latine". Tout le monde a en tête cette image du Che avec son béret étoilé, regard triste et lointain.
Ses fameux Carnets de voyage ont grandement contribué à populariser l’histoire de ce révolté, venant d’une bonne famille un peu bohème d’Argentine, qui se lance dans un aventureux voyage à moto sur les routes d’Amérique du Sud, utilisant son savoir médical pour aider les pauvres... Il vit au Guatemala à un moment (1956) où les États-Unis fomentent un énième coup d’Etat contre un gouvernement qui ne leur convient pas. Cette mainmise permanente sur les pays d’Amérique latine de la part des États-Unis va nourrir toute sa vie une haine implacable contre ces derniers. Par la suite, il rejoint au Mexique le groupe cubain de Castro, réfugié dans ce pays après une tentative avortée de renversement du dictateur cubain, Batista, longtemps soutenu par les États-Unis2. Après une série d’aventures, ce groupe s’installe dans les montagnes de Cuba jusqu’à la défaite de Batista, début janvier 1959. Le noyau idéologique de ce groupe est le nationalisme, le "marxisme" n’étant qu’une enveloppe de circonstance à une "résistance" anti-yankee exacerbée, même si quelques éléments, dont Guevara lui-même, se considèrent comme "marxistes". Le Parti communiste cubain, qui d’ailleurs en son temps avait soutenu Batista, envoie un de ses dirigeants, Carlos Rafael Rodríguez, auprès de Castro en 1958, quelques mois seulement avant la victoire de ce dernier.
Cette guérilla n’est pas du tout l’expression d’une quelconque révolte paysanne, encore moins de la classe ouvrière. Elle est l’expression militaire d’une fraction de la bourgeoisie cubaine qui veut renverser une autre fraction pour prendre sa place. Il n’y a aucun "soulèvement populaire" dans la prise de pouvoir de la guérilla castriste. Elle se présente, comme souvent en Amérique latine, sous la forme de la substitution d’une clique militaire par une autre formation armée dans laquelle les couches exploitées et miséreuses de la population de l’île, enrôlées ou non par les combattants putschistes de la guérilla, ne jouent pas un rôle important, sinon d’acclamer les nouveaux maîtres du pouvoir. Face à la résistance plutôt faible de la soldatesque de Batista, Guevara apparaît comme un intrépide guérillero, dont la détermination et le charisme grandissant apparaissent rapidement susceptibles de faire de l’ombre à son maître Fidel. Après la victoire sur Batista, Fidel Castro va charger le Che de mettre en place les "tribunaux révolutionnaires", une mascarade sanglante dans la meilleure tradition du règlement des comptes entre fractions des différentes bourgeoisies nationales, en particulier en Amérique latine. Che Guevara prend son rôle vraiment à cœur, par conviction et avec zèle, en mettant en place une justice "populaire" où, en guise de défoulement collectif, on juge les anciens tortionnaires de Batista, mais aussi on prend du "tout venant" sur simple dénonciation. D’ailleurs, Guevara s’en revendiquera plus tard à l’ONU, en réponse à des représentants latino-américains, bonnes âmes "démocratiques" qui s’offusquent de ces méthodes, en disant : "Nous avons fusillé, nous fusillons et nous continuerons à fusiller tant que ce sera nécessaire". Ces pratiques n’ont rien à voir avec la défense maladroite d’une quelconque justice révolutionnaire. Ce sont là, répétons-le, les méthodes typiques d’une fraction de la bourgeoisie qui a pris le dessus sur une autre par la force des armes.
Alors, on peut toujours s’identifier en rêve au "héros" austère de la Sierra Maestra, au "guérillero héroïque" qui mourra quelques années plus tard dans la montagne bolivienne mais, dans le monde réel, il n’a en fait tenu qu’un rôle d’exécuteur de basses oeuvres dans la mise en place d’un régime qui n’a de communiste que le nom.
Tu nous dis : "l’internationalisme du Che est hors de doute" et "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS" pour affirmer enfin "le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS".
Le régime nationaliste de Castro s’est vite enrobé du qualificatif "communiste", autrement dit, ce régime s’est rallié… au camp impérialiste régenté par l’URSS. Cuba étant située à quelques encablures des côtes américaines, ceci ne pouvait évidemment qu’inquiéter la tête du bloc de l’Ouest. Le processus de stalinisation de l’île, avec une présence importante de personnel civil, militaire et des services secrets des pays du bloc de l’Est, trouvera son point d’orgue en 1962 au moment de "la crise des missiles".
Dans ce processus, Che Guevara, maintenant ministre de l’Industrie (1960-61), pour souder la nouvelle alliance avec le "camp socialiste", est envoyé par Castro dans les pays de ce camp, où il se répand en discours dithyrambiques sur l’URSS : "ce pays qui aime si profondément la paix", "où règne la liberté de pensée", "la mère de la liberté"… Il célèbre tout autant "l’extraordinaire" Corée du Nord ou la Chine de Mao où "tout le monde est plein d’enthousiasme, tout le monde fait des heures supplémentaires" et ainsi de suite pour l’ensemble des pays de l’Est : "les réalisations des pays socialistes sont extraordinaires. Il n’y a pas de comparaison possible entre leurs systèmes de vie, leurs systèmes de développement et ceux des pays capitalistes". Un véritable VRP du modèle stalinien ! Nous reviendrons plus loin sur le "désamour" de Guevara avec l’URSS. Mais, contrairement à ce que tu affirmes, le Che n’a jamais émis le moindre doute de principe sur le système stalinien. Pour lui, l’URSS et son bloc étaient le camp "socialiste, progressiste" et sa propre lutte s’intégrait pleinement dans celle du bloc russe contre le bloc occidental. Le mot d’ordre lancé par Guevara "Créer un, deux, plusieurs Vietnams", n’est pas un mot d’ordre "internationaliste" mais bel et bien nationaliste et favorable au bloc russe ! Son critère réel n’est pas le changement social, mais la haine de l’autre tête de bloc, les États-Unis.
En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le monde s’est trouvé divisé en deux blocs antagonistes, l’un régenté par la puissance américaine, l’autre par l’URSS. La "libération nationale" s’avéra alors une mystification idéologique parfaite pour justifier régulièrement l’embrigadement militaire des populations. Dans ces guerres, ni la classe ouvrière ni les autres classes exploitées n’avaient rien à gagner, servant de masse de manœuvre pour les différentes fractions de la classe dominante et de leurs parrains impérialistes. Le partage du monde en deux blocs impérialistes après les accords de Yalta a signifié que toute sortie d’un bloc ne pouvait signifier que la chute dans le bloc adverse. Et, justement, il n’y a pas de meilleur exemple que celui de Cuba : ce pays est passé de la dictature corrompue de Batista, sous la coupe directe de Washington, de ses services secrets et de toutes sortes des mafia, à la mainmise du bloc stalinien. L’histoire de Cuba est un concentré de l’histoire tragique des "luttes de libération nationale" pendant près d’un demi-siècle !
Alors, à la base, avant de dire quand et comment Guevara s’est prétendument plus ou moins "écarté" de l’URSS, il faut bien être clair sur la nature de l’URSS et de son bloc. Derrière la défense d’un Che Guevara révolutionnaire, il y a l’idée que l’URSS, peu ou prou, qu’on le veuille ou non, malgré ses défauts… était le "bloc socialiste, progressiste". C‘est là le plus grand mensonge du 20e siècle. Il y a bien eu une révolution prolétarienne en Russie, mais elle a été défaite. La forme stalinienne de la contre-révolution s’est donnée un mot d’ordre : la "construction du socialisme en un seul pays", mot d’ordre se situant à l’exact opposé du socle naturel et fondamental du marxisme. Pour le marxisme, "les prolétaires n’ont pas de patrie"3 ! C’est cet internationalisme, bien réel celui-là, qui a servi de boussole à la vague révolutionnaire mondiale qui a débuté en 1917 et à tous les révolutionnaires de l’époque, de Lénine et des bolcheviks à Rosa Luxemburg et aux Spartakistes4. L’adoption aberrante de cette "théorie" d’une "patrie socialiste" à défendre a eu pour corollaire le recours systématique à une méthode bourgeoise : la terreur et le capitalisme d’Etat, ce talon de fer, expression la plus totalitaire et la plus féroce de l’exploitation capitaliste !
À l’origine des critiques du Che vis-à-vis de l’URSS, il y a "la crise des missiles", en 1962. Pour l’URSS, sa mainmise sur Cuba fut une aubaine. Enfin, elle pouvait rendre la pareille aux États-Unis, qui menaçaient directement l’URSS depuis les pays voisins de celle-ci, tels que la Turquie. L’URSS commence à installer des rampes de lancement de missiles à tête nucléaire à quelques miles des côtes américaines. Les États-Unis ripostent en mettant en place un embargo total de l’île, obligeant les bateaux russes à faire demi tour. Khrouchtchev, le maître du Kremlin de l’époque, est finalement obligé de retirer ses missiles. Pendant quelques jours d’octobre 1962, les affrontements impérialistes entre ceux qui se présentaient comme "le monde libre" et ceux qui se présentaient comme le "monde socialiste progressiste" ont failli mettre toute l’humanité au bord de l’abîme. Khrouchtchev est alors considéré par les dirigeants castristes comme une "lavette" qui n’a pas les "couilles" d’attaquer les États-Unis. Dans un accès d’hystérie patriotarde, où le slogan castriste "La patrie ou la mort" prend son sens le plus sinistre, ils sont disposés à sacrifier le peuple (ils diront que c’est le peuple qui est disposé à se sacrifier) sur l’autel de la guerre atomique. Dans ce délire pervers, Guevara ne peut être qu’à l’avant-garde. Il écrit : "Ils ont raison [les pays de l’OEA5 d’avoir peur de la ‘subversion cubaine’], c’est l’exemple effrayant d’un peuple qui est disposé à s’immoler par les armes atomiques pour que ses cendres servent de ciment aux sociétés nouvelles, et qui, lorsqu’un accord est conclu sur le retrait des fusées atomiques sans qu’on l’ait consulté, ne pousse pas un soupir de soulagement, n’accueille pas la trêve avec reconnaissance. Il se jette dans l’arène pour […] affirmer […] sa décision de lutter, même tout seul, contre tous les dangers et contre la menace atomique elle-même de l’impérialisme yankee"6. Ce "héros" a décidé que le peuple cubain était disposé à s’immoler pour la patrie… Ainsi, la base de la "déception", de la critique vis-à-vis de l’URSS n’est pas la perte de foi dans les vertus du "communisme soviétique" (le capitalisme stalinien en termes vrais), mais, au contraire, c’est le fait que ce système n’allait pas jusqu’au bout de sa logique guerrière d’affrontement, au paroxysme de la période de la "guerre froide". Et le discours d’Alger de Che Guevara sur lequel tu t’appuies pour affirmer que le Che "s’est départi du modèle social-impérialiste de l‘URSS" ne change rien en réalité à cet attachement de Guevara aux positions staliniennes. Au contraire ! Durant ce fameux discours, il met certes en cause le "mercantilisme" dans les rapports entre les pays du bloc de l’URSS mais il les appelle toujours socialistes et "peuples amis" : "Les pays socialistes sont, dans une certaine mesure, les complices de l‘exploitation impérialiste [...]. [Ils] ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l‘Ouest. ». Au-delà de son apparence radicale, une telle critique est donc bien celle de quelqu’un de l’intérieur du système stalinien. Pire, elle émane d’un responsable qui a participé de toutes ses forces à la mise en place d’un tel système de capitalisme d’Etat à Cuba ! D’ailleurs, par la suite, Guevara ne fera jamais plus officiellement la moindre critique à l’URSS.
Che Guevara, au moment où il a été assassiné par le CIA et l’armée bolivienne en 1967, fut la victime non seulement de l’impérialisme américain, mais aussi de la nouvelle orientation politique du Kremlin dite de "coexistence pacifique" avec le bloc occidental. Nous n’allons pas traiter ici les raisons qui ont poussé la direction de l’URSS et son bloc à prendre ce "tournant". Mais ce "tournant" n’a rien à voir avec une quelconque "trahison" envers les peuples qui voulaient "se libérer" de l’impérialisme, ni envers le prolétariat. La politique de la classe dominante stalinienne a souvent changé de cap en fonction de ses intérêts comme classe dominante et, justement, l’affaire des missiles a montré aux dirigeants de l’impérialisme stalinien qu’ils n’ont pas les moyens de défier la tête de l’autre bloc à ses propres portes et qu’il leur faut être prudents en Amérique latine. C’est ce que Guevara et une fraction des dirigeants cubains ne veulent pas comprendre, au point de devenir gênants non seulement pour l’URSS, mais même pour leurs propres amis cubains. A partir de là, le destin de Che Guevara était scellé : après la désastreuse aventure au Congo7, il finira par se retrouver seul en Bolivie, avec une poignée de compagnons d’armes, abandonné par le PC bolivien, qui, finalement, se retrouve sur la ligne de Moscou. Pour les factions les plus "moscovites", les tenants de la tactique du "foco" (foyer de guérilla) étaient des petits-bourgeois en mal d’aventures, "coupés des masses". Et pour les factions des PC favorables à la lutte armée, avec leurs soutiens critiques de toutes sortes, les "officiels" des PC étaient des "révolutionnaires de salon", des bureaucrates embourgeoisés… eux aussi "coupés des masses". Pour nous, qui nous réclamons de la Gauche Communiste, ce sont là deux formes de la même contre-révolution, deux variantes du même grand mensonge du siècle, celui d’avoir fait passer la contre-révolution stalinienne pour la continuatrice de la révolution d’Octobre et l’URSS comme communiste.
Pour toi, la tâche des intellectuels serait "d’introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation…". Tu sembles ici reprendre à ton compte la vision de Che Guevara sur "l’élite révolutionnaire". Mais cette position du Che ne cache t-elle pas en réalité un profond mépris pour la classe ouvrière ? Que révèlent réellement ses envolées lyriques sur "l’homme nouveau dans la révolution cubaine" ?
L’unité prolétarienne révolutionnaire a une base pratique très concrète : la solidarité de classe. C’est cette solidarité spontanée dans l’organisation de la lutte, faite d’entraide et de fraternité qui nourrit les qualités de dévouement du prolétariat révolutionnaire. Mais ce "dévouement" dans la bouche de Guevara, sonne, dans le meilleur des cas, comme un appel quasi-mystique au martyre suprême (il faut lui reconnaître qu’il a été toujours prompt au sacrifice, et sans doute il était disposé à devenir un "martyre" de la cause impérialiste qu’il défendait avec tout le peuple cubain "volontaire" au moment de la crise des missiles)... Au-delà de son propre comportement "exemplaire", reste sa vision du "sacrifice" ou de "l’héroïsme" (de la même eau que l’idéalisme patriotard exalté et diffusé par les staliniens dans la "Résistance" au cours de la Seconde Guerre mondiale) qui devrait s’imposer par le haut, pour les besoins de l’Etat et sous la férule d’un "líder máximo". Cette vision repose sur un mépris de l’intellectuel petit-bourgeois vis-à-vis de la "masse prolétarienne" qu’on regarde de haut, qui prétend qu’il faut "l’éduquer" pour qu’elle comprenne les "bienfaits de la révolution". "La masse, a déclaré avec condescendance Guevara, n’agit pas comme un doux troupeau. Il est vrai qu’elle suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro…" "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l’individu à l’Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu’elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives… L’initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l’homme à Cuba, 1965).
En fait, quand tu nous dis "qu’il n’y a pas de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers", ton raisonnement puise certainement et involontairement ses racines dans cette vision méprisante de la classe ouvrière8. En effet, une des caractéristiques communes des avatars du stalinisme (du maoïsme au castrisme), c’est leur méfiance et leur mépris vis-à-vis de la classe ouvrière, faisant d’une mythique paysannerie pauvre "l’agent de la révolution" dirigée par des intellectuels qui, eux, possèdent la conscience et "l’introduisent" dans les cerveaux des masses. Dans le meilleur des cas, la classe ouvrière était, pour ces neo-staliniens, une masse de manœuvre qui leur servait de référence historique, une comparse de leur révolution. On ne trouve jamais dans les écrits de ces pseudo-révolutionnaires la moindre référence à une classe ouvrière organisée comme telle et aux organisations du pouvoir de classe, les soviets. Ces clones du stalinisme n’ont plus besoin de déguiser leur idéologie capitaliste d’Etat et de parler des conseils ouvriers ou des autres expressions de la vie prolétarienne dans la révolution russe. Il n’y a plus que l’État dirigé par des gens "éclairés" et en bas la masse, à qui on laisse parfois faire preuve "d’initiative", encadrée dans des "comités de défense de la révolution" et autres organismes de surveillance sociale.
Et à Cuba, l’un des premiers organes d’encadrement et de direction de la classe ouvrière fut une fois encore et sans surprise les syndicats. Les syndicats cubains (CTC) étaient déjà des syndicats à la manière américaine, parfaitement intégrés au "capitalisme libéral" et à sa corruption. Ils vont être ainsi très rapidement transformés par la direction cubaine, en 1960, en syndicats à la sauce stalinienne, sur un mode bureaucratique et étatique. Les premières décisions du régime castriste seront de les charger d’encadrer l’alignement des salaires par le bas et de faire respecter l’interdiction de la grève dans les entreprises, en flics patentés ! Et là encore, cette attaque contre la classe ouvrière sera justifiée par l’idéologie anti-américaine et la "défense du peuple cubain". Profitant à l’époque d’une grève contre les baisses de salaire d’ouvriers d’entreprises appartenant à des capitaux américains, les dirigeants castristes stigmatisent cette grève des "nantis" et en profitent pour déclarer la "grève à la grève" par la bouche du nouveau dirigeant castriste de la CTC.
Dans les semaines qui viennent de s’écouler, on a été servi en controverses sur la vie et l’œuvre du Che. D’un coté, dans la lignée des apôtres de la "mort du communisme", les fractions droitières de la bourgeoisie ont réchauffé ce plat avec l’aide servile de quelques historiens, toujours prêts à mettre en exergue le rôle "anti-démocratique" du Che, son rôle d’exécuteur en chef en tant que responsable des tribunaux "révolutionnaires" au tout début de l’ère castriste, en déblatérant les uns et les autres sur la question de savoir si ces exécutions furent "excessives", s’il y a eu "un bain de sang" ou non, si ce fut une justice "modérée" ou "arbitraire". Pour nous, comme nous le disions plus haut, il a tout simplement bien joué son rôle nécessaire pour la mise en place d’un nouveau régime tout aussi bourgeois et répressif que le précédent. D’un autre coté, on nous a asséné des mensonges et des demi-vérités à sa gloire. Il n’y a qu’à voir comment la Ligue Communiste Révolutionnaire qui, avec sa volonté de remplacer le Parti Communiste Français et devenir le premier parti "anticapitaliste" de France, porte aujourd’hui aux nues "Le Che" et exploite son image "jeune et rebelle"9.
Cher camarade EK, la réalité est là : chez tous ces jeunes qui portent un T-shirt à l’effigie du Che, il y a certainement un cœur généreux et sincère, voulant combattre les injustices et les horreurs de ce monde. D’ailleurs, si on met le Che en avant, c’est bien pour stériliser l’enthousiasme qui nourrit la passion révolutionnaire. Mais le Che, lui, n’est qu’une des figures de la longue cohorte des dirigeants nationalistes et staliniens, plus avenant que les autres peut-être, mais représentatif tout de même de cet avatar tropical de la contre-révolution stalinienne qu’est le castrisme.
Malgré toutes nos divergences, camarade EK, la discussion reste évidemment ouverte… plus que cela, nous t’y encourageons même chaleureusement.
Courant Communiste International
1 Voir à cette page [14]
2 En fait, l’entreprise couronnée de succès de renversement de Batista par Castro et Guevara a bénéficié de l’appui des États-Unis et de la bienveillance d’une partie de la droite qui dénonçaient la corruption du régime. L’embargo sur les armes décidé par le gouvernement américain à l’encontre de Cuba a privé de façon décisive Batista des moyens de lutter contre la guérilla. Ce n’est qu’au bout de quelques mois d’exercice du nouveau pouvoir que les relations avec les États-Unis se sont détériorées et c’est face à la menace d’intervention de ces derniers que Castro s’est tourné vers le bloc russe.
3 Citation célèbre du Manifeste communiste de 1848, écrit par Marx et Engels.
4 Lire nos articles sur ”Octobre 1917”, notamment : “Les masses ouvrières prennent leur destin en main [15]” (Revue internationale n°131) et “Le stalinisme est le fossoyeur de la Révolution russe [16]” (RI n°383).
5 Organisation des États Américains, instance continentale au service des intérêts de “l’oncle Sam” pour exercer leur contrôle sur les autres États d’Amérique latine, dont Cuba castriste a été exclu.
6 Écrit au moment de "la crise des missiles", ne sera publié qu’en 1968 par une revue de l’armée cubaine. Reproduit dans la biographie du Che de Pierre Kalfon.
7 En 1965, peut-être pour mettre en pratique le slogan "Deux, trois Vietnams…", quelques dizaines de Cubains se pointent à l’est de la République du Congo (ex-Zaïre) pour organiser un "foco anti-impérialiste", le tout patronné par les services secrets cubains avec l’accord de l’URSS (peut-être aussi pour se débarrasser du Che…). C’est, depuis le début, un désastre annoncé : Guevara se retrouve sous les ordres politiques d’une bande de dirigeants congolais (dont Kabila, futur président-dictateur sanglant du Zaïre dans les années 1990), des aventuriers qui mènent grand train de vie grâce aux subsides soviétiques et chinois. Quant à la population, censée recevoir ses libérateurs les bras ouverts, elle était plutôt interloquée à la vue de ces gens venant d’on ne sait où. C’était une anticipation de ce qui allait arriver en Bolivie l’année suivante. Il faut aussi noter que, toujours pour le compte de l’impérialisme russe, des milliers de Cubains ont continué de servir "d’instructeurs militaires" dans de nombreuses "guerres de libération nationale" sur le sol africain (Guinée-Bissau, Mozambique, Angola,…) jusqu’à l’effondrement de l’URSS et de son bloc au début des années 1990.
8 Nous n’allons pas développer ici ce qu’est le prolétariat ou la classe ouvrière, pour nous deux expressions équivalentes. Disons, cependant, que notre vision de la classe ouvrière n’a rien à voir avec la sociologie ni les images d’épinal de l’ouvrier en bleu de travail.
9 Le leader de la LCR, Olivier Besancenot, a affirmé qu’aujourd’hui son parti s’identifie bien plus au Che qu’à Trotski, alors que depuis sa naissance, cette organisation légitimait frauduleusement son appartenance à la classe ouvrière en se revendiquant avant tout de ce grand militant bolchevik.
Marx se plaisait à souligner les ironies de l’histoire. C’en est une des plus mordantes de constater que cette nouvelle propagande de la LCR, en voulant à tout prix faire jeune et dans le vent afin d’attirer à elle les nouvelles générations de la classe ouvrière, est en train de se revendiquer d’un héritier déclaré de la clique stalinienne et de son idéologie, cette même clique qui assassina il y a plus de soixante ans un révolutionnaire quant à lui authentique, un certain… Léon Trotski !
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[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[6] https://dess-droit-internet.univ-paris1.fr/bibliotheque/IMG/pdf/2004_IGAS_financement_syndicats_europe.pdf
[7] https://www.nouvelobs.com/rue89/
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/229/algerie
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