Published on Courant Communiste International (https://fr.internationalism.org)

Home > Internationalisme - les années 2000 > Internationalisme - 2007 > Internationalisme no. 331

Internationalisme no. 331

  • 2399 reads
Internationalisme no. 331

Avril 1917 en Russie: Le rôle fondamental de Lénine dans la préparation de la Révolution d'Octobre

  • 20451 reads

Le 4 avril 1917. Lénine. revenant de son exil en Suisse, arrivait à Pétrograd et s'adressait directement aux centaines d'ouvriers et de soldats qui avaient afflué à la gare en ces termes: "Chers camarades, soldats, matelots et ouvriers. je suis heureux de saluer en vous la révolution russe victorieuse. de vous saluer comme l'avant-garde de l'année prolétarienne mondiale... La révolution russe accomplie par vous a ouvert une nouvelle époque. Vive la révolution socialiste mondiale !..." 90 ans plus tard, la bourgeoisie, ses historiens et médias aux ordres, s'affairent toujours a entretenir les pires mensonges et distorsions historiques sur la révolution prolétarienne mondiale commencée en Russie.

La haine et le mépris de la classe dominante envers ce mouvement titanesque des masses exploitées visent à ridiculiser et à "démontrer" l'inanité du projet communiste de la classe ouvrière, son incapacité foncière à faire advenir un nouvel ordre social planétaire dont elle est la seule porteuse. L'effondrement du bloc de l'Est en 1989 a ravivé sa hargne de classe. Une gigantesque campagne s'est enclenchée depuis pour marteler aux quatre vents l'échec manifeste du communisme identifié au stalinisme, et avec lui l'échec du marxisme, l'obsolescence de la lutte de classe et bien sûr de l'idée même de révolution dont l'aboutissement ne peut être que la terreur et le Goulag. Au centre de cette propagande infecte, c'est l'organisation politique, incarnation du vaste mouvement insurrectionnel de 1917, le parti Bolchevik, qui concentre avec constance toute la vindicte des défenseurs de la bourgeoisie. Pour tous ces apologistes de l'ordre capitaliste, avec en leur sein les anarchistes, quels que soient leurs soi-disant désaccords, il s'agit de montrer que Lénine et les bolcheviks étaient une bande de fanatiques assoiffés de pouvoir qui ont fait tout ce qu'ils ont pu pour usurper les acquis démocratiques de la révolution de février 1917 (cf. Internationalisme n° 330.) et plonger la Russie et le monde dans une des expériences les plus désastreuses qui aient été faites dans l'histoire.

Face à toutes ces calomnies invraisemblables contre le bolchevisme, il revient aux révolutionnaires de rétablir la vérité et réaffirmer le point essentiel concernant le parti bolchevik : ce parti n'était pas un produit de la barbarie et de l'arriération russe, d'un anarcho-terrorisme déformé, ou d'une soif absolue de pouvoir de ses dirigeants. Le bolchevisme était en tout premier lieu le produit du prolétariat mondial, lié à la tradition marxiste, avant-garde d'un mouvement international pour supprimer toute exploitation et toute oppression. A cette fin, l'énoncé des positions de Lénine rédigées dès son retour en Russie en 17 et connues sous le nom des Thèses d'Avril, nous fournit un excellent point de départ pour réfuter toutes les contrevérités déversées sur le parti bolchevik, sa nature, son rôle et ses liens avec les masses prolétariennes.

 Les conditions du combat au retour de Lénine en Russie en avril 1917

Dans un précédent article (Internationalisme n° 330), nous avons rappelé que la classe ouvrière en Russie avait bel et bien ouvert la voie lors des événements de février 1917 à la révolution communiste mondiale, renversant le tsarisme, s'organisant en soviets et manifestant une radicalité grandissante. De l'insurrection avait résulté une situation de double pouvoir. Le pouvoir officiel était "le gouvernement provisoire" bourgeois, initialement conduit par les "libéraux" mais qui prit plus tard une coloration plus "socialiste" sous la direction de Kérenski. De l'autre côté, le pouvoir effectif reposait déjà de manière très largement étendue entre les mains des soviets des députés ouvriers et de soldats. Sans l'autorisation des soviets, le gouvernement avait peu d'espoir d'imposer ses directives aux ouvriers et aux soldats.

Mais la classe ouvrière n'avait pas encore acquis la maturité politique nécessaire pour prendre tout le pouvoir. En dépit de ses actions et de ses attitudes de plus en plus radicales, la majorité de la classe ouvrière, et derrière elle les masses paysannes, était retenue en arrière par les illusions sur la nature de la bourgeoisie, par l'idée que seule une révolution démocratique bourgeoise était à l'ordre du jour en Russie. La prédominance de ces idées dans les masses était reflétée dans la domination des soviets par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires qui faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour les rendre impuissants face au régime bourgeois nouvellement installé. Ces partis, passés ou en train de passer à la bourgeoisie, tentaient par tous les moyens de subordonner le mouvement révolutionnaire montant aux visées du Gouvernement Provisoire, notamment en ce qui concerne la poursuite de la guerre impérialiste. Dans cette situation si pleine de dangers et de promesses, les bolcheviks, qui avaient dirigé l'opposition internationaliste contre la guerre, étaient eux-mêmes à ce moment dans une confusion presque complète, politiquement désorientés.

Ainsi, "...Dans le Manifeste du Comité central des bolcheviks, rédigé aussitôt après la victoire de l'insurrection, il était dit que "les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que les troupes sou-levées, doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire". (...) Ils agissaient non pas en tant que représentants d'un parti prolétarien qui se prépare à ouvrir de son propre chef la lutte pour le pouvoir, mais comme l'aile gauche de la démocratie..." (Trotsky, Histoire de la Révolution Russe). Pire encore, quand Staline et Kaménev prirent la direction du parti en Mars, ils le positionnèrent encore plus à droite. L'organe officiel du parti, la Pravda, adopta ouvertement une position "défensiste" sur la guerre: "Nous ne faisons pas notre l'inconsistant mot d'ordre 'A bas la guerre'... chacun reste à son poste de combat !" (Trotsky, idem). L'abandon flagrant de la position de Lénine sur la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile occasionna des résistances et même de la colère dans le parti et parmi les ouvriers de Pétrograd, cœur du prolétariat. Mais ces éléments les plus radicaux n'étaient pas capables d'offrir une alternative programmatique claire à ce virage vers la droite. Le parti était donc tiré vers le compromis et la trahison, sous l'influencée du brouillard de l'euphorie démocratique apparue après la révolte de Février.

L'armement politique du parti

II revint donc à Lénine, dès son retour de l'émigration, de réarmer politiquement le parti et de mettre en avant l'importance décisive de la direction révolutionnaire à travers ses Thèses d'Avril "...qui produisirent l'effet d'une bombe qui explose." (Trotsky, ibidem). L'ancien programme du parti était devenu caduc, se situant loin derrière l'action spontanée des masses. Le mot d'ordre auquel s'attachaient les "vieux bolcheviks" de "dictature démocratique des ouvriers et paysans", était dorénavant une formule vieillie car comme le mettait en avant Lénine: "La dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie est déjà réalisée..." (Lénine, Lettres sur la Tactique). Désormais, "Ce qu'il y a d'original dans la situation actuelle en Russie, c'est la transition de la première étape de la révolution, qui a donné le pouvoir à la bourgeoisie par suite du degré insuffisant de conscience et d'organisation du prolétariat, à sa deuxième étape, qui doit donner le pouvoir au prolétariat et aux couches pauvres de la paysannerie. " (Point 2 des Thèses d'Avril). Lénine était un des premiers à saisir la signification révolutionnaire du soviet comme organe de pouvoir politique prolétarien. Une nouvelle fois Lénine donnait une leçon sur la méthode marxiste, en démontrant que le marxisme était tout le contraire d'un dogme mort mais dans sa nature même, une théorie scientifique vivante qui doit être constamment vérifiée dans le laboratoire des mouvements sociaux.

De même, face à la position des mencheviks selon laquelle la Russie arriérée n'était pas encore mûre pour le socialisme, Lénine argumenta comme un véritable internationaliste que la tâche immédiate n'était pas d'introduire le socialisme en Russie (Thèse 8). Si la Russie, en elle-même, n'était pas mûre pour le socialisme, la guerre impérialiste avait démontré que le capitalisme mondial comme un tout était vraiment plus que mûr. Pour Lénine comme pour tous les authentiques internationalistes d'alors, la révolution mondiale n'était pas juste un voeu pieux mais une perspective concrète se développant à partir de la révolte prolétarienne inter-nationale contre la guerre - les grèves en Grande Bretagne et en Allemagne, les manifestations politiques, les mutineries et les fraternisations dans les forces armées de plusieurs pays, et bien sûr la marée révolutionnaire montante en Russie même, en étaient le révélateur. D'où aussi l'appel à la création d'une nouvelle Internationale à la fin des Thèses. Cette perspective allait être complète-ment confirmée après l'insurrection d'Octobre par l'extension de la vague révolutionnaire à l'Italie, la Hongrie, l'Autriche, et surtout l'Allemagne.

Cette nouvelle définition des tâches du prolétariat entraînait aussi une autre conception du rôle et du fonctionnement du parti. Là encore les "vieux bolcheviks" à la Kaménev s'insurgèrent dans un premier temps contre la vision de Lénine, son idée de prise de pou-voir par les soviets d'une part, et d'autre part son insistance sur l'autonomie de classe du prolétariat contre le gouvernement bourgeois et la guerre impérialiste, même si cela voulait dire rester pour un temps en minorité et non pas comme le voulait Kaménev "rester jusqu'au bout le parti des masses révolutionnaires du prolétariat". Kaménev opposait le "parti de masses" à la conception de Lénine d'un parti de révolutionnaires déterminés, au programme clair, uni, centralisé, minoritaire, sachant résister aux sirènes bourgeoises et petites-bourgeoises et aux illusions existant dans la classe ouvrière. Cette conception du parti n'a rien à voir avec celle d'une secte blanquiste, terroriste, comme Lénine en fut accusé ou encore anarchiste soumise à la spontanéité des masses. Tout au contraire il y avait là la reconnaissance que dans une période de turbulence révolutionnaire massive, de développement de la conscience dans la classe, le parti ne pouvait plus ni organiser, ni planifier, ni encadrer les masses à la manière des associations conspiratives du XIXième siècle. Mais cependant cela rendait le rôle du parti encore plus essentiel que jamais. Lénine rejoignait la vision que Rosa Luxembourg avait développée dans son analyse magistrale de la grève de masse dans la période de décadence: "...laissons de côté la théorie pédante d'une grève de démonstration mise en scène artificiellement par le Parti et les syndicats exécutée par une minorité organisée, et considérons le vivant tableau d'un véritable mouvement populaire issu de l'exaspération des conflits de classe et de la situation politique... alors la tâche de la social-démocratie consistera non pas dans la préparation de la direction technique de la grève mais dans la direction politique de l'ensemble du mouvement." Toute l'énergie de Lénine va donc être orientée vers la nécessité de convaincre le parti de ces tâches nouvelles qui lui incombent et, vis-à-vis de la classe ouvrière, l'axe central sera le développement de sa conscience de classe. La Thèse 4 posait avec clarté les choses: "Expliquer aux masses que les Soviets des députés ouvriers sont la seule forme possible de gouvernement révolutionnaire, et que, par conséquent, notre tâche, tant que ce gouvernement se laisse influencer par la bourgeoisie, ne peut être que d'expliquer patiemment, systématiquement, opiniâtrement aux masses les erreurs de leur tactique, en partant essentiellement de leurs besoins pratiques.. .tout en affirmant la nécessité du passage de tout le pouvoir aux Soviets des députés ouvriers... ". Ainsi donc, cette approche, cette volonté de défendre des principes de classe clairs et précis en sachant pour cela aller contre le courant et être en minorité, n'étaient en rien du purisme ou du sectarisme. Au contraire, elles étaient basées sur une compréhension du mouvement réel se déroulant dans la classe à chaque moment, sur la capacité de donner la parole et une direction aux éléments les plus radicaux au sein du prolétariat. L'insurrection était impossible tant que les positions révolutionnaires des bolcheviks, positions en gestation tout au long du processus révolutionnaire en Russie, n'avaient pas gagné consciemment les soviets. Nous sommes très loin des crapuleries bourgeoises sur la prétendue attitude putschiste des bolcheviks ! Comme l'affirmait encore Lénine: "Nous ne sommes pas des charlatans... nous devons nous baser seulement sur la conscience des masses." (cité par Trotsky, Histoire de la Révolution Russe)

La maîtrise de la méthode marxiste par Lénine, voyant au-delà des apparences et de la superficie des événements, lui a permis en compagnie des meilleurs éléments du parti, de discerner la dynamique réelle du mouvement qui se déroulait sous ses yeux et d'aller à la rencontre des désirs profond des masses en leur donnant les ressources théoriques pour défendre leurs positions et éclairer leurs actions. Elles leur ont également permis de s'orienter dans la confrontation à la bourgeoisie en étant capable de mettre en évidence et déjouer les pièges tendus par celle-ci au prolétariat, comme lors des journées de juillet 1917. C'est pourquoi, contrairement aux mencheviks de cette époque et à leurs nombreux successeurs anarchistes, social-démocrates et conseillistes, qui caricaturent à outrance certaines erreurs réelles de Lénine (1) pour rejeter le caractère prolétarien de la Révolution d'Octobre 17, nous réaffirmons le rôle fondamental joué par Lénine dans le redressement du parti bolchevik, sans lequel le prolétariat n'aurait pu prendre le pouvoir en octobre 1917. La lutte de Lénine, tout au long de sa vie, pour construire l'organisation révolutionnaire est un acquis historique du mouvement ouvrier. Il a laissé aux révolutionnaires d'aujourd'hui une base indispensable pour reconstruire le parti de classe tout en leur permettant de comprendre quel doit être son rôle au sein de la classe dans son ensemble. L'insurrection victorieuse d'Octobre 17 validera la justesse des vues de Lénine. L'isolement de la révolution après l'échec des poussées révolutionnaires dans les autres pays d'Europe, stoppa la dynamique de la révolution internationale qui aurait été la seule garante d'une victoire locale en Russie, l'Etat soviétique favorisant l'avènement du stalinisme, bourreau de la révolution et des bolcheviks véritables. Ce qui reste essentiel, c'est que, au cours de la marée montante de la révolution en Russie, le Lénine des Thèses d'Avril ne fut jamais un prophète isolé, ni un démiurge se tenant au-dessus des vulgaires masses, mais la voix la plus claire de la tendance la plus révolutionnaire au sein du prolétariat, une voix qui indiquait le chemin qui menait à la victoire d'Octobre 17. "En Russie le problème ne pouvait être que posé. Et c'est dans ce sens que l'avenir appartient partout au "bolchevisme ". (Rosa Luxembourg, La révolution Russe).

SB

(1) Parmi celles-ci, il est fait grand cas par les conseillistes de la théorie de "la conscience importée de l'extérieur", développée dans "Que Paire". Or, par la suite, Lénine a reconnu cette erreur et amplement prouvé dans sa pratique qu'il avait acquis une vision juste du processus de développement de la conscience dans la classe ouvrière.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [1]

L'aggravation de la crise économique révèle la faillite du capitalisme

  • 3635 reads

A entendre la bourgeoisie, de droite comme de gauche, le capitalisme serait florissant et en pleine croissance. L'incroyable dynamisme de l'économie chinoise en serait une preuve irréfutable. Le chômage ? Les vagues de licenciements ? La paupérisation croissante ? Tout cela ne serait que le produit de dérives, la faute à des dirigeants peu scrupuleux, assoiffés de profits. Avec moins de libéralisme et plus d'Etat aux commandes, tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout ceci n'est qu'un gros mensonge. En réalité, le capitalisme est un système agonisant et  sa crise économique mondiale connaît aujourd'hui une nouvelle accélération. Alors que la classe ouvrière subit déjà une dégradation permanente de ses conditions d'existence, quel avenir nous réserve la classe dominante ?

La crise boursière exprime l'accélération de la crise économique

Le mardi 27 février, la bourse de Shanghai en Chine  a connu une brusque chute de 8,8 % en quelques heures, entraînant dans son sillage les bourses du monde entier. A New York, par exemple, Wall Street a perdu 3,5%, soit sa plus forte baisse depuis cinq ans.

Comment la baisse du marché de Shanghai a-t-elle pu ainsi entraîner une vague de ventes d'actions ébranlant le monde entier, alors que tous les spécialistes vantent jour après jour l'insolente bonne santé des marchés boursiers ?   En fait, les records des indices de ces dernières années ont pour seule base la spéculation. Partout, dans tous les secteurs et tous les pays, les investisseurs sont confrontés au même problème : la surproduction. Ainsi, la spéculation est devenue le seul moyen de faire du profit. Dans ce grand casino de l'économie virtuelle, le but du jeu est d'acheter des actions en espérant les vendre au bon moment plus cher. Mais à la moindre mauvaise nouvelle, c'est un vent de panique qui se lève. Tout le monde vend en même temps, sachant très bien que l'écrasante majorité de ces actions ne correspond à rien dans la réalité, à aucune usine, à aucun bien. Le petit soubresaut de Shanghai est révélateur des tempêtes potentielles à venir.

L'économie chinoise, un colosse aux pieds d'argile

La dégringolade de la bourse de Shanghai est en partie liée à ce que les économistes appellent la surchauffe de l'économie chinoise. Surinvestissement, surcapacité de production, surendettement : l'économie chinoise est totalement déséquilibrée et s'oriente de plus en plus sûrement vers une récession d'une extrême brutalité. Certes, depuis quelques années, la Chine connaît un taux de croissance très élevé et un développement industriel accéléré. En 2006, le taux de croissance a même atteint 10,7%. Mais les ouvriers de ce pays, qui vivent et travaillent dans de véritables bagnes industriels, savent dans leur chair ce que cette expansion veut dire. En réalité, cette expansion s'articule autour de deux piliers qui sont arrivés au point critique de rupture. Le premier est l'endettement. La dette de la Chine croît deux fois plus rapidement que son PNB! Son système bancaire comporte 50% de créances douteuses! Le deuxième est la nécessité pour la Chine d'écouler une part croissante de ses marchandises sur le marché américain alors que celui-ci, au bord de la récession, est en train de se réduire considérablement. En effet, le marché intérieur de la Chine est très faible, il ne peut en aucune façon absorber ce qu'il produit. Son économie est donc totalement dépendante des exportations. Et le temps où l'économie américaine tirait toute l'économie mondiale tend à s'épuiser sans qu'aucun autre pays ou continent ne puisse venir prendre le relais.

Le premier ministre chinois,  Wen Jiabao, conscient de ce risque majeur de surproduction, vient de déclarer que l'objectif de son gouvernement serait en 2007 de limiter la croissance à 8%. Il va donc y avoir un resserrement de la politique monétaire. L'argent va coûter plus cher. En clair, à l'avenir, il sera plus difficile d'investir afin d'éviter que l'économie ne s'emballe au-delà de toute raison !

Les Etats-Unis s'enfoncent dans la récession

Pendant cette semaine noire pour les bourses mondiales, le secrétaire d'Etat au Trésor américain, Hank Paulson, était en tournée en Asie. Il s'agissait pour lui de rassurer l'Etat chinois sur la solidité de l'économie américaine, en atténuant, en vrai bonimenteur, la gravité de la crise de l'immobilier et les risques tant monétaires que financiers.  En effet, toute une partie de l'économie chinoise est alimentée par des avoirs massifs en devises américaines, dollars que la Chine réinvestit en partie aux Etats-Unis et qui servent à limiter l'expansion du déficit américain. Pour toutes ces raisons, ces deux économies sont confrontées à une terrible contradiction : elles sont obligées de se livrer une guerre acharnée et, en même temps, elles sont devenues inter-dépendantes à l'extrême, la récession de l'une entraînant la récession de l'autre. Et c'est effectivement bien aujourd'hui les deux qui sont en train de flancher.

A. Greenspan, l'ancien grand manitou de la politique financière américaine, reconnaît très officiellement la possibilité d'une récession aux Etats-Unis en 2007. La cause la plus visible et la plus immédiate de ce ralentissement est sans aucun doute l'éclatement en cours de la bulle immobilière dans ce pays.  Les prix dans ce secteur d'activité ont chuté de près de 25% et ce n'est qu'un début 1 .  Certains économistes estiment à 40% la surévaluation de ce marché. La correction pourrait donc être de 6000 milliards de dollars, pas loin d'un tiers du PIB américain ! Cette crise immobilière se propage maintenant en Angleterre :  "C'est une mauvaise nouvelle qui pourrait alarmer. Kensington, leader du crédit immobilier à risque en Grande- Bretagne, a, vendredi 23 mars, concédé une perte de 23% de son action" (Le Monde du 24 mars). Ce requin de la finance prête de l'argent à plus de 15 000 ménages, jugés aujourd'hui  à leur tour insolvables.

Les conséquences pour la classe ouvrière vont être terribles. Aux Etats-Unis, les ménages avaient pris l'habitude d'emprunter au fur et à mesure que la valeur de leurs appartements augmentait, grâce au crédit hypothécaire. La hausse phénoménale de l'immobilier de ces dernières années avait donné l'impression à ces ouvriers qu'ils s'étaient enrichis ! Ce sont donc des dizaines de millions de ménages qui vont se retrouver incapables de faire face aux échéances de remboursement, littéralement ruinés et jetés à la rue. Pire, l'immobilier et la construction ont fourni 40 % des emplois ces trois dernières années 2  ! La crise de ce secteur  signifie donc la mise au chômage de dizaines de milliers d'ouvriers. Ces charrettes de licenciements viennent s'ajouter à celles du secteur automobile, passablement sinistré et au bord de la faillite. Dans son plan de "restructuration", qui s'étale du quatrième trimestre 2005 au premier trimestre 2008, Ford projette tout simplement la fermeture de 40% de ses usines nord-américaines et le "départ" de 50 000 ouvriers sur 130 0003!  Un des derniers secteurs qui tenait encore bon de l'autre côté de l'Atlantique, celui des services, le faisait essentiellement grâce à l'accroissement de l'activité dans le secteur financier. Autant dire que ce secteur d'activité va connaître lui aussi des jours sombres et engendrer des licenciements massifs.

La consommation intérieure des Etats-Unis ne peut donc que continuer à se contracter de plus en plus violemment dans les mois à venir. Le problème pour la bourgeoisie est que cette consommation américaine constitue le moteur principal qui fait tourner l'économie mondiale.  Pour l'Europe, la Chine, le Japon, l'Inde... une part croissante de leurs marchandises va devenir invendable. La surproduction, facteur déterminant de la crise mondiale du capitalisme va atteindre de nouveaux sommets !

Une économie mondiale en instance de faillite

La contagion de la crise économique mondiale s'étend bien  entendu au front monétaire et tout particulièrement au dollar, qui ne peut que continuer à baisser dans les mois à venir. Les Etats-Unis surendettés au-delà de toute limite raisonnable (la dette américaine est de 7800 milliards de dollars et croît au rythme de 1,64 milliards par jour !) vont voir fuir massivement les capitaux étrangers qui venaient soutenir leur économie au bord de l'asphyxie. En Amérique,  une violente contraction de la  croissance est maintenant inévitable,  entraînant dans la tourmente et la récession généralisée toute l'économie mondiale. Personne n'est en mesure aujourd'hui de prévoir à quelle vitesse et avec quelle profondeur ce nouveau séisme va frapper l'ensemble de l'économie. Mais les conséquences pour le prolétariat ne sont pas difficiles à imaginer. Les ouvriers en Inde et en Chine connaissent des conditions de vie pire encore que celles de leurs frères de classe d'Europe au 19ème   siècle. Sous le joug de la plus féroce des exploitations, les ouvriers y vivent dans le dénuement et la misère. Confrontée à la faillite de son système et à la guerre économique, la bourgeoisie travaille froidement à exporter ces conditions effroyables d'exploitation au cœur du capitalisme : aux Etats-Unis et en Europe occidentale.

Le seul avenir que nous réserve ce système, c'est encore et toujours plus de misère. Croire en un capitalisme plus humain et mieux géré est une chimère, une utopie. Il n'y a qu'une seule solution et elle est entre les mains du prolétariat : construire un nouveau monde, sans classe et sans exploitation.

Tino / 28.03.07

 1 Europe 2020 n°13.

 2 Solidarité et progrès du 24 mars 2007.

 3 Agence de Presse Associative du 11 mars 2007.

Questions théoriques: 

  • L'économie [2]

L'avenir n'est pas dans le bulletin de vote mais dans la lutte de classe

  • 2557 reads

Face à l'angoisse de l'avenir, à la peur du chômage, au ras-le-bol de l'austérité et de la précarité, la bourgeoisie utilise les élections afin de pourrir la réflexion des ouvriers, en exploitant les illusions encore très fortes au sein du prolétariat.

Le refus de participer au cirque électoral ne s'impose pas de manière évidente au prolétariat du fait que cette mystification est étroitement liée à ce qui constitue le cœur de l'idéologie de la classe dominante, la démocratie. Toute la vie sociale dans le capitalisme est organisée par la bourgeoisie autour du mythe de l'Etat "démocratique". Ce mythe est fondé sur l'idée mensongère suivant laquelle tous les citoyens sont "égaux" et "libres" de "choisir", par le vote, leurs représentants politiques et le parlement est présenté comme le reflet de la "volonté populaire". Cette escroquerie idéologique est difficile à déjouer pour la classe ouvrière du fait que la mystification électorale s'appuie en partie sur certaines vérités. La bourgeoisie utilise, en la falsifiant, l'histoire du mouvement ouvrier en rappelant les luttes héroïques du prolétariat pour conquérir le droit de vote. Face aux grossiers mensonges propagandistes, il est nécessaire de revenir aux véritables positions défendues par le mouvement ouvrier et ses organisations révolutionnaires. Et cela, non pas en soi, mais en fonction des différentes périodes de l'évolution du capitalisme et des besoins de la lutte révolutionnaire du prolétariat.

La question des élections au 19e siècle dans la phase ascendante du capitalisme

Le 19e siècle est la période du plein développement du capitalisme pendant laquelle la bourgeoisie utilise le suffrage universel et le Parlement pour lutter contre la noblesse et ses fractions rétrogrades. Comme le souligne Rosa Luxemburg, en 1904, dans son texte Social-démocratie et parlementarisme : "Le parlementarisme, loin d'être un produit absolu du développement démocratique, du progrès de l'humanité et d'autres belles choses de ce genre, est au contraire une forme historique déterminée de la domination de classe de la bourgeoisie et ceci n'est que le revers de cette domination, de sa lutte contre le féodalisme. Le parlementarisme bourgeois n'est une forme vivante qu'aussi longtemps que dure le conflit entre la bourgeoisie et le féodalisme". Avec le développement du mode de production capitaliste, la bourgeoisie abolit le servage et étend le salariat pour les besoins de son économie. Le Parlement est l'arène où les différents partis bourgeois s'affrontent pour décider de la composition et des orientations du gouvernement en charge de l'exécutif. Le Parlement est le centre de la vie politique bourgeoise mais, dans ce système démocratique parlementaire, seuls les notables sont électeurs. Les prolétaires n'ont pas le droit à la parole, ni le droit de s'organiser.

Sous l'impulsion de la 1ère puis de la 2e Internationale, les ouvriers vont engager des luttes sociales d'envergure, souvent au prix de leur vie, pour obtenir des améliorations de leurs conditions de vie (réduction du temps de travail de 14 à 10 heures, interdiction du travail des enfants et des travaux pénibles pour les femmes...). Dans la mesure où le capitalisme était alors un système en pleine expansion, son renversement par la révolution prolétarienne n'était pas encore à l'ordre du jour. C'est la raison pour laquelle la lutte revendicative sur le terrain économique au moyen des syndicats et la lutte de ses partis politiques sur le terrain parlementaire permettaient au prolétariat d'arracher des réformes à son avantage. "Une telle participation lui permettait à la fois de faire pression en faveur de ces réformes, d'utiliser les campagnes électorales comme moyen de propagande et d'agitation autour du programme prolétarien et d'employer le Parlement comme tribune de dénonciation de l'ignominie de la politique bourgeoise. C'est pour cela que la lutte pour le suffrage universel a constitué, tout au long du 19e siècle, dans un grand nombre de pays, une des occasions majeures de mobilisation du prolétariat". (1) Ce sont ces positions que Marx et Engels vont défendre tout au long de cette période d'ascendance du capitalisme pour expliquer leur soutien à la participation du prolétariat aux élections.

La question des élections au 20e siècle, dans la phase de décadence du capitalisme

A l'aube du 20e siècle, le capitalisme a conquis le monde. En se heurtant aux limites de son expansion géographique, il rencontre la limitation objective des marchés : les débouchés à sa production deviennent de plus en plus insuffisants. Les rapports de production capitalistes se transforment dès lors en entraves au développement des forces productives. Le capitalisme, comme un tout, entre dans une période de crises et de guerres de dimension mondiale.

Un tel bouleversement va entraîner une modification profonde du mode d'existence politique de la bourgeoisie, du fonctionnement de son appareil d'Etat et, a fortiori, des conditions et des moyens de la lutte du prolétariat. Le rôle de l'Etat devient prépondérant car il est le seul à même d'assurer "l'ordre", le maintien de la cohésion d'une société capitaliste déchirée par ses contradictions. Les partis bourgeois deviennent, de façon de plus en plus évidente, des instruments de l'Etat chargés de faire accepter la politique de celui-ci. Le pouvoir politique tend alors à se déplacer du législatif vers l'exécutif et le Parlement bourgeois devient une coquille vide qui ne possède plus aucun rôle décisionnel. C'est cette réalité qu'en 1920, lors de son 2e congrès, l'Internationale communiste va clairement caractériser : "L'attitude de la 3ème Internationale envers le parlementarisme n'est pas déterminée par une nouvelle doctrine, mais par la modification du rôle du Parlement même. A l'époque précédente, le Parlement en tant qu'instrument du capitalisme en voie de développement a, dans un certain sens, travaillé au progrès historique. Mais dans les conditions actuelles, à l'époque du déchaînement impérialiste, le Parlement est devenu tout à la fois un instrument de mensonge, de tromperie, de violence, et un exaspérant moulin à paroles... A l'heure actuelle, le Parlement ne peut être en aucun cas, pour les communistes, le théâtre d'une lutte pour des réformes et pour l'amélioration du sort de la classe ouvrière, comme ce fut le cas dans le passé. Le centre de gravité de la vie politique s'est déplacé en dehors du Parlement, et d'une manière définitive".

Désormais, il est hors de question pour la bourgeoisie d'accorder des réformes réelles et durables des conditions de vie de la classe ouvrière. C'est l'inverse qu'elle impose au prolétariat : toujours plus de sacrifices, de misère et d'exploitation. Les révolutionnaires sont alors unanimes pour reconnaître que le capitalisme a atteint des limites historiques et qu'il est entré dans sa période de déclin, comme en a témoigné le déchaînement de la Première Guerre mondiale. L'alternative était désormais : socialisme ou barbarie. L'ère des réformes était définitivement close et les ouvriers n'avaient plus rien à conquérir sur le terrain des élections.

Néanmoins un débat central va se développer au cours des années 1920 au sein de l'Internationale communiste sur la possibilité, défendue par Lénine et le parti bolchevique, d'utiliser la "tactique" du "parlementarisme révolutionnaire". Face à d'innombrables questions suscitées par l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, le poids du passé continuait à peser sur la classe ouvrière et ses organisations. La guerre impérialiste, la révolution prolétarienne en Russie, puis le reflux de la vague de luttes prolétariennes au niveau mondial dès 1920 ont conduit Lénine et ses camarades à penser que l'on peut détruire de l'intérieur le Parlement ou utiliser la tribune parlementaire de façon révolutionnaire. En fait cette "tactique" erronée va conduire la 3e Internationale vers toujours plus de compromis avec l'idéologie de la classe dominante. Par ailleurs, l'isolement de la révolution russe, l'impossibilité de son extension vers le reste de l'Europe avec l'écrasement de la révolution en Allemagne, vont entraîner les bolcheviks et l'Internationale, puis les partis communistes, vers un opportunisme débridé. C'est cet opportunisme qui allait les conduire à remettre en question les positions révolutionnaires des 1er et 2e Congrès de l'Internationale communiste pour s'enfoncer vers la dégénérescence lors des congrès suivants, jusqu'à la trahison et l'avènement du stalinisme qui fut le fer de lance de la contre-révolution triomphante.

C'est contre cet abandon des principes prolétariens que réagirent les fractions les plus à gauche dans les partis communistes (2). A commencer par la Gauche italienne avec Bordiga à sa tête qui, déjà avant 1918, préconisait le rejet de l'action électorale. Connue d'abord comme "Fraction communiste abstentionniste", celle-ci s'est constituée formellement après le Congrès de Bologne en octobre 1919 et, dans une lettre envoyée de Naples à Moscou, elle affirmait qu'un véritable parti, qui devait adhérer à l'Internationale communiste, ne pouvait se créer que sur des bases antiparlementaristes. Les gauches allemande et hollandaise vont à leur tour développer la critique du parlementarisme. Anton Pannekoek dénonce clairement la possibilité d'utiliser le Parlement pour les révolutionnaires, car une telle tactique ne pouvait que les conduire à faire des compromis, des concessions à l'idéologie dominante. Elle ne visait qu'à insuffler un semblant de vie à ces institutions moribondes, à encourager la passivité des travailleurs alors que la révolution nécessite la participation active et consciente de l'ensemble du prolétariat.

Dans les années 1930, la Gauche italienne, à travers sa revue Bilan, montrera de façon concrète comment les luttes des prolétaires français et espagnols avaient été détournées vers le terrain électoral. Bilan affirmait à juste raison que c'est la "tactique" des fronts populaires en 1936 qui avait permis d'embrigader le prolétariat comme chair à canon dans la 2ème boucherie impérialiste mondiale. A la fin de cet effroyable holocauste, c'est la Gauche communiste de France qui publiait la revue Internationalisme (dont est issu le CCI) qui fera la dénonciation la plus claire de la "tactique" du parlementarisme révolutionnaire : "La politique du parlementarisme révolutionnaire a largement contribué à corrompre les partis de la 3ème Internationale et les fractions parlementaires ont servi de forteresses de l'opportunisme (...). La vérité est que le prolétariat ne peut utiliser pour sa lutte émancipatrice "le moyen de lutte politique" propre à la bourgeoisie et destiné à son asservissement. Le parlementarisme révolutionnaire en tant qu'activité réelle n'a, en fait, jamais existé pour la simple raison que l'action révolutionnaire du prolétariat quand elle se présente à lui, suppose sa mobilisation de classe sur un plan extra-capitaliste, et non la prise des positions à l'intérieur de la société capitaliste." (3) Désormais, la non participation aux élections, est une frontière de classe entre organisations prolétariennes et organisations bourgeoises. Dans ces conditions, depuis plus de 80 ans, les élections sont utilisées, à l'échelle mondiale, par tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, pour dévoyer le mécontentement ouvrier sur un terrain stérile et crédibiliser le mythe de la "démocratie". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si aujourd'hui, contrairement au 19e siècle, les Etats "démocratiques" mènent une lutte acharnée contre l'abstentionnisme et la désaffection des partis, car la participation des ouvriers aux élections est essentielle à la perpétuation de l'illusion démocratique.

Les élections ne sont qu'une mystification

Contrairement à la propagande indigeste voulant nous persuader que ce sont les urnes qui gouvernent, il faut réaffirmer que les élections sont une pure mascarade. Certes, il peut y avoir des divergences au sein des différentes fractions qui composent l'Etat bourgeois sur la façon de défendre au mieux les intérêts du capital national mais, fondamentalement, la bourgeoisie organise et contrôle le carnaval électoral pour que le résultat soit conforme à ses besoins en tant que classe dominante. C'est pour cela que l'Etat capitaliste organise, manipule, utilise ses médias aux ordres. Ainsi, depuis la fin des années 1920 et jusqu'à aujourd'hui, quel que soit le résultat des élections, que ce soit la droite ou la gauche qui sorte victorieuse des urnes, c'est finalement toujours la même politique anti-ouvrière qui est menée.

Ces derniers mois, la focalisation orchestrée par la bourgeoisie autour des élections présidentielles de mai 2007 a réussi momentanément à capter l'attention des ouvriers et à les persuader qu'elles étaient un enjeu pour leur avenir et celui de leurs enfants. Non seulement la bourgeoisie plonge le prolétariat dans la paupérisation absolue, mais en plus elle l'humilie en lui donnant "des jeux et du cirque électoral". Aujourd'hui, le prolétariat n'a pas le choix. Ou bien il se laisse entraîner sur le terrain électoral, sur le terrain des Etats bourgeois qui organisent son exploitation et son oppression, terrain où il ne peut être qu'atomisé et sans force pour résister aux attaques du capitalisme en crise. Ou bien, il développe ses luttes collectives, de façon solidaire et unie, pour défendre ses conditions de vie. Ce n'est que de cette façon qu'il pourra retrouver ce qui fait sa force en tant que classe révolutionnaire : son unité et sa capacité à lutter en dehors et contre les institutions bourgeoises (parlement et élections) en vue du renversement du capitalisme. D'ailleurs, face à l'aggravation des attaques et malgré ce bourrage de crane électoraliste, le prolétariat est en train de développer une réflexion en profondeur sur la signification du chômage massif, sur les attaques à répétition, sur le démantèlement des systèmes de retraite et de protection sociale. A terme, la politique anti-ouvrière de la bourgeoisie et la riposte prolétarienne ne peuvent que déboucher sur une prise de conscience croissante, au sein de la classe ouvrière, de la faillite historique du capitalisme. Le prolétariat n'a pas à participer à la fabrication de ses propres chaînes, mais à les briser ! Au renforcement de l'Etat capitaliste, les ouvriers doivent répondre par la volonté de sa destruction !

L'alternative qui se pose aujourd'hui est donc la même que celle dégagée par les gauches marxistes dans les années 1920 : électoralisme et mystification de la classe ouvrière ou développement de la conscience de classe et extension des luttes vers la révolution !

D.

(1) Plate-forme du CCI.

(2) Le CCI est l'héritier de cette Gauche communiste et nos positions en sont le prolongement.

(3) Lire cet article d'Internationalisme n°36 de juillet 1948, reproduit dans la Revue Internationale n°36.

Situations territoriales: 

  • Belgique [3]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [4]

Organisations à la gauche du PS et élections: Une "autre gauche", une alternative radicale à la mascarade électorale?

  • 2579 reads

Face aux programmes électoraux de plus en plus creux des partis traditionnels, PS/ SPa compris, des appels fleurissent, jusque dans les médias bourgeois, pour appeler à la création d'un "parti populaire et combatif à la gauche du PS ou des écolos". Dans la perspective des élections du 10 juin, diverses initiatives ont d'ailleurs été lancées pour amorcer une telle dynamique. Ainsi la bourgeoisie a monté en épingle le "succès électoral" du Parti du Travail de Belgique (PTB "ex stalinien"), qui a triplé le nombre de ses conseillers communaux lors des dernières communales. Elle a tout particulièrement salué sa réorientation "populiste de gauche", d'après l'exemple du SP néerlandais. D'autre part, il y a quelques mois s'est constitué, le Comité pour Une Autre Politique (CAP), regroupant des personnalités de la gauche socialiste et syndicale (tels l'ex-député Sleeckx et l'ex-patron du syndicat socialiste Debunne) et soutenu par les trotskistes du MAS/ LSP, et il a d'emblée décidé de participer aux prochaines élections législatives. Cette "autre gauche" prétend présenter un programme "à la gauche du PS", une alternative progressiste face à la politique éculée des partis sociaux-démocrates traditionnels. Qu'en est-il en réalité lorsqu'on examine de plus près son programme et ses objectifs ?

Une "autre politique" est-elle possible ?

Ces partis prétendent que leurs programmes permettent de promouvoir une véritable politique de changement par rapport à la logique du capitalisme néo-libéral. Quels sont leurs points principaux ?

- "moraliser" l'économie : "les gens d'abord, pas le profit", "les plus gros pollueurs doivent supporter les plus lourdes charges" (PTB), mettre sous contrôle la spéculation ou ouvrir les livres de compte des entreprises. En d'autres mots, imposer des règles plus 'morales' au fonctionnement de l'économie suffirait pour évoluer vers une société plus juste. Or, ce n'est pas le manque d'humanité de l'économie qui est la cause de la crise, de l'austérité, des licenciements massifs et des baisses de salaire, c'est exactement le contraire : le développement de comportements de plus en plus cyniques et impitoyables est en vérité la conséquence directe de l'impasse où est acculé le mode de production capitaliste ; tous les moyens sont bons pour écouler sa marchandise sur un marché sursaturé. Aucune mesure 'raisonnable', 'honnête' ou 'morale' n'empêchera l'austérité et la barbarie d'étendre ses ravages sur toute la planète. De telles orientations programmatiques visent par contre à répandre l'illusion qu'on peut 'humaniser en régulant' ce système capitaliste pourri, et donc qu'il ne faut pas le détruire.

- "faire payer les riches" : "Impôt sur les grosses fortunes" (PTB), "redistribution des 27 milliards de profit des 19 plus grosses entreprises" (CAP). Pour "l'autre gauche", la solution au chômage et à la misère, engendrés par le capitalisme, "se trouverait dans une 'redistribution équitable' des profits". Elle ne fait là que répandre le mythe que la misère croissante engendrée par le capitalisme n'est pas le résultat de ses contradictions qui s'aggravent de plus en plus mais une simple question de 'répartition plus honnête des richesses'. Pour elle, les inégalités sociales et le chômage découleraient du fait que les 'riches' amasseraient trop de fric qu'ils ne veulent pas partager, et non pas de la logique même des rapports de production capitalistes.

Or, depuis Marx dans sa brochure Salaire, prix et profit, les révolutionnaires ont justement combattu avec la dernière énergie l'illusion concernant la possibilité d'instaurer une société juste et équitable au sein du capitalisme, l'illusion que finalement, un capitalisme sans profit serait possible. Ils ont mis en évidence que le profit est le moteur de l'exploitation capitaliste, Comme le disait encore Rosa Luxembourg :"Le mode de production capitaliste a cette particularité que la consommation humaine qui, dans toutes les économies antérieures, était le but, n'est plus qu'un moyen au service du but proprement dit : l'accumulation capitaliste. La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production... Le but fondamental de toute forme sociale de production : l'entretien de la société par le travail, la satisfaction des besoins, apparaît ici complètement renversé et mis la tête en bas, puisque la production pour le profit et non plus pour l'homme devient la loi sur toute la terre et que la sous-consommation, l'insécurité permanente de la consommation et par moments la non-consommation de l'énorme majorité de l'humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l'économie politique).

C'est cette loi d'airain, cette logique immuable qui fonde la nature du capitalisme. C'est pourquoi il n'est pas surprenant de voir les entreprises et les Etats nationaux adopter des comportements toujours plus féroces et prédateurs, dans une concurrence de plus en plus acharnée entre nations, pour satisfaire leurs besoins toujours croissants de profit. Quand cette 'autre gauche' tente d'instiller parmi les travailleurs l'idée d'un capitalisme qu'il suffit de 'rendre plus équitable', c'est surtout pour leur cacher que la seule réponse historique que peut apporter le prolétariat aux iniquités engendrées par le système, c'est de le détruire, d'abolir le salariat en développant les luttes contre l'exploitation de la force de travail et les rapports capitalistes de production.

- renforcer le contrôle des 'pouvoirs publics' sur l'économie : en appelant l'Etat à prendre des mesures de coercition contre les "patrons privés", par exemple dans l'industrie pharmaceutique, ou encore à "rétablir les prépensions avec remplacement obligatoire par des jeunes", à imposer "une réduction de la facture sur le gaz et l'électricité", PTB et CAP désignent les "patrons privés" et leur "mauvaise gestion de l'entreprise" comme la cause de la misère des exploités. Pour eux, la solution est toute trouvée : il suffirait de concentrer les moyens de production entre les mains de l'Etat, d'où leurs revendications électorales : 'stop à la privatisation des services publics". Cet Etat, et par conséquent aussi son gouvernement, sont présentés comme un arbitre au-dessus des classes sociales, qui pourrait indifféremment pencher vers l'une ou l'autre classe : la bourgeoisie ou le prolétariat. Le reproche qu'ils adressent aux 'pouvoirs publics', c'est de "se mettre au service des patrons", de "faire des cadeaux au patronat". Ils masquent ainsi la nature de l'Etat capitaliste en faisant croire que c'est lui qui sert les patrons privés alors que, même s'il peut exister des divergences entre les Etats et certaines patrons, cela ne remet nullement en cause le fait que ces derniers agissent au bout du compte en cohérence et dans le sens de la défense de l'intérêt national et de l'Etat des pays dont ils dépendent. C'est l'Etat qui réglemente les prix, les conventions collectives, les taux d'exportation, de production, etc. C'est lui qui, à travers la politique fiscale, monétaire, de crédit, etc., dicte les conditions du"libre marché", tant aux secteurs financiers que productifs. Dès la fin des années 1960, avec la réapparition de la crise économique, c'est l'Etat qui a été responsable des grands plans de licenciements au nom de la restructuration industrielle dans la sidérurgie, les mines, les chantiers navals, l'automobile, et l'hémorragie se poursuit toujours aujourd'hui dans l'aéronautique, l'automobile, les télécommunications, etc. C'est l'Etat qui a supprimé des milliers d'emplois dans les postes, à la SNCB, dans les hôpitaux, et il continue dans la fonction publique, l'Education nationale, etc. C'est lui qui réduit en permanence les minima sociaux, favorise l'accroissement de la pauvreté, de la précarité, fait des coupes claires dans les budgets sociaux (logements, retraites, santé, éducation). Par son programme, 'l'autre gauche' dédouane le premier responsable de l'austérité capitaliste et du chômage, le premier donneur d'ordre de licenciements et de régression sociale : l'Etat de la société bourgeoise qui ne peut être qu'un Etat bourgeois, capitaliste.

L'impression générale instillée par les revendications avancées par la 'gauche de la gauche' est que le maintien des salaires, les créations d'emploi ou la sauvegarde de la sécurité sociale sont des "gains" "arrachés" aux profits capitalistes. C'est exactement l'inverse qui est vrai. Les richesses sont produites par le travail, pas par le capital, et c'est ce dernier qui s'en approprie une partie sur le dos des travailleurs à travers la plus-value. La condition indispensable pour que cette plus-value se réalise, c'est la vente des produits du travail salarié dans le cadre du marché. La cause fondamentale de l'austérité et de la misère qui s'abat sur la classe ouvrière, c'est bel et bien la crise de surproduction qui exacerbe la concurrence capitaliste sur un marché mondial saturé de marchandises. C'est cette pression qui pousse les capitalistes à réduire leurs coûts de production, faisant exploser la flexibilité, réduisant les salaires et licenciant à tour de bras. Voilà bien pourquoi une "autre politique", c.-à-d. une politique rompant avec la dynamique de misère et de guerre n'est pas possible au sein du capitalisme et de son "Etat démocratique".

Une voix anti-capitaliste au sein de l'Etat bourgeois et de son parlement ?

Face à la politique anti-ouvrière avérée des partis socialistes PS/SPa au gouvernement depuis 18 ans, tout comme face à la corruption et les scandales qui les touchent périodiquement, il peut paraître logique d'appeler à se mobiliser pour construire "un vrai parti de gauche" qui pourrait réellement représenter les travailleurs lors des élections et défendre leurs intérêts dans le système représentatif de l'Etat bourgeois, au parlement national. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'un parti se présente comme l'émanation d'une "autre gauche" et appelle à voter pour lui avec la promesse de mener une "autre politique": des divers partis communistes jusqu'au PDS en Allemagne, au Parti de la Refondation communiste en Italie ou au "Parti des Travailleurs" de Lula au Brésil, ces partis "à la gauche du PS" l'ont tous promis mais cela ne les a pas empêchés, du "président" Lula aux "ex-communistes"en Italie ou en Allemagne, de soutenir une politique de renforcement du capital national, de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la capacité concurrentielle du capital national.

Pour les révolutionnaires, la trahison des partis socialistes, puis plus tard des partis "communistes"ou "des travailleurs' n'est pas le résultat du hasard, de la malchance ou de mauvais dirigeants, c'est le produit de l'évolution même du système capitaliste et de sa phase actuelle. Dans la phase actuelle de décadence, de crise mondiale, de chaos et de guerre généralisés, l'ensemble des Etats bourgeois ont évolué vers un système où les partis n'expriment plus tellement la lutte entre fractions bourgeoises pour le contrôle de l'Etat mais où l'ensemble des partis est plutôt l'émanation des intérêts du capital national et oeuvre pour la défense de ceux-ci dans la foire d'empoigne entre brigands impérialistes au niveau international. Croire que dans un tel contexte entièrement contrôlé par l'Etat bourgeois, un parti défendant les intérêts de la classe exploitée pourrait se développer dans le cadre du système parlementaire et électoral, voire conquérir le pouvoir, c'est se raconter des histoires, se bercer de rêves illusoires.

Au début du 20e siècle, aveuglées par la croissance exponentielle du capitalisme et par le développement impressionnant de leurs propres forces, les fractions opportunistes au sein de la Social-démocratie ont répandu l'illusion d'un passage progressif au socialisme par la prise de contrôle de l'Etat bourgeois au moyen du levier électoral. Cent ans plus tard, après deux guerres mondiales, de terribles crises économiques et un chaos et une barbarie croissants sur toute la planète, la mise en avant d'une telle conception ne peut être qu'une entreprise de mystification éhontée visant à enfermer les travailleurs dans une voie suicidaire.

Une "autre gauche" : diffuser la même illusion

Face aux doutes sur l'opportunité de tels programmes et organisations, les plus 'radicaux' parmi leurs membres, tels les trotskistes du MAS/ LSP rétorquent : "Nous ne sommes pas dupes. Nous savons bien que ce nouveau parti ne sera pas le parti révolutionnaire, que tel dirigeant politique ou syndical va encore trahir, mais cette expérience négative est un passage obligé pour que les travailleurs apprennent qui sont les vrais révolutionnaires" (MAS, Pour un nouveau parti des travailleurs, 06.04.06). Faire croire qu'enfermer les travailleurs dans une logique réformiste et une perspective d'action suicidaire favorise le développement de la conscience prolétarienne témoigne d'un cynisme sans bornes. Loin de s'appuyer sur l'expérience de sa force et de son organisation que la classe ouvrière peut acquérir dans sa lutte, le MAS pose comme perspective pour le développement de la prise de conscience ... l'expérience individuelle de "chaque travailleur", la mystification démocratique qui transforme "chaque travailleur" en un "citoyen", seul, dans son isoloir, avec l'illusion que son bulletin va influer sur sa condition sociale. Les gauchistes prétendent qu'il faut partir des illusions des travailleurs pour les entraîner dans une expérience négative afin qu'ils prennent conscience. Affirmer que la conscience naît de la confusion, de la mystification et du découragement, tient du cynisme le plus répugnant et ne fait que révéler le véritable objectif de telles initiatives : non pas développer la conscience de la classe ouvrière mais au contraire l'embrouiller en piégeant la classe dans les campagnes démocratiques de la bourgeoisie.

Ces campagnes autour du développement d'une "vraie gauche" n'offrent donc aucune perspective au combat de la classe ouvrière, au contraire, elles détournent le ras-le bol qui tend de plus en plus à s'exprimer vers le piège des élections et des réformes démocratiques et elles évitent ainsi le développement de la réflexion au sein du prolétariat sur les perspectives et les moyens de lutte face à la barbarie croissante de la société bourgeoise.

Jos / 01.04.07

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Les soi-disant partis "ouvriers" [5]

Réunion Publique du CCI à Bruxelles - Réchauffement climatique: il faut détruire le capitalisme avant qu'il détruise la planète!

  • 2566 reads

Après tout le battage autour du film documentaire d'Al Gore Une vérité qui dérange, du sommet fin janvier à Paris du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (IPCC en anglais), c'est le sommet européen de mars qui s'est penché sur le réchauffement climatique. Ils déclarent tous haut et fort leur volonté d'agir pour protéger l'environnement et rendre sûr l'avenir des générations futures. Cependant, malgré les précédentes déclarations enflammées du sommet Planète Terre à Rio (1992) ou les résolutions du Protocole de Kyoto (1998), c'est à vue d'œil qu'augmente la pollution et que les menaces liées à un dérèglement climatique s'amplifient. Indéniablement, la sonnette d'alarme pour le climat qui retentit maintenant suscite beaucoup d'inquiétude dans la po-pulation, et surtout chez les jeunes, qui entrevoient en conséquence un avenir encore plus sombre.

Dans l'enchevêtrement de déclarations et de campagnes mystificatrices, bon nombre de questions sur les causes, les liens entre les phénomènes et les solutions restent sans réponse.

Pour stimuler ce processus de réflexion, le CCI organise différentes réunions publiques, pour susciter un débat réel. Ce fut entre autres le cas à Bruxelles, le 17 mars dernier. Pour faire de cette réunion publique un lieu de discussion aussi vivant et ouvert que possible, nous avons demandé à un jeune sympathisant s'il voulait en préparer l'introduction. C'est avec enthousiasme qu'il a accepté cette proposition, et son exposé a été chaleureusement accueilli par le CCI et tous les participants, dont la moitié environ étaient des jeunes. La discussion lors de cette réunion a été très vivante, entre autres du fait d'une large participation des jeunes. L'effort désintéressé et honnête de tous les présents a témoigné une préoccupation commune pour la recherche, aux côtés du CCI, d'une argumentation claire et de réponses. Comme l'a affirmé un intervenant : "La recherche de la vérité est plus importante que la vérité elle-même".

Tous les sujets n'ont pas pu être traités, ce qui a été ressenti comme une frustration par certains participants. Une frustration positive, qui témoigne de la soif de continuer, engendrée par le débat! En conséquence, des rendez-vous ont également été pris pour une poursuite.

Nous publions ci-dessous l'exposé, ainsi que les grandes lignes du débat.

L'exposé

C'est maintenant officiel: le rapport de l'ONU sur le climat nous dit qu'en ce moment des changements climatiques menaçants sont à l'œuvre et seront encore plus sensibles à l'avenir. On pourrait discuter la crédibilité de ce rapport. Un article dans EOS (Ongemakkelijke waarheden? EOS n° 1, janvier 2007), un mensuel de science et de technologie, nous explique que les éléments sur lesquels se fonde GIEC, le groupe de recherche des Nations Unies qui étudie le changement climatique, se basent sur des données insuffisantes et incomplètes. Il est certain que des changements climatiques importants sont en cours, et que nous pouvons nous attendre aux plus graves scénarios-catastrophes: animaux, plantes, écosystèmes entiers vont disparaître ou se déplacer; sécheresse et famine augmentent; pendant les vagues de chaleur, plus d'enfants et de personnes âgées ou malades périront; dans les régions touchées par des tempêtes et des précipitations, plus de victimes encore tomberont; des maladies se répandront plus rapidement; si les courants marins s'arrêtent, il pourrait faire glacial en Europe occidentale; on peut s'attendre à des millions de réfugiés écologiques, etc. Mais le but de la discussion que nous allons mener aujourd'hui n'est pas de redécouvrir la climatologie, mais d'aborder l'aspect social, pour mener une réflexion à propos de la propagande de la classe dominante.

- Les changements climatiques sont-ils dus à "l'Homme", à "l'humanité", comme nous le suggère le rapport de l'ONU? Le journal De Morgen titre: "C'est presque certain: c'est notre faute", en se référant au rapport des Nations Unies, où il est dit que "l'Homme" est presque certainement responsable du réchauffement de la terre à cause de l'utilisation des combustibles fossiles. "L'humanité", que veut dire cette conception abstraite? Est-ce ce monstre irréfléchi et égoïste, incapable de penser à long terme, qui ne pense pas aux générations suivantes? Mais est-ce que toi ou moi, bien que nous soyons préoccupés par l'avenir, avons quelque chose à dire sur la manière dont les gouvernements s'occupent du problème? Non, selon moi la cause du phénomène n'est pas "l'Homme" ou "l'humanité".

- Alors, la cause des changements climatiques est-elle le citoyen, ou en d'autres termes l'individu? Nous utiliserions trop d'énergie, trop d'eau, nous roulerions trop en voiture. C'est ce que nous racontent toujours les médias. Serait-ce à chaque individu d'adapter son comportement de consommateur ou sa consommation d'énergie? Mais dans la société actuelle, on ne peut choisir qu'entre une voiture polluante et une moins polluante, entre un moyen de chauffage polluant mais meilleur marché et des panneaux solaires, plus chers. Pourquoi travaillons-nous la nuit, à la lumière artificielle, au lieu de travailler de jour, à la lumière du soleil? Non, la faute n'incombe pas à l'individu.

- La source du phénomène est-elle l'industrie? En elle-même, l'industrie n'est pas quelque chose de mauvais. Au dix-neuvième siècle, avec le capitalisme en plein développement, l'industrie était florissante, une indication du caractère alors progressiste du système de production capitaliste, puisque pour la première fois dans l'histoire, l'industrie nous offrait la possibilité de produire trop. A partir de ce moment, les besoins de base de tous les hommes pouvaient potentiellement être satisfaits.

- Ou la responsabilité des changements climatiques incombe-t-elle à la société capitaliste, au système de production capitaliste? Selon moi, la véritable origine des changements climatiques n'est effectivement pas dans la "nature destructrice de l'homme", ou dans les "comportements consciemment ou inconsciemment polluants de l'individu", ou enfin dans l'appareil de production en tant que tel, mais dans la manière dont l'industrie, la science et la technique sont aujourd'hui utilisées et développées, donc dans le système de production actuel. Car si les techniques actuelles et les connaissances scientifiques nous offrent la possibilité de limiter, voire d'éviter la catastrophe écologique, alors pourquoi la société capitaliste ne nous offre-t-elle pas cette possibilité?

Pouvons-nous résoudre le problème des changements climatiques au sein de la présente société capitaliste, des structures économiques, politiques et sociales actuelles? L'Etat, ou une association d'Etats peuvent-ils résoudre le problème? C'est la question suivante qu'il faut se poser. Est-ce que le capitalisme peut sauver l'humanité, par exemple au travers de ses structures politiques, son Etat? J'en doute. Vera Dua, présidente de Groen!, écrivait en mars 2007 sur le site de ce groupe: "On émet à peine moins de CO2 qu'au début des années 1990. Alors qu'il est maintenant clair que dans la période après Kyoto, des efforts encore beaucoup plus importants devront être faits". C'est donc très clair: même la bourgeoisie concède que son protocole "révolutionnaire" de Kyoto n'apporte rien. Et que signifient concrètement ces "efforts beaucoup plus importants"? Payer plus cher les sacs-poubelles, l'électricité et l'eau? Céder une part du salaire de chacun "pour l'environnement"? Les Etats du monde entier peuvent-ils s'unir par-dessus les frontières et former un bloc pour prévenir cette catastrophe? Si les pourparlers entre Etats produisent des résultats au même rythme qu'au récent sommet européen sur le climat, c'est mal parti.

Au sens large, ce problème écologique en revient à poser la question de savoir si le capitalisme peut satisfaire les besoins humains, et donc aussi s'il est capable d'assurer à chacun un environnement sain. S'il existait pour satisfaire les besoins humains, on n'aurait pas en même temps une surproduction de nourriture et des famines, on utiliserait depuis longtemps des moyens de transport non polluants, et on développerait la science dans d'autres directions que la production d'armes de haute technologie, particulièrement polluantes.

La dernière question, peut-être la plus importante à laquelle il faudrait répondre est: quelle alternative à la société capitaliste, qui semble être à l'origine de cette misère écologique? Le débat est ouvert.

La discussion

Différents participants ont montré par de nombreux exemples qu'effectivement, déjà avec le niveau actuel de la science et de la technologie, beaucoup de choses sont possibles avec des conséquences beaucoup moins nuisibles. C'est ainsi entre autres qu'on a parlé de projets spectaculaires mis en oeuvre dans différentes parties du monde par un bureau d'architectes de New York. Mais la discussion a rapidement montré qu'aujourd'hui, de telles expériences ne voient le jour qu'à la condition de mener à un profit suffisant. Dans un certain nombre de cas, ces projets ne servent qu'à donner une image de "bonne volonté" ou comme vitrine prestigieuse pour pallier la mauvaise réputation d'entreprises polluantes (par exemple, Shell, Nike, Monsanto). Mais cette discussion a révélé qu'implicitement, sur le plan scientifique et technologique, les jalons d'une autre manière de produire et de vivre sont présents. Les intervenants étaient d'accord que la seule entrave à la réalisation de cette alternative était celle du capitalisme et des lois du marché, pas les limites de la technologie ou de la science.

Rapidement, la discussion a tourné autour de la question "Quelles sont alors les causes? La nature humaine? L'individu? Le capitalisme?". Le Rapport de Paris désigne l'homme et l'individu consommateur comme un pollueur: "chacun participe à la problématique (voiture, sacs plastiques, chauffage...)", c'est comme ça qu'il pose le problème. Mais tout est individualisé, bâti selon les règles de la concurrence mortelle, et n'a donc pas de solution individuelle, ont répondu les participants. Ce rapport n'apporte qu'un sentiment de culpabilité.

Différents intervenants ont essayé de montrer qu'effectivement, l'homme modifie son environnement, la nature, et que les modifications climatiques ne sont pas seulement un phénomène naturel, mais sont de plus en plus provoqués par l'activité humaine. Ce n'est pas nouveau. Auparavant, nous connaissions le développement de l'élevage et de l'agriculture, la croissance des grandes villes, accompagnée d'une déforestation massive, jusqu'à 60 % de la surface boisée de la planète, surtout aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Mais si dans le temps les conséquences demeuraient limitées -bien que beaucoup de maladies y trouvent leur explication- elles sont actuellement devenues incontestables à grande échelle dans le monde entier. Lorsque le système a entamé sa phase de décadence au début du vingtième siècle, les ravages sur le milieu naturel ont pris toutes autres dimensions. Ils deviennent impitoyables, comme est impitoyable la lutte que se livrent entre eux les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché mondial. Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi concurrentiel que possible devient une règle incontournable pour survivre. Dans ce contexte, les mesures visant à endiguer la pollution industrielle deviennent naturellement un surcoût inacceptable. Le capitalisme ne s'est jamais beaucoup préoccupé du bien-être de la planète ou de l'humanité, mais avec sa décadence historique, c'est devenu beaucoup plus grave et le processus s'accélère. L'accumulation de capital est le premier but de la production capitaliste, et le sort imposé à l'humanité ou à l'environnement n'a aucune importance... tant que ça rapporte, c'est bon. Le reste est finalement quantité négligeable, un détail sans importance. Un participant cite Marx à ce propos: "L'accumulation pour l'accumulation, la production pour la production, c'est le mot d'ordre de l'économie politique qui annonce la mission historique de la période bourgeoise. Et elle n'a jamais été freinée par les souffrances qui accompagnent la production de richesse: à quoi serviraient ces lamentations qui ne changent quand même rien à ces nécessités historiques inévitables?" (Karl Marx, Le Capital - Livre I).

Un aspect largement abordé est la question de savoir si le drame écologique pourrait être le moteur d'une prise de conscience à l'échelle mondiale. D'une part, certains ont argumenté que la frustration pouvait être retournée dans un sens positif: "ce n'est plus possible de continuer, mais il y a des solutions". L'ensemble de l'humanité est concerné sur toute la planète, c'est un ennemi commun. Et donc, il y a une très grande base possible pour l'alternative. Mais, ont répondu d'autres, les campagnes idéo-logiques qui sont menées actuellement à grand bruit vont à l'encontre de la prise de conscience du fait que le capitalisme en est le responsable. Elles ont pour but d'empêcher que le problème du changement climatique soit mis en rapport avec les autres désastres sur le plan mondial: la faim, la guerre, le flux des réfugiés, les maladies, la crise de surproduction. Avec les campagnes autour de l'actuelle menace, la bourgeoisie tente, exactement comme elle l'a fait dans les années 1950 à 1990 autour de la menace atomique, de diffuser le message selon lequel "si on résout cette question, il n'y a plus de problème". Ainsi, le système de production capitaliste, avec ses excès impérialistes et leurs effets destructeurs n'est pas remis en question. En fait, assez paradoxalement, le problème est exploité pour exiger des sacrifices, non de la part de la bourgeoisie, mais de celle de la classe ouvrière. Sous différentes formes, des mesures d'austérité et des impôts "pour l'environnement" sont mis en œuvre par des moyens détournés (journée pull-overs, dimanches sans voiture, journée du vélo, taxe sur les vieilles voitures, sur les sacs plastique, sur le chauffage...). Mais ce n'est pas tout. La problé-matique est également utilisée dans la bataille concurrentielle avec d'autres pays. Ainsi, on essaye d'imposer des normes écologiques à la Chine pour protéger ses propres marchés. Ou de justifier l'action militaire au nom de la pollution, comme au Kosovo, où une usine importante a été fermée. Sur le plan de la débâcle nucléaire aussi, on voit chaque Etat défendre ses propres intérêts loin d'un plan général d'ensemble. Enfin, il a été mentionné qu'on voyait même l'émergence d'une espèce de tourisme des catastrophes. Le Canada ouvre de nouvelles voies de communication suite à la fonte des neiges, diverses firmes essaient de doper leurs profits grâce à l'étiquette "ceci est écologique".

La participation active au débat de la majorité des participants a fait qu'il ne restait plus de temps pour une discussion approfondie sur les alternatives et les solutions durables. La plupart étaient d'accord sur la nature et la gravité des problèmes, et aussi avec l'analyse globale. Et surtout, tous étaient d'accord que la création d'une société centrée sur l'homme et son avenir est devenu un besoin urgent. Beaucoup des intervenants ne voyaient par contre pas clairement par où commencer la transformation de cette société. Dans la conclusion, le CCI a donné quelques orientations sur ce plan, et les personnes présentes ont demandé d'organiser une prochaine discussion sur le sujet.

Lac / 9.4.07

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [6]

VW, GM, Airbus... Encore et toujours, les syndicats sabotent les luttes ouvrières

  • 2605 reads

A peine les 3000 licenciements à VW Forest et les milliers d'autres chez les sous-traitants, ainsi que les hausses de productivité et les baisses de salaire pour les 2200 travailleurs "qui ont la chance de rester chez VW" étaient-ils réglés qu'une nouvelle attaque de grande envergure est déclenchée dans le secteur automobile : 1400 licenciements sur les 4500 ouvriers à l'usine GM d'Anvers. Et encore et toujours, les mêmes magouilles syndicales pour désarmer toute velléité de résistance et pour détourner les ouvriers d'une réflexion sur la véritable signification de cette catastrophe sociale :

- le nationalisme : ils font tout pour opposer les travailleurs des différents sièges : "Les Allemands d'Opel, les Britanniques de Vauxhall, les Suédois de Saab se sont mis d'accord sur le dos des Belges" (De Morgen, 19.04.07) ;

- le corporatisme : pendant des années, les syndicats ont fait croire aux ouvriers qu'ils étaient "les meilleurs de la classe" et que s'ils modéraient leurs exigences et acceptaient la flexibilité, GM Anvers échapperait aux restructurations. Aujourd'hui encore, ces mêmes syndicats appellent les ouvriers à montrer qu'ils sont les meilleurs en ne faisant pas grève mais en travaillant encore plus dur et en faisant confiance aux négociateurs syndicaux qui négocieront ‘le meilleur plan possible pour l'usine' ;

- l'isolement : lors de la grève à VW Forest encore, les syndicats appelaient à garder leur distance envers les ‘têtes brûlées' de VW et de se limiter à une solidarité de parole. Et aujourd'hui, ils expliquent clairement comment ils conçoivent la solidarité, exactement comme l'entend la bourgeoisie, le partage des sacrifices dans la logique des contraintes économiques : "Il est réconfortant que le front syndical de l'ensemble des sièges d'Opel a réussi à empêcher la fermeture d'une usine complète. (...) Chacun des sièges porte une partie de l'effort d'assainissement. Ce n'était absolument pas le cas à VW, où il n'était pas question de solidarité transfrontalière" (H. Jorrissen, président du syndicats des métallos socialiste, De Standaard, 18.04.07)

En réalité, patronat, syndicats et gouvernement ont ensemble planifié et accompagné les attaques, en imposant d'abord les 1000 licenciements chez Gevaert, en ‘isolant' ensuite le cas VW pour le ‘régler', pour frapper enfin les ouvriers de GM, alors qu'ils savaient pertinemment depuis des mois ce que la direction internationale de GM concoctait. Et aujourd'hui, ils joignent leur force pour convaincre les travailleurs qu'il n'y a rien à faire contre les lois naturelles de l'économie, pour cacher combien ces mesures sont l'expression d'une faillite de plus en plus manifeste du mode de production capitaliste.

Si la bourgeoisie est forcée par l'impasse économique de frapper de plus en plus fort, dans le même temps, les expressions de colère et de combativité se multiplient au sein de la classe ouvrière. Les travailleurs n'attendent plus les mots d'ordre syndicaux mais partent spontanément en grève : dans les transports publics wallons et bruxellois, à la SNCB ou chez les services de sécurité et les pompiers de Zaventem, dans les diverses entreprises de sous-traitance auprès de l'usine Ford à Genk enfin, où plusieurs centaines de travailleurs sont partis en grève, à SML (moteurs) d'abord, rejoints ensuite par ceux de Lear (sièges), IAC (tableaux de bord) et TDS (pièces détachées).

En règle générale, les syndicats s'empressent dans la période actuelle de reconnaître les mouvements pour arriver à nouveau à les contrôler. Face à la situation extrêmement tendue dans l'automobile toutefois, les syndicats se sont opposés frontalement à "l'irresponsabilité" du mouvement chez les sous-traitants de Ford, alléguant cyniquement que cela impliquait "non seulement une perte économique pour Ford mais que c'était en plus mauvais pour son image de marque" (H. Jorrissen, DM, 18.04.07). La vigilance et la nervosité de la bourgeoisie et de ses syndicats s'expliquent par le fait qu'elle sait parfaitement que ces cas ne sont pas des problèmes locaux, ni même régionaux ou nationaux. Comme le montre le texte ci-dessous, c'est partout dans les pays industrialisés que les attaques pleuvent et que les syndicats sont au premier rang pour saboter le développement de la résistance ouvrière.

Licenciements, suppressions d'emplois, fermeture d'usines, précarisation, délocalisations... : de plus en plus de salariés subissent la terrible réalité de l'accélération de la crise capitaliste . Ce sont les mêmes attaques, en Europe pour le groupe EADS-Airbus , à Alcatel-Lucent, Volkswagen, Deutsche Telekom, Bayer, Nestlé, Thyssen Krupp, IBM, Delphi... et sur le continent américain, avec Boeing , Ford, General Motors, Chrysler... Ces plans désormais à l'échelle mondiale, sont de plus en plus massifs et ne touchent plus seulement des secteurs en perte de vitesse ou archaïques, mais des secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'informatique, l'électronique... Ils ne concernent plus seulement les petites et moyennes entreprises, mais s'étendent à tous les grands groupes leaders de l'industrie et leurs sous-traitants, ils ne se limitent plus aux ouvriers sur les chaînes de production mais visent aussi les ingénieurs, les cadres commerciaux, les secteurs de la recherche.

Chaque Etat, chaque dirigeant d'entreprise sait bien que cette situation pousse tous les salariés, du privé comme du public où les prolétaires subissent exactement le même sort à se poser de plus en plus de questions, angoissés sur l'avenir qui leur est réservé et encore davantage sur l'avenir de leurs enfants. Il est de plus en plus évident que les prolétaires de tous les pays sont embarqués dans ce même bateau qui prend l'eau de toutes parts. Dans ce contexte inédit, la préoccupation principale de la bourgeoisie n'est pas seulement de tenter de colmater les brèches béantes qui s'ouvrent dans son système mais aussi de gagner du temps, d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de cette réalité.

C'est pourquoi les syndicats dont la fonction spécifique au sein de l'appareil d'Etat est d'encadrer et de contrôler la classe ouvrière prennent partout les devants et occupent le terrain social pour couper l'herbe sous le pied de toute tentative de mobilisation unitaire des ouvriers face à ces attaques massives et frontales. Leur tâche essentielle aujourd'hui est de prendre le contrôle de la lutte pour faire passer ces attaques en entretenant la concurrence et la division des ouvriers par atelier, par site, par entreprise, par secteur, par pays .

Le "modèle airbusien" du sabotage syndical

Les syndicats, le gouvernement, la direction, toute la classe politique et les médias ont polarisé l'attention sur les 10 000 suppressions d'emplois à Airbus (jusqu'ici présenté comme un fleuron "prospère") où ils ont multiplié les manœuvres pour organiser la division des ouvriers entre eux, disperser leur colère et défouler leur combativité.

Ainsi, les syndicats français ont commencé par faire croire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se tramait, qu'ils défendaient les emplois et les intérêts des ouvriers alors que pendant des mois, ils étaient pleinement associés au fameux plan Power 8. En effet, la direction avait créé pour cela "un comité de pilotage" constitué de la Direction des Ressources Humaines et des syndicats, afin justement de "se préparer à tout impact social que ses mesures pourraient avoir" (d'après une note de la direction à l'intérieur de l'usine de Toulouse-Blagnac). Les syndicats ont tous tenu le même langage, celui de minimiser l'attaque au moment où elle était dans sa phase préparatoire, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Ensuite, ils ont fait reprendre le travail aux ouvriers à Méaulte qui étaient partis spontanément en grève 48 heures avant l'annonce officielle du plan Power 8 en prétendant que l'usine ne serait pas revendue, alors que la direction faisait savoir ensuite qu'aucune décision n'était pour l'instant arrêtée sur le sujet.

Suivant les usines, s'adaptant à chaque situation particulière, les syndicats ont organisé la division, comme à Toulouse, entre les secteurs touchés et ceux épargnés. Plus fort encore, pendant des mois, ils ont martelé l'idée selon laquelle, si Airbus est dans cette situation, c'est "la faute aux Allemands". En Allemagne, le discours syndical était parallèle : "C'est la faute aux Français". Aussi, les syndicats n'ont cessé d'exalter le "patriotisme économique". Dans un tract du 7 mars cosigné par FO-Métaux (syndicat largement majoritaire à Toulouse), la CFE-CGC (syndicat des cadres) et la CFTC, ils déclarent par exemple : "C'est tout l'intérêt de l'économie française, locale et régionale qui est en jeu (...) Restons mobilisés (...) pour défendre Airbus, nos emplois, notre outil de travail, nos- compétences et notre savoir-faire au bénéfice de toute l'économie locale, régionale et nationale." Cette répugnante propagande poussant les ouvriers à se rallier à la logique concurrentielle du capital se retrouvait déjà lors d'une mobilisation des syndicats des différents pays d'Europe où sont implantées les usines Airbus : "Défendons notre outil de travail ensemble, salariés Airbus, sous-traitants de tous les sites d'Airbus d'Europe" (tract commun à tous les syndicats du 5 février 2007).

Après les manifestations du 6 mars, ils ont fait miroiter une riposte européenne pour le 16 et annoncé une grande manifestation à Bruxelles pour ensuite l'annuler trois jours avant en la remplaçant par des manifestations toujours présentées comme une "journée de mobilisation européenne" mais limitée aux salariés d'Airbus et éparpillées sur les différents sites locaux . Et le pompon était à voir du côté de Toulouse où les syndicats ont cueilli les ouvriers à la sortie de l'usine dans des bus de ramassage pour les amener dans un lieu de rassemblement totalement excentré et les faire marcher jusqu'au siège de Blagnac où les attendait une nuée de caméras de télé pour médiatiser à fond "l'événement". Sitôt arrivés là, on les faisait remonter dans les bus pour regagner l'usine et reprendre le travail1 .

Les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie ne tenaient certainement pas, dans ce contexte d'attaques tous azimuts, à voir une large mobilisation ouvrière à l'échelle européenne où les ouvriers pouvaient se rassembler, se rencontrer entre eux, discuter et échanger leurs expériences.

Les syndicats font partout le même sale boulot

Il n'était pas question non plus pour les syndicats que la manifestation à Paris des salariés d'Alcatel-Lucent pour dénoncer le plan de restructuration du groupe qui prévoit 12 500 suppressions de postes, dont au moins 3200 en Europe, d'ici 2008, soit organisée en même temps. C'est pourquoi elle a été appelée la veille, le 15 mars. Elle se présentait comme unitaire et européenne, mais il n'y avait que 4000 personnes, venues de tous les sites français touchés, en particulier de Bretagne, mais aussi de pays voisins avec des délégations symboliques exclusivement syndicales d'Espagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie. Elles étaient d'ailleurs noyées dans une forêt... de drapeaux bretons et la manifestation cadencée au son du biniou ! Dans une série de plus petites grèves en France comme à Peugeot-Aulnay, c'est sur des hausses salariales que les syndicats ont entraîné les ouvriers dans une grève longue et exténuante. Tandis qu'à l'usine Renault du Mans, 150 ouvriers ont été entraînés derrière la CGT dans une grève restée très minoritaire contre un nouveau contrat de flexibilité signé par les autres syndicats. Cependant, quand on sait que PSA comme Renault s'apprêtent à annoncer à leur tour prochainement des plans de licenciements, on s'aperçoit que ces grèves et ces actions lancées par les syndicats n'ont pour but réel que d'épuiser au maximum auparavant la combativité ouvrière pour faire passer ces attaques. De même, si les enseignants ont été appelés à une énième journée d'action le 20 mars, c'est avec le même objectif de les épuiser pour leur imposer plus facilement ensuite toutes les attaques dont ils sont la cible.

Les ouvriers n'ont aucun intérêt commun à défendre avec leur bourgeoisie, par contre la situation les pousse à reconnaître les intérêts qu'ils ont en commun face aux mêmes attaques (massives et simultanées) auxquelles ils sont partout confrontés. Une telle situation favorise le développement de questionnements, de réflexions, qui posent de plus en plus clairement les besoins d'extension de la lutte, d'unité et de solidarité au sein du prolétariat qui seront les clés des luttes à venir. Même si les syndicats parviennent à l'heure actuelle à imposer sans obstacle visible leurs manœuvres de sabotage, de division, d'isolement, d'enfermement des prolétaires, ils sont appelés à se discréditer de plus en plus ouvertement aux yeux de la classe ouvrière. C'est aujourd'hui que mûrissent les conditions qui permettront demain aux ouvriers dans leurs luttes de discuter ensemble, de se rassembler, de confronter leurs expériences, de s'organiser eux-mêmes en dehors des syndicats et au-delà des frontières nationales.

Wim / 24.03.07

1 Le lendemain, Libération du 17 mars titrait son article : "Radicalisation jamais vue contre la direction de l'avionneur - Airbus : les salariés de tous les pays se sont unis".

Vie du CCI: 

  • Interventions [7]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en Belgique [8]

Source URL:https://fr.internationalism.org/en/content/internationalisme-no-331

Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/histoire-du-mouvement-ouvrier/revolution-russe [2] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/leconomie [3] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/belgique [4] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/mystification-parlementaire [5] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/soi-disant-partis-ouvriers [6] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/reunions-publiques [7] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/interventions [8] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/lutte-classe-belgique