Chaque jour apporte une expression nouvelle de la
barbarie capitaliste. Les principales victimes en sont toujours et partout la
population travailleuse et exploitée. L’attaque sur le World Trade Center, les
attentats de 2005 à Londres, ceux de Madrid, de Beslan, de Bali, de
Sharm-el-Sheikh en Egypte, de Delhi, de Bénarès, au Bangladesh, etc. font partie
des crimes les plus épouvantables commis contre l’humanité. Les derniers
attentats dans des trains bondés de Bombay aux heures de pointe, au retour des
ouvriers de leur travail, font partie de cette série d’actes ignobles.
Sept explosions successives le 11 juillet 2006 se sont produites entre 18 h et
18 h 30 de l’après-midi dans les trains de banlieue. Les gens rentraient chez
eux après une dure journée de travail. Mais les bombes des terroristes se
trouvaient sur leur chemin et envoyèrent brutalement et sans pitié un grand
nombre d'entre eux à la mort. Les mots ne sont pas suffisants pour
exprimer toute l’indignation que ces meurtres totalement irrationnels et
monstrueux ont provoquée.
Selon le journal The Stateman du 13 juillet, au moins 190 personnes auraient été tuées et 625 blessées, la plupart très gravement. Le nombre de morts pour d’autres journaux s'élèverait à 200. D'autres sources ont parlé de plus de 400 morts.
Cette ville, capitale de la finance de la bourgeoisie indienne, a déjà été la cible d’attaques terroristes le 12 mars 1993 qui avaient provoqué la mort et de graves blessures chez plusieurs centaines d'ouvriers. A l’époque, on avait compté 13 puissantes explosions dans les parties les plus peuplées de la ville.
Une autre attaque terroriste a eu lieu le matin du même jour dans la ville de Srinagar, capitale de l’Etat de Jammu et Cachemire, considéré comme un paradis sur terre pour l’exquise beauté des paysages environnants. Les terroristes auraient jeté une puissante grenade dans un bus transportant des touristes de différentes régions de l’Inde. Cette attaque à la grenade a fait 8 morts et en a blessé beaucoup d’autres. Elle était suivie par une autre sur des véhicules de touristes le jour suivant, provoquant aussi des morts et de nombreux blessés graves. Cette situation particulière a déjà provoqué par le passé d’innombrables actes de répression de l'Etat, semant le même climat de terreur. Les masses ouvrières et la population exploitée se retrouvent régulièrement prises en sandwich entre ces deux types de terreur provenant de deux cliques politiques bourgeoises concurrentes. Le meurtre et les attaques contre des prolétaires innocents sont devenus quasiment quotidiens.
La bourgeoisie indienne et sa direction politique comme tous ses partis, qu'ils soient de gauche ou de droite ont intérêt à marquer le plus de points possibles face à leur rivale impérialiste voisine, c’est-à-dire la bourgeoisie pakistanaise et l'Etat pakistanais en les humiliant aux yeux de la « communauté internationale ». La bourgeoisie indienne est beaucoup moins concernée par les morts, les blessés et le sort de leurs familles. Cela va de pair avec le caractère cynique du système capitaliste devenu décadent, particulièrement dans sa phase actuelle de décomposition.
En fait, le niveau de cruauté, le nombre énorme de morts et de blessés sont devenus de simples cartes dans un enjeu politique qui visent avant tout à frapper et acculer la bourgeoisie pakistanaise. Les dirigeants indiens ont un discours stéréotypé qu’ils utilisent lorsque de tels crimes haineux sont commis. Ils y dénoncent la main des services secrets de l'Etat pakistanais, l'ISI (Inter Services Intelligence). Aujourd’hui, la formule a été enrichie de nouveaux éléments tels que ceux des liens du Pakistan avec Al Qaida. Aussi, malgré une enquête toujours en cours et qui piétine, les dernières déclarations faites par le Premier Ministre et d’autres dirigeants politiques de droite comme de gauche, accusent ouvertement et agressivement l'Etat pakistanais qui, de son côté nie toute implication dans ces attentats. Le Premier Ministre indien et son gouvernement ont réagi très rapidement. Ils ont annulé les discussions qui devaient se tenir le même mois entre les deux pays au niveau du secrétaire aux Affaires étrangères. Ils ont aussi annulé le voyage d’une délégation parlementaire à la Commission Parlementaire du Commonwealth qui devait se tenir prochainement. . La "guerre au terrorisme", particulièrement dans les régions frontalières entre les deux Etats, a constitué le moyen prédominant de la bourgeoisie indienne pour faire pression sur son impérialiste rival pakistanais.
Le Président, le Premier Ministre, le ministre de l'intérieur et d’autres dirigeants politiques de la bourgeoisie pakistanaise ont condamné les attentats. Selon le Daily Times du 15 juillet 2006, Khurshid Mehamood Kasuri, Premier Ministre du Pakistan a « condamné sans équivoque » les dernières explosions de Bombay et a prétendu que le Pakistan était destiné à jouer un rôle clé en faveur de la paix et de la sécurité du monde du fait de sa situation géo-politique. Selon lui, « ceux qui sont contre le processus de paix et qui n’en veulent pas sont derrière ces attentats». Selon un article du Frontier Post du 15 juillet 2006, le Pakistan a rejeté les inconsistantes allégations indiennes et appelé à la continuation du processus de paix. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tasneem Aslam, a affirmé que « le terrorisme est un phénomène qui affecte presque tous les pays du monde. Et de façon sûre, il touche tous les pays de l’Asie du Sud ». Le secrétaire pakistanais aux affaires étrangères, Riaz Mahammad Khan, déclarait de son côté que « le Pakistan ne doit pas laisser son territoire utilisé contre n’importe quel pays. C’est notre ferme politique et notre engagement. » Selon le général Musharraf, « tout atermoiement dans le processus de paix (…) à cause des attaques terroristes équivaudrait à un échec qui jouerait en faveur des terroristes. » Ces déclarations de la part de la classe dominante pakistanaise sont cyniques et manifestement fausses, destinées à servir ses propres intérêts. Néanmoins, les dirigeants politiques de la coalition au pouvoir au Pakistan se montrent plus empressés à la continuation du processus de paix. Cet intérêt pour la paix et la continuation du processus de paix est plus vraisemblablement un des principaux moyens diplomatico-politiques de la bourgeoisie pakistanaise pour poursuivre son conflit impérialiste avec la bourgeoisie indienne.
Tous les Etats et gouvernements capitalistes excellent dans le mensonge et font tout leur possible pour cacher la vérité. Chaque gouvernement, qu’il soit indien, pakistanais ou autre se montre comme le défenseur ardent de la guerre contre le terrorisme mais chacun d’entre eux recourt au terrorisme pour défendre leurs intérêts impérialistes. Tous s’accusent mutuellement de soutenir et être les instigateurs du terrorisme. Le gouvernement indien dénonce la main de l’ISI dans chaque action terroriste sur son territoire mais reste complètement silencieux sur les activités subversives commises par son RAW ("Research and Analysis Wing", pouvant être considéré comme l’homologue de l’ISI) chez ses ennemis dont le plus important est le Pakistan. En fait la RAW a été créée pour contrer les activités des services de renseignements étrangers en Inde et pour organiser des actes subversifs, c’est-à-dire terroristes, sur le territoire ennemi. De son côté, le gouvernement pakistanais voit la main de la RAW dans les attentats terroristes qui ont lieu dans différentes régions du Pakistan, mais se tait sur ceux fomentés par l’ISI. Comment se fier dans ces conditions aux déclarations des uns et des autres ?
Nous devons donc nous centrer sur la question de savoir à qui des parties en présence cet acte ignoble de barbarie procure le maximum de gain politique et diplomatique. La conférence du G8 s’est tenue le 16 juillet 2006 à Saint-Pétersbourg et le Premier Ministre indien y était invité. Les attentats ont eu lieu le 11 juillet. Ceci a fourni à la bourgeoisie indienne une arme politique très puissante pour frapper et humilier la bourgeoisie pakistanaise, sa voisine immédiate et sa rivale impérialiste au sein de la "communauté internationale", en utilisant pleinement l’opportunité de s’adresser à la conférence des Etats impérialistes les plus puissants du monde.
De plus, le gouvernement américain a récemment annoncé qu’il fournirait au Pakistan trente-six avions de combat F-16 de la dernière génération et le gouvernement indien a exprimé sa désapprobation et son désaccord avec cette décision de la bourgeoisie américaine. Cette dernière action terroriste est sûre d’être utilisée pleinement par l’Inde pour faire pression sur les Etats-Unis.
Car quelque temps avant les attentats, les conflits au sein des partis politiques de la clique dirigeante étaient plus ouvertement dirigés sur différents problèmes politiques économiques comme les privatisations, le niveau d'inflation, le rapprochement envers la bourgeoisie américaine dans les relations impérialistes internationales, etc. Les occasions comme le récent et humiliant ratage de l’Agni (la dernière version du missile à moyenne portée) et des lancements d’Insat ("Indian communication satellites") n’ont pas manqué pour ajouter aux querelles du gouvernement avec les partis dans l’opposition. Les partis politiques de la gauche du capital avaient ainsi planifié plusieurs actions politiques de masse contre le gouvernement. Tout cela est passé au second plan après les explosions de Bombay. Même si certains dirigeants politiques et des officiers de police de haut rang ont affirmé que d’autres dirigeants politiques avaient des liens divers avec la pègre et les terroristes. Aussi, nous pouvons affirmer en toute confiance que l’Etat indien a retiré un gain diplomatique maximum de ce massacre barbare d’innocents. Il est donc vraisemblable que même s’il ne trempe pas directement dans cet acte odieux, il l’a laissé faire, de la même façon que l’impérialisme américain s’est servi de l’attaque du 11 septembre sur le World Trade Center et de l’attaque sur Pearl Harbor lors de la Seconde Guerre mondiale pour mettre en place une stratégie impérialiste déjà préparée pour ses intérêts.
La bourgeoisie à travers le monde fait de son mieux pour polariser l’attention sur qui sont les terroristes ou d’où ils viennent et leur fonctionnement. De cette manière, elle a fait passer ses propres conflits impérialistes pour des épisodes de la guerre contre le terrorisme dont l'instigateur principal et le défenseur le plus ardent se trouve être la bourgeoisie américaine. Elle mène cette guerre contre le terrorisme depuis l’attaque du 11 septembre. Mais le terrorisme n'a pas reculé. Au contraire, il s’est développé et est devenu plus étendu et toujours plus barbare au fil des années.
Le terrorisme est le produit inévitable des conditions
matérielles du capitalisme et de la lutte de classe dans cette phase de
décomposition du système capitaliste mondial décadent. Dans les conditions de
la décadence du système, chaque Etat capitaliste, grand ou petit, fort ou
faible, développé ou "en développement" est impérialiste, il en
va de sa survie en tant que fraction nationale du capital. Le marché mondial ne
peut plus permettre le plein développement de toutes les parties du capital.
Aussi, chaque pays s’efforce d’assurer sa propre survie au prix de celle des
autres. Ceci ne peut qu’exacerber le conflit impérialiste de chaque Etat nation
contre tous les autres.
Dans une telle situation internationale, le terrorisme
est devenu un moyen très important de la guerre secrète menée par chaque Etat
capitaliste contre d’autres.
La phase de décomposition qui s’est définitivement affirmée avec l’effondrement du bloc impérialiste soviétique en 1989 a donné une impulsion qualitativement nouvelle au développement du chacun pour soi et à la confrontation de tous contre tous, conduisant ainsi à une situation chaotique dans les relations internationales. Elle a aussi conduit à l’effondrement du bloc occidental et à la disparition de la discipline de bloc que les têtes de blocs pouvaient auparavant imposer. Les anciens alliés de l’impérialisme américain ont commencé à être ses grands concurrents impérialistes et à essayer d’affaiblir par tous les moyens l’autorité mondiale et l’hégémonie de la bourgeoisie américaine. Aussi, le seul but de la stratégie globale de la bourgeoisie américaine est de préserver cette hégémonie et celui des autres grandes puissances est de pousser à son affaiblissement.
Dans cette dynamique impérialiste et guerrière, l’autorité des Etats-Unis s’est affaiblie ces dernières années. En conséquence, la tendance au chacun pour soi a connu une nouvelle avancée et une impulsion conduisant à une aggravation de la situation de chaos dans les relations internationales. Cela signifie que le terrorisme ne peut que connaître une accélération partout dans le monde et particulièrement dans le sous-continent indien. Il faut ainsi s’attendre à ce que les Etats capitalistes du Pakistan, du Bangladesh et de l’Inde déchaînent les uns contre les autres les foudres du terrorisme.
Cette situation particulière de décomposition du système capitaliste décadent a aussi amené à l’intensification de tous les conflits entre les différentes fractions du capital. Ces conflits internes aggravés se sont de plus en plus exprimés dans le développement des luttes armées et des actions terroristes. De nombreux groupuscules maoïstes ont organisé des attentats terroristes, causant pour la plupart le meurtre massif de personnes innocentes. De tels groupes ou organisations qui se développent localement augmentent numériquement et se renforcent politiquement comme militairement. La situation dominante du capitalisme ainsi que la lutte des classes sont obligées de tenir compte de leur force et de leurs activités meurtrières barbares. Il ne fait pas de doute que ces organisations terroristes locales grandissantes seront soutenues, utilisées et liées aux autres puissances rivales impérialistes pour faire avancer leurs propres intérêts. Il n’y aura donc aucun répit dans la course aux attentats sanglants tant que le système capitaliste décadent survivra.
L’Etat est le terroriste le plus organisé, le plus puissant et légalisé. Il possède tous les moyens de la terreur. Dans la phase de décomposition du système capitaliste décadent, chaque Etat sera appelé à recourir de plus en plus aux méthodes terroristes afin de préserver l’ordre capitaliste. Chaque Etat est amené à s'enfoncer de plus en plus dans la crise économique, le "marasme bureaucratique" et dans la fuite en avant dans le militarisme, mettant de plus en plus à nu la réalité de la dictature du capital et déchirant son masque démocratique. La classe ouvrière et les masses exploitées vont de plus en plus être prises en sandwich entre les actes terroristes de l’Etat et ceux de groupes bourgeois plus informels. L'Etat a recours au terrorisme contre la classe ouvrière pour pouvoir accentuer ses attaques contre les conditions de vie et de travail. Les mouvements de la classe ouvrière sont brutalement réprimés par les forces armées de l’Etat partout dans le monde. Ils sont également soumis à des diktats économiques et juridiques. Les grèves de Honda en juillet 2005 (voir Révolution Internationale n°361 [1]) ont été réprimées sans pitié par la police. Le récent mouvement de la jeune génération ouvrière en France a été confronté au déploiement de l'appareil répressif. Les ouvriers des transports new-yorkais ont du faire face à la répression économique et juridique de l’Etat. Partout, l’Etat capitaliste sera appelé à user de mesures répressives et terroristes contre la classe ouvrière (voir Revue Internationale n°125 [1]).
Les différents groupes terroristes qu'ils soient directement
manipulés par l'Etat ou non se combattent pour s'accaparer ou préserver le pouvoir
d’Etat. Tous essayent de se présenter comme les meilleurs amis de la classe
ouvrière et des masses exploitées et demandent à la classe ouvrière de se
rallier à eux dans leur guerre soit pour garder le pouvoir entre leurs mains
soit pour s'en emparer. Le résultat sera le même : il contribuera à accentuer
l’exploitation et la répression contre la classe ouvrière et les masses
de travailleurs. La prétendue "machine de guerre contre le
terrorisme" n’est qu’un autre nom pour les conflits impérialistes et la
guerre d’une forme de terreur contre une autre Tous poursuivent le
même projet : soumettre davantage la classe ouvrière à l’acceptation de
l’exploitation et des attaques contre ses conditions de vie et de travail. Tous
sont également impérialistes, barbares, meurtriers, réactionnaires et
répressifs.
La classe ouvrière ne peut et ne doit jamais choisir un camp dans cette guerre
impérialiste permanente et dans cette guerre entre deux formes de
terrorisme.
Dans chaque attaque terroriste ou dans la guerre anti-terroriste, la classe ouvrière et les masses travailleuses sont les principales victimes. Elles sont tuées ou blessées par centaines et même par milliers dans toutes les formes de la guerre impérialiste permanente du capitalisme décadent. Ce fut le cas du World Trade Center, du métro de Londres, des trains de Madrid. Cela a été le cas dans les attentats terroristes de Delhi, Bénarès et du Bangladesh. Cela fut encore le cas dans les attentats terroristes des différentes parties du Pakistan, de l’Inde et du Pakistan occupé, le Cachemire. Les attentats de Bombay représentent la même réalité barbare de décadence. C’est aussi ce qui se passe en Irak, en Afghanistan, au Soudan, en Israël, au Liban, etc.
L'existence prolongée du système capitaliste décadent dans sa phase de décomposition signifie plus d’incertitude pour la vie, toujours davantage d’attaques sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière, plus de chômage, de guerre impérialiste et d'attentats. Cela signifie aussi plus de barbarie, de pauvreté, de misère, de pollution et de destruction sur la planète entière. Aussi, le renversement du système capitaliste est la seule solution à l'échelle mondiale. La classe ouvrière est la seule classe capable de remplir cette tâche historique. Elle ne peut être accomplie qu’en se battant contre l’augmentation des attaques du capital, à travers l’extension et l’unification de ses luttes dans tous les secteurs, régionalement et internationalement et par la politisation continue de ces luttes. La classe ouvrière doit donc rejeter avec le plus grand mépris l’appel à l’unité nationale pour la guerre contre le terrorisme et intensifier sa lutte de classe. C’est la seule voie possible à suivre pour elle.
Communist Internationalist,
Il y a trente ans mourait Mao Zedong. Pour ce trentième anniversaire de la mort du "Grand Timonier", pas de grandes pompes organisées par le gouvernement chinois. Tout au contraire, c'est la discrétion qui est de mise pour les caciques de l'Empire du Milieu. Et, paradoxalement, ce sont surtout les médias occidentaux qui ne manquent pas de rappeler l'existence du leader de la "Longue Marche" et "père de la nation chinoise". Mais bien évidemment, ce rappel sert deux objectifs : celui d'alimenter le mesonge selon lequel Mao serait un authentique combattant du prolétariat révolutionnaire et celui de lier son itinéraire politique prétendument prolétarien avec les dizaines de millions de morts dont il est responsable, que ce soit du fait de la répression ou encore de l'exploitation éhontée ou des famines qu'il a fait supporter à la classe ouvrière et à la population durant son règne. Nous publions ci-dessous un article paru dans le n° 269 de juin 1997 de Révolution Internationale qui dénonçait une fois encore ce genre de campagne que la classe dominante ne cesse de sortir de son chapeau pour amalgamer stalinisme et lutte prolétarienne. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la stalinisation du Parti Communiste Chinois dont Mao fut un des plus forts artisans, ils peuvent se référer à trois articles du Courant Communiste International parus dans les numéros 83, 84 et 85 de notre Revue Internationale à lire sur www.internationalism.org [5]
La bourgeoisie ne rate jamais une occasion de perpétuer et semer le mensonge énorme de l'amalgame entre stalinisme et communisme. Elle veut ainsi nous faire croire que, malgré l'effondrement de l'URSS, il reste encore certains pays "communistes", dont la Chine, patrie de ce prétendu "grand révolutionnaire", Mao Zedong. Cette classe de menteurs est passée maître dans l'art de falsifier l'histoire et voudrait inculquer aux prolétaires que, comme le stalinisme, le maoïsme est un produit du mouvement ouvrier. Une telle mystification est un véritable poison contre la conscience prolétarienne. Pour les révolutionnaires, le maoïsme n'a jamais cessé d'être un courant idéologique et politique bourgeois, né de l'écrasement du mouvement ouvrier en Chine, nourri de la contre-révolution stalinienne et des plus sordides intérêts impérialistes.
Le Parti Communiste Chinois (PCC) fut créé en 1920 et 1921, à partir de petits groupes marxistes, anarchistes et socialistes, sympathisants de la Russie soviétique. Comme d'autres partis, le PCC naquit directement en tant que composante de l'Internationale Communiste (IC) et sa croissance fut liée au développement international des luttes ouvrières, produit de la période historique qui avait elle-même donné naissance à la Révolution russe et aux mouvements insurrectionnels en Europe centrale et occidentale. De 1921 à 1925, le PCC passa de 4000 membres à 60 000, exprimant ainsi la volonté et la détermination du prolétariat qui menait un combat acharné contre la bourgeoisie chinoise depuis 1919, principalement dans les zones les plus industrialisées. Certes, dans ce grand pays colonisé à dominante agraire, le prolétariat constituait une très petite minorité. Il subissait en outre des influences idéologiques particulièrement archaïques et arriérées, n'avait qu'une expérience très réduite de la lutte de classe et possédait de ce fait une conscience faible et extrêmement hétérogène. Mais il était très concentré, ce qui lui permettait de développer une combativité d'une rare vitalité. Ses luttes tendaient dans cette période à se situer de plus en plus sur le terrain de la défense de ses intérêts propres et à sortir des pièges bourgeois telle la résistance aux différentes puissances impérialistes installées en Chine ou aux "seigneurs de la guerre" chinois, derrière lesquels s'efforçaient de l'enfermer et de l'entraîner la bourgeoisie. Aussi, il tendait de plus en plus à diriger ses luttes contre le Guomindang (incarné par le général Tchiang-Kai-shek), qui incarnait l'aile "progressiste" de la bourgeoisie chinoise, et poussait à l'édification d'un Etat unifié depuis 1910 sous l'impulsion de Sun-Yat-Sen.
L'opportunisme montant de l'IC, en lien avec ses conceptions erronées sur le "droit des nations à disposer d'elles mêmes" l'amena à lancer, en 1922, un mot d'ordre aux conséquences dramatiques pour le prolétariat : réaliser un "front unique anti-impérialiste entre le PCC et le Guomindang". En 1923, le PCC est pratiquement absorbé au sein d'un Guomindang qui est ensuite accepté comme membre sympathisant de l'IC, en 1926, à la veille même de la sanglante répression de la Commune de Shanghaï. Prise dans une implacable dynamique de dégénérescence, l'IC, sous la férule d'un Exécutif à la botte de Staline, devient l'instrument direct de la politique impérialiste de l'URSS. Fort de son alliance avec l'IC, le Guomindang, avec la complicité tacite des impérialismes occidentaux, se lance alors dans une répression féroce contre le prolétariat durant les grandes grèves de l'été 1925, assassinant et harcelant les meilleurs militants du PCC qu'il avait auparavant chassés de son organisation. Sourd aux critiques des éléments révolutionnaires du PCC et malgré les exactions anti-ouvrières de Tchiang-Kai-shek, l'Exécutif de l'IC ne renonçait pourtant pas à son alliance avec un Guomindang dont l'unique objectif était de prendre le pouvoir et d'écraser son ennemi mortel, le prolétariat. Le massacre de la Commune de Shanghaï en 1927, mené par Chiang-Kai-shek (avec l'aide précieuse et active des puissantes sociétés secrètes implantées dans le prolétariat comme la Bande Verte), l'écrasement des insurrections de Nanchang puis de Canton, sonna le glas du combat prolétarien et du PCC comme Parti du prolétariat.
Alors que les meilleurs éléments révolutionnaires du PCC étaient pourchassés et exécutés, sa fraction la plus stalinisée, à laquelle appartenait Mao Zedong, chargé spécialement des liens entre le PCC et le Guomindang, soutenait et justifiait ce bain de sang par la politique de collaboration avec la bourgeoisie "progressiste" qui correspondait aux besoins de l'Etat russe.
Vidé de sa base prolétarienne, le PCC, tout en poursuivant la politique anti-prolétarienne prônée par le Komintern dans les centres ouvriers, se mit à théoriser, en particulier sous la plume de Mao, le "rôle révolutionnaire" de la paysannerie, exprimant ainsi la transformation radicale de sa nature de classe. Il se fit alors le défenseur des paysans, mais aussi des couches de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie hostiles à l'autoritarisme du nouveau maître de la Chine, Chiang-Kai-shek. Les nouveaux cadres du Parti étaient soigneusement choisis par Staline, qui utilisait le PCC comme instrument de l'expansion impérialiste russe et comme moyen de pression et de tractations avec le Guomindang. L'affluence massive d'éléments contre-révolutionnaires, d'aventuriers de toutes sortes, de petits bourgeois et bourgeois en rupture avec Chiang-Kai-shek, transforma le PCC en un véritable cloaque d'intrigues et de manoeuvres, où s'opposaient violemment pour le contrôle du Parti différentes cliques adverses.
L'épisode de la "Longue Marche", loin d'être l'épisode héroïque de "résistance communiste" sous la direction du "grand timonier" Mao, eut comme objectif essentiel d'unifier les nombreux foyers de guérilla existant en Chine sous un commandement unique et centralisé, afin de constituer une armée bourgeoise digne de ce nom, pour le compte du grand frère stalinien qui contrôlait étroitement ses cadres. Les appétits impérialistes russes devenaient en effet de plus en plus pressants et avaient de ce fait provoqué un refroidissement de son alliance avec le Guomindang. Dans ce but, les masses des paysans pauvres furent embrigadées et utilisées comme chair à canon : la "Glorieuse Longue Marche", qui dura d'octobre 1935 à octobre 1936, fit plusieurs centaines de milliers de morts parmi eux. Et si ce fut la ligne du "grandiose commandant en chef" Mao qui l'emporta durant cette campagne, ce n'est même pas grâce à ses talents de stratège militaire, réputés être particulièrement médiocres. C'est surtout grâce à sa capacité de jouer et profiter des discordes existantes, et de celles que lui même attisait, pour asseoir son pouvoir au sein d'une Armée rouge chinoise où se mêlaient, aux côtés de combattants sincères, bureaucrates staliniens et arrivistes de tous poils.
Mais au moins une chose était sûre, c'est que toutes ces cliques, que ce soient celles du PCC ou celles du Guomindang, étaient unies sur l'essentiel : la défense du capitalisme chinois. C'est ainsi que lors du conflit sino-japonais de 1936, le PCC, allié à nouveau au Guomindang, se distingua encore comme le principal fournisseur de chair à canon de la guerre impérialiste. En 1941, alors que l'armée allemande entrait en URSS, Staline, menacé sur deux fronts, signa un pacte de non- agression avec le Japon. La conséquence immédiate fut la rupture du PCC avec Moscou et la victoire de la ligne maoïste contre la ligne pro-russe. Le PCC va donc collaborer d'autant plus, les Etats-Unis entrant en guerre contre le Japon en 1942, à une alliance avec le Guomindang aux ordres de l'oncle Sam. Au sein du Parti, de 1943 à 1945, les grandes purges anti-staliniennes atteignirent alors leur apogée, le maoïsme devenant dès lors la doctrine officielle du Parti.
Les historiens et intellectuels bourgeois entretiennent tout un mythe autour du maoïsme, "communisme à la sauce chinoise", porté par Mao Zedong, prôné mensongèrement comme un des fondateurs du PCC, celui qui allait instaurer le "socialisme" dans ce grand pays. Les idéologues de la bourgeoisie présentent l'arrivée du "grand timonier" à la tête de la Chine comme le produit d'une "révolution populaire, paysanne et ouvrière", mais la réalité est radicalement différente : le PCC est arrivé au pouvoir à la suite de sordides tractations impérialistes. En effet, c'est en monnayant son retour dans le giron de Moscou, contre les Etats-Unis et après les accords de Yalta, que le PCC va pouvoir définitivement éliminer son rival direct, le Guomintang, en 1949, et fonder la "République populaire chinoise".
Une fois les rênes de l'Etat en mains, il pourra donc, avec Mao à sa tête, donner libre cours à une exploitation féroce des ouvriers et des paysans pour tenter de reconstruire ce pays immense, totalement exsangue après des décennies de guerre civile et de guerres impérialistes.
En son sein, la lutte à mort entre les différentes fractions rivales va plus que jamais s'exacerber. C'est encore sur le dos des couches exploitées, de la classe ouvrière et de la paysannerie, que vont se régler de la façon la plus sanglante les féroces luttes pour le pouvoir auxquelles s'adonnent Mao et consorts. Et alors que tous les historiens bourgeois nous présentent toutes ces étapes comme un renforcement du "socialisme", elles n'ont au contraire fait que montrer la même férocité et la même impuissance du capitalisme d'Etat façon "maoïste".
Le célèbre discours de Mao Zedong de 1957 proclamant la "Révolution des Cent Fleurs" représenta une première tentative de la part de celui-ci pour consolider son emprise idéologique sur les masses et tenter de les mobiliser contre ses rivaux dans le Parti. Dans sa continuité, et sous couvert de libérer de "nouvelles forces productives", le lancement du "Grand bond en avant", moins d'un an plus tard, avait pour but de prouver que le "leader suprême" était infaillible dans le gouvernement du pays. Ce "Grand bond" fut un bond extraordinaire dans la catastrophe économique (catastrophe annoncée par les dirigeants du Parti eux-mêmes). Le seul résultat économique fut une famine effroyable, faisant des dizaines de milliers de morts en à peine plus d'un an, et, à travers la constitution de "Communes populaires", la mise au pas de la paysannerie, puis l'accentuation de l'exploitation de la classe ouvrière par la naissance embryonnaire d'une industrie lourde au service de l'économie de guerre. Mais il précipita aussi la mise à l'écart de Mao par l'ensemble du Parti en 1959.
Cependant, ce dernier, que ces rivaux comme le nouveau président Liu Shao-qi pensaient avoir neutralisé, oeuvra patiemment durant sept ans dans l'ombre pour provoquer en 1966 le vaste mouvement de la prétendue "Révolution culturelle". Cet événement donna lieu à une des pires falsifications de l'Histoire, à laquelle participèrent avec une rare ferveur les idéologues bourgeois de tous bords. Animé d'une incroyable soif du pouvoir, Mao va jouer sur deux tableaux. D'un côté, en fonction du coup d'Etat prévu, il s'appuiera sur les cadres d'une armée habilement réorganisée par le ministre de la Défense pro-maoïste, Lin Biao, et abondamment abreuvée du "Petit Livre Rouge" ; de l'autre côté, il appellera à la formation des fameux "Gardes rouges", recrutés dans les couches de la petite-bourgeoise estudiantine, excitée et appâtée par des postes dans l'Etat. Ces deux forces se trouveront de plus en plus face à face, entraînant de larges fractions du prolétariat, plongeant tout le pays dans la guerre civile et la misère, dans un chaos indescriptible, ce qui était justement le but recherché par Mao afin d'en rejeter la faute aux dirigeants et en tirer tout le bénéfice. C'est ce qu'il fera d'ailleurs au bout de trois ans d'horreurs sous la direction du "grand timonier", de massacres dans la population, de purges massives dans le PCC, jusqu'après son retour au pouvoir en 1968 qui signera l'arrêt de mort physique de ces "Gardes rouges" qui s'étaient fait berner par son mot d'ordre "N'oubliez pas la lutte des classes". Le nombre de morts résultant des combats et de la famine est incalculable. Mais, des centaines de milliers avancés comme chiffre par les médias occidentaux, Mao, avec un cynisme achevé, dira lui-même à la fin de sa vie qu'ils étaient bien en deçà de la réalité !
Alors que le maoïsme poursuivait sans relâche son oeuvre destructrice sur le sol national chinois, son action impérialiste ne connaissait pas non plus de repos. C'est pour cette raison que l'Etat chinois, marchant sur les plates-bandes russes en Mongolie par exemple, rompait vers 1960 avec l'URSS. L'invasion du Tibet, sa participation active dans la guerre du Viêt-Nam, son soutien de premier plan aux Khmers rouges de Pol Pot au Cambodge avec la bénédiction des Etats-Unis, la création de multiples groupes armés tel le Sentier Lumineux jusqu'en Amérique du Sud, sous prétexte de soutenir les "luttes de libération nationale", ont émaillé la montée de la Chine impérialiste "reconnue" par les "Grands". Et si le mensonge du caractère "révolutionnaire" de l'Etat chinois maoïste (qui avait applaudi la répression de l'insurrection ouvrière de 1956 en Hongrie par les troupes russes) a été perpétué et amplifié à grands coups de trompettes par toutes les fractions de la bourgeoisie occidentale, c'est parce qu'il a été un puissant facteur de mystification et de confusion dans les luttes ouvrières au coeur du capitalisme et à sa périphérie.
Aujourd'hui, la bourgeoisie continue à présenter Mao et ses successeurs comme de véritables et inflexibles représentants du communisme. En perpétuant un tel mensonge, la classe dominante ne vise qu'un seul objectif : pourrir la conscience des prolétaires et dénaturer la perspective historique de leurs combats de classe, la destruction du capitalisme mondial et l'instauration d'une véritable société communiste.
AK
Le
policier britannique qui a annoncé l’arrestation de nombreux suspects dans le
dernier complot à la bombe a dit que le groupe avait planifié "un meurtre
de masse à une échelle inimaginable, sans précédent".
S’il avait en effet été planifié la destruction d’avions avec leurs passagers au-dessus des villes américaines, il s’agit à coup sûr d’un plan en vue d’un meurtre de masse. Les méthodes de Ben Laden et des « djihadistes » qui l’admirent sont celles de la barbarie. Les victimes de leurs attentats sont d’abord et avant tout les exploités et les opprimés, les ouvriers, les pauvres. A New-York, Madrid, Londres, Bombay, Beslan, en Irak chaque jour, la “résistance islamique” massacre ceux qui vont au travail, ceux qui essayent de survivre jour après jour dans une société hostile. Les méthodes des « djihadistes » sont en fait les mêmes que celles des puissances « infidèles » auxquelles ils prétendent être opposés –les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et autres.
Et tout comme les gouvernements de l’Ouest cherchent à mélanger l’islamophobie et le racisme contre ceux qui sont identifiés comme musulmans, la réponse des djihadistes est de prêcher le racisme contre les « kafirs », en particulier contre les Juifs, faisant revivre les pires mensonges de l’hitlérisme. Ces idéologies sont utilisées pour justifier le massacre de masse des non-musulmans (dans lequel les musulmans meurent aussi par milliers, comme en Irak aujourd’hui). Les djihadistes sont le véritable miroir de Bush et Blair et de leur « guerre au terrorisme ».
Les atrocités terroristes contre les innocents ne sont ni “inimaginables” ni "sans précédent". Les détenteurs du pouvoir qui condamnent cette dernière atrocité annoncée en provoquent de loin les plus importantes, parce qu’ils ont une puissance de feu de loin supérieure. Ce sont les djihadistes « démocratiques », en charge des Etats principaux du monde, ceux qui sont responsables de massacres de civils à une échelle bien plus grande –en Irak, en Afghanistan, au Liban, en Tchétchénie. Les guerres déclenchées par les puissances « démocratiques » sont le modèle suprême de la terreur : comment peut-on qualifier différemment l’emploi de la force militaire massive pour intimider des populations entières ? La dévastation du Liban par Israël est-elle différente, ou la campagne des Etats-Unis de 2003 « frapper et surprendre », ou encore de la même façon le « bombardement par zones » de l’Allemagne par Churchill à la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
La guerre impérialiste, c’est la terreur contre l’humanité. Et les Etats qui la paie sont tout autant adeptes des méthodes de l’ombre qu’utilisent les « terroristes » qu’ils le sont de la terreur ouverte et massive des bombardements aériens. Qui d’autre a entraîné Ben Laden pour combattre les Russes sinon l’Amérique « démocratique » ? Qui s’est servi des cliques de Protestants pour provoquer des assassinats et des attentats en Ulster ? La Grande-Bretagne « démocratique ». A qui appartiennent les « pères fondateurs » terroristes comme Menachem Begin . A l’Israël anti-terroriste. Et grâce à ses espions et à ses informateurs, l’Etat « démocratique » peut encore faire un usage subtil des bandes terroristes même lorsqu’elles sont de « l’autre côté ». Malgré les polémiques officielles contre les « théories de la conspiration », il existe une confirmation grandissante que l’Etat américain a permis à Al Qaïda de mener à bien ses attaques en septembre 2001 ; le but –qui avait déjà été émis ouvertement par les théoriciens «Neo-Con »- était de créer un nouveau Pearl Harbour pour justifier une énorme offensive impérialiste en Afghanistan et en Irak. Et il est tout aussi capable de fabriquer des complots terroristes quand rien n’existe réellement. En effet, que la menace soit réelle ou inventée, l’Etat utilisera toujours les activités des terroristes pour renforcer son arsenal de lois répressives, son vaste appareil d’information et de surveillance.
Après le 11 septembre 2001, Bush a proposé un faux choix : avec nous ou avec les terroristes. Aujourd’hui, des millions de gens ont vu ce que Bush voulait, mais ils n’ont pas échappé à ce faux choix. Beaucoup de jeunes qui voient que le monde dans lequel nous vivons va au désastre sont dévoyés vers le terrorisme comme seule « alternative ». Mais c’est une fausse alternative, une impasse tout aussi désastreuse, les transformant en agents recrutés dans une marche au suicide vers la guerre impérialiste. C’est une évidence dans le conflit qui s’étend à travers le Moyen-Orient, un conflit qui rebondit aussi sur les Etats-Unis et l’Europe.
Mais face à l’inexorable décadence de la société actuelle, qui s’enfonce dans la guerre et le chaos, il existe un autre côté : celui de la classe exploitée, le prolétariat, la grande majorité d’entre nous, qui n’a aucun intérêt à être plongée dans les conflits fratricides et les massacres inter-impérialistes.
Face à l’effondrement accéléré du capitalisme qui, dans chaque région du globe, a prouvé qu’il mettait en danger la survie même de l’humanité, il y a une guerre encore valable à mener : la guerre de classe, unissant les ouvriers de tous les pays et de toutes les couleurs contre les gangsters qui dominent la planète mais qui en perdent de plus en plus le contrôle.
La bataille entre les classes que beaucoup disent être dépassée, est une fois encore en train de surgir. Un certain nombre d’évènements récents nous le montre :
Ces
expressions de la solidarité de la classe ouvrière sont les lignes forces de la
vraie communauté de l’humanité, une communauté faite de l’activité humaine pour
les êtres humains et non plus pour la religion ou l’Etat.
On ne peut qu'être soulevé par des sentiments d'indignation et d’écœurement devant cette nouvelle manifestation, ce déchaînement de barbarie guerrière au Proche-Orient : 7000 frappes aériennes sur le territoire libanais, plus de 1200 morts au Liban et en Israël (dont plus de 300 enfants de moins de 12 ans), près de 5000 blessés, un million de civils qui ont dû fuir les bombes ou les zones de combats. D'autres, trop pauvres pour fuir les zones de combats qui se terrent comme ils peuvent, la peur au ventre… Des quartiers, des villages réduits à l'état de ruines, des hôpitaux débordés et pleins à craquer : tel est le bilan provisoire d'un mois de guerre au Liban et en Israël suite à l'offensive de Tsahal pour réduire l'emprise grandissante du Hezbollah en réplique d'une des nombreuses attaques meurtrières des milices islamistes au-delà de la frontière israélo-libanaise. Les destructions sont évaluées à 6 milliards d'euros, sans compter le coût militaire de la guerre elle-même. Au bout du compte, l'opération guerrière se solde par un échec qui est aussi un cuisant revers, mettant brutalement fin au mythe de l'invincibilité, de l'invulnérabilité de l'armée israélienne. C'est aussi un nouveau recul et la poursuite de l'affaiblissement du leadership américain. A l'inverse, le Hezbollah sort renforcé du conflit et a acquis une légitimité nouvelle, à travers sa résistance, aux yeux de l'ensemble des pays arabes.
Cette guerre aura constitué une nouvelle étape vers une mise à feu et à sang de tout le Moyen-Orient et vers l'enfoncement dans un chaos de plus en plus incontrôlable, à laquelle toutes les puissances impérialistes auront contribué, des plus grandes aux plus petites, au sein de la "prétendue communauté internationale". Pourquoi ces massacres, cette flambée de combats meurtriers ?
L'impasse de la situation au Moyen-Orient s'était déjà concrétisée depuis l'arrivée au pouvoir des "terroristes" du Hamas dans les territoires palestiniens (que l'intransigeance du gouvernement israélien aura contribué à provoquer en "radicalisant" une majorité de la population palestinienne) et le déchirement ouvert entre les fractions de la bourgeoisie palestinienne, entre le Fatah et le Hamas interdisent désormais toute solution négociée. Le retrait israélien de Gaza pour mieux isoler et boucler la Cisjordanie n'aura pas servi à grand chose. Israël n'avait pas d'autre solution que de se retourner de l'autre côté dans le but de stopper l’influence croissante du Hezbollah au Sud-Liban, aidée, financée et armée par le parrain iranien. Le prétexte invoqué par Israël pour déclencher la guerre a été d'obtenir la libération de 2 soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbolllah : près de deux mois après leur enlèvement, ils sont toujours prisonniers des milices chiites, et les premières tractations sur ce sujet sont à peine ébauchées par l'ONU. L'autre motif invoqué : "neutraliser" et désarmer le Hezbollah dont les attaques et les incursions sur le sol israélien depuis le Sud-Liban seraient une menace permanente pour la sécurité de l'Etat hébreu. La réalité aura été aussi disproportionnée que de chercher à tuer un moustique avec un bazooka. C'est une véritable politique de la terre brûlée à laquelle s'est livré l'Etat israélien avec une brutalité, une sauvagerie et un acharnement incroyables contre les populations civiles des villages au Sud Liban, chassées sans ménagement de leurs terres, de leur maison, réduites à crever de faim, sans eau potable, exposées aux pires épidémies. Ce sont aussi 90 ponts et d'innombrables voies de communication systématiquement coupés (routes, autoroutes …), 3 centrales électriques et des milliers d'habitations détruites, l'aéroport de Beyrouth inutilisable, des bombardements incessants. Le gouvernement israélien et son armée n'ont cessé de proclamer leur volonté "d'épargner les civils" et des massacres comme ceux de Canaa ont été qualifiés "d'accidents regrettables" (comme les fameux "dommages collatéraux" dans les guerres du Golfe et dans les Balkans). Or, c'est dans cette population civile que l'on dénombre le plus de victimes, et de loin : 90% des tués !
Cette guerre n'a pu se déclencher sans le feu vert des Etats-Unis. Enlisés jusqu'au cou dans le bourbier de la guerre en Irak et en Afghanistan, et après l'échec de leur "plan de paix" pour régler la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent que constater l'échec patent de leur tactique d'encerclement de l'Europe dont le Proche et le Moyen-Orient étaient stratégiquement des cartes-maîtresses. En particulier, la présence américaine en Irak depuis trois ans se traduit par un chaos sanglant, une véritable guerre civile effroyable entre factions rivales, des attentats quotidiens frappant aveuglément la population, au rythme de 80 à 100 morts par jour. Tous ces échecs et cette impuissance témoignent de l'affaiblissement historique de la bourgeoisie américaine dans la région, qui, par contrecoup, voit son leadership de plus en plus contesté dans le monde entier. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nouvelles prétentions impérialistes d'autres Etats s'affirment de plus en plus, à commencer par celles de l'Iran. Dans ce contexte, il était hors de question pour les Etats-Unis d'intervenir eux-mêmes alors que leur objectif dans la région est de s'en prendre à ces Etats dénoncés comme "terroristes" et incarnation de "l'axe du mal", que constituent pour eux la Syrie et surtout l'Iran dont le Hezbollah a le soutien. L'offensive israélienne qui devait servir d'avertissement à ces deux Etats démontre la parfaite convergence d'intérêts entre la Maison Blanche et la bourgeoisie israélienne. D'ailleurs, les Etats-Unis au sein de l'ONU n'ont cessé de freiner et de saboter pendant plusieurs semaines les accords de cessez-le-feu pour permettre à l'armée israélienne d'enfoncer plus loin ses bases opérationnelles en territoire libanais, jusqu'au fameux fleuve Litani.
A part le fait qu'il n'est nullement question pour l'Etat hébreu de s'installer durablement au Sud-Liban, les méthodes et les problèmes auxquels sont confrontés les Etats-Unis et l'Etat d'Israël au Proche et au Moyen-Orient participent d'une même dynamique : mêmes contraintes de fuite en avant dans les aventures militaires pour préserver leurs intérêts impérialistes et leur statut de gendarme, même bourbier dans lequel ils ne peuvent que s'enliser toujours davantage, même incapacité à contrôler une situation de chaos grandissant que provoque leur intervention comme autant de boîtes de Pandore qui leur sautent au visage.
Civils et militaires au sein de la bourgeoisie israélienne se renvoient la responsabilité d'une guerre mal préparée. Israël fait l'expérience amère que l'on ne combat pas une milice disséminée dans la population comme on combat une armée officielle d'un Etat constitué 1 [9]. Le Hezbollah comme le Hamas n'était au départ qu'une de ces innombrables milices islamiques qui se sont constituées contre l'Etat d'Israël. Elle a surgi lors de l'offensive israélienne au Sud-Liban en 1982. Grâce à sa composante chiite, elle a prospéré en bénéficiant du copieux soutien financier du régime des ayatollahs et des mollahs iraniens. La Syrie l'a également utilisée en lui apportant un important soutien logistique qui lui servait de base arrière lorsqu'elle a été contrainte en 2005 de se retirer du Liban. Cette bande de tueurs sanguinaires a su en même temps tisser patiemment un puissant réseau de sergents-recruteurs à travers la couverture d'une aide médicale, sanitaire et sociale, alimentée par de généreux fonds tirés de la manne pétrolière de l'Etat iranien. Aujourd'hui, elle se permet de payer les réparations des maisons détruites ou endommagées par les bombes et les roquettes pour lui permettre d'enrôler dans ses rangs la population civile. On a notamment pu voir dans des reportages que cette "armée de l'ombre" était composée de nombreux gamins entre 10 et 15 ans servant de chair à canon dans ces sanglants règlements de compte.
La Syrie et l'Iran forment momentanément le bloc le plus homogène autour du Hamas ou du Hezbollah. En particulier, l'Iran affiche clairement ses ambitions de devenir la principale puissance impérialiste de la région. La détention de l'arme atomique lui assurerait en effet ce rôle. Depuis des mois, le gouvernement iranien ne cesse en effet de narguer les Etats-Unis en poursuivant son programme nucléaire. C'est pourquoi l'Iran multiplie les provocations arrogantes et affiche ses intentions belliqueuses, déclarant même son intention de raser l'Etat israélien.
Le comble du cynisme et de l'hypocrisie est atteint par l'ONU qui, pendant un mois qu'a duré la guerre au Liban, n'a cessé de proclamer sa "volonté de paix" tout en affichant son "impuissance" 2 [10]. C'est un odieux mensonge. Ce "repaire de brigands" est le marigot où s'ébattent les plus monstrueux crocodiles de la planète. Les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité sont les plus grands Etats prédateurs de la planète. Les Etats-Unis dont l'hégémonie repose sur l'armada militaire la plus puissante du monde et dont les forfaits guerriers depuis la proclamation en 1990 "d'une ère de paix et de prospérité" par Bush Senior (les deux guerres du Golfe, l'intervention dans les Balkans, l'occupation de l'Irak, la guerre en Afghanistan …) parlent d'eux mêmes.
La Grande-Bretagne a accompagné jusqu'ici les principales expéditions punitives des Etats-Unis pour la défense de ses propres intérêts. Elle entend reconquérir ainsi la zone d'influence dont elle disposait à travers son ancien protectorat dans cette région (Iran et Irak, notamment). Elle entend maintenir sa présence dans la région, coûte que coûte, en espérant en empocher les dividendes dans les années à venir.
La Russie, responsable des pires atrocités lors de ses deux guerres en Tchétchénie, ayant mal digéré l'implosion de l'URSS et ruminant son désir de revanche, affiche aujourd'hui des prétentions impérialistes nouvelles en profitant de la position de faiblesse des Etats-Unis. C'est pour cela qu'elle joue la carte du soutien à l'Iran et plus discrètement celle du Hezbollah.
La Chine, profitant de son influence économique grandissante, rêve d'accéder à de nouvelles zones d'influence hors de l'Asie du Sud-Est, et l'Iran à qui elle fait les yeux doux fait également partie des Etats sur lesquels elle mise pour parvenir à ses fins. Chacune de leur côté, ces deux puissances n'ont cessé de chercher à saboter les résolutions de l'ONU dont elles étaient parties prenantes.
Quant à la France, le sang qu'elle a sur les mains n'est pas moins sale que les autres. Elle a non seulement participé pleinement aux massacres de la première guerre du Golfe en 1991, mais la carte pro-serbe qu'elle jouait dans les Balkans l'ont poussé à laisser froidement massacrer au sein des forces de l'ONU les populations bosniaques dans l'enclave de Srebrenica en 1993, à participer activement à la traque des talibans en Afghanistan (la mort de 2 soldats au sein des "force spéciales" de la COS vient de remettre en pleine lumière cette activité jusqu'ici fort discrète) 3 [11].
Mais c'est surtout en Afrique que l'impérialisme français s'est illustré dans de sinistres besognes. C'est la France qui a provoqué les massacres inter-ethniques au Rwanda en encourageant la liquidation avec les méthodes les plus barbares des Tutsis par les Hutus, pour la défense de ses sordides intérêts impérialistes sur le sol africain.
La bourgeoisie française a gardé la nostalgie d'une époque où elle se partageait les zones d'influence au Moyen-Orient avec la Grande-Bretagne. Après la remise en cause contrainte et forcée de son alliance avec Saddam Hussein lors de la première guerre du Golfe en 1991 puis l'assassinant de son "protégé" Massoud en Afghanistan, ses espoirs de reconquête se concentrent précisément sur le Liban. Elle en avait été brutalement chassée lors de la première guerre du Liban en 1982/83 par l'offensive de la Syrie contre le gouvernement libano-chrétien puis par l'intervention israélienne commandée par le "boucher" Sharon et téléguidée par l'Oncle Sam contraignant la Syrie jusque là dans le camp de l'ex-URSS à quitter le Liban et à se rallier au camp occidental. Elle n'a pas pardonné à la Syrie l'assassinat en février 2005 (attribué à Bachar al-Assad) de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, grand "ami" de Chirac et de la France. C'est pourquoi, malgré son désir de ménager l'Iran (qualifié de "grand pays" et prêchant la négociation avec lui), elle s'est ralliée au plan américain sur le Liban, autour de la fameuse résolution 1201 de l'ONU, concoctant même le plan de redéploiement de la FINUL. En dépit des réticences de l'état-major qui a protesté que les opérations militaires de la France à l'étranger se trouveraient désormais "à flux tendu" (près de 15 000 hommes engagés sur différents et multiples fronts : Côte d'Ivoire avec l'opération Licorne, le Tchad, la RD du Congo, Djibouti, le Darfour, le Kosovo, la Macédoine, l'Afghanistan), le gouvernement français a franchi le Rubicon. Il a accepté de porter son engagement au Sud-Liban de 400 à 2 000 soldats au sein de la FINUL, moyennant certaines garanties : notamment la poursuite de son mandat de commandement général sur le déploiement des 15 000 hommes prévus jusqu'en février 2007, le recours à la force en cas d'agression. En effet, le souvenir de l'attentat contre l'immeuble Drakkar abritant le contingent français à Beyrouth en octobre 1983, qui s'était soldé par la perte de 58 parachutistes au cours d'une attaque de terroristes chiites, reste cuisant et a déterminé le départ de la France du Liban. Cependant, les hésitations de la bourgeoisie française de passer du terrain diplomatique au terrain plus militaire n'ont pas disparues. La mission essentielle de la FINUL est de soutenir une très faible armée libanaise à peine reconstituée -15 000 hommes seulement- chargée de désarmer le Hezbollah. Cette mission s'annonce d'autant plus périlleuse que deux membres du Hezbolllah sont au sein du gouvernement libanais, que le Hezbollah lui-même auréolé du prestige d'avoir à lui seul fait échec à la puissante armée de Tsahal ne s'est jamais senti aussi fort et plein d'assurance (il a démontré sa capacité de lancer des roquettes et de menacer les villes du Nord d'Israël jusqu'à la signature du cessez-le-feu) et surtout que l'armée libanaise est déjà largement infiltrée par lui. D'autres puissances sont également en lice comme l'Italie qui, en échange du plus gros contingent des forces de l'ONU, se verra confier après février 2006 le commandement suprême de la FINUL au Liban. Ainsi, quelques mois à peine après le retrait de ses troupes d'Irak, Prodi après avoir âprement critiqué l'engagement de l'équipe Berlusconi en Irak, ressert le même rata au Liban, confirmant les ambitions de l'Italie d'avoir son couvert sur la table des grands, au risque d'y laisser de nouvelles plumes.
L'échec patent d'Israël et des Etats-Unis représente un nouveau pas important dans l'affaiblissement de l'hégémonie américaine. Mais loin d'être un facteur d'atténuation des tensions guerrières, il ne fait qu'accroître celles-ci. Il constitue un encouragement pour décupler les prétentions impérialistes de tous les autres Etats. Il n'annonce aucune autre perspective qu'une déstabilisation et un chaos croissants.
Le Moyen et le Proche-Orient offrent aujourd'hui un concentré du caractère irrationnel de la guerre où chaque impérialisme s'engouffre de plus en plus pour défendre ses propres intérêts au prix d'une extension toujours plus large et plus sanglante des conflits, impliquant des Etats de plus en plus nombreux. La Syrie et l'Iran sont désormais sur le pied de guerre. En retour, cette situation pousse les Etats-Unis et Israël à organiser une riposte encore plus terrible et meurtrière. Le ministre de la défense israélien a ainsi clairement laissé entendre que le cessez-le-feu n'était qu'une trêve pour redisposer ses forces afin de préparer un deuxième assaut où il promet de liquider définitivement le Hezbollah.
L'extension des zones d'affrontements sanglants dans le monde est une manifestation du caractère inéluctable de la barbarie guerrière du capitalisme. La guerre et le militarisme sont bel et bien devenus le mode de vie permanent du capitalisme décadent en pleine décomposition. C'est une des caractéristiques essentielles de l'impasse tragique d'un système qui n'a rien d'autre à offrir à l'humanité que de semer la misère et la mort.
Des protestations grandissantes contre la guerre apparaissent. L'an dernier, de grandes manifestations s'étaient déroulées à Tel-Aviv et à Haïfa pour protester contre la hausse du coût de la vie. Elles accusaient le gouvernement pour sa politique d'augmentation démesurée des budgets militaires au détriment des budgets sociaux et de provoquer également une hausse exorbitante de l'inflation. L'échec de la guerre aujourd'hui ne peut que favoriser l'expression grandissante du mécontentement social.
Dans les territoires palestiniens, la colère des fonctionnaires non payés depuis plusieurs mois (avec le gel des crédits de l'Union Européenne depuis l'élection du Hamas) s'exprime aussi de plus en plus.
Cependant, des millions de personnes parmi les prolétaires et la population civile qu'elle soit d'origine juive, palestinienne, chiite, sunnite, druze, kurde, maronite chrétienne ou autre, sont prises en otages et subissent une terreur quotidienne.
Quelle solidarité avec les populations victimes de l'horreur guerrière ? La bourgeoisie proclame à l'instar de l'hebdo Marianne du 12 août qu'il faut revendiquer que "nous sommes tous sionistes, nationalistes palestiniens et patriotes libanais" . Au contraire, les révolutionnaires doivent clamer haut et fort le cri de ralliement du prolétariat : "Les prolétaires n'ont pas de patrie". La classe ouvrière n'a aucun intérêt national ni aucun camp à défendre. Ces intérêts nationaux sont toujours ceux de la bourgeoisie qui l'exploite. S'opposer à la guerre, c'est s'opposer à tous les camps capitalistes. Seul le renversement du capitalisme pourra mettre un terme au déchaînement de la barbarie guerrière. La seule solidarité véritable au sein du prolétariat envers ses frères de classe exposés aux pires massacres, c'est de se mobiliser sur son terrain de classe contre ses propres exploiteurs. C'est de se battre et de développer ses luttes sur le terrain social contre sa propre bourgeoisie nationale. Comme elle l'a fait dans les grèves qui ont paralysé l'aéroport de Londres à Heathrow et les transports à New York en 2005, comme les travailleurs de l'usine Seat à Barcelone en début d'année, comme la mobilisation des futurs prolétaires contre le CPE en France ou les ouvriers de la métallurgie à Vigo en Espagne. Ces luttes qui témoignent d'une reprise des combats de classe à l'échelle internationale constituent la seule lueur d’espoir d'un futur différent, d'une alternative pour l'humanité à la barbarie capitaliste.
Wim (28 août)
1 [12] Les critiques qui se sont multipliées sur la manière dont la guerre a été menée et son impréparation affectent même le haut état-major militaire israélien. Un journaliste pouvait ainsi déclarer que l'armée que l'on surnomme partout "la grande muette" était devenue "la grande bavarde".
2 [13] Ce cynisme et cette hypocrisie se sont pleinement révélés sur le terrain, à travers un épisode des derniers jours de la guerre : un convoi composé d'une partie de la population d'un village libanais, avec nombre de femmes et d'enfants tentant de fuir la zone de combats est tombé en panne et a été pris sous la mitraille de Tsahal. Les membres du convoi ont alors cherché refuge auprès d'un camp de l'ONU tout proche. On leur a répondu qu'il était impossible de les abriter, qu'ils n'avaient aucun mandat pour cela. La plupart (58 d'entre eux) sont morts sous la mitraille de l'armée israélienne et sous les yeux passifs des forces de la FINUL (selon le témoignage au journal télévisé d'une mère de famille rescapée).
3 [14] L'insistance inaccoutumée des médias sur cet épisode qui survient "opportunément" vise avant tout à habituer la population à accepter l'idée qu'il y ait d'autres morts de soldats et de nombreuses futures victimes au cours des opérations militaires auxquelles vont participer les forces françaises au Sud-Liban au sein de la FINUL.
Quelle rentrée ! "Le chômage baisse", "le pouvoir d’achat augmente" et "demain sera encore meilleur" ! En fait, à en croire les déclarations ministérielles successives ou les gros titres des quotidiens, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout ceci n’est évidemment que mensonges. La réalité, c’est la dégradation des conditions de vie, la flexibilité du travail, le gel des salaires et l’augmentation des cadences. La réalité, c’est le développement de la misère et la réapparition des bidonvilles comme, par exemple, en bordure du périphérique parisien.
La rentrée, c’est aussi une nouvelle vague de hausses des prix (loyers, gaz, électricité, essence, impôts, transports publics, baguette de pain...) qui viennent amputer davantage le pouvoir d’achat des prolétaires alors qu’on veut nous faire croire que ce dernier augmente.
Fin août, le ministre de l’emploi, Jean-Louis Borloo, a annoncé que le taux de chômage passait sous la barre des 9%, déclarant même triomphalement "Nous sommes dans un cercle vertueux, celui de la confiance". Ce petit soldat de l’Etat peut effectivement être fier de lui. S’il y a moins de chômeurs, c’est parce que les radiations se multiplient ou que les petits boulots de 2 à 3 heures par-ci par-là se généralisent. Non seulement le chômage réel ne baisse pas, mais il augmente de façon dramatique. La classe ouvrière en France subit une avalanche d'attaques, avec, au centre, des milliers de suppressions de postes et de licenciements. Dans les petites unités industrielles comme dans les grandes entreprises, les ouvriers et les employés sont jetés à la rue par paquets. A Arcelor, par exemple, depuis la fusion avec Mittal, c’est l’emploi de milliers de travailleurs qui est directement menacé. Et cet Etat qui aujourd’hui veut nous faire croire que tout va bien, qu’il nous protège et s’occupe de nous, annonçait il y a à peine deux mois la suppression de 15 000 postes chez les fonctionnaires dont principalement 8700 dans le secteur de l’enseignement et 3000 au ministère des Finances. Mais ce n’est pas tout. D’autres entreprises du secteur public sont aussi dans le collimateur : dans les hôpitaux, les effectifs sont revus à la baisse, la fusion de Gaz de France avec Suez menace près de 6000 emplois, sans parler de la SNCF ou encore la Sécurité Sociale, et notamment sa branche « prise en charge maladie », où 4500 postes vont être supprimés sur 80 000 agents. Dans le secteur de la recherche, le gouvernement va réduire de 3000 à 1500 le nombre d’emplois créés.
A la vue de cette effroyable liste, on comprend mieux pourquoi les journaux et le gouvernement déploient autant d’énergie et d’inventivité à fabriquer de fausses bonnes nouvelles. Le but est de créer un rideau de fumée, de masquer la réalité des attaques quotidiennes par l’effet de grandiloquentes déclarations. Car toutes ces mesures anti-ouvrières, toutes ces hausses du coût de la vie, tous ces licenciements et suppressions de postes ne peuvent que nourrir la combativité et la réflexion de la classe ouvrière. Ainsi, ce n’est pas un hasard si le ministre de l’éducation Gilles de Robien se montre à tous les journaux télévisés pour affirmer que la rentrée scolaire va être "tout à fait satisfaisante". Les 8700 postes supprimés vont avoir un impact direct et immédiat sur les conditions de travail. Enseignants, surveillants ou ATOSS, tous vont être confrontés à des classes surchargées sans les moyens matériels et humains d’y faire face. Signe de la colère qui gronde dans ce secteur, les syndicats commencent d’ailleurs d’ores et déjà à préparer le dévoiement et l’encadrement des luttes appelant le 6 septembre à des journées d’action locales puis le 28 septembre à la grève nationale sur le thème pourri de la défense des missions et de la qualité du service public.
Ces coupes budgétaires et ces réductions drastiques d’effectifs tordent justement le cou à ce mensonge répugnant répandu par l’idéologie bourgeoise qui consiste à faire croire aux prolétaires que le service public est un secteur à part. Au nom de cette particularité, les fonctionnaires sont toujours appelés à défendre leur statut et la nature soi-disant citoyenne de leur mission tandis qu’aux yeux des autres ouvriers des boîtes privées ces mêmes fonctionnaires sont dénoncés comme des privilégiés se tournant les pouces et dont l’emploi est garanti à vie. L’ensemble de ces mesures anti-ouvrières prises par l’Etat contre ceux qu’il embauche directement viennent en effet rappeler une nouvelle fois qu’il n’existe pas de secteur ‘privilégié’ ou à part. Les entreprises du public comme celles du privé subissent les lois du capitalisme, exploitent et dégraissent. Cette propagande vise à diviser les ouvriers, à les dresser les uns contres les autres et à leur faire perdre de vue l’ennemi de classe, la bourgeoisie et son Etat, à l’heure où l’ampleur des attaques nécessitent une réponse de l’ensemble de la classe ouvrière.
Alors que l’ensemble de la classe ouvrière subit de violentes attaques, les syndicats, les partis de gauche et leurs appendices gauchistes ne cessent de nous ressortir le mot d’ordre anti-libéral de "lutte contre les privatisations ou, dit autrement, de "défense du secteur public", avec sa pointe obligée de nostalgie sur les "bienfaits" des nationalisations pour le bien-être social de la classe ouvrière, et leurs couplets sur "la défense des acquis sociaux", si chèrement acquis selon eux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais la réalité historique vient démentir tout ce bel échafaudage de mensonges idéologiques.
Si l’Etat, à partir du 20e siècle, prend en charge de plus en plus directement des secteurs toujours plus vastes de l’économie et de la société, ce n’est certainement pas pour "neutraliser les méchants patrons exploiteurs" ou défendre un quelconque principe de "justice sociale", mais bel et bien pour faire face à la faillite historique du mode de production capitaliste, sa crise économique inextricable et ses irrésistibles tensions guerrières, en organisant le plus efficacement possible la défense des intérêts du capital national. Les nationalisations n’ont donc en rien permis d’améliorer les conditions d’existence des ouvriers, elles ont au contraire impliqué une intensification de l’exploitation.
En 1929, le capitalisme connaît une des plus graves crises de son histoire. Partie des Etats-Unis, elle va se développer dans l’ensemble du monde industriel. L’effondrement de la Bourse américaine atteindra l’Europe au début des années 1930. En France, jusqu’à la veille de l’avènement du Front Populaire, la production industrielle chute, les faillites se multiplient, le secteur bancaire est en déroute. A cette époque, Roosevelt lance son fameux "New Deal", l’intervention massive de l’Etat dans le domaine économique, exemple repris dans de nombreux pays européens et notamment en France sous le gouvernement du Front Populaire. Dans le secteur bancaire, l’Etat prend la direction de la Banque de France, nationalise les usines d’armement et prend sous sa coupe le secteur des transports, en particulier : les chemins de fer avec la création de la SNCF alors que les compagnies privées étaient déclarées en faillite. C’est également le cas des transports maritimes qui passent sous le contrôle de la Compagnie Générale Transatlantique assurant les liaisons avec l’Amérique et aussi des transports aériens avec la mise sous tutelle étatique de la compagnie Air France créée en 1933. D’ailleurs, le choix de nationaliser ces secteurs vitaux pour la conduite d’une guerre mondiale qui s’approche à grands pas n’est pas le fruit du hasard. C’est aussi pourquoi la guerre et le gouvernement de Vichy n’ont en rien remis en cause les nationalisations du Front populaire. Au contraire, les Houillères ont été, par exemple, nationalisées fin décembre 1943. L’Etat sous Pétain comme au lendemain de la guerre va renforcer son contrôle en nationalisant les chaînes de radio, puis la télévision. Il crée l’Agence France-Presse pour la diffusion des informations. Après la guerre, la France est un pays ruiné. La reconstruction de l’économie nationale s’impose et là encore le rôle de l’Etat est incontournable. Dès 1945, l’Etat français, va reprendre à un rythme accéléré les nationalisations (qui sont aussi mises en place dans d’autres pays européens, notamment la Grande-Bretagne) : regroupement de plusieurs sociétés de constructions de moteurs d’avion en une seule entreprise, la SNECMA ; création d’une industrie aéronautique, la SNIAS ; prise de contrôle de Renault, de la Banque de France et des quatre principales banques françaises, des compagnies d’assurances et de crédits, et surtout de l’énergie : le charbon, le gaz, l’électricité (création d’EDF et GDF) ; il lance un programme d’énergie nucléaire (le CEA). Fin 1946, l’Etat a entre ses mains le contrôle de la totalité de l’infrastructure économique afin de remettre sur pieds le capital national. La reconstruction a un coût : l’Etat emprunte plus de 400 millions de francs à la Banque de France, les Etats-Unis débloquent plusieurs milliards de dollars à travers le Plan Marshall pour s’assurer de la fidélité de la France au bloc occidental dans le cadre du repartage du monde après les accords de Yalta.
Contrairement aux discours idéologiques qui présentent les nationalisations et la création du Service public censé "assurer à tous l’égalité d’accès à des biens communs jugés indispensables" (dixit le groupe ATTAC) comme un progrès pour les travailleurs, là aussi la réalité historique parle d’elle-même. Jamais la situation de la classe ouvrière n’a été aussi dramatique sous le Front Populaire et surtout aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale où de manière unanime l’ensemble des forces politiques et syndicales de la bourgeoisie, dans un concert d’union nationale, ont exhorté le prolétariat à "retrousser ses manches", le parti stalinien et son appendice cégétiste en tête (déjà sous Pétain, le ministre du travail, Belin, était un des principaux dirigeants de la CGT). Cet "Etat Social" n’a d’ailleurs jamais hésité lorsque la classe ouvrière se révoltait contre l’accroissement de son exploitation à envoyer la police et l’armée réprimer dans le sang les grèves dans les arsenaux, dans les Houillères ou à réquisitionner les ouvriers d’EDF-GDF (ainsi c’est un ministre de la SFIO, ancêtre du PS, Jules Moch qui a créé les Compagnies Républicaines de Sécurité). La répression n’était pas la seule réponse de la bourgeoisie, tout un arsenal d’encadrement était mis en place : sur le plan idéologique avec la mise en place des Comités d’Entreprise et des délégués du personnel, instruments que se donnait la bourgeoisie pour enchaîner le prolétariat aux impératifs économiques capitalistes.
Une réalité s’impose de plus en plus aux travailleurs : ce n’est pas le patronat privé qui dirige le capitalisme, mais c’est l’Etat lui même qui contrôle et fait appliquer les mesures économiques et sociales dictées par l’intérêt du capital national dans sa concurrence avec les autres Etats sur le marché mondial, y compris à travers les privatisations qu’il décide. Depuis la fin des années 1960, la crise a ressurgi. L’Etat, de plus en plus endetté, doit se décharger du poids trop grand du financement des entreprises pour l’économie nationale. Aussi, dès les années 1980, gauche et droite privatisent à grande échelle. Les caisses de l’Etat sont renflouées pour payer les dettes, les patrons adaptent les entreprises à l’âpreté de la concurrence internationale en licenciant, en fermant les usines moins rentables. Ce processus de privatisation touche aujourd’hui des secteurs très sensibles comme la SNCF, EDF et GDF ou encore les Télécommunications, secteurs où l’Etat garde une part importante des actions, même s’il n’est plus majoritaire, pour continuer à y exercer un contrôle. Contrairement à nombre de discours de gauche et d’extrême gauche, aucune entreprise ne peut échapper à la course au profit, qu’elle soit du domaine public ou du secteur privé. A la SNCF par exemple, la direction vient d’annoncer un redressement spectaculaire de l’entreprise en enregistrant un bénéfice de 417 millions d’euros pour l’année 2005. Comment ce résultat a été obtenu ? Essentiellement par un gain de productivité, et ce par la réduction des effectifs (3590 postes supprimés en un an) et par le gel des salaires. Autrement dit, par une exploitation accrue de la classe ouvrière. C’est toujours avec le même objectif, rentabiliser l’entreprise pour l’adapter à la concurrence afin qu’elle puisse dégager des bénéfices, que l’Etat envisage la fusion de GDF avec une société privée, Suez. La "garantie de l’emploi" pour le service public devient un moyen de chantage pour que les ouvriers acceptent des blocages de salaires, des suppressions de postes, un renforcement de leur exploitation. Au moment des privatisations, il décide, avec le concours des syndicats, du nombre de licenciements et fait porter le chapeau aux entrepreneurs privés. Il est encore plus féroce avec ses employés : le recours aux différents contrats précaires (CDD, CES, CEP, CAE…) est systématique et reconductible, alors que dans le privé ils ne peuvent être renouvelés qu’une fois ; de plus, tout est calculé pour que certains contrats n’ouvrent pas droit au chômage ; les nouveaux embauchés, effectuent le même travail que leurs collègues tout en ayant un tiers du salaire en moins comme par exemple à La Poste, avec moins de protection sociale et moins de droit à la retraite. Et ce ne sont là que quelques exemples. Voilà comment l’Etat "garantit" l’emploi. En fait, il s’agit d’une véritable politique de précarisation, de licenciements et de surexploitation.
Les nationalisations, le rôle protecteur de l’Etat nous sont présentés comme progressistes pour les travailleurs et pour l’ensemble de la population alors qu’il s’agit d’une réaction de l’Etat capitaliste face à la faillite de son système. Aujourd’hui, les privatisations nous sont présentées comme une régression où l’Etat abandonnerait son rôle aux profits du patronat et de spéculateurs avides de profits. De fait, tous ces discours sont un piège car ils cachent, aux yeux de la classe ouvrière, la faillite du système capitaliste et l’enchaînement de la classe ouvrière derrière son principal ennemi : l’Etat. Les suppressions massives de postes de fonctionnaires viennent rappeler une nouvelle fois à l’ensemble de la classe ouvrière qu’il faut se battre tous unis !
André (31 août)
Les lois anti-immigrés de Sarkozy sont simples à saisir comme la consigne du ministre de l’Intérieur à ses préfets en février dernier, “ il faut accroître le nombre de reconduites à la frontière ”.
La chasse aux travailleurs clandestins et à leurs familles se fait donc plus impitoyable et l’été 2006 en porte déjà les premiers stigmates. Ainsi, le mois de juillet, avec la fin de l’année scolaire, s’est ouvert sur l’expulsion de lycéens sans papiers tandis que le mois d’août se termine avec l’évacuation de 500 squatters, d’origine africaine, du bâtiment F de la cité universitaire de Cachan (Val-de-Marne) dont la moitié se trouve être en situation irrégulière. Les 900 policiers mobilisés à cette occasion ont réalisé un véritable tri sélectif pour attraper dans leurs filets 66 clandestins immédiatement escortés vers les centres de rétention de la région parisienne.
Bien évidemment, devant ce sinistre spectacle, la gauche associative, syndicale et politique s’est dressée comme un seul homme et d’une seule voix a crié toute son indignation contre cette “ honteuse politique ”. Mieux…n’écoutant que leur “ bon cœur ” et leur “ courage ”, plusieurs militants et élus dont le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, et le président PCF du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier, ont (d’après le récit du journal Libération) “ tenté de s’interposer entre les forces de l’ordre et les familles ” lors de l’évacuation du campement de fortune que 200 ex-squatters avaient installé sur le trottoir.
Le show humaniste et médiatique de la gauche “ sociale ”, ayant revêtu pour l’heure ses habits de “ défenseur farouche ” des immigrés sans-papiers, nous offre surtout le spectacle grandiose de son hypocrisie. Ces gens-là semblent vraiment croire que notre mémoire ne vaut guère mieux que celle d’un poisson rouge ! Et pourtant on se souvient parfaitement qu’il y a dix ans, la gauche plurielle (PS, PC, Verts) promettait la suppression des lois Pasqua/Debré suscitant ainsi l’espoir chez beaucoup de clandestins et le dépôt de nombreuses demandes de régularisation. Seulement, une fois au gouvernement, Jospin, selon ses termes de l’époque, “ n’a pas choisi de donner des papiers à tous ” et 100 000 dossiers ont été refusés, soit autant de clandestins fichés par les services de police. Le piège est facile et la gauche en use à merveille.
Aujourd’hui, Besancenot peut bien railler “ une gauche gênée aux entournures ”, il n’empêche que la “ gauche de la gauche ” dont il se revendique fait exactement la même chose en se servant de son image de “ protecteur ” des clandestins et de son capital confiance auprès d’eux pour les faire sortir du bois d’où ils se cachent.
Les lois Sarkozy dites “ d’immigration choisie ” portent bien leur nom. Il s’agit pour la bourgeoisie de faire venir d’autres pays des ouvriers de tel ou tel secteur selon les besoins de l’économie et de les renvoyer “ chez eux ” une fois le travail accompli tout en les maintenant dans un “ statut ” de clandestin qui les oblige à accepter les pires conditions d’exploitation. Evidemment, tout cela implique un système de fichage policier digne du Big Brother de Georges Orwell. C’est pourquoi, depuis la fin du mois d’août, un nouveau fichier nommé ELOI est chargé de recenser les “ étrangers en situation irrégulière en voie d’expulsion ” avec leur nationalité, photographie, situation professionnelle, indications sur la “ nécessité d’une surveillance particulière au regard de l’ordre public ”, etc…
Mais comment les services de police peuvent-ils obtenir une telle quantité d’informations et de documents sur des individus par définition condamnés à la discrétion ? Trop simple…il suffit de demander !
Ainsi, la circulaire ministérielle du 13 juin, ouvrant jusqu’au 13 août la possibilité pour les sans-papiers ayant des enfants scolarisés de déposer une demande de régularisation, a permis à notre gauche “ bienfaitrice ” d’inciter un maximum de familles, fort naturellement rétives à toute mise en relation avec les services de police, à constituer un dossier en bonne et due forme !
L’association Réseau Education Sans Frontière (Resf), dont les membres ne sont autres qu’ATTAC, DAL, MRAP, CNT, FSU, SUD, CGT, Alternative Libertaire, LCR, PC, Verts…, a finalement permis le dépôt en préfecture de 30 000 dossiers familiaux dont 24 000 ont été refusés au titre de la régularisation mais fort bien acceptés pour nourrir le bon ELOI…Belle récolte !
Le médiateur officiel du ministère de l’Intérieur, Arno Klarsfeld, l’a d’ailleurs exposé sans fard le 21 août sur France2 : “ Les associations, comme Resf, ont une responsabilité vis-à-vis des familles qu’elles ont poussées à se déclarer à la préfecture alors qu’elles savaient qu’elles étaient hors champs de la circulaire. Alors, ces gens qui n’étaient pas repérés par les services de police, maintenant ils vont avoir un arrêté de reconduite à la frontière. ” Voilà qui est clair…trop clair au goût de la presse gauchiste qui s’est abattue à bras raccourcis sur l’avocat parisien. En effet, M. Klarsfeld est un novice en politique, bien maladroit il n’a pas encore retenu la vieille leçon social-démocrate : “ ces choses là se font mais ne se disent pas ! ”
C’est donc avec la plus infecte hypocrisie que les associations de gauche, les syndicats et les trotskistes se sont servis de la détresse des clandestins en leur faisant miroiter le sésame de la régularisation pour les conduire tout droit vers les guichets des préfectures.
Sarkozy, “ ministre des expulsions ” a trouvé dans cette gauche “ sociale ” et “ humaine ” les plus fidèles adjoints de sa politique anti-ouvrière.
Azel (31 août)
Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice travaillant dans le secteur de l'Education nationale. Ce témoignage parle de lui-même et vient clairement illustrer les conséquences de l'aggravation des attaques portées par l'Etat à la tête de toute la bourgeoisie, à savoir la détérioration accélérée des conditions de travail des prolétaires, en particulier au sein de la fonction publique.
Vendredi 1er septembre 2006. Enième rentrée. Enième réunion. Enièmes problèmes. Chaque année, on en bave, chaque année, on conclut en se disant : « C’est de pire en pire ». Chaque rentrée, on est bêtement reposé et on a oublié… enfin, vaguement. Parce que c’est réellement de pire en pire. Parce qu’on en bave de plus en plus. Parce qu’il n’y a plus de solutions mais uniquement des problèmes, anciens et nouveaux. Parce que derrière le vieux rêve enchanteur d’enseigner, il n’y a plus que d’affreux nuages noirs, et que tous les mensonges sur une éducation pour tous ne peuvent plus être avalés.
On nous crée gentiment 1000 postes d’enseignants relais, pour aider les 250 établissements les plus en difficulté… Oui ! Mais on ne crée aucun poste au concours pour cela. Alors d’où viennent-ils ces profs ? Comment se les est-on procurés ? Tout simplement en piochant ailleurs, en dégarnissant d’autres établissements.
On supprime 8500 postes Education Nationale, pour éliminer les ‘surplus payés à ne rien faire’, à en croire les déclarations du gouvernement. Et on oublie pour cela de remplacer les départs à la retraite. Ah bon ? Les quasi-retraités ne servaient à rien ?
Et surtout, on utilise au maximum toutes les ressources possibles. Environ 80% des TZR (titulaires sur zones de remplacements) qui ont été affectés au 1er septembre dans l’académie de Créteil sont sur 3 établissements ! Et on nous parle de projets pédagogiques et de réussite scolaire ?!?
Pour ma part, je vis tout cela en direct. Je suis en poste dans un petit collège. L’an passé, je faisais même 2 heures supplémentaires. Des classes de 22 à 25 élèves, je m’en sortais plutôt bien par rapport à beaucoup d’autres établissements. Mais pour cette rentrée, il fallait récupérer des postes pour compenser les 8500 supprimés… Alors on nous a supprimé 3 classes, sous prétexte d’une légère baisse d’effectifs. Mais en réalité pour parvenir à ce résultat, il a surtout fallu ‘se tasser’ : 30 élèves par cours ! Certaines salles ne sont même pas adaptées à un tel nombre : en technologie, en physique, il n’y a pas assez de place pour les chaises et les tables, pas assez de matériel pour les expériences.
Le résultat voulu a été obtenu : un départ à la retraite non remplacé et des professeurs nomades faisant de 4 à 10 heures dans un autre établissement.
J’appartiens à cette seconde catégorie et je vais faire une bonne partie de mes heures ailleurs. Il n’a pas été question de profiter de ce sous-service pour que je m’occupe des élèves les plus en difficulté de façon libre et adaptée… certainement pas ! J’ai été affectée dans un des établissements le plus dur du coin (classé ZEP, violence, sensible). Pour moi, cela veut dire des trajets supplémentaires non remboursés (puisque je travaille parfois sur les 2 établissements dans la même journée), le double de réunions et le double de boulot. Pour les gamins et les familles, cela signifie une "prof" moins disponible. Pour cet établissement, cela signifie qu’il n’y a pas besoin de créer un poste pour ces 10 heures.
Ma rentrée est dure et amère.
Des parents d’élèves ont été horrifiés lorsqu’ils ont appris que les classes allaient être autant surchargées, et ils ont raison. Nous ne pouvons pas nous occuper correctement de leurs enfants. Nous n’en avons plus les moyens au sein des établissements scolaires. Comment une institutrice peut-elle apprendre à lire et à écrire à une classe de 30 bambins de cours primaire ? La réponse est simple : elle ne peut pas.
Certains enseignants sont découragés et, à à peine 40 ans, pensent déjà à un autre travail... Encore faut-il trouver !
Crèches, écoles primaires, ou secondaires, facultés, hôpitaux,… partout j’entends le même refrain : "on manque de moyens", "il n’y a pas assez de personnels" ; et partout on supprime des postes en fermant les accès aux concours, on restreint les budgets, on crée des emplois précaires.
Voilà la réalité de la rentrée 2006 !
Florence
L’hiver dernier, l’organisation non gouvernementale Médecins du Monde (MDM) distribuait 300 tentes aux Sans Domicile Fixe (SDF) parisiens afin de rendre leurs conditions de vie plus "humaines" et rendre "la misère plus visible" afin de pousser les pouvoirs publics à "prendre des mesures en leur faveur". Depuis, Paris a vu apparaître ici et là des mini-campements dans les rues, le long des berges de la Seine et même sur les bords du périphérique, au beau milieu de la pollution automobile. Jusqu’à cet été, hormis quelques groupements de riverains hostiles à leur présence dans certains quartiers, on ne peut pas dire que l’effet escompté par MDM de voir une "mobilisation de l’opinion publique" et des "pouvoirs publics" ait été une réussite. Mais, période estivale oblige, le tourisme et les "opérations" du style "Paris-Plage" ont été le moteur d’une "prise de conscience" de ces "écolos" et "humanistes" réputés que sont le maire socialiste de Paris et le gouvernement de Villepin. Aussi, Delanoë lançait-il une campagne "humaine et ferme" pour déloger les sans-abri vivant sous des tentes et les déplacer sous prétexte de "risques sanitaires liés à la canicule" mais aussi sous l’effet des plaintes grandissantes de riverains. Côté gouvernement, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Catherine Vautrin, nommait une "médiatrice" chargée de "trouver une solution au problème posé par les tentes de SDF". Derrière l’hypocrisie de cette façade "démocratique", le rêve de tout ce beau monde serait à l’évidence de procéder à un "nettoyage au Kärcher" des SDF. D’ailleurs, l’incendie de quatre tentes Gare du Nord le 20 juillet et la disparition de douze tentes et de leurs occupants le 21 suite à une intervention de la police sous le métro Sèvres-Babylone, ont rendu bien service à toute la bourgeoisie.
Dès le 9 août, le ministère annonçait l’ouverture pour "avant la fin de l’hiver prochain" (!) de 1100 places d’hébergement et MDM criait victoire et déclarait que "l’objectif de l’association [était] réalisé", c’est-à-dire la mobilisation de "l’opinion". D’un côté comme de l’autre, c’est se payer de mots.
Sous prétexte de "rendre la misère plus visible", et malgré la réelle bonne volonté des bénévoles associatifs, MDM a en réalité installé un certain nombre de SDF dans une autre misère, mieux cachée derrière des toiles de tente, prétendument "plus digne" mais tout aussi ignoble, elle les a encore mieux enfermés dans cette catégorie honteuse de la population que seraient les sans-abri, les isolant d’autant plus du reste de la population tout en permettant une surveillance, médicale certes, mais surtout policière.
Côté gouvernement, les 1100 places d’hébergement sont une promesse qui ne sera pas tenue, on le sait, et, de même que les 300 tentes distribuées par MDM, constituent de surcroît une véritable fumisterie face à l’ampleur du phénomène.
Une estimation du gouvernement évalue le nombre de SDF à Paris entre 2000 et 5000 personnes, alors qu’ils seraient selon les associations de bénévoles près de 10 000.
Cependant, au-delà des polémiques qui animent le gouvernement, la gauche et les associations "humanitaires" ou "caritatives" et, au-delà de la volonté ou non de porter assistance aux sans-abri, il s’agit d’un problème insoluble dans le cadre du système capitaliste. Parce que c’est justement cette société qui en est à l’origine : c’est le capitalisme qui provoque la crise, le chômage, la misère. La bourgeoisie ne peut à la fois jeter au chômage et à la rue des millions de gens qu’elle ne peut plus entretenir sur le marché du travail et en même temps leur trouver une solution de rechange. Elle n’en a aucune sinon au mieux de leur permettre de survivre et de crever en silence pour perturber le moins possible son image de démocratie moderne et civilisée.
Seuls la révolution prolétarienne internationale et l’avènement du communisme pourront apporter un espoir et une solution à tous les miséreux de la planète comme à toute l’humanité.
Mulan (31 août)
Durant tout l’été, les deux principales organisations trotskistes en France, Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), ont aligné déclaration sur déclaration pour condamner ce qu’ils nomment "la sale guerre d’Israël" 1 [20]. LO, par la voix d’Arlette Laguiller, a décrit l’horreur des populations écrasées sous les bombes de Tsahal : "On ne peut que ressentir un immense sentiment d’indignation devant les images venues du Liban, montrant ces cadavres d’enfants écrasés par des bombes israéliennes dans la cave où ils avaient cru trouver un abri". Et la LCR a organisé des manifestations pour réclamer la fin de la guerre : "Criez stop, arrêtez le massacre […]. Ensemble, faisons-nous entendre pour dire stop à la guerre, stop à l’horreur. Pour qu’enfin le Moyen-Orient connaisse la paix".
Il est évident que ces hécatombes d’hommes, de femmes et d’enfants innocents sont purement insupportables. Pourtant, il ne faut pas s’y tromper, derrière les protestations pour la paix de ces officines trotskistes se cache en fait l’idéologie nationaliste, cette idéologie de la classe dominante qui partout engendre et justifie les guerres.
La énième boucherie impérialiste de cet été est le produit de l’affrontement des bourgeoisies israélienne, palestinienne, libanaise, syrienne et iranienne, chacune soutenue et armée dans l’ombre par les plus grandes puissances de la planète, des Etats-Unis à la France, de la Chine à la Russie 2 [21].
C’est cette réalité de la politique guerrière de tous les Etats qui est niée et dissimulée par LO et la LCR. Car encore une fois, ces organisations ont pris fait et cause pour un camp impérialiste contre un autre, soutenant sans réserve les Etats libanais et palestinien. Pour la LCR par exemple, "Israël a lancé contre le Liban une guerre totale […]. Palestine et Liban sont les deux victimes d’une même logique impériale."
Pour justifier leur soutien à certaines nations, ces organisations nous servent encore et toujours la même rengaine. Liban et Palestine seraient de pauvres petits Etats opprimés par de grands Etats riches et impérialistes. Dans la bouche de LO, cela donne : "Cette guerre est bien une guerre de pays riche contre des populations pauvres." Tout est là ! Par un tour de passe-passe terminologique, la guerre ne se déroule plus entre deux nations capitalistes qui utilisent leur population comme chair à canon, mais entre "pays riches" et "populations pauvres". Lors de chaque conflit, LO et la LCR distinguent ainsi deux camps, celui des nations impérialistes et celui des nations victimes et opprimées. Et c’est au nom de cette théorie que dans les guerres qui ensanglantent la planète depuis plus d’un demi-siècle, ces organisations ont successivement pris parti pour l’Indochine, l’Algérie, le Vietnam, l’Irak, la Serbie, la Tchétchénie… et aujourd’hui, le Liban et la Palestine.
Poussant à la caricature cette logique d’analyse, la LCR ne semble voir sur cette planète qu’une seule nation impérialiste, les Etats-Unis (et son vassal, l’Etat d’Israël). Cette organisation crache en effet à longueur de colonnes sa haine vis-à-vis de la première puissance mondiale. A l’en croire, seuls les Etats-Unis alimenteraient la guerre au Moyen-Orient alors que le tort de l’Etat français et de l’ONU serait de ne pas avoir le courage de se dresser contre l’ogre militaire américain et de ne pas suffisamment œuvrer pour la paix ! La LCR ose même affirmer que "seule la solidarité internationale arrêtera le bain de sang". Comme si une quelconque "solidarité internationale" pouvait exister entre requins capitalistes ! Comme si les Etats français, allemand, italien ou russe pouvaient tous se donner la main dans un élan humaniste et désintéressé et œuvrer collectivement pour la paix au Moyen-Orient ou ailleurs !
Cette politique de soutien à un camp armé a une conséquence directe et concrète, celle de légitimer la haine nationaliste et la barbarie guerrière. En soutenant les Etats libanais et palestinien, Lutte Ouvrière et la Ligue justifient et encouragent l’enrôlement des ouvriers les plus désespérés dans des combats meurtriers où ils n’ont rien à gagner et que la vie à perdre.
La LCR appelle sans vergogne à la résistance, n’hésitant pas à nommer les milices ou les organisations terroristes tel le Hezbollah de "mouvement de résistance libanais". S’acoquinant avec les fractions de la bourgeoisie libanaise spécialiste de l’oppression et de la répression ouvrière, Rouge 3 [22] est même allé jusqu’à ouvrir ses colonnes aux militants du Parti Communiste Libanais (PCL) et à reproduire des déclarations communes desquelles émane une idéologie des plus va-t-en guerre et chauvine : "la résistance libanaise, bien qu’elle soit à caractère confessionnel (avec le Hezbollah notamment) est une résistance entièrement légitime et elle a le soutien politique du Parti Communiste Libanais". Par "soutien politique", il faut bien sûr entendre que ce parti stalinien participe activement à l’embrigadement des ouvriers à cette boucherie nommée "résistance" et qui justifie les tirs de roquettes totalement aveugles sur les populations terrorisées vivant sur le territoire israélien. Rappelons que les actes barbares de ces milices ont fait plus d’une centaine de victimes civiles en l’espace de trois semaines.
Le discours de LO est quant à lui fidèle à sa tradition, c’est-à-dire plus alambiqué, portant de-ci de-là des critiques envers les organisations terroristes, le PCL ou la politique de l’Etat libanais en général. Mais, au final, le résultat est évidemment le même, un soutien à peine voilé aux fractions bourgeoises et va t-en guerre. Ainsi, tout en portant le fer contre le Hezbollah, LO n’oublie pas d’affirmer cependant que "son désarmement par le gouvernement libanais ou les troupes de l’ONU laisserait la population du sud encore plus sans défense face aux attaques d’Israël".
Les discours pour la paix et les larmes sur les morts versées par ces organisations trotskistes, à la lumière de leur politique nationaliste et guerrière, ne peuvent donc que susciter la colère et le dégoût. Pourtant le pire reste encore à venir. Au nom de cette distinction mensongère entre Etats impérialistes et Etats opprimés, entre Etats colonialistes et Etats résistants, Lutte Ouvrière va jusqu’à prôner l’égalité des "droits" à l’armement nucléaire : "Cette question se pose aussi dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, où quelques grandes puissances impérialistes dictent leur loi à tous les peuples des pays sous-développés [la notion de ‘puissance’ d’un côté et de ‘peuples’ de l’autre réapparaît ici soudainement]. Ces peuples ont bien évidemment le droit, s’ils veulent s’émanciper de cette dépendance, d’utiliser tous les moyens militaires qui sont à leur disposition […]. Par exemple, si Cuba, qui fut si longtemps menacé d’une intervention militaire directe par l’impérialisme américain, avait possédé une bombe atomique, et l’avait utilisé contre une flotte d’invasion, qui aurait eu le droit de le lui reprocher, au nom du ‘caractère inhumain’ de l’arme nucléaire… ou des risques de pollution de l’Atlantique ?" 4 [23]. Et cette politique meurtrière et barbare, ce "droit" à la possession et à l’utilisation de cette arme dévastatrice qu’est la bombe nucléaire, LO l’applique aussi à l’Iran ou à la Corée du Nord.
Voilà ce qui se cache derrière la soi-disant défense des Etats et des peuples opprimés : la défense de l’idéologie nationaliste qui attache les ouvriers à un territoire, à un Etat et finalement… à une fraction de la bourgeoisie. Au nom de la défense des Etats "opprimés, au nom de la résistance nationale à l’envahisseur impérialiste, les trotskistes justifient les pires atrocités, les pires crimes : des attentats suicides du Hamas aux roquettes aveugles du Hezbollah, des armes chimiques de l’Irak à la bombe nucléaire de l’Iran.
Toute cette phraséologie partisane est construite sur un mensonge, une pure mystification. Car dans le capitalisme décadent, il n’existe pas d’Etat qui ne soit pas impérialiste. "La politique impérialiste n’est pas l’œuvre d’un pays ou d’un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C’est un phénomène international par nature, un tout insécable qu’on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun État ne saurait se soustraire". Voilà ce qu'affirmait, il y a déjà près d'un siècle, Rosa Luxembourg dans sa célèbre brochure de Junius 5 [24]. Quelle que soit la taille de leurs armées, qu'ils mènent les guerres à la machette, à la roquette ou aux chars d'assaut ultra-sophistiqués, tous les Etats sont impérialistes. Tous tentent de s'imposer sur l'arène mondiale ou régionale, l'arme à la main, en utilisant les prolétaires comme simple chair à canon et en prenant en otage les populations civiles. C'est pourquoi le 20e siècle fut le siècle le plus barbare de l'histoire de l'humanité. Toutes les nations, sans distinction, portent le masque de l'impérialisme et sèment la mort.
La classe ouvrière n’a donc certainement pas à choisir un camp impérialiste contre un autre. C’est ici un piège mortel tendu par la bourgeoisie en général et le trotskisme en particulier. Les prolétaires n’ont pas de patrie et seul le développement de leurs luttes contre leur propre bourgeoisie nationale, dans tous les pays, pourra entraver la dynamique guerrière de l’ensemble du capitalisme.
Derrière leur propagande "pacifiste, les trotskistes ne font encore que semer l’illusion que la paix serait possible dans le capitalisme et qu’une "solidarité internationale" entre les Etats toutes classes confondues pourraient mettre fin à la barbarie guerrière. La seule solidarité qui puisse mettre fin à toutes les guerres, c’est la solidarité de classe du prolétariat mondial contre la classe capitaliste dans tous les pays. Contrairement aux groupes du courant trotskiste, les véritables organisations communistes et révolutionnaires, doivent, dans cette guerre comme dans celles du 20e siècle, rejeter tous les drapeaux nationaux et brandir celui de l’internationalisme prolétarien en appelant les prolétaires à refuser de faire cause commune avec leurs propres exploiteurs et de prendre parti dans une guerre qui n’est pas la leur et qui ne sert que les sordides intérêts de la classe dominante. "Cette folie, cet enfer sanglant cesseront du jour où les ouvriers […] se tendront une main fraternelle, couvrant à la fois le chœur bestial des fauteurs de guerre impérialistes et le rauque hurlement des hyènes capitalistes en poussant le vieil et puissant cri de guerre du travail : prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" (R. Luxemburg, Brochure de Junius)
Pawel (26 août)
1 [25] Toutes les citations sont extraites d’articles mis en ligne sur les deux sites Internet de ces organisations (www.lutte-ouvriere.org [26] et www.lcr-rouge.org [27]) .
2 [28] Lire notre article : « Guerre au Proche-Orient… » [29].
3 [30] Organe de presse de la LCR.
4 [31] Ces lignes qui font froid dans le dos, le lecteur pourra les trouver dans l’organe de presse plus ‘théorique’ et surtout confidentiel de LO, Lutte de Classe n°15, septembre-octobre 1995, sous le titre « Contre les essais nucléaires français… et contre le pacifisme ! » [32].
5 [33] Pseudonyme de Rosa Luxembourg pour ces écrits de prison.
Le CCI (Courant Communiste International) et OPOP (Oposição Operária) ont tenu des réunions publiques communes fin mai 2006 à Salvador et à Vitoria da Conquista. Le thème central en a été "Le mouvement des étudiants contre la précarité". A Salvador, les camarades de OPOP présentèrent les mobilisations de 2003 dans l’Etat de Bahia, animées par la jeunesse scolarisée, contre l’augmentation des prix des transports (baptisées aussi "la révolte de Buzu", du nom donné par les habitants de Salvador aux bus des transports en commun) ; pour sa part, le CCI a présenté le mouvement de ce printemps des étudiants en France contre le Contrat Première Embauche (CPE).
Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance du compte-rendu exhaustif de ces réunions publié sur Internet (sur nos pages en langue espagnole [35] ou portugaise [36]), notamment concernant la présentation des mobilisations de 2003 au Brésil, essentiellement lycéennes, contre l’augmentation du coût des transports et peu connues en dehors de ce pays. De même, nous ne pouvons pas revenir ici en détail sur le mouvement des étudiants du printemps en France. Nous invitons nos lecteurs, ici aussi, à consulter notre site ou nos publications précédentes.
Les discussions ont été très riches et animées. Ce qui surprit agréablement les participants, et que la présentation faite par le CCI leur permit de comprendre, c’est la dimension réelle du mouvement en France, tout à fait différente de celle dont les médias au Brésil (ainsi que dans le reste du monde) avait rendu compte. Ceux-ci avaient déformé totalement l’évènement en le présentant comme la suite des émeutes qui s’étaient développées en France fin 2005, dans les banlieues de Paris et d’autres villes importantes, et sur lesquelles ils s’étaient largement épanchés. Plusieurs participants témoignèrent du fait que, concernant le mouvement contre le CPE, les medias avaient mis particulièrement l’accent sur les actions violentes d’affrontement avec la police.
Un autre aspect qui attira positivement l’attention des participants a été le cadre donné par nos deux organisations pour analyser les luttes "du Buzu" et contre le CPE, leur permettant de comprendre que ces mouvements, dans lesquels les jeunes générations ont été à l’avant-garde, n’étaient pas des événements isolés dans le temps et dans l’espace mais faisaient partie du lent mais persistant réveil de la classe ouvrière, la " vieille taupe " dont parlait Marx pour se référer au mouvement souvent imperceptible du prolétariat vers la destruction révolutionnaire du système capitaliste.
Dans ce sens, les deux mouvements s’inscrivent à la suite des luttes que le prolétariat en France et en Autriche a commencé en 2003 contre les attaques des systèmes de protection sociale, ainsi que des luttes des travailleurs au Brésil contre les attaques portées à ces systèmes par le gouvernement de gauche de Lula. Comme les grèves chez Mercedes en 2004 en Allemagne, celles du métro de New York en 2005 et celle des métallurgistes de Vigo en mai 2006 en Espagne, où les expressions de solidarité de classe ont été mises particulièrement en avant.
Au cours des discussions furent posées diverses questions très intéressantes, auxquelles répondirent tantôt des militants de OPOP ou du CCI. Nous en donnons ici un aperçu.
Effectivement, une des caractéristiques tant du mouvement de Salvador 2003 que des mobilisations contre le CPE a été leur caractère spontané. Ces mouvements surgissent spontanément comme riposte des jeunes générations de futurs prolétaires à la précarité que tente d’imposer la bourgeoisie par les mesures qu’elle prend pour affronter la crise économique. Le mouvement tend aussi à s’organiser spontanément en se donnant ses propres moyens de lutte. Dans le cas du mouvement des étudiants en France, cela put se concrétiser par des assemblées générales souveraines avec des délégués élus et révocables par celles-ci, des comités de grève, etc., grâce à la propre dynamique du mouvement et à la faiblesse relative des forces d’encadrement syndical dans ces secteurs, beaucoup moins fortes bien sûr que dans les lieux de travail. Le mouvement put ainsi s’opposer à l’action des syndicats et des organisations estudiantines qui tendent à maintenir le mouvement dans le cadre des barreaux de la légalité bourgeoise et à le contrôler pour mieux l’asphyxier.
La spontanéité n’est pas une nouveauté dans les luttes du mouvement ouvrier. Dès qu’il commence à se constituer en classe, le prolétariat lutte de façon spontanée contre les conditions d’exploitation que lui impose le capital. C’est ainsi qu’ont surgi les syndicats au 19e siècle. Cependant, quand ces organes ont été absorbés par l’Etat capitaliste au 20e siècle (notamment pour les besoins de l’embrigadement du prolétariat lors de la Première Guerre mondiale), le prolétariat a tendu spontanément, pour défendre ses intérêts de classe, à se doter d’autres moyens de lutte qui lui soit propres. L’expression la plus haute de cette capacité d’auto-organisation de la classe ouvrière est donnée, en période de lutte révolutionnaire, par la formation des conseils ouvriers, apparus pour la première fois en 1905 en Russie. Les AG autonomes (c’est-à-dire contrôlées par les ouvriers eux-mêmes) que tendent à former les ouvriers dans leur lutte quotidienne contre le capital sont la préfiguration de ces conseils ouvriers que fera surgir la classe ouvrière quand sa lutte révolutionnaire l’amènera à un affrontement décisif contre l’Etat capitaliste.
Ceci dit, le fait que les luttes soient spontanées ne signifie pas qu’elles surgissent du néant. L’explosion de luttes est le résultat de conditions historiques en lien avec le niveau atteint par la crise du capitalisme et par la conscience au sein de la classe ouvrière quant à l’incapacité du capitalisme à offrir un avenir à l’humanité. Ainsi les réactions des étudiants contre le CPE, par exemple, sont aussi le produit des attaques que subit depuis des années le prolétariat en France (et dans le monde) au niveau de la sécurité sociale, des salaires, des retraites, etc., avec toutes leurs conséquences pour l’ensemble des familles ouvrières.
C’est une des questions importantes qui s’est posée lors des deux réunions, et qui exprime d’une certaine façon la préoccupation présente dans la classe ouvrière pour comprendre les avancées organisationnelles qui peuvent être réalisées dans un mouvement de l’envergure de celui qui a eu lieu en France. Nous avons probablement déçu quelques participants lorsque nous avons répondu que, malgré la capacité du mouvement à faire reculer la bourgeoisie française, il n’avait pas fait naître de nouvelle organisation, dans ou en-dehors des syndicats.
Du point de vue organisationnel, le mouvement a su générer diverses formes et moyens au feu de la lutte. Comme nous l’avons dit, les AG furent le poumon du mouvement et sa vitalité s’exprimait dans les débats et décisions qu’elles prenaient. Mais ces formes d’organisation ne pouvaient vivre que tant que se maintenait la mobilisation. Ayant réussi à faire reculer le gouvernement sur la revendication de retrait du CPE, la mobilisation cessa et, avec elle, les formes d’organisation qu’elle avait fait surgir.
Derrière ces questionnements de participants, il y a la préoccupation de pouvoir construire de nouvelles organisations permanentes de défense des intérêts de classe, mais différentes des syndicats puisque beaucoup des personnes présentes à ces réunions partageaient notre position sur la nature des syndicats, organes de l’Etat au sein de la classe ouvrière. Le mouvement contre le CPE vient montrer une fois de plus que les organes autonomes dont se dote la classe pour la lutte ne peuvent que disparaître avec son reflux. L’expérience du mouvement ouvrier montre que des organisations unitaires de défense des intérêts de la classe ouvrière ne sont capables de se maintenir dans le temps que dans les périodes prérévolutionnaires, quand le prolétariat a la force et la conscience nécessaires pour défier l’Etat bourgeois, comme le firent les conseils ouvriers en Russie en 1905 et en 1917, les ouvriers en Allemagne et d’autres pays d’Europe pendant la vague révolutionnaire mondiale qui suivit la Révolution russe. En dehors de ces moments, toute organisation unitaire de défense des intérêts de la classe ouvrière qui veut se maintenir de façon permanente tend inévitablement à se vider de ses effectifs et à être absorbée par l’Etat bourgeois.
Les " Cobas " en Italie (Comités de base), en 1987, constituent un exemple significatif de cette réalité. Cette année- là, la lutte hors et contre les syndicats des professeurs avait abouti, dans ce pays, à la constitution des Cobas, véritables organes de lutte, composés de délégués élus par les assemblées de lutte. Influencés par des organisations d’extrême gauche (trotskistes entre autres), une partie des Cobas se maintint après le mouvement en tant qu’organes prétendument représentatifs des professeurs. Ils finirent par devenir un nouveau syndicat, plus radical, mais au service lui aussi de l’Etat capitaliste.
Ceci ne veut pas dire que les luttes du prolétariat, et en particulier celles de grande envergure, ne laissent pas de profondes traces dans la classe ouvrière. Les leçons que laisse le mouvement en France, et qui doivent continuer d’être tirées, sont fondamentalement politiques : comment être forts face à l’Etat bourgeois, en ne comptant que sur ses propres forces, en s’organisant par soi-même, en mettant en pratique dès le début la solidarité de classe entre prolétaires de différents secteurs (actifs, chômeurs, futurs prolétaires…) et de différentes générations ? Comment s’organiser pour les luttes futures, comment contrecarrer les manœuvres de l’Etat, surtout celles des partis de gauche et des syndicats ?
La crise du capitalisme, qui engendre le chômage, la précarité et l’exclusion sociale parmi des millions de jeunes dans le monde, est évidemment à la racine des deux mouvements, comme le désespoir qu’offre le capitalisme aux fils de la classe ouvrière et l’indignation que cette situation suscite.
Il y a cependant deux aspects qui montrent une différence fondamentale entre les deux mouvements : la question des méthodes de lutte et celle de la solidarité. En effet, les émeutes des banlieues ne peuvent être considérées comme des formes même embryonnaires de la lutte de classe, parce qu’elles expriment fondamentalement un désespoir total face à la situation. Les composantes essentielles des mouvements prolétariens –la solidarité, l’organisation, le contrôle collectif et conscient de la lutte– non seulement furent totalement absentes des émeutes, mais elles furent même rejetées.
Le mouvement des étudiants fut une leçon concrète de la façon dont un mouvement qui emploie des méthodes prolétariennes de lutte peut donner une perspective à des jeunes et à des couches désespérées de la population qui utilisent la révolte pour exprimer leur indignation. Ainsi, les jeunes des banlieues qui participèrent massivement aux manifestations ont pu assumer des méthodes de lutte totalement opposées à celles des émeutes de 2005.
Quelques groupes de jeunes des banlieues, probablement manipulées par l’Etat, participèrent à des actions violentes d’affrontement contre la police et en arrivèrent même à attaquer les manifestants. Cependant, la réponse du mouvement ne fut pas de recourir, contre eux, à l’adage " œil pour œil, dent pour dent ", bien au contraire certaines AG décidèrent d’envoyer des délégations dans les banlieues pour expliquer à ces jeunes que la lutte contre le CPE était aussi une lutte qui les concernait, puisqu’elle attaquait les mesures imposées par l’Etat et qui à la longue accentuent le chômage et l’exclusion sociale.
La discussion permit de mettre au clair en particulier que c’est la solidarité et le rejet de la violence au sein de la classe qui caractérise un mouvement de classe du prolétariat.
Cette question fut posée surtout par quelques-uns des participants à la réunion publique qui avaient connu le mouvement de mai 68 en France et avaient été influencés par lui.
Ces deux mouvements sont l’expression d’une agitation sociale qui, d’une certaine façon, annonçait un changement important au niveau de la lutte de classe. Mai 68 ouvrit une dynamique de lutte de classe qui se développa jusqu’aux années 80, par de nombreuses et importantes luttes dans plusieurs pays. La plus importante et significative fut la grève de masse des ouvriers en Pologne en 1980.
La crise inexorable du capitalisme est à la base de ces deux mouvements. Cependant, il faut remarquer une différence importante entre eux : en mai 68, la crise capitaliste faisait à peine son apparition après les décennies de " prospérité " qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, alors que le mouvement de 2006 surgit après plusieurs décennies de crises du capitalisme, qui n’ont cessé d’attaquer les conditions de vie des familles prolétaires et ont fait croître de façon exponentielle les couches d’exclus sociaux. Dans ce sens, les jeunes qui protestaient en 68 ne sentaient pas le poids de la crise de la même manière que les jeunes qui aujourd’hui protestent contre le CPE.
Les mouvements comme celui des étudiants contre le CPE manifestent un degré de maturité plus élevé des nouvelles générations de prolétaires, qui se posent des questions sur le futur que leur offre cette société. Si nous la comparons à 68, une caractéristique significative de la période actuelle est précisément que les jeunes décident de " rentrer en scène " et de s’opposer à la précarité. C’est en cela que le mouvement des étudiants en France, comme celui de Buzu au Brésil, rompt avec les schémas classiques des " mouvements étudiants " traditionnels qui défendent la plupart du temps des revendications corporatistes, car noyés dans un milieu interclassiste, voire même nationaliste.
Ce terme "d’espace prolétarien" vient d’un des participants à une réunion publique et il correspond à l’état d’esprit qui dominait dans ces réunions. Il ne peut que motiver nos deux organisations, le CCI et OPOP, pour continuer à travailler ensemble à ce que ces "espaces prolétariens" se maintiennent et se développent. Malgré les questions en attente de discussion entre nos deux organisations, un accord sur les questions fondamentales s’est vérifié dans les réponses qui furent données aux diverses questions posées par l’assistance.
Une fois de plus, le CCI remercie les camarades de OPOP pour leur engagement et leur enthousiasme dans l’organisation de ces réunions, qui ont constitué une condition essentielle de leur tenue. Mais nous remercions surtout les camarades qui ont répondu à notre appel et qui par leurs interventions contribuent à forger une perspective prolétarienne mondiale. Nous les invitons à participer aux prochaines réunions que nous organiserons, comme nous les invitons à nous faire parvenir leurs commentaires sur le bilan que nous faisons ici de cette importante rencontre du prolétariat qui s’est réalisée au Brésil en mai 2006.
CCI (Juillet 2006)
Nous avons vu dans les deux précédents articles consacrés à ce sujet (voir les n° 362 [40] et 367 [41] de RI) que le battage sur les délocalisations sert essentiellement de moyen de chantage pour contraindre la classe ouvrière à accepter des salaires toujours plus faibles et des conditions de travail toujours plus dégradées.
La crise irréversible que connaît le capitalisme se traduit invariablement par le rejet massif d’ouvriers hors de l’emploi. La force de travail, dont l’exploitation constitue la source du profit capitaliste, voit d’autant plus son prix baisser dans ce contexte (comme toute marchandise pléthorique sur un marché saturé), que la réduction drastique des coûts de production (au premier rang desquels se trouve le salaire) est le seul moyen à la disposition de la bourgeoisie pour soutenir la concurrence sur des marchés toujours plus étroits et saturés de marchandises. Depuis quasiment une centaine d’années qu’il se trouve dans sa phase de déclin historique, le système capitaliste démontre à quel point il ne peut offrir d’autre avenir à ceux qu’il exploite qu’une fragilisation croissante des conditions d’existence : chômage de masse et paupérisation absolue où plongent des franges de plus en plus importantes de la population, y compris lorsqu’elles disposent d’un travail.
Dans sa lutte, la classe ouvrière a dans le monde entier la même tâche. Elle ne peut plus en rester à la lutte pour tenter de limiter les effets de l’exploitation. La seule perspective réaliste qui lui permettra de mettre un terme à tous les tourments auxquels le condamne le système capitaliste, c’est de s’attaquer aux causes de son exploitation. La seule issue à la crise économique capitaliste et la seule voie permettant au prolétariat d’accéder à une existence digne passent par l’abolition du caractère marchand de la force de travail, c’est-à-dire la destruction des rapports sociaux capitalistes et l’abolition du salariat à l’échelle mondiale.
Les délocalisations sont aussi directement utilisées pour attacher le prolétariat à l’idéologie de la concurrence, l’enfermer dans le cadre de la défense du capital national et le soumettre ainsi à ses impératifs. C’est en premier lieu ce que vise la propagande bourgeoise en érigeant l’idée selon laquelle l’Etat capitaliste pourrait être un " rempart protecteur" contre les " méfaits de la mondialisation". C’est l’exemple aux Etats-Unis du baratin autour des dispositions prises pour "interdire aux entreprises qui délocalisent de participer aux appels d’offre publics", ainsi que la surenchère dans l’esbroufe des initiatives parlementaires du camp démocrate en vue de rendre " obligatoire une consultation du personnel et des élus de la région avant tout transfert de production à l’étranger " 1 [42] Le bla-bla du gouvernement, comme de son opposition, d’après lequel "il faut agir dans ce pays, pour garantir aux citoyens des emplois nationaux." (G. Bush) cherche à renforcer la mystification d’un Etat " au-dessus des classes" et " au service de tous les citoyens" et à entretenir l’illusion d’une possible conciliation des intérêts de la classe dominante avec ceux de la classe ouvrière au sein du cadre national. Tout au contraire, l’Etat ne peut en aucun cas constituer un allié pour les ouvriers. Celui-ci est à la fois le garant des intérêts de la classe dominante dans le maintien de son système d’exploitation et l’outil entre ses mains pour orchestrer les attaques contre le prolétariat. Comme le montrent la guerre économique sans merci entre tous les Etats du monde ainsi que l’embrasement de conflits guerriers, l’Etat national constitue le moyen par lequel les différentes nations se livrent à une concurrence effrénée. Il n’est en aucune manière une bouée de sauvetage pour la classe ouvrière mais bel et bien un ennemi des plus redoutables. Dans sa lutte, c’est à l’Etat que le prolétariat doit s’affronter.
D’autre part, la propagande bourgeoise, en reportant la responsabilité de la dégradation des conditions de vie du prolétariat occidental sur les ouvriers polonais, chinois ou hindous, constitue une répugnante entreprise de division entre les différentes parties du prolétariat mondial. Par exemple, de fin 2004 et durant l’année 2005, la bourgeoisie a fait du "conflit" de Vaxholm en Suède, le modèle de la lutte " antilibérale". L’emploi sur un chantier d’ouvriers lettons moins bien payés que les ouvriers suédois, a servi aux syndicats à orchestrer une gigantesque campagne largement utilisée par la bourgeoisie, même en dehors de ce pays. Au nom de la "solidarité " et du "refus de la discrimination entre travailleurs", le blocus du chantier par plusieurs fédérations de syndicats, sous les slogans de "Go home !" a fini par priver de leur gagne-pain les ouvriers lettons, contraints au départ, et a débouché sur une vaste mobilisation nationale pour rameuter les ouvriers derrière les pouvoirs publics, le gouvernement social-démocrate et les syndicats pour la "protection du modèle social suédois" et la défense du "code du travail, notre sécurité" ! Cette expérience ne montre qu’une chose : enjoindre les prolétaires à lutter contre "le moins disant social", revient à enfermer le prolétariat, fraction par fraction, dans la défense de "ses" conditions d’exploitation au sein de chaque nation capitaliste, à le segmenter en entités opposées et concurrentes. En cherchant ainsi à piéger la classe ouvrière dans le cadre de la défense du capital national et sur le terrain nationaliste, la bourgeoisie s’attache à opposer entre eux les prolétaires et leur interdire toute possibilité d’unité et de solidarité ouvrière par delà les frontières.
Cette question de la solidarité possède déjà une portée concrète, lorsque les patrons mettent en concurrence les ouvriers des différents sites géographiques d’une même entreprise, par le biais des délocalisations.
La solidarité ouvrière est nécessairement destinée à prendre une dimension primordiale dans l’avenir de la lutte de classe. Aussi bien dans les pays de départ, que de destination des délocalisations, aucune fraction du prolétariat ne reste à l’écart de l’actuelle reprise des luttes que provoque la crise économique aux quatre coins du monde. Notre presse a déjà fait part des luttes ouvrières en Inde (RI n° 367 [43]), à Dubaï ou au Bangladesh (RI n° 370). En Chine aussi se développe un nombre croissant de luttes ouvrières qui "ont aujourd’hui gagné le secteur privé et les usines de la Chine côtière, tournées vers l’exportation. Des fabriques qui sous-traitent pour des sociétés étrangères grâce à une main-d’œuvre pléthorique et docile (…) parce que les ouvriers, surtout les nouvelles générations, sont de plus en plus conscients de leurs droits. Ils ont aussi atteint un point où la situation n’est plus acceptable." 2 [44] Au Vietnam, fin 2005-début 2006, le pays a été secoué pendant plusieurs mois par une vague de grèves spontanées démarrée en dehors de tout contrôle syndical et impliquant plus de 40 000 ouvriers des zones franches de Saigon et des régions intérieures. " Le conflit portant sur les salaires et les conditions de travail a commencé en décembre au Vietnam (…) où des douzaines de compagnies étrangères ont installé des usines pour tirer profit de l’énorme masse de main-d’œuvre à bas coût. (…) Cette vague de grèves spontanées, considérée comme la pire depuis la fin de la guerre du Vietnam (…) [a] commencé il y a presque trois mois principalement dans les usines à capitaux étrangers situées dans la banlieue sud de Saigon." 3 [45] On y retrouve les mêmes tendances qui caractérisent les luttes ouvrières actuelles qui placent en leur centre la question de la solidarité ouvrière et implique simultanément des dizaines de milliers d’ouvriers de tous les secteurs. A partir de fin décembre " les débrayages se sont succédés pendant plus d’un mois et se sont durcis après un arrêt de travail de 18 000 salariés, chez Freestend, une firme taiwanaise dont l’usine fabrique des chaussures pour le compte de marques comme Nike et Adidas." 4 [46] Le 3 janvier, " dans la région de Linh Xuat, province de Thuc Duc, onze mille employés de six usines font grève pour exiger une augmentation de salaire. Dès le jour suivant, ces grèves gagnent les usines de Hai Vinh et Chutex. Le même jour, cinq mille employés de la société Kollan & Hugo rejoignent la grève pour demander que les salaires minimums soient augmentés. (…) A la société Latex, tous les 2340 employés font grève par solidarité avec celle de Kollan et demandent une augmentation de 30% pour les salaires les plus bas. Ces ouvriers se rendent à la société Danu Vina, entraînant les membres du personnel à se joindre à leur grève. Le 4 janvier, les travailleurs vietnamiens de la plantation Grawn Timbers Ltd, dans la province de Binh Duong, près de Saigon manifestent contre la réduction soudaine des salaires, sans préavis ni aucune explication. Le même jour des milliers d’employés de l’entreprise Hai Vinh, Chutex, située dans la même région industrielle que la plantation Grawn Timbers Ltd se mettent en grève pour protester contre les salaires. Le 9 janvier, les grèves dans ces régions se poursuivent. Dans la banlieue de Saigon éclatent quatre nouvelles grèves auxquelles participent des milliers de travailleurs." 5 [47] Dans le monde capitaliste, la concurrence constitue la racine des rapports sociaux et elle épargne d’autant moins les ouvriers que la bourgeoisie en profite et en joue pour les diviser et les affaiblir. La classe ouvrière ne peut développer sa propre force qu’en opposant à la concurrence ambiante son principe de solidarité de classe. Seule cette solidarité permet le développement de la lutte ouvrière comme véritable moyen de s’affronter à l’Etat et comme base au projet de société alternatif à ce monde du chacun pour soi : la société sans classes, celle du communisme. Cette solidarité ne peut évidemment se concevoir qu’au plan international. Dans la société actuelle, la classe ouvrière, est la seule classe apte à développer une solidarité à l’échelle mondiale. D’ailleurs, très rapidement le mouvement ouvrier a su affirmer son caractère international. Ainsi à l’époque de Marx, l’une des raisons immédiates qui conduisit à la fondation de l’Internationale fut la nécessité pour les ouvriers anglais de coordonner leur lutte avec ceux de France, d’où les patrons essayaient de faire venir des briseurs de grève. " La crise économique accentuait les antagonismes sociaux, et les grèves se succédaient dans tous les pays de l’Europe Occidentale. (…) Dans beaucoup de cas, [l’Internationale] réussit à empêcher l’introduction de briseurs de grèves étrangers, et là où des ouvriers étrangers, dans leur ignorance des conditions locales, faisaient office de briseurs de grève, elle les amena souvent à pratiquer la solidarité. Dans d’autres cas, elle organisa des souscriptions pour soutenir les grévistes. Non seulement cela donnait aux grévistes un appui moral, mais encore cela provoquait chez les employeurs une véritable panique : ils n’avaient plus affaire à ‘ leurs’ ouvriers, mais à une puissance nouvelle et sinistre, disposant d’une organisation internationale. " 6 [48] Le prolétariat n’est jamais aussi fort que lorsqu’il s’affirme face à la bourgeoisie comme force unie et internationale.
Scott (juillet 2006)
2 [50] Le Monde, du 14.octobre 2005
3 [51] Dépêche AFP du 15 mars 2006
4 [52] Courrier International n°796
5 [53] " Grèves massives au Vietnam pour obtenir des salaires décents" sur Viettan.org. " Pris de court, le gouvernement a acheté la paix socialeen imposant aux firmes étrangères, sur-représentées au Vietnam, une augmentation de 40% du salaire de leurs ouvriers. Mais 40% de presque rien, cela ne fait toujours pas grand chose : environ 870 000 dongs, soit 45 euros mensuels pour les manœuvres employés par les firmes étrangères et moitié moins pour ceux qui travaillent dans l’industrie locales. Un rattrapage d’autant moins exorbitant qu’en dépit d’une croissance fulgurante, le salaire minimum n’avait pas bougé depuis… sept ans" (Marianne n°470 du 22 avril 2006).
6 [54] B.Nicolaïevski, O. Maenchen-Helfen, La Vie de Karl Marx, NRF, Gallimard, p. 317.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/ri361/Inde_greves.htm
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/61/inde
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/attentats
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/decomposition
[5] http://www.internationalism.org
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/62/chine
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/maoisme
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/37/grande-bretagne
[9] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html#sdfootnote1sym
[10] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html#sdfootnote2sym
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[12] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html#sdfootnote1anc
[13] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html#sdfootnote2anc
[14] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html#sdfootnote3anc
[15] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/56/moyen-orient
[16] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[17] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/capitalisme-detat
[18] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[19] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/france
[20] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote1sym
[21] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote2sym
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[24] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote5sym
[25] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote1anc
[26] https://www.lutte-ouvriere.org
[27] https://www.lcr-rouge.org/
[28] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote2anc
[29] https://fr.internationalism.org/ri371/edito.html
[30] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote3anc
[31] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote4anc
[32] https://www.union-communiste.org/fr/node/1751
[33] https://fr.internationalism.org/ri371/trotskisme.html#sdfootnote5anc
[34] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/trotskysme
[35] https://es.internationalism.org/cci-online/200608/1042/dos-nuevas-reuniones-publicas-conjuntas-en-brasil-opop-cci
[36] https://pt.internationalism.org/icconline/2006/opop-cci
[37] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[38] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[39] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/lutte-proletarienne
[40] https://fr.internationalism.org/french/ri362/delocalisations.htm
[41] https://fr.internationalism.org/ri367/deloc.htm
[42] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote1sym
[43] https://fr.internationalism.org/ri367/greves.htm
[44] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote2sym
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[47] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote5sym
[48] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote6sym
[49] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote1anc
[50] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote2anc
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[54] https://fr.internationalism.org/ri371/deloc3.html#sdfootnote6anc
[55] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[56] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/decadence