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Comment le PCF est passé au service du capital

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Aujourd’hui, le PCF, comme tous les partis staliniens, n’est plus une organisation du prolétariat. Il n’est pas non plus, contrairement à ce que mettent en avant les organisa­tions trotskistes, "un parti ouvrier dégénéré" ("... dégénéré certes, mais ouvrier quand même" comme elles disent). En effet, c’est à partir du milieu des années 1930 qu’il a rejoint les rangs de la classe enne­mie, qu’il a basculé dans le camp de la bourgeoisie et cela de façon irréversible.

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Comment le PCF est passé au service du capital - Introduction

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Aujourd’hui, le PCF, comme tous les partis staliniens, n’est plus une organisation du prolétariat. Il n’est pas non plus, contrairement à ce que mettent en avant les organisa­tions trotskistes, "un parti ouvrier dégénéré" ("... dégénéré certes, mais ouvrier quand même" comme elles disent). En effet, c’est à partir du milieu des années 1930 qu’il a rejoint les rangs de la classe enne­mie, qu’il a basculé dans le camp de la bourgeoisie et cela de façon irréversible.

Depuis ce moment-là, son histoire n’a cessé d’en donner la preuve. Pendant plus de 60 ans, il a été (et il reste) un défenseur incondition­nel du capital national et surtout l’un des plus dangereux ennemis, voire le plus dangereux (quand son poids politique et son influence le lui ont permis), de la classe ouvrière en France.

Pendant plus de 60 ans, il a été un représentant parmi les plus zé­lés et fidèles de la contre-révolution stalinienne en Europe occidentale.

A ce titre, il a cautionné la traque et l'élimination de la majeure partie des forces vives révolutionnaires d'Octobre 1917, et en particulier de toute la vieille garde bolchévique, par Staline et ses sbires dans la deuxième moitié des années vingt et dans les années trente.

A ce titre, il a poussé des généra­tions de prolétaires derrière la dé­fense de la "patrie du socialisme" à travers la "théorie" stalinienne du "socialisme dans un seul pays", né­gation même de l'internationalisme prolétarien.

A ce titre, il a été le meilleur agent du plus gigantesque mensonge idéologique édifié au cours du siè­cle par l'ensemble de la bourgeoi­sie contre le prolétariat : l'identifica­tion de la contre-révolution et des régimes staliniens à la révolution communiste.

Il s'est toujours présenté comme parti de la classe ouvrière, en pré­tendant incarner la fidélité au marxisme et à la tradition ouvrière qu'il a trahis et écrasés.

Il est resté un des pires ennemis du prolétariat à travers tous ses états de service auprès du capital national français que soit au gou­vernement ou dans l'opposition. Il n'a jamais cessé de pousser les ouvriers à abandonner leur terrain de classe au profit du capital natio­nal en exaltant le nationalisme le plus exacerbé, au nom du "peuple de France" et "de la France éter­nelle". C'est ainsi qu'il a participé activement à l'embrigadement et au massacre de millions d'ouvriers dans le seconde boucherie impé­rialiste mondiale.

S'il a pu remplir ce rôle mystifica­teur ainsi que celui de bourreau du prolétariat et de fossoyeur de la ré­volution, c'est parce qu'il n'a pas toujours été un parti bourgeois. Il était à ses origines, au début des années 1920, un authentique parti prolétarien, expression de la vague révolutionnaire internationale.

Ce sont toutefois ses faiblesses congénitales et l'opportunisme ayant présidé à sa formation qui ex­pliquent qu'il ait été happé si facile­ment, en n'opposant qu'une très faible résistance (comparé à la plu­part des autres PC en Europe occi­dentale), emporté comme un fétu de paille dans le sillage du stalinisme dont il a été, de ce fait, un des plus fidèles serviteurs.

C'est son ancienne filiation avec le mouvement ouvrier qui lui con­fère, au sein de l'appareil d'Etat bourgeois, ses galons de parti spé­cifiquement destiné à mystifier et à désarmer idéologiquement le pro­létariat.

Aujourd'hui, le PCF autoproclame sa "mutation", parle d'un "nouveau projet communiste", tout cela pour essayer, tant bien que mal, de se débarrasser de son encombrante image stalinienne qui lui colle à la peau. Mais cela n'est que pour mieux conserver son "fonds de com­merce" de parti bourgeois défen­seur du capital national et pour con­tinuer à assumer sa même fonction antiouvrière :

-dévoyer la classe ouvrière de son terrain de lutte pour l'amener, pieds et poings liés, vers la défaite d'abord, à l'abattoir ensuite, derrière la défense inconditionnelle du ca­pital national et de ses intérêts im­périalistes ;

-falsifier et dénaturer le commu­nisme aux yeux du prolétariat 1 [2].

Hier, aujourd'hui, le PCF a été, est toujours et sera encore demain une arme essentielle de la bourgeoisie contre le prolétariat.

1 [3]C'est en particulier le rôle joué aujourd'hui par la "tendance" récemment apparue qui se présente comme étant la Gauche Communiste du PCF. Leur fonction de rabatteurs pour ramener un maximum d'ouvriers dans les serres de rapace du parti stalinien est d'autant plus dangereuse et mystificatrice que ces gens-là revendiquent frauduleusement rien moins que l'héritage de la Gauche Communiste et de Rosa Luxemburg. C'est pourquoi la responsabilité des véritables révolutionnaires est d'arracher le masque de ces imposteurs et de dénoncer toutes leurs manoeuvres actuelles pour s'introduire dans le camp prolétarien.

Situations territoriales: 

  • France [4]

Conscience et organisation: 

  • Troisième Internationale [5]

Comment le PCF a quitté le camp du prolétariat

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Le PCF était, à sa naissance, une organisation authentiquement prolétarienne, un produit de la vague révolutionnaire internationale du prolétariat, comme les autres partis communistes qui se forment à la même époque dans le sillage de la révolution d’Octobre victorieuse en Russie et de la fondation de la IIIe Internationale, l’IC. Il se constituait en décembre 1920 au Congrès de Tours (1 [6])  à travers une scission d’avec le vieil appareil social-démocrate français dont les principaux dirigeants s’étaient ralliés d’un bloc à "l’Union Sacrée" et à la guerre impérialiste de la bourgeoisie. Cependant, la constitution de ce parti révolutionnaire est déjà marquée par l’opportunisme, en totale contradiction avec la ferme défense des intérêts et des principes du prolétariat.

Elle est le fruit d’un compromis que l’IC a commis la lourde erreur d’encourager. Ce compromis est passé entre une gauche très faible (ses deux principaux porte-parole, Loriot et Souvarine sont emprisonnés à ce moment-là) et un fort courant majoritaire "centriste".

Les faiblesses politiques et organisationnelles d'un parti prolétarien à sa naissance (1920)

Cette tactique est désastreuse parce que l’ad­hésion ne se fait pas, fait unique dans l’histoire des PC européens, sur les "21 conditions d’ad­mission à l’IC" qui exigeaient en particulier une rupture complète et définitive avec la politique opportuniste du centrisme envers le réformisme, le social-patriotisme, le pacifisme, mais sur des critères nettement moins sélectifs.

L’objectif de cette tactique de l’IC était d’en­traîner la majorité à se séparer de la droite de la social-démocratie, parti de gouvernement bour­geois et ouvertement patriotard. Malheureuse­ment, la gauche du nouveau parti regroupe seulement une poignée de militants internationalistes pendant la guerre et des jeu­nes militants souvent inexpérimentés, mus avant tout par un élan enthousiaste devant la révolu­tion russe.

Le centre largement majoritaire au sein du nouveau parti est infesté d’opportunistes, peu ou prou "repentis" d’avoir trempé dans l’Union sacrée. Ses représentants les plus typiques sont ainsi Frossard, conciliateur-né et habile manœu­vrier politique (qui, bien qu’assez rapidement rallié à la minorité pacifiste, était parvenu à se faire nommer secrétaire général du vieux parti socialiste et qui va conserver cette fonction au sein du nouveau parti communiste) et Cachin, ex-émissaire du gouvernement français pour entraîner l’Italie dans la guerre (2 [7]). En même temps, vient s’agréger au parti une autre com­posante importante, imbibée de fédéralisme anarchisant (surtout représenté au sein de la fédération de la Seine), qui se retrouvera en chaque occasion, sur le plan organisationnel, aux côtés du centre contre la gauche pour s’op­poser à la centralisation internationale et sur­tout aux orientations de l’IC sur le jeune Parti communiste français.

Ainsi, le PCF, dès ses premiers pas, au lieu de rompre avec elles, hérite des tares d’un "socia­lisme à la française" placé sous la double in­fluence du "jauressisme" et du "guesdisme". Jaurès n’était nullement marxiste. Son assassi­nat alors qu’il tentait de "sauver la paix" à la veille de la guerre de 14 avait rehaussé le prestige du fondateur de l’Humanité. Il n’avait pourtant jamais cessé de clamer son vibrant patriotisme et son engagement était un pot-pourri de radi­calisme républicain, de réformisme parlemen­taire, d’humanisme bourgeois. Le va-t-en guerre Guesde, considéré comme le patriarche de "l’école française du marxisme", participait en 1914 comme ministre au gouvernement d’union nationale.

Mais la faiblesse essentielle de la gauche fran­çaise réside dans son absence de ligne politique claire et cohérente. Incapable de mener un com­bat résolu contre l’opportunisme, se bornant, au mieux, à défendre au sein du parti les posi­tions de l’IC, elle s’avérera rapidement tout aussi inapte à sécréter une opposition sérieuse à la dégénérescence de l’IC, contrairement à d’autres courants de gauche en Europe.

En effet, la Gauche communiste allemande, hollandaise et surtout italienne ont combattu dès le début et pendant des années de toutes leurs forces la dégénérescence de l’IC et la montée du stalinisme.

Le PCF n’a certes pas détenu le monopole du stalinisme qui a suivi la défaite et l’écrasement de la vague révolutionnaire mondiale, puisque tous les PC ont, sans exception, suivi la même tragique trajectoire qui les a menés, dans le camp bourgeois, à s’illustrer parmi les pires ennemis et bourreaux du prolétariat.

Mais c’est cette faiblesse politique des cou­rants de gauche en France qui explique de façon déterminante pourquoi le PCF a été aussi faci­lement emporté dans le camp bourgeois et s’est transformé aussi rapidement et sans grande résistance en un des modèles les plus zélés et les plus inconditionnels de la contre-révolution stalinienne, en un des serviteurs les plus dociles de Moscou.

Le PCF et la dégénérescence de l’IC (1921-1927)

Entraîné vers le pire opportunisme sous l’im­pulsion des manœuvres de Frossard et de Ca­chin, le PCF subit de plein fouet le processus de dégénérescence de l’IC. Celui-ci se fait jour lors du IIIe Congrès de l’IC en juin 1921 qui rompt avec une orientation révolutionnaire.

Adoptant une "nouvelle orientation" désas­treuse, ce Congrès décidait une nouvelle tacti­que opportuniste, celle du "front unique ouvrier", conçu comme le lancement d’actions communes avec le Parti Socialiste pour tenter d’élargir l’influence du PC au sein de la classe ouvrière.

Cette politique allait avoir des conséquences catastrophiques dans les années suivantes, malgré des oppositions très fortes au sein de l’IC de la part de certaines gauches. Ce fut notamment le cas de la Gauche italienne qui venait de mener un dur combat au Congrès de Livourne de janvier 1921 contre l’opportu­nisme et contre la social-démocratie et la Gauche allemande (le KAPD) qui venait de subir une sanglante répression d’un gouvernement social-démocrate. Pour le PCF, cette orientation dé­sastreuse venait alimenter les pires confusions. Le centre et les "fédéralistes" s’y opposaient très vivement en argumentant que "cette orien­tation était inapplicable à la France", cris­tallisant ainsi leur position contestataire vis-à­vis de l’IC sur un terrain vicié. De son côté, la gauche qui ne voyait dans cette position du centre que la manifestation d’une résistance au centralisme, défendait avec vigueur et énergie cette directive parfaitement opportuniste de l’IC.

Malgré les vivants débats au premier Congrès du PCF à Marseille en décembre 1921 (auxquels participe le leader de la Gauche italienne Bordiga en tant qu’un des représentants de l’IC), la direction Cachin-Frossard provoque la démis­sion de la gauche du comité directeur, mais un compromis consistant en une représentation paritaire du centre et de la gauche au sein de la direction du parti est finalement directement imposé par l’IC. Cependant l’affrontement interne se poursuit et culmine au Congrès natio­nal suivant en octobre 1922. Le centre tente un coup de force en décidant d’assumer seul la direction du parti. Il est alors désavoué par l’IC qui invite les principaux leaders du centre au IVe Congrès de l’IC début novembre. Cachin et Ker s’y rendent, Frossard se dérobe.

Alors que la question de la France est au cœur des débats, l’IC apprend incidemment l’appar­tenance de Frossard et d’autres leaders du PCF à la franc-maçonnerie et fait adopter, sous l’impulsion de Trotski, une nouvelle condition aux Statuts de l’IC, réservée au PCF, pour rappeler que, de telles pratiques d’infiltration d’une idéologie bourgeoise dans le mouvement ouvrier, sont inacceptables. Frossard après avoir tenté de semer la pagaille, n’a plus d’autre choix que de démissionner.

Le PCF, qui sera pendant plusieurs années une des préoccupations les plus constantes de l’IC, d’autant que la France apparaissait clairement comme un enjeu majeur de l’extension de la révolution mondiale, procède alors à un brutal virage entre 1923 et 1925. Sous l’impulsion du Komintern, il se met à développer une politique activiste et volontariste en direction des usines. Celle-ci se produit en plein reflux de la vague révolutionnaire mondiale. La Russie est totale­ment isolée. Lénine, gravement malade, assiste impuissant aux premières manifestations d’une dégénérescence qui contamine déjà le parti bol­chevik. Ce dernier cherche à s’illusionner, sur une hypothétique révolution allemande qui a déjà été écrasée dans le sang entre 1919 et 1921. La désorientation est telle qu’agissant au nom de l’IC, un de ses leaders, Radek, va "tendre la main" au nationalisme allemand. L’Humanité proclame, elle, la révolution imminente en Al­lemagne. Même Trotski pense que "le cartel des gauches", dominé par le courant radical-socia­liste hérité de la IIIe République, augure d’une situation pré-révolutionnaire en France, à la façon d’un gouvernement Kérenski.

La classe ouvrière elle-même n’est pas dégagée des illusions de la "paix" retrouvée et de l’ivresse déversée par la bourgeoisie des "pays vain­queurs de la guerre". Le nouveau parti, loin de lui dessiller les yeux et de lui montrer la gravité des enjeux, s’extasie, dans les colonnes de l’Hu­manité, sur le "succès" de la moindre grévette locale et gonfle démesurément la moindre mani­festation antimilitariste, lui faisant miroiter la perspective d’une révolution toute proche alors que la plupart du temps, il ne réussit à mobiliser que ses propres militants. Le reflux de la vague révolutionnaire entraîne la dégénérescence op­portuniste de l’IC qui s’accélère considérable­ment à la mort de Lénine en janvier 24. C’est le début d’un cours vers la contre-révolution. Le Parti bolchevik, happé par l’appareil d’Etat avec lequel il tend à se confondre de plus en plus et englué par une bureaucratie toujours prête à obéir au plus fort, se vide progressivement de toute vie politique prolétarienne. Les soviets asphyxiés meurent et le pouvoir prolétarien cède la place à un pouvoir d’Etat qui absorbe et intègre de nouveaux rapports de forces fondés sur des alliances et des rivalités de personne qui émergent au sein même du bureau politique. Ainsi, le regroupement formé par Zinoviev, Kamenev et Staline à la tête du Parti bolchevik se donne-t-il comme principal objectif de lancer une vaste campagne de dénigrement contre Trotski pour l’évincer de la direction. Placé à la tête du Komintern, Zinoviev est le maître d’œuvre d’une "bolchévisation" des autres PC qui consiste à instaurer des règles militaires et disciplinaires de soumission à la politique de l’IC. Le Komintern exploite en particulier les rivalités politiques présentes dans la gauche du PCF pour développer une politique organisa­tionnelle "d’épuration". Prétextant l’indisci­pline organisationnelle de Souvarine, il le fait exclure au Ve Congrès de l’IC alors que ce dernier avait publiquement pris la défense de Trotski, en même temps que plusieurs militants révolu­tionnaires de valeur, de la trempe de Rosmer ou de Monatte. Parallèlement, il impulse au sein du PCF une politique d’agitation activiste, forte­ment critiquée par la Gauche italienne : création des cellules d’entreprise qui enferment les ouvriers dans la vie étroite de l’usine, favorisant le cloisonnement, le corporatisme et l’ouvrié­risme aux dépens des débats ouverts et de la vie politique dans l’organisation révolutionnaire et dans la classe elle-même. De même, la propa­gande antimilitariste au sein de l’armée qui, faute de correspondre à une situation de montée de luttes révolutionnaires au sein de la classe ouvrière, contribue à isoler le PCF de l’ensemble du prolétariat.

Cependant, c’est avec l’introduction en Rus­sie d’une "nouvelle théorie", celle de la "cons­truction du socialisme dans un seul pays", totalement étrangère au marxisme et en contra­diction absolue avec les combats menés par les bolcheviks et l’Internationale, que le PCF allait devenir un fidèle serviteur de la contre-révolu­tion stalinienne et le grand complice de tous ses crimes.

Ainsi, le PCF passait du reniement à la néga­tion complète du principe marxiste essentiel des organisations ouvrières : l'internationalisme prolétarien, signait sa trahison et son passage définitif dans le camp de la bourgeoisie.

L'abandon de l'internationalisme prolétarien correspond à la période de stalinisation directe du PCF qui devient un des instruments les plus dociles du modèle stalinien de contre-révolu­tion, d'abord à travers la défense de l’URSS présentée comme "la patrie du socialisme", puis son intégration au sein de l’appareil poli­tique de la bourgeoisie française dans sa marche vers la guerre impérialiste.

Comment le PCF est devenu un parti stalinien (1927-1934) ...

Dès décembre 1924, Staline avait formulé une "nouvelle théorie" inspirée par Boukharine : la construction du socialisme dans un seul pays, totalement étrangère au marxisme et en contradiction absolue avec les combats menés par les bolcheviks et l’Internationale qui ont toujours lutté pour ouvrir la perspective d’une révolution prolétarienne mondiale. C’était la "théorie" de la contre-révolution en marche qui allait se concrétiser à travers le déferlement de la terreur stalinienne. L’internationalisme prolétarien était vidé de tout contenu et ne servait plus que de prête-nom pour couvrir son antithèse monstrueuse : "la défense de la patrie socialiste".

En janvier 1926, les promoteurs du "socialisme en un seul pays", Staline et Boukharine, affirment ouvertement leur lutte pour conquérir le pouvoir d'Etat en écartant Zinoviev et Kame­nev qui rejoignaient bientôt Trotski dans une "opposition unifiée" tentant désespérément de se dresser contre l’aberration du "socialisme dans un seul pays". Comme il l’avait fait avec Zinoviev, en manœuvrier rusé, Staline laissait un temps Boukharine agir sur le devant de la scène avec son "bloc ouvrier et paysan". Il se garde de tout chambouler du jour au lendemain, se contentant de truffer le parti et l’appareil d’Etat d’hommes de main à sa solde. En France, le Komintern stalinisé laisse ainsi la direction momentanément en place au congrès de Lille de juin 1926, mais en lui adjoignant de nouveaux et jeunes "hommes d’appareil" comme Thorez, Semard, Monmousseau. Cependant commence très vite, dès 1927, la chasse systématique aux trotskistes et aux opposants de gauche. Les événements s’accélèrent en avril 1927 avec la politique criminelle de Staline en Chine qui, en forçant le PC chinois à s’allier avec le dirigeant nationaliste Chang-kaï-chek, nommé membre d’honneur du Komintern, organise la défaite de la classe ouvrière chinoise. Staline la livre ainsi pieds et poings liés, lors des soulèvements prolétariens de Canton et de Shanghaï, au mas­sacre dans un véritable bain de sang perpétré par les troupes nationalistes du Kouomintang. Cette politique est vigoureusement dénoncée par Trotski. Ce dernier et Zinoviev sont exclus le 23 octobre 1927 du comité central et le 15 novem­bre du parti bolchevik. Début 1928, Trotski est banni et commence sa vie d’errance en exil, tandis que Zinoviev et Kamenev capitulent devant Staline. Les arrestations, les déporta­tions, les exécutions se multiplient dans les rangs de plus en plus décimés des vieux bolche­viks. Les meurtres commandités, les pogroms, les "goulags" à grande échelle suivront bientôt d’abord dans les rangs prolétariens, ensuite dans toute la population. La terreur stalinienne est en place. Le VIe congrès de l’IC en 1928 n’est qu’une parodie : l’Internationale est bien morte. Il ne sert qu’à organiser l’élimination de Boukha­rine. C’est l’ère de la collectivisation forcée et de l’industrialisation forcenée, de plus en plus orientée directement vers l’industrie de guerre. En France, les anciens dirigeants liés à la "bolchévisation" du parti sont éliminés en jan­vier 1928.

Le Komintern est devenu la courroie de trans­mission étroitement contrôlée de l’appareil sta­linien qui téléguide de jeunes dirigeants issus des Jeunesses communistes aux postes de com­mande pour "surveiller les agissements" des anciens. Les statuts du PCF sont profondément remaniés et le droit de tendance est supprimé. Le PCF est transformé en simple rouage de l’appareil stalinien. Par exemple, les rapports et les résolutions du congrès de Saint-Denis en avril 1929 sont préparés sur instructions de Moscou par Thorez, Barbé et Ferrat en marge de la direction officielle.

C’est dans le PCF que Staline va tout d’abord tester en 1931 de nouvelles méthodes d’élimi­nation qui annoncent les futurs procès de Mos­cou de la période 1934/1938. Dans ce but, il met au point une sombre machination pour accrédi­ter la thèse d’un "groupe fractionnel" des jeunes au sein du parti français. Les "aveux" fabriqués et extorqués à Barbé à Moscou faisant de son collègue Célor le bouc-émissaire du pseudo­complot des jeunes sont publiés dans une série d’articles dans l’Humanité sous la fausse signa­ture de huit membres différents du Comité central. En 1931, Thorez, placé sous la coupe directe du Komintern, est nommé secrétaire général qui devient le poste-clé de commande du parti et, dès 1932, la plupart des hommes qui l’entourent, de Duclos à Frachon, deviennent des membres inamovibles du Bureau politique, d’une docilité à toute épreuve envers Staline.

Au nom de la tactique "classe contre classe" et de la lutte contre le "social-fascisme" et "l’hitléro-trotskisme", tout devient prétexte à accusation de "déviationnisme" ou de "liquidationisme". En 1932, est mise en place une commission des cadres qui, grâce à des questionnaires biographiques périodiques rem­plis par les militants eux-mêmes, va permettre d’établir un fichage et un dossier plus complet, efficace et détaillé que celui de la préfecture de police sur chaque responsable. Ce fichier établi en double exemplaire est transmis systémati­quement à Moscou. En même temps, au début des années 30, une nouvelle ligne apparaît dans la presse du PCF.

Dès le printemps 1931, des taux de croissance faramineux en URSS sont annoncés, en pleine crise économique mondiale et alors que la poli­tique économique de Staline provoque une ef­froyable famine qui décime une énorme masse de miséreux. Ils sont censés prouver que "l’URSS est désormais entrée dans l’ère du socialisme" ainsi que "la supériorité incomparable du so­cialisme soviétique sur le capitalisme occiden­tal". Fidèlement, le PCF va désormais marteler à longueur de colonnes et de reportages dans sa presse le leitmotiv : en URSS, c’est le socialisme radieux et les prolétaires français doivent tout faire pour "défendre la glorieuse patrie du socialisme". Le culte de Staline, le "petit père des peuples", déjà en place depuis décembre 29 en URSS, sera promu à l’occasion de cette vaste campagne idéologique.

… et un ardent défenseur du capital national (1934-1935)

Il lui fallait également s’intégrer au sein de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie française. C’est ce pas qu’il allait brillamment franchir en devenant par la suite un ardent défenseur du capital national, en œuvrant de toutes ses forces à l’embrigadement du prolétariat dans la nou­velle boucherie mondiale qui se préparait.

L’intégration progressive du PCF au sein de sa bourgeoisie nationale est étroitement liée à la préparation par celle-ci de la guerre impérialiste. Elle commence par sa participation active au développement de l’idéologie antifasciste. Le PCF est ainsi le principal animateur en 1933 du mouvement antifasciste d’Amsterdam-Pleyel contre la montée du nazisme, téléguidé en sous-main par le Komintern, l’un de ses représen­tants étant faussement accusé par le régime hitlérien de l’incendie du Reichstag. Ce mouve­ment va servir de premier tremplin à l’antifascisme comme base idéologique d’em­brigadement du prolétariat dans la préparation de la guerre impérialiste. Il regroupe déjà, aux côtés du PCF, une partie de la gauche (de membres de la SFIO jusqu’aux intellectuels), contenant ainsi les germes du futur Front popu­laire. Cela n’empêche pas le PCF et l’appareil stalinien en Russie elle-même d’avoir été pris de cours par la prise du pouvoir d’Hitler en janvier 1933 en Allemagne. Le 6 février 1934, date capitale dans l’accélération des préparatifs guer­riers de la bourgeoisie française, l’ARAC (asso­ciation d’anciens combattants contrôlée par le PCF) manifestait encore contre le gouvernement aux cris de"A bas le gouvernement des fusilleurs" aux côtés des Croix de feu et des organisations d’extrême-droite qui avaient pro­voqué de violents affrontements avec la police devant la Chambre des Députés. Lorsque la SFIO propose au PCF une manifestation anti­fasciste commune pour le 8 février, ce dernier refuse catégoriquement et l’Humanité se livre alors dans ses colonnes à un violent réquisitoire contre le parti socialiste. Il fait cependant une première volte-face en qualifiant la journée du 6 comme une "offensive fasciste" et organise seul une contre-manifestation le 9 : il envoie déjà des prolétaires à la mort, six ouvriers étant tués dans de violents affrontements par la police gouvernementale (et non par les ligues fascistes qui avaient cessé d’occuper la rue). Cependant, face aux craintes que faisait naître une situation que beaucoup d’ouvriers étaient tentés de comparer aux événements en Allema­gne qui avaient précédé l’arrivée du régime nazi au pouvoir, un vaste mouvement se dévelop­pait, rassemblant les ouvriers dans les entrepri­ses autour de comités de défense antifascistes qui débordaient parfois le contrôle des appareils sociaux-démocrates et staliniens. C’est pour­quoi les leaders syndicaux de la CGTU font notamment pression sur le PCF en faveur d’une manifestation antifasciste aux côtés du PS pour le 12. Ce jour-là, les deux cortèges se rejoignent et s’unissent : c’est un succès populaire pour le PC. Les réticences du PCF envers l’action commune antifasciste avec la social-démocratie restent toutefois très fortes mais elles commen­cent à être durement critiquées par Staline. La nouvelle ligne est adoptée en mai 1934 à Mos­cou et c’est seulement en octobre que le PCF la reprend à son compte, mais avec détermination. C’est après s’être fait vertement tancé par le Komintern que Thorez appelle ouvertement à un "Front populaire" contre le fascisme. La voie est désormais ouverte au soutien du capital national. Mais c’est seulement à la mi-mai 1935 qu’intervient le facteur décisif avec le pacte Laval-Staline dans lequel ce dernier déclarait qu’il approuvait le programme de défense nationale française. En fait, cela correspondait à l’une des premières tentatives pour l’URSS stali­nienne de se mêler au concert des grandes puissances impérialistes. Cette fois, le PCF réagit en 24 heures : il vole au secours du capital national, de façon irréversible et définitive. Du jour au lendemain, il se met à exalter la France éternelle, Jeanne d’Arc et la Marseillaise. Vaillant-Couturier présente les communistes comme les meilleurs héritiers des rois capétiens. Comme s’il relâchait brusquement une pression énorme trop longtemps contenue, le PCF dé­verse des torrents de patriotisme exacerbé. Au congrès de Villeurbanne de janvier 1936, Thorez s’écrie : "Les communistes ne veulent pas lais­ser aller le pays à la régression, à la ruine et à la catastrophe, c’est pourquoi ils travaillent à l’union du peuple de France, à la véritable réconciliation nationale contre les 200 familles. Nous sommes soucieux de l’avenir de notre pays, du nombre et de la santé de nos enfants, de l’abondance et de la qualité de se production matérielle et intellectuelle, du rayonnement de sa culture (...) La République des Soviets, ce sera le salut de notre pays (...) Les communistes feront une France libre, une France forte, une France pacifique." Le Manifeste du même con­grès proclame : "Un vent de détresse souffle sur notre beau pays de France dont les richesses, au lieu de servir à embellir et à rendre plus heu­reuse la vie des hommes, sont accaparées par une minorité malfaisante de parasites. Notre pays gémit aujourd’hui sous le poids de l’op­pression, de la bande d’ennemis de la nation responsables de l’appauvrissement des mas­ses populeuses, de la corruption et des scanda­les (...) Le PCF est le parti de l’Union de la nation française (...) La nation française, c’est le peu­ple admirable de notre pays, au cœur généreux, à la fière indépendance et au courage indomp­table. Peuple français, c’est pour ton salut que nous te convions à l’Union."

Ne reculant devant aucun excès de chauvi­nisme hystérique, Thorez lançait un nouvel appel par la radio en avril 1936 à une véritable union sacrée : "Nous te tendons la main, catho­lique, (que tu sois) ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes laïcs, parce que tu es notre frère (...) Nous te tendons la main, volon­taire national, ancien combattant devenu Croix de feu, parce que tu es un fils du peuple, que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe." La bourgeoisie nationale sait qu’elle peut compter désormais sur le PCF : s’il ne participe pas directement au gouvernement de Front popu­laire (PS et radicaux) qu’il a largement contribué à amener au pouvoir, il aura été le meilleur garant du maintien de l’ordre public. Après les accords Matignon de juin 1936, c’est lui qui persuade les ouvriers de reprendre le travail : "Il faut savoir terminer une grève !", s’exclame Thorez qui avait écrit parallèlement au chef du gouverne­ment Daladier "C’est parce que nous sommes unis que nous avons empêché dans ce beau pays

que nous aimons, le déchaînement d’une guerre civile qui aurait fait couler beaucoup de larmes et de sang". En août 1936, c’est encore Thorez qui précise devant les militants parisiens : "Nous pouvons dire que le Front populaire (et nous y sommes pour quelque chose, nous, les commu­nistes), ce sera vraiment un front français, un front du peuple de France, héritier et continua­teur de la grande révolution, contre le front des agents de l’étranger. (...) Un front français à la tradition héroïque de lutte et de liberté de notre peuple, aux accents de la Marseillaise de 1792 mêlés à ceux de notre Internationale, sous les plis du drapeau tricolore de Valmy avec le drapeau rouge de la Commune, un front fran­çais contre le front anti-français de la trahison : front français pour le respect des lois, front français pour la défense de l’économie natio­nale, front français pour la liberté et l’indépen­dance de notre pays."

Sous la double bannière de la défense de la patrie française et de la patrie du socialisme, le PCF avait brillamment commencé son œuvre d’embrigadement du prolétariat dans la nou­velle boucherie impérialiste mondiale qui se préparait. Son efficacité sur fond de montée de contre-révolution était terrifiante : entre début 34 et début 37, les effectifs du parti stalinien passaient de moins de 30 000 à plus de 350 000.

(extrait de RI n° 276 et 277­Février mars 1998)

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1 [8]Il faut cependant mentionner qu'auparavant, un courant anarcho-syndicaliste constitué en "Comité de défense syndicaliste" au sein de la CGT animé par Raymond Péricat s'était lancé dans une tentative de créer un Parti Communiste français dès fin mai 1919 sur des positions clairement internationalistes et pro-bolchéviques par rapport à la guerre et aussi sur des positions anti-parlementaristes.

Il publia un Manifeste et des statuts du "nouveau parti" et organisa même une conférence nationale, se dotant d'une publication Le Communiste qui se proclamait "organe officiel du PCF et des soviets adhérents à la section française de la IIIe Internationale de Moscou, des conseils ouvriers, de paysans et de soldats". Mais cette constitution hâtive, dans l'enthousiasme provoqué par Octobre 17, sans réelle préoccupation de regroupement de toutes les forces révolutionnaires, impliqua une existence éphémère de quelques mois de ce PCF-là. Il éclata très rapidement sous l'influence pernicieuse en son sein de l'anarchisme et de sa vision fédéraliste et anti-centralisatrice.

2 [9]Marcel Cachin avait été envoyé en Italie pour remettre à Mussolini de l'argent afin qu'il publie un journal chauvin appelant à l'entrée en guerre. C'est ce même Cachin qui se vantait d'avoir pleuré de joie lorsqu'il a vu le drapeau français flotter à nouveau sur Strasbourg en 1918.

Conscience et organisation: 

  • Troisième Internationale [5]

Questions théoriques: 

  • Parti et Fraction [10]

Le PCF embrigade le prolétariat dans la seconde guerre mondiale

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Le PCF devenu fer-de-lance de la contre-révolution stalinienne, au service de la politique impérialiste de l'URSS, s’est fait pourvoyeur de chair-à ­canon en embrigadant le prolétariat, tout au long du Front populaire et de la guerre d’Espagne, au nom de l’antifascisme dans la seconde guerre impérialiste mondiale. Il a ensuite participé directement au massacre à travers la "Résistance" et la "Libération".

A partir du moment où il se fait l’un des plus prépare l'embrigadement du prolétariat dans la fervents partis nationalistes de la bourgeoisie et guerre impérialiste. où il soutient le Front populaire, le PCF devient un des plus zélés propagandistes de la campa-En France, il est de toutes les campagnes, de gne antifasciste de la bourgeoisie française qui tous les meetings antifascistes. Il est le grand animateur du Comité de vigilance antifasciste. Autour des intellectuels proches du PCF dont Aragon et Barbusse sont les plus ardents repré­sentants, l’Association des amis de l’Union Soviétique célèbrent en même temps le culte de Staline qualifié de "guide génial" et de "géant de la pensée". L’un d’eux, Fernand Grenier pro­clame en décembre 1936, en plein déchaînement de la terreur stalinienne : "Rien ne parviendra à altérer la sympathie que nous portons à l’Union Soviétique".

La guerre d’Espagne (1936-1938)

Mais c’est en participant en première ligne à la guerre d'Espagne que le PCF va pour la première fois exercer ses talents de bourreau et de massacreur du prolétariat, parallèlement aux grands procès de Moscou entre 1936 et 1938 qui se terminent par l’exécution de toute la "vieille garde" bolchévique de Zinoviev et Kamenev à Boukharine.

A ce moment crucial d'embrigadement du prolétariat dans la guerre impérialiste mondiale dans le camp "démocratique" sous le drapeau de "l'antifascisme", il devient le premier fournis­seur de chair-à-canon et envoie des instructeurs pour la guerre d’Espagne.

C’est lui qui lance le mot d’ordre "des armes pour l'Espagne" tandis que la compagnie France-Navigation financée par l’URSS et gérée par le PCF (4e compagnie maritime française dans cette période) détient le monopole du ravitaille­ment en armes de l’Espagne républicaine au gré de la politique stalinienne dont il est le plus fidèle et zélé exécutant.

L'éminence grise de Moscou, Jacques Duclos, fait partie des émissaires "instructeurs" dépê­chés par le Komintern en Espagne aux côtés de Togliatti tandis que l’ancien officier mutin de la mer Noire en 1919, Marty, est chargé de diriger et de coordonner les Brigades internationales à l’automne 1936 dont la France fournit les plus gros contingents.

Le PCF proclame ouvertement en août 1936 la "ligne" antifasciste suivie pour dévoyer et embrigader les ouvriers dans la guerre : "Notre parti frère a prouvé à maintes reprises que la lutte actuelle en Espagne ne se déroule pas entre capitalisme et socialisme, mais entre fascisme et démocratie. Dans un pays comme l'Espagne (...), la classe ouvrière et tout le peuple ont (...) comme seule tâche possible (...) non pas de réaliser la révolution socialiste, mais de défen­dre, de consolider et de développer la révolution bourgeoise démocratique. Le mot d'ordre uni­que de notre parti (...) était : "Vive la République démocratique"."

Dans un manifeste publié le même jour, le PCF déclare : "Nous sommes les interprètes des

camarades communistes, des socialistes et de tous les combattants de la liberté en Espagne en proclamant qu'il ne s'agit nullement d'instaura­tion du socialisme en Espagne. Il s'agit unique­ment et exclusivement de la défense de la Répu­blique démocratique par le gouvernement cons­titutionnel qui, devant la trahison, en a appelé au peuple pour le défense "de l'ordre républi­cain"."

Au nom de cet "ordre républicain", il cau­tionne les assassinats par la Guépéou des diri­geants concurrents antifascistes espagnols les plus directs du POUM, de la FAI et de la CNT.

Et surtout au sein même des troupes stalinien­nes, il participe pleinement à l’écrasement du prolétariat espagnol dans son ultime combat à Barcelone en mai 1937 qui parachève le travail des franquistes.



Le pacte germano-soviétique (1939-1941)

Tandis que se termine l'expérience du Front Populaire en France, en juin 1937 avec la démis­sion de Blum, le PCF calque ses actions et ses discours sur la politique impérialiste de l’URSS. Après avoir accusé son ex-complice "Blum le bourgeois, Blum l'assassin, Blum le mouchard, Blum la guerre, hanté par le sang innocent de ses victimes qui tâche à jamais ses mains aux doigts longs et crochus" avec de forts relents d’antisé­mitisme (1 [11]), pour son alliance avec l’impéria­lisme anglais qualifié "d’empire le plus réaction­naire", il poursuit la même dénonciation des alliances "honteuses" du pays à travers les différents gouvernements français qui se succè­dent jusqu'aux gaullistes qualifiés en 1940/41 de "laquais de l'impérialisme anglo-saxon".

Pourtant le Pacte germano-soviétique signé le 22 août 1939 qui allait directement à l’encontre de l’antifascisme et des préparatifs guerriers du PCF va pousser ce dernier à multiplier les contorsions. Ce n’est que sous la pression de l’impérialisme russe que le PCF s’est retrouvé contraint, à son corps défendant, de ravaler pour un temps (le temps que dura le pacte germano­soviétique) ses slogans nationalistes et antifas­cistes au profit de mots d’ordre qu’avec sa chute dans le camp bourgeois, il avait piétinés, enter­rés à tout jamais. Fidélité à la "patrie socialiste" obligeait ! Aussitôt L’Humanité et les autres publications du PCF sont saisis et bien que le PCF vote au parlement les crédits de guerre le 2 septembre, il est mis hors-la-loi le 26 septem­bre 1939, au lendemain même de l’invasion de la Pologne par les troupes hitlériennes et com­mence alors à travailler dans la clandestinité.

Il se fait, du jour au lendemain, le porte-parole de la politique d’alliance germano-soviétique qu'il célèbre comme une victoire de la paix et retrouve de pseudo-accents internationalistes de défaitisme révolutionnaire tout en conti­nuant à agir au nom de la défense de l’intérêt national en dénonçant le gouvernement de l’épo­que de Paul Raynaud et sa politique impérialiste devenue le dominion de l’Angleterre, assurant que la collaboration avec l’URSS est la seule politique possible pour le rétablissement de la paix générale. Au début de l’occupation alle­mande, il appelle ainsi à "la fraternisation" avec ceux qu’il n’hésitera pas pourtant cinq ans après à nommer "l’envahisseur, le Boche exé­cré". L’Humanité du 4 juillet 1940 écrit ainsi : "Il est particulièrement réconfortant en ces temps de malheur de voir de nombreux tra­vailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistrot du coin. Bravo camarades, conti­nuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants. La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante...". Telle fut l’ignoble hypocrisie d’un parti préten­dument "ouvrier" qui s’est prostitué au capital : ce n’était pas à la fraternisation avec les prolé­taires d’Allemagne que le PCF appelait, mais en réalité, à la soumission à la bourgeoisie hitlé­rienne parce que celle-ci était devenue l’alliée momentanée de l’URSS stalinienne. Face à la désorganisation de la production et à la "résis­tance passive", le PCF réclamait alors "La France au travail" et l’Humanité lançait cet

appel aux ouvriers : "Il faut organiser la reprise du travail ; (...) devant la carence et le mauvais vouloir évident des capitalistes, les ouvriers ont le devoir d’agir, de procéder à l’ouverture des usines et de les faire fonctionner le plus tôt possible". Le 27 juillet, il a le culot, lui qui n’a cessé de conditionner durant les années précé­dentes les ouvriers à la guerre par la propagande antifasciste de clamer encore "Nous sommes les ennemis des capitalistes français, les amis de tous les peuples allemands, italiens, anglais ainsi que des peuples coloniaux. Les impérialis­tes français ont voulu la guerre, mais des milliers d’ouvriers ont lutté pour la paix et sont emprisonnés. Ça, c’est la vraie France, la France de la liberté et de l’indépendance des peuples".

Après l’entrée de l’armée allemande dans Paris, il cherche en vain pendant six mois à négocier la reparution légale de l’Humanité auprès des hauts responsables nazis.



L’Humanité appelle ensuite à la constitution d’un front national des luttes. C’est ainsi qu’en mai 1941, le PCF a enchaîné à leurs exploiteurs les 100 000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais qui s’étaient spontanément mis en grève contre les conditions de travail imposées par le STO (Service du travail obligatoire) institué par le régime pétainiste de Vichy. Il enferme alors la grève dans le carcan syndical grâce à la recons­titution clandestine de la CGT qui isole et expose les mineurs à la répression des troupes d’occupation nazies (alors qu’au même mo­ment se déroulait une grève identique en Belgi­que, juste de l’autre côté de la frontière).

La "Résistance" et la "Libération" (1942-1945)

Le 22 juin 1941, c’est l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes.

Le PCF peut enfin concilier ouvertement sa vocation nationaliste avec sa fidélité à Staline, enchaîner à nouveau le prolétariat au capital national en organisant la résistance armée contre le démon fasciste. Et tout cela, au nom de la défense de cette "patrie socialiste" qui, la veille encore l’avait cocufié en flirtant outrageuse­ment avec "le Boche exécré".

Le déferlement du chauvinisme dans la "Résistance" et à la "Libération", ce ne fut pas seule­ment l’extermination implacable de "l’ennemi extérieur". Ce fut aussi, dans la logique tortion­naire de la Guépéou, la vindicte contre "l’ennemi intérieur", le meurtre organisé de tous ceux que la vermine stalinienne taxait de "collabos", "d’hitléro-trotskistes", de tous ceux qui hési­taient ou se refusaient à marcher au pas derrière les bannières des FFI (Forces françaises de l’intérieur). Ainsi les anciens d’Espagne et les M.O.I. (2 [12]) , dressés comme des tueurs professionnels furent les exécuteurs des basses œuvres du PCF dans la Résistance.

Devenu à son tour le chien de garde servile du capital, le PCF traînait une fois de plus dans la boue et le sang l’appel du Parti bolchevik de 1917 à "transformer la guerre impérialiste en guerre civile" en présentant ignominieusement au nom de ce mot d’ordre, vidé de tout contenu révolutionnaire, la "Libération" de Paris comme une grande insurrection populaire.

Le PCF donne alors la pleine mesure de son hystérie chauvine dont témoignent les manchet­tes de l’Humanité : "Pas un Boche ne doit sortir vivant de Paris insurgé !" (10 août 1944), "Pour en finir avec l’envahisseur exécré, à chaque Parisien son Boche !" (24 août), "Vive la France immortelle ! Plus fort les coups sur le Boche chancelant !" (25 août). L’appel revanchard du PCF à l’extermination des troupes d’occupa­tion allemande, constituées en majeure partie de prolétaires brisés par l’écrasement de la révolu­tion en Allemagne, voilà ce que fut la "Libéra­tion" en France !

Au moment même où des mouvements de désertion commençaient à se manifester chez les soldats allemands, au moment où, avec la déroute de la bourgeoisie hitlérienne, les ouvriers d’Allemagne tentaient désespérément en cer­tains endroits de desserrer l’étau de la contre-révolution (mutineries de soldats, émeutes ouvrières impitoyablement réprimées tant par le gendarme nazi que par les bombardements alliés sur les quartiers ouvriers), les slogans fratricides, patriotards et xénophobes du PCF ont réussi à désamorcer toute possibilité de fraternisation, enfouissant sous les décombres de la guerre, et pour des décennies, le mot d’ordre du Manifeste communiste : "Les prolé­taires n’ont pas de patrie, prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". C’est à la "Libération" que le venin idéologique de l’antifascisme, ino­culé par le PCF, est apparu dans sa véritable fonction antiouvrière à l’état brut, anesthésiant jusque dans ses moindres fondements la cons­cience de classe du prolétariat.

Le PCF s’est révélé non seulement un formi­dable pourvoyeur de chair à canon après avoir puissamment contribué à embrigader les prolé­taires dans la guerre au nom de "l’antifascisme", mais aussi un féroce massacreur, participant à l’écrasement de la classe ouvrière jusqu’à jouer les commanditaires de l’élimination physique impitoyable dans la Résistance et à la Libération de tous ceux qui refusaient de marcher derrière le drapeau national de la bourgeoisie. Sa mise hors-la-loi en 1939 et sa clandestinité alliées au fonctionnement strictement hiérarchisé, cloi­sonné et bureaucratique de l'appareil stalinien lui ont permis de se couler aisément dans tous les réseaux militaires de la Résistance, des unités de maquisards jusqu'aux Forces françaises de l'intérieur (FFI) en passant par le Conseil natio­nal de la Résistance (CNR) et son comman­dement militaire, le COMAC. Parallèlement, il a pu tisser, avec la bénédiction de tous les "démocrates", ses propres réseaux d'influence et diriger directement des groupes armés comme les fameux Francs-Tireurs et Partisans (FTP) avec à leur tête le futur ministre Charles Tillon ou à la Libération les "milices patriotiques". Il a également pu mettre sur pieds des organes "d'union nationale des forces de la Résistance", à fonction d'enrôlement plus politique, comme le Front uni de la jeunesse patriotique à la Libération et surtout le Front national (sic !) pendant la période clandestine de la Résistance. Ces "appellations" qui sont interchangeables avec des mouvements d'extrême-droite ne doi­vent rien au hasard ou à une pseudo-ironie de l'histoire. Dans les faits, les FTP ou les FFI ont été des "bouchers" et des "chiens sanglants" pour les prolétaires. Ils étaient les héritiers dans une toute autre situation historique, des corps-francs qui ont écrasé la révolution allemande en 1919. De même, c’est le parti stalinien qui a armé la meute des "milices patriotiques", haranguée par les appels répétés au meurtre qui faisaient les manchettes de l'Humanité à la fin de l'été 1944 : "Libérez la France, châtiez les traîtres" et lâchée dans une chasse effrénée aux "sabo­teurs" et aux "collabos". Ces éléments, souvent des ouvriers dévoyés, ne se distinguaient en rien des "miliciens" qu'ils pourchassaient et qui avaient été enrôlés à la même époque dans le camp pétainiste. Ils étaient formés dans le même moule idéologique contre-révolutionnaire et patriotard, pour se battre "au service du pays". C'est pourquoi le PCF se retrouve à l'avant-garde de la "politique d'épuration" qui se déchaîne dès la Libération dans la lignée des méthodes d'assassinats et d’exécutions expédi­tives qu'il a déjà expérimentées et mises au point à large échelle à travers les brigades internatio­nales pendant la guerre d'Espagne, aux dépens du POUM et des anarchistes, et qu'il a continué à exercer dans la Résistance contre tous ceux qu'il désignait comme "hitléro-trotskistes".

Avec l’épuration de la France "libre", les Francs-Tireurs et Partisans du PCF parache­vaient comme ils l’avaient déjà fait tout au long de la période maquisarde de la Résistance leur besogne antiouvrière destinée au maintien de l’ordre bourgeois, à la sauvegarde de l’unité nationale contre toute manifestation internationaliste. Ainsi, ces pourvoyeurs de guerre pouvaient-ils oeuvrer désormais à la reconstruction du capital national. Ainsi, en 1944 comme en 1936, Thorez appelait-il de nouveau les ouvriers à resserrer les rangs der­rière un large front de la nation : "Faire la guerre, créer une puissante armée française, recons­truire rapidement l’industrie, travailler et se battre, préparer effectivement dans l’union des cœurs et des cerveaux la renaissance de notre patrie, telles sont les tâches immédiates pour faire une France libre, forte et heureuse." Il ne restait plus au PCF d’après-guerre qu’à lancer aux ouvriers le mot d’ordre "Retroussez vos manches !" au service de la reconstruction na­tionale

Ainsi, le PCF, ayant largement contribué à chasser le spectre de la révolution prolétarienne, méritait bien d’être appelé au gouvernement aux côtés d’un De Gaulle (3) qui lui rendait un hommage et une confiance mérités dans ses Mémoires : "Les communistes n’essaieront aucun mouvement insurrectionnel. Bien mieux, tant que je gouvernerai, il n’y aura pas une seule grève."

Dans la période qui s’ouvrait, allant des ac­cords de Yalta et l’installation de la "guerre froide" jusqu’à 1968, marquant du retour des luttes prolétariennes à l’avant-scène de l’his­toire, le PCF allait continuer sa besogne féroce­ment antiouvrière. Il se distinguait à nouveau, d’une part par sa défense inconditionnelle des intérêts du bloc impérialiste soviétique, d’autre part par son acharnement à museler et encadrer le prolétariat dans l’étau de la contre-révolution.

(Extrait de RI n°278 - avril 1998)

Années 30

Comment les internationalistes dénoncent la préparation pour l'embrigadement du prolétariat dans la guerre

"C'est sous le signe d'imposantes manifestations de masses que le prolétariat français se dissout au sein du régime capitaliste. Malgré les milliers d'ouvriers défilant dans les rues de Paris, on peut affirmer que pas plus en France qu'en Allemagne ne subsiste une classe prolétarienne luttant pour ses objectifs historiques propres. A ce sujet le l4 juillet marque un moment décisif dans le processus de désagrégation du prolétariat et dans la reconstitution de l'unité sacro-sainte de la Nation capitaliste. Ce fut vraiment une fête nationale, une réconciliation officielle des classes antagonistes, des exploiteurs et des exploités ; ce fut le triomphe du républicanisme intégral que la bourgeoisie loin d'entraver par des services d'ordre vexatoires, laissa se dérouler en apothéose. Les ouvriers ont donc toléré le drapeau tricolore de leur impérialisme, chanté la Marseillaise, et même applaudi les Daladier, Cot, et autres ministres capitalistes qui avec Blum, Cachin ont solennellement juré de "donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et la paix au monde" ou, en d'autres termes, du plomb, des casernes et la guerre impérialiste pour tous."

Extrait de l'article "Sous le signe du 14 juillet" paru dans le n° 21 de Bilan (organe de la Gauche communiste italienne),

juillet-août 1935.

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1 [13]Le dirigeant stalinien Billoux entreprend même d'écrire au gouvernement de Vichy pour lui demander de témoigner contre Blum lors du procès de Riom en décembre 1940.

2 [14]La M.O.I. (Main d'œuvre Immigrée) était une organisation créée au milieu des années vingt et regroupant les travailleurs immigrés mis sous les ordres et au service du PCF. C'est au sein de cette organisation qu'entre 1941 et 1944, les staliniens ont recruté nombre de ceux qui ont été chargé des actions terroristes, en général les plus périlleuses (attentats, sabotages, exécutions) et la plupart d'entre eux, lorsqu'ils n'ont pas trouvé la mort au cours de leurs missions suicidaires, ont été froidement liquidés par l'appareil stalinien après avoir été utilisés par ce dernier.

Conscience et organisation: 

  • Troisième Internationale [5]

Evènements historiques: 

  • Deuxième guerre mondiale [15]

Questions théoriques: 

  • Guerre [16]

Le PCF au gouvernement défend le capital national contre la classe ouvrière (1944-1947)

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Si le PCF est le seul parti à être admis sans la moindre interruption dans tous les gouvernements bourgeois entre 1944 et 1947, ce n’est pas seulement parce qu’il est lui-même devenu un parti bourgeois à part entière. Ce n’est pas non plus uniquement pour le récompenser de ses états de service dans la Résistance et à la Libération. C’est surtout parce que l’ensemble de la bourgeoisie française a encore absolument besoin de lui dans cette période.

En effet, celle-ci est consciente que seul le parti stalinien est à même, après avoir pris une part prépondérante dans l’embrigadement du prolétariat pour la boucherie impérialiste, de ramener les ouvriers au travail à la fin de la guerre. C'est la présence du PC au gouvernement qui peut ensuite lui permettre d'entraîner les prolé­taires dans la reconstruction nationale en les persuadant de continuer à accepter les plus grands sacrifices, c’est-à-dire exiger d’eux le maximum de productivité tout en les mainte­nant dans les conditions d’existence les plus précaires et misérables. Malgré toutes les garan­ties qu’elle s’est donnée, malgré l’écrasement physique et l’encadrement idéologique du pro­létariat qu’elle a obtenus au cours des décennies précédentes, la bourgeoisie continue d’être han­tée par le souvenir de la révolution de 1917 et elle redoute par-dessus tout des explosions sociales à la fin de la guerre. Le parti stalinien s’acquittera parfaitement jusqu’au bout des tâches parti­culières qui lui ont été confiées.

Certes, c’est aussi à force de chauvinisme et de zèle nationaliste que le PCF a été placé pour la première fois à la Libération devant des responsabilités gouvernementales par un De Gaulle qui salue en lui "l’aile marchante de la Résistance".

A l’exact opposé du Parti bolchevik qui avait rassemblé toutes les énergies révolutionnaires du prolétariat pour s’opposer à la première guerre mondiale, le parti stalinien français tire sa force du cœur de la contre-révolution, de sa participation en première ligne au second holo­causte impérialiste généralisé.

A la botte de Staline et aux ordres des Alliés

Après avoir été intégré dans le gouvernement provisoire semi-officiel de la "France Libre" proclamé par De Gaulle à Alger en 1943, il conserve ses deux attributions ministérielles dans le nouveau gouvernement provisoire gaul­liste formé après la Libération de Paris en septembre 1944 (1 [17]). Cependant, dès ce mo­ment-là, la prudence politique du PCF qui se garde bien de réclamer davantage est condition­née par le fait qu’il obéit aux consignes expres­ses de Staline qui prépare les accords de Yalta et trame déjà avec les autres brigands impéria­listes victorieux un repartage du monde en deux blocs.

Dans cette attente, Duclos (2 [18]) qui dirige l’ap­pareil stalinien en l’absence de Thorez, consi­déré comme "déserteur" depuis sa fuite en URSS via l’Allemagne nazie en 1939 et son exil à Moscou, fait tout pour maintenir le "statu quo" et repousser les échéances électorales, reculant l’épreuve de force avec De Gaulle. Il se garde même de réagir lorsque De Gaulle décide de la dissolution des "milices patriotiques" le 28 octobre 1944, se pliant ainsi à l’ordre direct de Staline qui est de "ne s’opposer en rien aux exigences de De Gaulle, ni à celles des Alliés" (de l’aveu même de Tillon dans son livre On chan­tait rouge).

Parallèlement, la direction du PCF s’attache à écarter des plus hautes responsabilités de son appareil les chefs les plus "populaires" de la Résistance, soit en les faisant nommer dans des postes honorifiques de l'Etat bourgeois (minis tres, secrétaires d'Etat ou préfets), soit en les destituant purement et simplement de leurs fonctions. Le but de la manœuvre est de recons­tituer l'appareil stalinien autour des hommes qui ont déjà fait la preuve de leur docilité absolue envers la politique de Staline. Le 10 décembre 1944, c'est De Gaulle qui se rend à Moscou et signe le pacte franco-soviétique.

Du 2 au 12 janvier 1945, Roosevelt, Churchill et Staline sont réunis à Yalta et ces deux derniers se livrent à un sordide maquignonnage en crayon­nant sur un bout de papier une carte de l'Europe où ils fixent le tracé de leurs zones d'influence respectives, dépècent toute l'Europe centrale et se disputent le sort de populations entières à coups de pourcentages. Finalement, pour le prix du sang de ses vingt millions de victimes dans la guerre, l’impérialisme russe se verra accordé par les Alliés, non seulement les terri­toires obtenus lors du pacte germano-soviéti­que, mais encore la Pologne, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et une partie de l'Allemagne. En fait, les Alliés avaient besoin d'un nouveau gendarme à l'Est de l'Europe pour parer à toute éventualité de sou­lèvement prolétarien à la fin de la guerre. Ainsi, ils ont délibérément favorisé les entreprises d'occupation par l'Armée rouge pour mater les révoltes ouvrières à Varsovie et à Budapest (3 [19]). En échange de cette zone d'influence exclusive et de conquêtes militaires autorisées, faisant de l'URSS une superpuissance antagonique au parapluie américain déployé sur le nouveau bloc occidental, Staline s'engageait à laisser entière­ment l'Italie et la France, où les partis staliniens exerçaient pourtant une influence politique pré­pondérante, dans le camp américain, moyen­nant quoi ces partis pourraient assumer leur rôle antiprolétarien spécifique en embrigadant la classe ouvrière derrière la "reconstruction natio­nale" à travers une participation à des gou­vernements "démocratiques".

Le sort du PCF était ainsi scellé : sur ordre de Staline, et avec la bénédiction de tous les grandes "démocraties" occidentales, il n’engagerait pas d’épreuve de force pour la conquête du pouvoir mais serait en revanche systématiquement as­socié à celui-ci pour empêcher toute initiative prolétarienne et mieux désarmer la classe ouvrière. Très vite amnistié et accueilli triomphalement à Paris, Thorez s’empresse de décla­rer le 21 janvier 1945 : "Il faut un seul Etat, une seule police, une seule armée" et le PCF oblige alors les ouvriers et les ex-membres des "milices patriotiques" à rendre les armes accumulées pendant la Résistance. L’appareil du PCF est reconstitué autour de ses anciens leaders et Thorez, qui bénéficie toujours du plein soutien de Staline, retrouve ses fonctions de secrétaire général. A l’occasion de son Xe congrès en juin 1945, le parti stalinien fait éditer une brochure officielle largement diffusée dans laquelle l’his­toire du PCF est réécrite et accommodée à la mode stalinienne, faisant notamment disparaî­tre ses appels au "défaitisme révolutionnaire" et à la fraternisation avec l’occupant pendant le pacte germano-soviétique. Ainsi, à la place, il substitue un pseudo-appel préfabriqué à "la résistance contre les envahisseurs" lancé en juillet 1940. En réalité, il s’agira toujours de la même citation d’un fragment de discours tron­qué de Thorez, qui n’est rien d’autre qu’une énième déclamation populiste exaltée du secré­taire général, jouant une fois de plus de sa fibre la plus nationaliste.

Dans la période qui suit ce congrès, c’est face à la colère des mineurs exaspérés par le blocage des salaires, le rationnement et la pénurie de vivres que ce même Thorez lance devant les corons de Waziers son fameux mot d’ordre en direction de la classe ouvrière : "Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale !" Immédiatement après s'être opposé au projet gaulliste de nouvelle constitution qui proposait par référendum un renforcement du pouvoir exécutif aux dépens du pouvoir législatif de l’Assemblée Nationale, il devient le premier parti de France aux élections législatives d’oc­tobre 1945 avec 26 % des voix et 150 députés. En novembre, il renforce notablement ses posi­tions dans le gouvernement bourgeois en se faisant octroyer 5 ministères sur 21, et pas des moindres, avec Thorez à la Fonction publique, Ambroise Croizat au Travail, Marcel Paul à la Production industrielle, Billoux à l’Industrie, au Commerce et à l’Economie nationale et Tillon à l’Armement. Tout pour encadrer efficacement la classe ouvrière ! Le seul poste-clé qui lui échappe est bien sûr le contrôle de la Défense nationale dont l’Armement n’est qu’un appen­dice. Après le départ de De Gaulle le 21 janvier 1946, qui estime ne plus avoir assez de marge de manœuvre pour imposer un pouvoir plus auto­ritaire, le PCF devient le pivot de toutes les coalitions gouvernementales érigées face au gaul­lisme, d’abord avec le MRP (droite démocrate-chrétienne) et la SFIO, puis avec le parti radical centriste. Il élargit encore le champ de ses attributions avec le ministère des Anciens com­battants ou celui de la Santé publique et deux nouveaux secrétariats d’Etat. Et surtout, fin 1946, sous les gouvernements successifs de Gouin (SFIO), Bidault (MRP), du socialiste Blum et du radical Ramadier, Thorez est nommé vice-président du Conseil, c’est-à-dire le deuxième personnage de l’Etat bourgeois. Le parti stalinien connaît son apogée lors des élections législatives de novembre 1946 où il recueille près de 29 % des voix et Thorez évoque

pour la première fois une "voie spécifique fran­çaise, pacifique et démocratique de marche vers le socialisme".

Pendant toute cette période où il est au gou­vernement, le PCF se signale par sa participa­tion active à la répression. En mai 1945, le jour même de la capitulation de l’Allemagne, le ministre stalinien de l’Aviation Tillon ordonne le bombardement de Sétif et de Constantine en Algérie où des mouvements nationalistes re­mettant en cause la domination coloniale de l’impérialisme français avaient provoqué le soulèvement d’une partie de la population. Les morts et les blessés se comptent par dizaines de milliers et certains quartiers populaires sont réduits en cendres. Le PCF justifie ces massa­cres en déclarant que la rébellion était l’œuvre d’une "provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place". En mai 1947 encore, il cautionne et n’émet pas la moindre protestation quand le gouvernement organise la terrible répression du mouvement indépendantiste malgache qui fait 80 000 morts et dans laquelle les prisonniers de l’armée française sont balancés des avions dans le vide pour qu’ils s’écrasent sur les villages.

Aux avants-postes de la répression contre la classe ouvrière

Mais surtout, à ce moment-là, les grèves ouvrières sont systématiquement dénoncées par les staliniens comme étant "l’arme des trusts", des "coups portés contre la démocratie" et des "actions de sabotage de la production destinés à rompre l’unité républicaine et anti­fasciste" (selon les extraits de l’Humanité rap­portés par Robrieux dans son Histoire inté­rieure du Parti communiste).

Ainsi tour à tour, les cheminots, les mineurs, les fonctionnaires et les métallos sont accusés d’être des traîtres, des agents de l’ennemi ou des manipulés. En même temps, le PCF aura con­tribué à faire accepter, au nom des sacrifices nécessaires pour le relèvement de l’économie "de la France éternelle", la détérioration catastro­phique des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière dans l’immédiat après-guerre. Pour cela, il s’attache à détourner et dévoyer le mécontentement énorme des prolétaires vers un soutien à son programme de nationalisations dans l’industrie et les services comme à son entreprise de réforme de la fonction publique, le tout concocté avec l’ensemble de la bourgeoisie. Cependant la colère des ouvriers augmente à mesure que leurs conditions de vie se détério­rent. Les salaires sont bloqués depuis la guerre, les produits de première nécessité comme les chaussures ou les vêtements sont hors de prix ou introuvables, l’inflation galope, dopée par un marché noir toujours florissant, les tickets de rationnement existant depuis l'Occupation vont être maintenus jusqu’en 1950 (4 [20]).

C’est dans de telles circonstances qu’éclata de façon spontanée la grève de Renault le 25 avril 1947.

Le PCF et la CGT réagirent immédiatement, se déchaînant plus fortement encore qu’à l’ac­coutumée contre les grévistes qualifiés de "pro­vocateurs hitléro-trotskistes à la solde de De Gaulle qui veulent faire couler le sang". Incapa­bles de canaliser et de maîtriser la colère ouvrière qui est en train de se retourner contre eux et qui menace de faire tâche d’huile, ils sont contraints d’opérer un brutal revirement. Face à 20 000 grévistes à l’usine de Billancourt, à la veille de la grande parade-mascarade du 1er mai qu’ils avaient organisée, ils proclament leur "soutien aux légitimes revendications syndicales sur les salaires" des métallos. La grève va se terminer par une asphyxie et un échec des ouvriers, grâce aux efforts conjugués du PCF, des syndicats et de... Lutte Ouvrière (5 [21]). Mais l’ensemble de la bourgeoisie française va en tirer très rapidement les leçons. Il ne lui est plus possible d’encadrer la classe ouvrière en conservant le PC au gou­vernement. Sa place n'est plus là. Et le parti stalinien est bel et bien poussé dehors.

(Extrait de RI n° 279 - mai 1998)

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1 [22]Dans le gouvernement clandestin formé à Alger, François Billoux et Fernand Grenier sont nommés ministres, le premier comme ministre de la Santé publique, le second comme ministre de l'Air. Dans le gouvernement provisoire de 1944, le PCF conserve les mêmes attributions mais c'est Charles Tillon qui devient ministre de l'Aviation, en pleine Libération. Il est édifiant de remarquer que, par la suite, c'est le secteur de l'armement qui sera systématiquement confié au PC, traduisant les préoccupations fondamentales de la bourgeoisie : contrôler la récupération des armes.

2 [23]Duclos, numéro deux du parti, l'a effectivement dirigé seul pendant toute la période d'exil de Thorez entre 1939 et 1946. Mais s'il préférait "agir dans l'ombre", c'est parce qu'il a toujours été "l'oeil de Moscou" sur l'appareil, chargé en particulier de surveiller les agissements du secrétaire général (et dénonçant à l'occasion ses hésitations ou ses lâchetés). D'ailleurs Trotski lui-même l'avait publiquement dénoncé en 1937, après l'assassinat de son fils Sedov en France, comme "un vieil agent de la Guépéou".

3 [24]En fait, Staline s'est lui aussi cyniquement déchargé, à ce moment-là, de cette besogne sur l'armé hitlérienne en laissant stationner ses propres troupes dans les faubourgs de ces deux villes sans bouger le petit doigt pendant les tueries.

4 [25]A titre d’exemple, fin 1945, le rationnement était encore de 350 grammes de pain par jour et par personne, de 100 grammes de viande (avec os) par semaine, de 200 grammes de beurre et de 2 kilos de pommes de terre par mois.

5 [26]La Gauche Communiste de France, dont le CCI se revendique a, à l’époque, consacré un numéro entier de sa publication Internationalisme pour dénoncer les manœuvres complémentaires du PCF et de la CGT d’un côté et de l'Union Communiste (trotskyste) (publiant La Lutte de Classe, puis La Voix des Travailleurs de chez Renault, ancêtre de Lutte Ouvrière, dirigé à l'époque par Barta) de l'autre, qui participait là à son premier sabotage d’envergure d’une lutte ouvrière. Ce sabotage a d'ailleurs été à l'époque combattu à l'intérieur du comité de grève par un membre d'Internationalisme, aujourd'hui membre du CCI. En effet, pendant que le PC et la CGT s'opposent dans un premier temps directement aux grévistes, déversant les pires calomnies sur eux, le groupe La Lutte de Classe enferme la lutte dans des revendications réformistes comme l'échelle mobile (déjà réclamée par la CGT dés décembre 46) et pousse les ouvriers à "obliger" les bonzes syndicaux à défendre les revendications ouvrières à travers "une vraie CGT" et de "vraies nationalisations".

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [27]

Le PCF dans la "guerre froide": un parti stalinien modèle (1947-1967)

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Après avoir été de tous les gouvernements de la bourgeoisie française pendant trois ans, de 1944 à 1947 pour faire accepter à la classe ouvrière, à travers une pression idéologique énorme, de "retrousser ses manches" et de "se sacrifier" pour la reconstruction nationale d’après-guerre, en pleine période de disette et de blocage des salaires, le PCF est poussé hors du gouvernement, sitôt la fin de la grève chez Renault. Face à cette grève, le parti stalinien avait montré ses difficultés à maintenir son encadrement sur le prolétariat et à contenir la colère accumulée.

Si la grève de Renault a constitué l’élément déterminant de ce départ forcé le 5 mai 1947, le reste de la bourgeoisie avait préparé le terrain. Déjà le 18 mars, en guise d’avertissement, le Chef du gouvernement, le radical Ramadier, avait provoqué un clash à l’Assemblée nationale en poussant les députés communistes à se désolidariser publiquement du gouvernement sur la guerre coloniale d’Indochine (1 [28]). Cette guerre avait été engagée l’année précédente avec le plein aval de Thorez et une prudente réserve des autres ministres du PC, alors même que Staline soutenait ouvertement le Viêt-minh.

Cependant, le PCF cherche à s’accrocher et, loin de se radicaliser dans un premier temps, ses discours démontrent qu’il fait pression pour revenir au gouvernement, multipliant les con­cessions, acceptant presque toutes les clauses du plan Marshall d’aide à la reconstruction européenne sous l’aile des Etats-Unis et marte­lant l’idée chez ses militants que sa mise à l’écart du gouvernement n’est que provisoire.

C’est dans ce contexte qu’il est convoqué à la conférence des "partis frères" qui s’ouvre le 22 septembre 1947 à Szlarska-Poreba en Pologne. D’emblée, la politique du PCF (ainsi que celle du PC italien qui a également pratiqué une politique de coalition gouvernementale après la chute du régime fasciste) est violemment mise en accusation par les émissaires de Staline et par ses disciples venus en force des pays de l’Est passés sous sa coupe qui se font les procureurs les plus zélés des "partis frères" occidentaux. Il leur est carrément reproché la plus lourde des fautes : faire le jeu de l’impérialisme américain. Duclos, représentant du PCF à cette confé­rence, mis sur la sellette pour "l’inadmissible attitude conciliante" de son parti entre 1943 et 1947, s’effondre et fait son "autocritique" la plus complète, reniant tous ses engagements passés avec "l’ennemi bourgeois" et surtout l’impérialisme américain.

A la fin de cette conférence, intervenait une autre décision, elle aussi longuement et mûre­ment préparée par Staline pour resserrer le contrôle de son bloc sur les "partis frères" satellites : la création du Kominform (2 [29]) qui sera opérationnel dès 1948, cinq ans après l’autodissolution officielle du Komintern par Staline.



La période de "guerre froide" entre les deux blocs impérialistes vient de commencer. Du jour au lendemain, le parti stalinien s’investit à fond dans l’opposition politique tous azimuts la plus résolue et la plus radicale, tant sur le terrain de la lutte de classe que sur le plan des affron­tements interimpérialistes où il passe de la défense du "socialisme dans un seul pays" à la défense inconditionnelle de la politique impé­rialiste du bloc russe.

Dans l’opposition contre la classe ouvrière

Dès la mi-novembre 1947, pour se recrédibiliser aux yeux de la classe ouvrière, attisant le large mécontentement des ouvriers, exaspérés par une pénurie qui provoque une nouvelle flambée des prix et des services de consommation courante (gaz, électricité, trans­ports), il lance, anime et contrôle de bout en bout une série impressionnante de grèves à l’échelon national. Ces grèves sont extrêmement dures et violentes. Elles démarrent le 12 novembre à Marseille, contre une nouvelle augmentation des tarifs dans les tramways. En deux semaines, le PCF parvient à étendre la grève chez la quasi-totalité des mineurs, des dockers, des marins, des métallos (Renault, Citroën), ainsi que chez les enseignants, les postiers, les ouvriers du textile et du bâtiment, et une multitude de petites entreprises. La presse d’époque évoque le chiffre d’environ 3 millions de grévistes. Le parti stalinien fait non seulement occuper les usines comme en 1936, mais pousse également les ouvriers à assiéger des bâtiments publics comme les préfectures ou à bloquer les voies ferrées et les routes. Il relie même ces mouve­ments à travers un comité national de grève placé sous son autorité. Il pousse également les ouvriers vers des affrontements systématiques avec la police, les exposant à la répression menée avec énergie par le ministre de l’Intérieur "socialiste" Jules Moch.

Cet "automne chaud" se soldera par 1 375 arrestations officielles et un millier de condam­nations en justice. Au bout du compte, le gouvernement lâchera deux jours après la re­prise du travail appelée par le comité national de grève une prime de 1 500 francs à tous les salariés parisiens et environ 1 300 francs en province (3 [30]).

Un an plus tard, en octobre 1948, le PCF, secondé par la CGT, pousse à nouveau les mineurs à se mettre en grève pour réclamer 35 % d’augmentation de salaire et à s’affronter dure­ment, d’une part aux forces de répression (40 000 soldats et 5 000 policiers sont mobilisés dans le seul bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais), d’autre part aux non-grévistes (regroupés en particulier derrière le nouveau syndicat FO, appuyé et financé par le gouvernement améri­cain). La grève des mineurs, cette fois isolée dans le secteur, est écrasée mais le PCF la laisse durer encore trois semaines avant d’appeler à la re­prise du travail. Il y aura 1 800 licenciements et des centaines d’arrestations. Le climat de divi­sion suscité par ce nouveau conflit dur laissera de douloureuses cicatrices pour toute une géné­ration de mineurs

Un soutien inconditionnel au bloc impérialiste russe

A partir de 1948, le PCF, tout en continuant à remplir sa fonction essentielle d’encadrement de la classe ouvrière au service du capital natio­nal en tant que parti d’opposition, s’est fidèle­ment et systématiquement aligné sur la défense inconditionnelle du bloc impérialiste russe pen­dant la guerre froide.

… à travers le pacifisme

Parallèlement, le parti stalinien français ne va pas manquer une seule occasion à partir de 1948, de s’opposer à l’impérialisme américain en combattant aussi bien contre la mise en appli­cation du plan Marshall que contre la guerre de Corée qui, mettant directement pour la première fois aux prises les deux blocs issus des accords de Yalta, allait cristalliser les tensions et alimen­ter les craintes d’un troisième conflit mondial généralisé.

Ainsi, le PCF, dénonçant le bellicisme et l’agressivité de l’impérialisme américain, se lance dans de grandes campagnes pacifistes, en particulier à partir de mars 1950, en faveur de signatures pour l’appel de Stockholm qui per­mettra au parti d’étendre son influence auprès de fractions intellectuelles ou "humanistes" de la petite-bourgeoisie ou de la bourgeoisie. C’est ainsi qu’il crée et anime le "Mouvement pour la paix" à partir du moment où l’URSS peut véritablement se lancer dans la course aux arme­ments et rivaliser avec les Etats-Unis en se dotant à son tour de la bombe atomique.

Là encore, le PCF ne pouvait que bénéficier des illusions pacifistes qui pesaient sur les ouvriers à peine sortis du cauchemar de la guerre mondiale. Cependant, il est amené rapidement à "durcir" ses prises de position et ses engage­ments au profit du bloc russe. C’est pourquoi il prend l’initiative d’organiser une grande ma­nifestation le 28 mai 1952, à l’occasion de la venue en France du général Ridgway, nommé commandant en chef des nouvelles forces de l’OTAN (4 [31]). Les staliniens préparent et li­vrent leurs troupes à de véritables combats de rues face à d’imposantes forces de police qui feront un mort et 17 blessés dans les rangs ouvriers ; Duclos sera même arrêté et empri­sonné pendant un bon mois (5 [32]).

Après la construction du Mur de Berlin et l’installation du "Rideau de Fer", il s’oppose avec véhémence au "réarmement de l’impéria­lisme allemand" en Allemagne de l’Ouest par le bloc occidental. De la même manière, le PCF.

… à travers la guerre d'Algérie

C’est pourquoi le cas de la guerre d’Algérie ressort comme un cas particulier qui détonne avec ses autres prises de position de l’époque.

La prudence extrême et la modération du PCF sur la guerre d’Algérie s’expriment dès le début de l’insurrection le 1er novembre 1954 du fait que celle-ci n’a nullement l’aval de l’URSS. Au contraire, le PC algérien, n’y ayant pris aucune part, la condamne. Et dès le 8, le PCF déclare dans l’Humanité "ne pas approuver le recours à des actes individuels susceptibles de faire le jeu des pires colonialistes", assimilant ainsi les nationalistes algériens à des provocateurs.

Dans les mois qui suivent, il continue à ignorer le FLN et à prôner le maintien de l’Algérie dans "l’union française", tout en étant contraint d’ac­cepter "la revendication à la liberté qui doit être discutée avec les délégués de tous les partis, les représentants démocratiques, professionnels, culturels et les personnalités". En octobre 1955, il maintient ce profil bas en réaffirmant que "la négociation est le seul moyen de rassembler dans l’Union française les peuples assujettis à l’impérialisme français qui revendiquent avec l’appui des autres démocrates la liberté et l’indépendance nationale".

De même, en janvier 1956, il est amené à condamner la politique de répression sanglante de Mendès-France à la tête du gouvernement français mais deux mois plus tard, le 12 mars, sous l’impulsion de Thorez, le groupe parle­mentaire du PCF vote des "pouvoirs spéciaux" au socialiste Guy Mollet pour l’intensification de "l’effort de guerre", l’envoi de renforts mas­sifs de soldats du contingent et l’allongement de la durée du service militaire. Plus tard, il con­damnera avec la plus grande fermeté les actes d’insoumission, de sabotage ou de désertion et s’opposera avec vigueur au "Manifeste des 121" en soutien au FLN.

Ce soutien à l’indépendance nationale à géo­métrie variable, en fonction des intérêts et des choix exclusifs du bloc russe, entraînera certai­nes désaffections à son égard, notamment auprès des plus jeunes générations, massivement ré­quisitionnées et entraînées dans l’aventure guer­rière de l’Algérie française.

… à travers l'épuration "anti-titiste"

Au cours de la même période, le PCF s'appli­que parallèlement, sous la houlette de son secré­taire général, Maurice Thorez, à intégrer com­plètement et reproduire dans l'appareil français le modèle stalinien, au point de devenir, après la mort du sanguinaire "petit père des peuples", le plus représentatif défenseur du stalinisme pur et dur.

La première occasion pour le PCF de manifes­ter sa complète allégeance aux ordres du Kominform lui est fournie dès 1948, par l'insou­mission des dirigeants yougoslaves commandés par le maréchal Tito à l'intérieur du camp stali­nien. Le motif essentiel du "schisme" titiste est le refus par Tito de laisser les "spécialistes" militaires russes noyauter l'armée yougoslave.

La défense d'un nationalisme exacerbé (6 [33]) amène le gouvernement de Tito à se retourner contre celui qui avait été jusque là son principal allié, Staline, et à s'opposer à la volonté impé­rialiste hégémonique de la Russie. En effet, pour la bourgeoisie yougoslave, l'opposition à Sta­line permet de souder une unité nationale entre les différentes ethnies qui s'étaient entre-déchi­rées dans la guerre. Cependant, en pleine guerre froide, la "démarcation" tentée par Tito ne peut rester neutre. Pour maintenir le rapport de forces, l'Etat yougoslave doit recourir à l'aide et aux subsides du camp adverse et s'intégrer progressivement dans le bloc occidental. Par exemple, Tito obtient un énorme prêt de la part de la banque mondiale contrôlée par la bourgeoi­sie américaine et conclut des accords commer­ciaux avec plusieurs pays occidentaux, notam­ment la Grande-Bretagne.

Dans sa propagande, Staline entreprend une gigantesque campagne contre les "traîtres titis­tes" destinée à resserrer les rangs des autres alliés du camp russe. Sans hésiter, le PCF monte en première ligne pour mener avec zèle une véritable "chasse aux sorcières" contre tous ceux soupçonnés de sympathie avec la "déviation titiste".

Le "titisme" est purement et simplement as­similé puis amalgamé au "trotskisme" comme au "boukharinisme" et taxé du "crime d'espionnage impérialiste". Cette épuration reprend de plus belle à l'automne 1949, lors du procès de l'ex­secrétaire général adjoint du PC hongrois Rajk soupçonné, comme Tito, de fomenter un com­plot contre "le front unique d'action" des "partis frères". Même s'il est impossible d'évaluer le nombre d'exclusions et de rétrogradations au sein du PCF lié à cette épuration, la surveillance et la répression staliniennes employées dans chaque cellule du parti visent particulièrement tance" susceptibles d'avoir fréquenté des "par­les anciens membres des FTP dans la "Résis-tisans" yougoslaves dans les maquis.

Un parti stalinien pur et dur

Cependant, l'utilisation des méthodes em­ployées sans discontinuer par Staline pour éliminer ses rivaux au sommet de l'Etat n'ont pas encore été greffées sur l'appareil de direction du PCF, malgré le précédent expérimental de "l'af­faire Barbé-Célor" en 1931. C'est à partir de 1952 que Thorez, avec le plein aval de Staline, les reprend à son compte avec l'élimination du tandem Marty-Tillon, accusé de mener un tra­vail fractionnel au sein du parti. En particulier, un dossier d'accusation est monté contre André Marty, numéro 3 du parti. Ce dernier était jusque là considéré comme un "héros", d'une part au titre d'ancien officier de marine qui s'était rallié au camp des mutins de la mer Noire refusant d'intervenir contre l'Union Soviétique en 1919, d'autre part comme ancien chef des Brigades Internationales dans la guerre d'Espa­gne en 1936. Stalinien dévoué corps et âme (Staline le nomma pour cette raison secrétaire du Komintern à Moscou au cours des années 30) et défenseur inconditionnel de l'URSS, il est pourtant sacrifié à la rivalité qui l'oppose depuis toujours à Thorez et dont Staline n'a cessé de jouer. Cependant, certaines déclarations publi­ques hasardeuses de Marty sur les remanie­ments nécessaires selon lui à la tête de l'appareil stalinien français à la Libération l'ont desservi. D'abord mis en disgrâce, il est ensuite à travers une sombre machination, carrément accusé dans les colonnes de L'Humanité d'être un policier. Quant à Charles Tillon, ex-chef des FTP et ancien ministre responsable du bombardement de Sétif en 1946, il est le bouc-émissaire du reniement par le PCF de sa politique gouverne­mentale entre 1944 et 1947. Il est accusé, en plus de certaines "fautes politiques et fractionnelles graves", d'avoir détourné des fonds de la caisse du parti à la Libération. Cette élimination est menée parallèlement au procès de Prague contre les anciens dirigeants du PC tchèque Slansky et London qui devait se conclure par plusieurs nouvelles condamnations à mort.

L'alignement du PCF sur la politique du maître du Kremlin va jusqu'à singer au profit de son secrétaire général le culte de la personnalité consacré au "petit père des peuples". Thorez est ainsi un Staline au petit pied, sous l'impul­sion des hommages serviles des intellectuels du parti comme cette "fresque lyrique" mise en musique par Joseph Kosma et intitulée "Celui de France que nous aimons le plus". Deux mois après la célébration fastueuse des 70 ans de Staline, c'est Thorez qui bénéficie du même traitement à l'occasion de son cinquantième anniversaire. Le secrétaire général, qui bénéfi­ciait sous Staline de l'exclusivité des directives de Moscou, a les pleins pouvoirs de décision, aidé par une sorte de "secrétariat particulier" non officiel composé de quelques hommes ini­tiés aux arcanes du pouvoir du Kremlin. Le véritable organe exécutif est le secrétariat, uni­vers clos dont les discussions, en tant que seul lieu de discussion des orientations politiques, ne filtrent jamais à l'extérieur. Quant au bureau politique, issu de la sélection écrémée des cadres du parti, il n'est qu'une simple chambre d'enre­gistrement.

Comme en URSS, s'édifie également dans le parti stalinien français une série de privilèges réservés à la "nomenklatura", au sommet de cette bourgeoisie bureaucratique, depuis la luxueuse villa de Thorez sur la Côte d'Azur jusqu'aux "datchas" de vacances au bord de la mer Noire, réservées aux membres du bureau politique.

L'arrivée de Khrouchtchev au pouvoir en URSS ...

A la mort de Staline en mars 1953, la lutte de cliques pour sa succession en URSS n'a pas d'influence immédiate sur la politique du PCF, si ce n'est que la mise en échec puis l'élimination dès mai 1953 de l'aile stalinienne la plus dure dirigée par le chef de la police politique Béria, le contraint à modérer ses dénonciations tous azimuts de "complots anti-soviétiques".

Cependant, la mort de Staline laisse la bour­geoisie bureaucratique russe face à une série de problèmes économiques majeurs qu'elle ne peut tenter de surmonter qu'en changeant résolu­ment de cap.

En URSS même, l'état de l'agriculture est catastrophique. L'expérience stalinienne de pla­nification de la production des sovkhoses direc­tement gérés par l'Etat est un fiasco alors que les moyens de production agricoles sont archaï­ques et le rendement quasi-nul. La disette me­nace des millions de paysans.

De même, l'autre nécessité pour la bourgeoisie "soviétique" est de desserrer l'étau qui étouffe une production industrielle entièrement subor­donnée au secteur des armements et à la défense nationale, alors même que les dépenses militai­res représentent plus de 20% du budget de l'Etat. En outre, depuis l'instauration du COMECON en 1949, qui constitue un "échange privilégié" à sens unique à travers lequel l'URSS exerce un véritable brigandage impérialiste (7 [34]), cette économie de pillage révèle très vite ses limites, conduisant à l'asphyxie progressive de ses pays satellites. Ceci se révèle d'autant plus que le prolétariat de ces pays commence à relever la tête. Dès l'été 1953, le bloc russe est confronté à une première vague de révoltes ouvrières engendrée par le niveau d'exploitation et le contrôle répressif de l'appareil d'Etat ap­puyé par l'URSS. Début juin, les travailleurs tchécoslovaques remettent en question leur rétribution sous forme de salaire aux pièces. Une grève générale éclate 15 jours après à Berlin-Est et se propage rapidement dans tous les grands centres industriels de la Saxe, notamment à Cheminitz. Les chars russes stationnés en RDA y mettent fin brutalement et une terrible répres­sion s'ensuit.

C'est dans de telles circonstances et pour ces raisons que le clan Khrouchtchev, principal représentant des fractions les plus "réformis­tes" au sein même du sérail stalinien (8 [35]) est poussé en avant. Cette volonté de "réforme" est l'expression des fractions les plus conscientes et les moins arriérées de la bourgeoisie russe qui, face au délabrement croissant de l'économie, comprennent la nécessité pour l'URSS de s'ouvrir davantage sur le marché mondial. Ce qui allait s'exprimer à travers le vernis de la "déstalinisa­tion", ouvre la voie à une nouvelle période de "détente" entre les deux blocs, théorisée idéologiquement à travers "la coexistence paci­fique".

Dès septembre 1953, Khrouchtchev s'em­ploie en priorité à dynamiser la production des kolkhoses et à redonner un peu d'oxygène aux paysans kolkhosiens en leur accordant des subventions d'Etat. Les quelques succès qu'il connaît dans ce domaine lui permettent de consolider ses positions.

De même, les efforts de Khrouchtchev en matière de politique extérieure s'avèrent payants et "équilibrent" davantage le rapport de forces entre les blocs. C'est d'abord une spectaculaire "réconciliation" avec Tito qui, en consacrant le statu quo par rapport à la Yougoslavie, est un signal lancé au bloc adverse sur le changement d'orientation de la politique impérialiste de l'URSS. La conférence afro-asiatique de Bandung, sous prétexte du "non alignement" de 25 pays sur la politique de blocs, affaiblit le camp occidental et détermine l'ouverture d'une nouvelle zone d'influence impérialiste pour l'URSS. Quelques jours après, en mai 1955, la signature du Pacte de Varsovie permet à l'URSS de resserrer son emprise militaire sur ses alliés en Europe de l'Est et de décharger sur eux une partie du fardeau de la défense militaire du bloc. Non seulement l'URSS peut concrétiser une plus grande stabilité militaire du bloc russe face à l'OTAN et s'assurer de l'allégeance des autres Etats d'Europe de l'Est, mais du même coup, son "assistance militaire" la prépare à mieux faire face à de nouveaux risques de soulèvements prolétariens dans les pays de l'Est.

… déchaîne une offensive pro-stalinienne dans le parti français

Cette montée en puissance du clan "réfor­miste" en URSS inquiète rapidement les diri­geants du PCF qui, ayant misé sur la pérennisation du modèle stalinien dans lequel ils se sont totalement engagés et compromis, crai­gnent que le processus de "déstalinisation" déclenché en URSS, n'aboutisse à leur propre remise en cause. C'est pourquoi Thorez et les autres dirigeants du PCF jouent en coulisses la carte de l'appui sur la "vieille garde" stalinienne des opposants à Khrouchtchev (Molotov, Malenkov, Kaganovitch). Non seulement le PCF continue à se référer à Staline, mais il tente aussi de saboter les orientations politiques de Khrouchtchev, s'opposant notamment à lui sur la question de la "coexistence pacifique" entre les blocs.

Pour contrer ses adversaires, Khrouchtchev décide de lancer un coup de force à la fin du XXe congrès du PCUS en mars 1956, en présence des représentants de tous les "partis frères". Le rapport Khrouchtchev consacré à la "dénoncia­tion des crimes de Staline" fait l'effet d'une véritable bombe. Ayant bâti toute sa carrière dans l'ombre du pouvoir de Staline, et calqué ses prises de position sur lui, Thorez se sent aus­sitôt directement menacé. Il impose le black-out aux autres délégués français dès leur retour de Moscou. Face à la détermination de Khroucht­chev de publier son rapport et alors que celui-ci circule déjà à tous les échelons du parti en URSS, il est contraint de livrer une version édulcorée des accusations du rapport : Staline aurait simplement commis certaines erreurs politiques à la fin de sa vie. Bref, il restait le héros et la référence suprême pour le PCF. Duclos s'écrie même lors d'un meeting parisien en mars 1956 : "Pour nous, Staline restera le vainqueur de Stalingrad !". Début juin 1956, le rapport de Khrouchtchev commence à être publié en France sous forme de "feuilleton" dans les colonnes du journal Le Monde : la direction du PCF prétend alors que le rapport est un faux pur et simple et L'Humanité se déchaîne contre les "calomnies de la presse bourgeoise". Après l'élimination de Molotov, leur principal soutien, Thorez et les dirigeants français attaquent Khrouchtchev au grand jour et apparaissent alors ouvertement comme les ultimes défenseurs de Staline aux côtés d'un autre ardent supporter incondition­nel du stalinisme : Mao Zedong, seul allié de circonstance à monter au créneau contre Khrouchtchev.

Ces prises de position ont comme consé­quence une poursuite de la politique d'épuration au sein de l'appareil français. Déjà le secrétaire de l'organisation Auguste Lecœur, qui avait pris l'initiative de rapporter en petit comité dans le secrétariat les confidences d'un haut dirigeant russe sur les crimes reprochés à Staline s'était retrouvé mis à l'écart dès 1953. Plus tard, au début des années 60, quand Thorez entraînera le parti à soutenir à nouveau Mao Zedong contre Khrouchtchev, ce seront des adeptes pro-soviétiques du "tournant khrouchtchévien" de l'URSS, Casanova et Sirven (tous deux ayant eux-mêmes joué un rôle de premier plan dans les épurations antérieures du PCF) qui se verront destitués.



Cependant, en URSS, c'est la fraction Khrouchtchev qui doit faire marche arrière. En effet, Khrouchtchev ne tarde pas à prendre conscience que son rapport scie la branche sur laquelle est assise la bourgeoisie bureaucratique qu'il dirige. En cherchant à déboulonner Staline de son socle, il a mis les doigts dans un engrenage qui sape les fondements mêmes des régimes staliniens, de l'URSS stalinisée et de son bloc. Le modèle totalitaire stalinien de capitalisme d'Etat, pur produit de la contre-révolution, repose entièrement sur la terreur étatique, le contrôle permanent et la surveillance de toute vie sociale, la répression policière, la militarisa­tion intégrale de la société. Plus de 30 ans avant l'expérience gorbatchévienne qui, en cherchant à dépasser certaines de ces limites, devait débou­cher sur l'implosion de l'URSS et de son bloc, Khrouchtchev et la bourgeoisie "soviétique" étaient déjà confrontés à cette réalité : il n'y a pas de place ni marge de manoeuvre dans le modèle stalinien de capitalisme pour une "libéralisa­tion" ou une "démocratisation" de l'Etat. C'est pourquoi Khrouchtchev va ordonner moins de six mois après les remous qu'il avait provoqués au XXe congrès du PCUS, la destruction d'un million d'exemplaires de son rapport. Il accepte sans difficulté d'y substituer officiellement une simple résolution du PCUS, pâle réplique du rapport initial qui finit par être totalement escamoté. Thorez et le PCF pouvaient être rassurés : le stalinisme était toujours debout.



L'écrasement du prolétariat hongrois scelle la "réconciliation"entre le PCF et la politique de l'URSS

Ils n'allaient pas tarder à en voir la confirma­tion concrète quelques mois plus tard. La ré­pression brutale de l'insurrection ouvrière de novembre 1956 en Hongrie par les troupes russes appelées en renfort dans le cadre de l'application du Pacte de Varsovie va sceller la "réconciliation" du PCF et de l'URSS de Khrouchtchev sur un aspect essentiel. C'est bien dans l'écrasement du prolétariat que les régimes et les partis staliniens expriment le plus clairement leur fonction contre-révolutionnaire, c'est en appliquant implacablement sa politi­que du talon de fer contre la classe ouvrière que le modèle stalinien de capitalisme entend faire la preuve de son efficacité. La sanglante répres­sion des prolétaires hongrois par les tanks de "l'armée rouge" est chaudement approuvée et justifiée par le PCF.

De plus, le soutien total des staliniens français à l'intervention russe en Hongrie, même s'il se solde par la défection de quelques intellectuels compagnons de route du PCF, aura permis de ressouder l'appareil du parti en France. En effet, ce dernier peut exploiter les événements qui se déroulent en même temps à Paris : pour protes­ter contre l'intervention russe, des manifestants de droite et d'extrême-droite assaillent le siège du comité central puis les locaux de L'Humanité avec la complicité des forces de police. En appelant ses militants à venir le défendre, le PCF peut prétexter qu'il s'agit d'une attaque fasciste soutenue par le gouvernement. Et il peut aussi donner un regain de crédibilité à sa propa­gande empoisonnée : faire passer aux yeux des ouvriers français le soulèvement prolétarien en Hongrie pour une action des forces contre-révolutionnaires.

Si toute la bourgeoisie profite des illusions du prolétariat hongrois envers la démocratie, elle peut se partager le travail d'embrigadement idéo­logique de la classe ouvrière en la mettant devant le faux choix de se ranger soit derrière le camp stalinien soit derrière le camp démocratique et, en fin de compte, de la coincer entre les deux blocs impérialistes rivaux :

Le PCUS manifestera encore quelques velléi­tés de "réformisme", notamment en octobre 1961, quand Khrouchtchev dénoncera encore et cette fois publiquement les crimes de Staline. Mais à partir de 1962, l'enlisement croissant dans un marasme économique inextricable qui réveille les luttes de cliques pour le pouvoir. La fuite en avant dans la course aux armements (y compris nucléaire), face à son rival américain, signent un retour à la "normalisation" intérieure.



Cela se traduit immédiatement par le déferle­ment de la répression contre la classe ouvrière. La vague de grèves ouvrières dans la région de Novocherkassk sera impitoyablement noyée dans le sang après l'isolement complet de la région conjointement par la police et par l'armée. Les goulags se remplissent.

Le conservatisme stalinien à l'épreuve de l'évolution de la situation

Cependant, c'est l'évolution de la situation en France qui vient déstabiliser profondément le parti stalinien. A la faveur de la guerre d'Algérie, qui a renforcé l'influence des militaires, et face à l'instabilité devenue chronique des gouverne­ments de la IVe République, l'aspiration au sein de la bourgeoisie nationale à un "pouvoir exécu­tif fort" voit le jour. Le général De Gaulle profi de cette situation. Il fait son retour sur la scène politique en s'opposant à la tentative de putsch d'une fraction de l'armée qui, avec des colons civils, forme un "comité de salut public" à Alger le 13 mai 1958, appuyée par le débarquement de troupes de parachutistes en Corse le 26 mai. De Gaulle apparaît comme "l'homme providentiel" pour la majeure partie de la bourgeoisie fran­çaise. Le 1er juin, ce "sauveur" reçoit l'investi­ture du président de la République René Coty qui le nomme chef du gouvernement. Il se fait rapidement plébisciter en septembre à travers un référendum sur une nouvelle constitution qui renforce et concentre le pouvoir aux mains d'un seul homme assumant les fonctions de "chef de l'Etat", le président de la République, ainsi doté des "pleins pouvoirs" au détriment du Parle­ment.

L'ambivalence du PCF face à la domination gaulliste

Le parti de Thorez est incapable de discerner clairement que la fonction essentielle de De Gaulle pour la bourgeoisie française est de liquider l'ère coloniale et de mettre fin à la guerre d'Algérie. Tandis que l'appareil du PCF panique tout d’abord (le premier réflexe de Thorez est de se réfugier en Suisse), il se trouve désarçonné par l'évolution des événements et profondément divisé sur l'attitude à adopter. Une partie des staliniens, formée à l'école de la Résistance et dans le moule de l'antifascisme avant tout, se déclare "prête à défendre la république et la démocratie" les armes à la main en prêtant main forte à De Gaulle. Cependant, la majorité de la direction s'en tient à l'analyse selon laquelle l'arrivée au pouvoir de De Gaulle correspond à l'instauration "d'un régime de dictature person­nelle et militaire" qui "s'appuie sur les éléments les plus chauvins et les plus colonialistes de la grande bourgeoisie, et tend à ouvrir la voie au fascisme". Après l'échec du mot d'ordre de grève générale lancé par la CGT, le 28 mai le PCF appelle à une manifestation populaire pacifique à Paris puis le 1er juin, à une mobilisation plus dure contre "le général" désigné comme "l'homme des factieux". Des heurts violents avec la police se produisent, dans lesquels un ouvrier est tué. Lors du référendum-plébiscite de De Gaulle du 28 septembre 1958, le PCF est la seule force politique à appeler à voter "non" et en re­cueillant à peine 21% des suffrages, subit un revers cuisant. Aux élections législatives du 23 novembre, l'électorat du PC chute de plus de 30%, totalisant moins de 19% des voix. Malgré les tentatives de l'appareil pour la minimiser, c’est une débâcle qui va marquer durablement le déclin de son influence.

La raison essentielle de cette déroute est que le gaullisme puise au même fonds de commerce que le parti stalinien : même démagogie popu­liste et ultra-chauvine, s'appuyant sur un natio­nalisme exacerbé. L'appareil gaulliste et l'appa­reil stalinien sont de purs produits de la déca­dence du capitalisme. Ainsi leur proche concep­tion autoritaire de la mise en oeuvre des mesures capitalistes d’Etat n'est pas liée comme chez les partis bourgeois plus anciens à la démocratie parlementaire. Leur rôle dominant est l'expres­sion de la contre-révolution triomphante où la bourgeoisie n'a pas besoin d'un masque démo­cratique pour défendre ses intérêts nationaux. De même, à un autre niveau, la politique "d'in­dépendance nationale" préconisée par De Gaulle qui le poussait à prendre ses distances avec l'OTAN et à afficher ses réticences envers l'alignement sur la politique impérialiste du bloc américain, traduisait une certaine convergence avec le parti stalinien (9 [36]). C’est d’ailleurs là la base même d’un rapprochement en matière de politique internationale entre la France et l’URSS, conduite de façon convergente par De Gaulle et Khrouchtchev. Ce rapprochement devait se confirmer avec le voyage de Khroucht­chev en France en mars-avril 1960, suite à l'invitation de De Gaulle et au nom de "la coexistence pacifique". Il sera d’ailleurs un élément important des réticences du PCF en­vers la politique internationale menée par Khrouchtchev qui n’a cessé de soutenir le main­tien de De Gaulle au pouvoir en France. Il explique aussi l’impuissance permanente des staliniens à s’opposer résolument au pouvoir gaulliste et à présenter une alternative claire.

Le ralliement à Khrouchtchev

Mais le parti stalinien français est également confronté à cette époque à d’autres contradic­tions. Même s’il a pu pratiquer une vaste épuration dans la mouvance pro­khrouchtchévienne en France entre 1961 et 1964 (le courant Casanova-Servin appuyé par le milieu étudiant de l’UEC), il est contraint en politique internationale de se plier à un rallie­ment conditionnel à Khrouchtchev, en sachant que ce dernier contient ses adversaires et tient encore solidement les rênes de l’URSS. Sous l’égide de Thorez, le PCF cherche à prôner une réconciliation entre Khrouchtchev et Mao et appuie dans ce but l’idée d’une conférence mondiale des PC. Celle-ci regroupera les diri­geants staliniens de 81 pays en novembre 1961. Mais, de fait, au lieu du compromis escompté par le PCF, ces retrouvailles vont confirmer le schisme entre les deux plus grandes puissances staliniennes, la Chine et l’URSS. Le PCF doit trancher mais il n’a pas vraiment le choix. Même si un Thorez est beaucoup plus proche de l’approche idéologique typiquement stalinienne et des méthodes de Mao, les liens de dépen­dance du PCF (subsides matériels essentiels, intérêts stratégiques au maintien de la "coexis­tence pacifique") lui dictent la nécessité absolue de ne pas se couper de l’URSS. Seulement soutenue par la minuscule Albanie, la Chine se retrouve totalement isolée et marginalisée. Dès lors, le PCF va s’engager résolument sous l’aile de son "parrain" dans le soutien actif systéma­tique à la politique impérialiste plus expansion­niste de l’URSS, notamment dans tous les mouvements de "libération nationale" qu’elle suscite, arme et subventionne, de l'Amérique latine à l’Asie du Sud-Est en passant par le continent africain. Il vante ainsi le régime de Castro à Cuba, le "martyre" de Lumumba au Congo-Zaïre, "l'héroïque résistance" du Viet­minh.

"L'union de la gauche"

La tuerie du métro Charonne (9 morts) où la police du gouvernement gaulliste coince et pié­tine le 8 février 1962 les manifestants rassem­blés par le PCF et les syndicats contre la multiplication des actions terroristes de l'OAS pro-Algérie française (Organisation de l’Armée Secrète) redonne momentanément une auréole de victime et de martyr au parti stalinien. Mais c'est De Gaulle qui retire toute la popularité "d'homme de la situation" face à la guerre d’Al­gérie. Ses déclarations sur le "droit à l’autodéter­mination du peuple algérien", sa mise en échec du putsch des généraux en avril 1961, et surtout la signature des accords d’Evian (avec la recon­naissance du droit à l'indépendance) en mars 1962 lui permettent de mettre fin à la guerre d'Algérie et d'apparaître comme "le champion de la décolonisation".

Pendant ce temps, l’appareil stalinien, obnu­bilé par la hantise de voir s’affirmer des tendan­ces "réformistes" ou des fractions contestatai­res, continue à naviguer à vue pour avant tout préserver le statu quo au sein de la direction. Thorez, qui deux mois avant s'était fait nommer "président" du parti concentrant tous les pou­voirs de décision et avait lui-même désigné son "successeur", Waldeck-Rochet, au poste de secrétaire général, meurt le 11 juillet 1964. Le nouveau chef, conçu pour être un homme de paille à la botte de Thorez est néanmoins pré­senté comme le "Khrouchtchev français", jus­que dans son apparence physique, dans l’opti­que de gommer de façon étroitement contrôlée l’image trop marquée d’un pouvoir autocrati­que et stalinien. Pour son malheur, monsieur "K." est destitué trois mois à peine après que cet autre fils de paysan ait pris seul les rênes de l'appareil stalinien français. Cette tentative de ravalement de façade qui s’effectue à contre-courant s’en retrouve d’autant plus freinée. La nouvelle entreprise de "russification" du parti français va s'effectuer au seul bénéfice du clan conservateur et des représentants de la conti­nuité stalino-thorézienne, notamment la veuve de Thorez, Jeannette Vermeersch et "l'étoile montante" du parti, Georges Marchais, dont Waldeck-Rochet demeure l'otage. Cependant, n’étant plus capable d’offrir une perspective crédible à la classe ouvrière à force de sclérose bureaucratique affichée et en passe de subir une nouvelle hémorragie dans l'élection de ses nota­bles, enracinés dans l’appareil d’Etat (notam­ment dans les mairies des banlieues ouvrières), le parti stalinien est contraint de changer de stratégie. Pour la première fois depuis 1946, il conclut localement certains accords de désiste­ments mutuels avec la SFIO, pour les élections législatives de novembre 1962. Les résultats positifs qu'il en retire l'encouragent dans cette voie. La dynamique "d'union de la gauche", seule stratégie alternative du PCF d’une part pour sortir de sa marginalisation politique progres­sive dans la vie politique de la bourgeoisie française, d’autre part pour lui permettre de continuer à encadrer solidement et efficacement le prolétariat, notamment en cherchant à "rani­mer l’élan du Front populaire", va continuer à faire son chemin. Le 9 septembre 1965, Mit­terrand annonce sa candidature à l'élection pré­sidentielle de décembre et le lendemain crée la FGDS (Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste) pour rénover l’image de la SFIO trop discréditée sous la IVe République. Le PCF décide alors spectaculairement de ne pas lui opposer de candidat et de lui apporter son soutien dès le premier tour. Après avoir mis De Gaulle en ballottage, le "candidat unique de la gauche" recueille 45% des voix au second tour. Le 20 décembre 1966, un accord électoral global et historique de désistement mutuel est signé entre le PCF et la FGDS. La nouvelle voie de "l’union de la gauche" face au pouvoir gaulliste est ouverte.

(Extraits de RI n° 280, 281 et 282 Juin Juillet Septembre 1998)

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1 [37]Il avait demandé aux parlementaires de rendre un hommage public envers les soldats français tombés en Indochine auquel les députés du PC ont refusé de s'associer, ce qui provoqua un scandale.

2 [38]Le Kominform, présenté comme un organe de "coordination" politique entre les six pays du bloc de l’Est (après l’exclusion du PC yougoslave dès 1948) et les PC italien et français était en fait un réseau d’espionnage chargé de surveiller et de contrôler l’alignement idéologique des autres PC sur la politique de l’URSS. Il perdra cependant son influence dès la mort de Staline, avec la féroce lutte de cliques entre ses successeurs et cessera formellement d’exister en 1956, au profit du Comecon, véritable instrument du pillage impérialiste de l’URSS sur les "pays frères".

3 [39]Le salaire moyen mensuel des ouvriers tournait à l’époque autour de 10 000 francs, la "prime" octroyée était donc loin de compenser la perte souvent d’un mois de salaire pour les grévistes.

4 [40]Surnommé "Ridgway-la-peste" car il était accusé d’avoir utilisé des armes bactériologiques dans la guerre de Corée qu’il commandait auparavant.

5 [41]L’appel à la grève générale lancée par le PCF pour "la libération immédiate de Duclos" fut un cuisant fiasco. Par contre, c’est la mobilisation de la petite-bourgeoisie intellectuelle qui obtint cette libération rapide.

6 [42]Contrairement aux autres dirigeants fantoches directement installés par Staline à la tête des pays de l'Est à la faveur d'une occupation militaire par "l'armée rouge", avec l'aval des bourgeoisies occidentales lors des accords de Yalta (voir RI n°279), la clique militaire et ultra-nationaliste de Tito avait pu s'imposer directement à la tête de l'Etat yougoslave à travers la victoire des Alliés. Tito avait alors utilisé le thème de "l'unité yougoslave" pour asseoir son pouvoir sur un Etat meurtri et divisé par la lutte à mort que s'étaient livrés les "partisans" victorieux à dominante serbe et les fractions qui avaient été installées et soutenues par l'Allemagne nazie dans la seconde boucherie mondiale.

7 [43]En fait, il s'agissait d'institutionnaliser le pillage systématique des produits et des ressources des autres pays de son glacis, allant jusqu'au démontage dans les pays vaincus ayant collaboré avec les puissances de l'Axe, de certaines usines et à leur transport avec les ouvriers en URSS, où elles étaient reconstituées.

8 [44]Avant même de commanditer l'écrasement du prolétariat de Hongrie en 1956 et la répression de grèves ouvrières au cours de la même année dans des républiques excentrées de l'URSS, Khrouchtchev s'était illustré en Ukraine dès 1937 en participant aux exactions des services secrets dans cette région, ce qui lui valut une promotion dans l'appareil stalinien.

9 [45]On allait retrouver ce paradoxe apparent dans les orientations de la politique française au-delà même du départ de De Gaulle, en fait jusqu’à la fin des années 80 tout au long de l’existence d’une politique de blocs : les deux pôles apparemment les plus éloignés car marqués le plus "à gauche" et "à droite" du point de vue de la politique intérieure (le PC et le parti gaulliste) se retrouvent souvent sur des positions voisines sur deux options politiques majeures. D’abord pour manifester leur défiance (ou leurs réticences) vis-à-vis des orientations dominantes atlantistes et pro-américaines de la bourgeoisie française (que partagent en revanche la droite démocrate-chrétienne modérée (MRP, puis plus tard l’UDF) et la gauche dite "non-communiste" (social­démocrates et radicaux). Pour le parti stalinien, il s’agit d’un penchant "naturel" à s’aligner sur la défense des intérêts du bloc impérialiste russe, le parti gaulliste par ses aspirations à vouloir préserver orgueilleusement une politique "d’indépendance nationale" à travers ses illusions anachroniques sur la capacité de l’Etat français de constituer la tête de pont "d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural".

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Stalinisme, le bloc de l'est [27]

Le PCF contre la reprise de la lutte de classe (1968-1989)

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La période 1968-1972

Avant mai 68, le PCF a dû faire face au développement d'une contestation croissante au sein de l'Union des Etudiants communistes (UEC) qu'il contrôlait.

Plusieurs courants sont ainsi progressivement épurés entre 1965 et 1966 qui se retrouveront au centre de l'agitation étudiante gauchiste de 1968.

C'est d'abord le courant "italien" qui, par noyautage, finit par conquérir au début des années 60 la majorité du bureau national de l'UEC. Ces éléments, bien qu'ayant dû faire leur autocritique, continuent à se situer dans la mouvance informelle prokhrouchtchévienne des exclus de 1962, Casanova et Sirvin. Ils se retrou­vent bientôt derrière un nouveau drapeau : le parti communiste italien de Togliatti, qui prône la diversité des voies nationales" vers le socia­lisme" en louchant fortement sur la social-démocratie et une stratégie d'alliance "réfor­miste" avec celle-ci, sans dédaigner pour autant la vogue des "mouvements de libération natio­nale" de "l'expérience de Castro" à Cuba jus­qu'au soutien plus ou moins actif au FLN algérien. Les "italiens" se font virer par l'appa­reil au 8e congrès de l'UEC pour "travail frac­tionnel", en mars 1965, c'est-à-dire dans les mois qui suivent l'éviction de Monsieur "K" en URSS et l'arrivée au pouvoir de Brejnev (cf. article précédent). En rupture de ban, ces "dis­sidents" vont trouver refuge dans l'UNEF et vont rallier massivement le PSU.

Le courant trotskiste, plus "à gauche", clan­destinement et largement abrité lui aussi par l'UEC, est pour sa part exclu en janvier 1966. Il va renforcer les rangs de la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) et, après la dis­solution de cette dernière en 68, constituer la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire). Bien que lui aussi patauge depuis des années dans le soutien actif au FLN et dans le soutien aux guérillas nationalistes d'Amérique latine, de Castro à Guevara, son exclusion est motivée par des divergences sur des orientations de politi­que "intérieure" plus immédiate. Il critique le projet d'alliance électorale du parti avec le futur PS et, à l'époque, récuse même le soutien du PCF à Mitterrand, qu'il qualifie alors de "candidat bourgeois".

Le courant maoïste, sous l'influence d'univer­sitaires du PCF comme Althusser, défend, lui, un retour aux principes purs et durs de Staline. Un "débat contradictoire", arbitré par les intel­lectuels "orthodoxes" du parti, se développe entre ce courant et les tenants "d'une ouverture du marxisme à d'autres courants de pensée" animés par le futur "révisionniste" Garaudy. Le vernis de cette querelle idéologique cantonnée dans la sphère de débats "entre intellectuels" évite au PCF de faire apparaître au grand jour qu'il s'agit d'un affrontement sur la question des alignements impérialistes entre pro-russes et pro-chinois. Cela n'empêche pas la rupture des défenseurs de l'orientation pro-chinoise qui quittent tous l'UEC au cours de l'année 66.

Avec les anarchistes venus d'un tout autre horizon, tous ces éléments dissidents du PCF vont fournir le gros des troupes étudiantes contestataires de mai 68.

Si l'appareil du parti se retrouve ainsi considé­rablement affaibli en milieu étudiant, le PCF se renforce au contraire chez les enseignants. Déjà très influent dans les écoles primaires "laïques", il élargit son influence et devient majoritaire dans l'éducation nationale. Cette domination dans les secteurs de l'éducation et de la culture illustre non seulement l'intégration parfaite du stalinisme au sein de la classe dominante mais témoigne de son rôle actif et déterminant dans le conditionnement idéologique. (1 [46])

Dès 1967, s'affirme une reprise massive de la combativité ouvrière en France. D'emblée, le parti stalinien et son appendice syndical la CGT sont en première ligne pour s'opposer résolu­ment, contrecarrer et saboter ce développement spontané des luttes ouvrières. Ils font tout pour canaliser les débrayages et les grèves "sauvages" dans le cadre des occupations d'usine pour les isoler et empêcher leur extension, provoquant également des affrontements stériles avec les forces de police venues les déloger. Conjointe­ment, PCF et CGT organisent des journées ville-morte, multiplient des occupations de bâtiments publics pour défouler la combativité ouvrière accumulée depuis des années. Cepen­dant, d'emblée ces grèves rencontrent une soli­darité active de la population et tendent à s'étendre à plusieurs usines d'une même ville. Quant à la répression policière à laquelle elles se heurtent, elle contribue à exacerber la colère des ouvriers.

Mai 68

En mai 1968, le PCF, fer-de-lance de la contre-révolution depuis des décennies, allait se retrou­ver rapidement face à près de dix millions de grévistes (2 [47]). Avec son auxiliaire cégétiste, c'est lui qui réagit le plus rapidement, passés la surprise et l'affolement général de toute la bour­geoisie. Nous ne reviendrons pas sur le dérou­lement des faits largement repris dans notre presse . Le parti stalinien intervient sans cesse contre la plus grande grève de l'histoire de la classe ouvrière mondiale pour tenter de l'en­rayer à plusieurs niveaux.

Comme le reste de la bourgeoisie, le PCF et la CGT sont d'abord pris de court par la grève sauvage de l'usine Sud-Aviation près de Nantes le matin du 14 mai, suivie le 15 par les chantiers navals de Bordeaux et par le débrayage spontané de l'usine Renault-Cléon près de Rouen qui envoie une délégation pour étendre la grève dans les autres usines de la Régie. Le 16, c'est l'usine de Renault-Flins près du Mans qui se met à son tour en grève et une délégation ouvrière de Cléon et de Flins pousse à son tour ceux de Billancourt à propager la lutte, atelier par atelier. Cette grève au cœur de la plus importante concentration ouvrière du pays et phare pour l'ensemble de la classe ouvrière, encourage des millions d'ouvriers à se lancer à leur tour dans la lutte. Deux heures plus tard, en accord avec le PCF, pour reprendre le contrôle d'un mouvement ouvrier qui lui échappe totalement, qui s'est déclenché contre sa volonté et qu'elle est incapable d'endiguer, la CGT, prenant le train en marche, lance elle-même un "appel à la lutte", bientôt imitée par les autres syndicats et décide de participer à l'occu­pation de Billancourt. Pour les syndicats et le PCF, il s'agit, au nom "de la protection de l'outil de travail" d'instaurer dans les grèves ouvrières un esprit-forteresse. Ce "cordon sanitaire" cor­poratiste, en apparence contre les "provoca­teurs gauchistes" qui auraient "infiltré" les étu­diants, visait en réalité à permettre aux syndi­cats de reprendre le contrôle de la situation. Ceux-ci mirent en œuvre tout un travail de division, isolant entre eux les différents secteurs de la classe ouvrière, chacun dans son coin, pour empêcher celle-ci de se constituer en une force unie qui représenterait un danger bien plus important pour la bourgeoisie et serait bien plus difficile à vaincre par cette dernière. Les ouvriers qui tentaient de briser l'isolement syndical se voyaient dénoncés comme étant des provoca­teurs extérieurs à l'entreprise.

Dans L'Humanité du 3 mai 68 l'éditorial de Georges Marchais intitulé "De faux révolution­naires à démasquer", accuse le Mouvement du 22 Mars "dirigé par l'anarchiste allemand Cohn-Bendit" d'aller à l'encontre des intérêts de la masse des étudiants et de favoriser les provoca­tions fascistes. Il dénonce "leur malfaisante besogne (des "gauchistes") qui tente de semer le trouble, le doute, le scepticisme parmi les tra­vailleurs et, notamment les jeunes". Le 23 mai, la CGT approuve la décision d'interdiction de séjour du pouvoir gaulliste prise à l'encontre de Cohn-Bendit. Suite au célèbre "non à la chien­lit !", prononcé par De Gaulle, et après les violences des 24 et 25 mai au Quartier latin, alors que le ministre de l'Intérieur incrimine "la pègre qui sort des bas-fonds de Paris dans la rue", L'Humanité renvoie le même écho en dénonçant les agissements de "la lie de la société".

Toute cette diatribe qui focalise l'attention sur l'agitation étudiante et les menées des gauchis­tes, en tentant d'en faire un repoussoir pour la classe ouvrière, vise avant tout à empêcher les prolétaires de gagner massivement la rue à leur tour et à les empêcher de participer ainsi acti­vement à une politisation plus intense de leur combat de classe.

Et Waldeck Rochet retrouve les accents chau­vins de Thorez lors d'un meeting parisien le 1er juin : "Nous avons dit et nous disons : (...) le drapeau des luttes de la classe ouvrière, dans le monde moderne, (...) c'est tout à la fois le drapeau rouge du socialisme et le drapeau tricolore de la grande Révolution française, le drapeau de la nation. (...) Le seul parti révolu­tionnaire (...), c'est le parti communiste français servant efficacement les intérêts des travailleurs, du peuple et du pays. A l'inverse, les pseudo­révolutionnaires (...) visent à diviser la classe ouvrière, à défigurer le mouvement révolution­naire et la démocratie. Ils font le jeu du pouvoir gaulliste. Nous ne permettrons pas que la gesticulation et l'aventurisme compromettent le succès de la lutte pour la démocratie et pour le socialisme."

Après une entrevue secrète entre Krasucki, alors numéro 2 de la CGT et membre du comité central du PCF, et Chirac, secrétaire d'Etat à l'emploi, les syndicats appellent à l'ouverture de négociations avec le patronat que le gouver­nement Pompidou s'empresse d'accepter. Les négociations commencent le 25 mai. Dès le premier jour, le leader de la CGT, Séguy et le gouvernement s'entendent en coulisses sur le montant de l'augmentation du salaire minimum garanti qu'ils vont faire semblant de négocier. Mais d'entrée, le patronat, qui ignore cet accord secret, accepte sans tergiverser le montant maximum lancé par les syndicats. Le 27 au matin, après la signature des accords de Gre­nelle, Séguy confie à un journaliste son soulage­ment : "La reprise ne saurait tarder". Dans la foulée, il se rend à l'usine de Billancourt pour présenter les accords et appeler à la reprise du travail. Il est copieusement sifflé par les ouvriers pour qui les 10% d'augmentation de salaires promis apparaissent comme une vaste masca­rade. Séguy est contraint de désavouer les ac­cords qu'il venait de parapher. Partout, les ouvriers refusent la reprise dans ces conditions et le mouvement de grèves s'élargit encore. La bourgeoisie devra lâcher d'autres concessions pour pouvoir amorcer une reprise du travail, alors que la CGT pousse aux côtés du gouverne­ment à négocier les accords secteur par secteur, branche par branche. Après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale le 30 mai, le PCF et la CGT multiplient leurs appels à la reprise pour que les élections, présentées comme "un pas de plus vers la victoire des ouvriers", puissent se tenir. Le PCF et la CGT ont systé­matiquement recours au mensonge et à l'intimi­dation pour casser la dynamique de la lutte ouvrière. Ainsi, à la RATP, ils font courir la fausse information d'une reprise dans certains dépôts. Et L'Humanité titre à l'avance dans sa "une" début juin : "Forts de leur victoire, des millions de travailleurs reprennent le travail". Malgré tous les efforts des staliniens pour faire reprendre le travail rapidement, conjointement avec les violentes évacuations policières des usines, ils ne parviendront à leurs fins qu'après la mi-juin dans la plupart des cas.

Le PCF décide qu'il est urgent de proposer une alternative en accélérant la dynamique "d'union des forces de gauche". Il demande désormais le départ de De Gaulle et appelle dès lors à la constitution de "comités pour un gouvernement populaire d'union démocratique". Cependant il exprime sa réprobation envers la manifestation conjointe de la CFDT et du PSU avec les "gauchistes" au stade parisien de Charléty le 27 mai et tente de la court-circuiter en organisant à la même heure, via la CGT, une douzaine de rassemblements différents dans la capitale. Le 29, la veille de la contre-manifestation des gaullistes, il organise avec les troupes de la CGT son propre défilé, conçu comme un contre­pouvoir et fait savoir parallèlement, par l'intermé­diaire du député gaulliste de Lipkowski, qu'il "est prêt, comme après la Libération, à assumer des responsabilités gouvernementales", sous la direction du général-président...

Le "programme commun"

Cependant, le PCF et son auxiliaire syndicale sont poussés par la situation à s'engager de plus en plus résolument dans une dynamique d'union de la gauche et dans un programme commun de gouvernement, qui se posent comme seule alter­native politique possible pour la bourgeoisie française au pouvoir gaulliste.

Pour développer cette orientation, le parti stalinien se livre alors à une théorisation du capitalisme monopolistique d'Etat qui vient justifier tout son programme capitaliste d'Etat (3 [48]). Il s'agirait d'arracher le pouvoir des mains des monopoles du grand capital qui le confis­quent. Cette pseudo-théorie sous couvert "d'or­thodoxie" aux textes classiques du marxisme n'est qu'une dénaturation grossière de l'interpré­tation des monopoles évoquée par Lénine dans "L'impérialisme, stade suprême du capitalisme" (4 [49]). Elle est officiellement intégrée dans les orientations du 18e congrès du PCF en 1967 et définitivement adoptée en 1971 par la section économique du comité central. Sous ce vernis "théorique", le rôle de l'Etat dans l'économie capitaliste en crise n'est souligné que pour justifier sa propagande : le pouvoir d'Etat est le levier essentiel dont il faut s'emparer à travers les élections et en s'appuyant sur le développe­ment des nationalisations, présentées comme autant de mesures socialistes de "transforma­tion" de la société capitaliste. C'est aussi pour­quoi ces nationalisations sont posées comme l'enjeu fondamental du futur programme com­mun de la gauche.

Malgré le cuisant recul de la gauche aux élec­tions du 30 juin 1968 et le refus opposé par la FGDS à l'appel du PCF pour une candidature commune de la gauche aux présidentielles de juin 69, le parti stalinien va enfourcher de plus belle son nouveau cheval de bataille : la conquête du pouvoir par l'union de la gauche à travers un programme "de démocratie avancée" qui "ouvre la voie au socialisme à la française". Ce cheval de bataille est exclusivement dirigé contre la reprise des combats de la classe ouvrière à l'échelle mondiale, dont mai 68 a été la première et la plus éclatante manifestation. Il est encou­ragé par les plus de 20% recueillis par Duclos aux présidentielles de 69, alors que l'échec de la candidature Defferre, qui se traduit par le pire score électoral jamais enregistré par la social-démocratie en France, pousse aussi le parti de Mitterrand à adopter une "nouvelle stratégie" pour ravaler sa façade.

En décembre 1969, c'est la reprise des discus­sions entre le PCF et la FGDS. Au 19e congrès du PCF en février 70, est officialisé "l'engage­ment du parti dans la voie du programme commun". Dans lemême temps, Georges Mar­chais est promu "secrétaire général adjoint" et prend les rênes du parti à la faveur de la maladie de Waldeck Rochet. Il sera officiellement intro­nisé au congrès suivant, en 1972. L'accord de désistements réciproques aux municipales de juin 1971 entre sociaux-démocrates et staliniens permet au PCF de gagner plusieurs municipali­tés importantes. Le 9 octobre de la même année, le "programme" du PCF est publié sous le titre "Changer de cap, programme pour un gouver­nement démocratique d'union populaire" avec en vedette une liste de nationalisations, définies comme "l'instrument déterminant du pro­gramme de changement démocratique".

Le parti stalinien va désormais, à partir de 1970, et pendant toute une décennie, avec l'aide de son appendice syndical cégétiste, mobiliser massivement les prolétaires avec la mystifica­tion de l'application du "programme commun" et systématiquement piéger, dévoyer toutes les luttes ouvrières derrière la perspective d'un gouvernement de gauche, sur le terrain électoral. Ce programme commun de gouvernement est signé le 27 juin 1972 par les deux grands partis bourgeois de gauche auquel le Mouvement des radicaux de gauche ne tarde pas à se rallier. Lors du comité central du 29, Marchais s'en félicite et souligne dans son rapport : "L'essentiel, c'est que le programme commun (...) fournit un point d'appui très positif à un développement consi­dérable de l'action unie des travailleurs, (...) permettant de créer les conditions les plus favorables pour mettre les masses en mouve­ment sur nos idées, nos solutions, nos objectifs". Ainsi, grâce au projet en grande partie dû à son initiative, et à sa capacité à mystifier de cette manière la classe ouvrière, le parti stalinien aura puissamment contribué à rassurer la classe dominante et à éloigner à nouveau le spectre de la révolution prolétarienne qui, en ressurgissant brusquement en mai 1968, venait de tant ef­frayer l'ensemble de la bourgeoisie.

En 1968, le PCF se retrouve confronté à une autre épreuve : son attitude par rapport à la politique menée à Moscou, notamment l'inter­vention des chars du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie.

L'intervention russe en Tchécoslovaquie

En Tchécoslovaquie, émerge en janvier 68, sous l'égide d'un vieux routier du stalinisme, Dubcek, une nouvelle tentative de la part de fractions bourgeoises au sommet de l'appareil d'Etat d'assouplir le stalinisme. Dès son arrivée au pouvoir, Dubcek entreprend de promouvoir une série de "réformes démocratiques", sous la bannière d'un "socialisme à visage humain". Mais cette entreprise dans laquelle le prolétariat ne joue aucun rôle est d'autant plus rapidement intolérable pour le Kremlin qu'elle intervient dans le cadre de "démocraties populaires" entiè­rement inféodées à l'URSS et qu'elle menace directement l'équilibre du bloc, en ouvrant dans ce glacis une faille exploitable par le bloc ad­verse.

Dans cette situation, le PCF tente d'abord de jouer un rôle de médiateur, en particulier Wal­deck Rochet qui, tout en manifestant une cer­taine sympathie pour les "réformes démocrati­ques" de l'équipe Dubcek, condamne ferme­ment tous les aspects qui risquent de menacer les bases du régime. Les 15 et 16 juillet 68, W. Rochet se rend à Moscou : il y reçoit les consi­gnes des dirigeants russes puis se rend à Prague le 19 où il reproche à Dubcek son "manque de fermeté vis-à-vis des éléments anticommunis­tes".

Cette tentative de conciliation "échoue" mais, en tant qu'émissaire du Kremlin, le PCF lance bel et bien un avertissement clair aux dirigeants tchèques. Cependant, le 27 juillet, il plaide encore pour un règlement des problèmes "entre partis frères" par la voie de la négociation. Et quand le 21 août 68, les forces du Pacte de Varsovie, à l'exception notable de la Roumanie (5 [50]), interviennent en Tchécoslovaquie, le bu­reau politique du PCF exprime le jour même "sa surprise et sa réprobation". Mais, dès le lende­main, ce désaveu s'atténue en simple "désap­probation".

Rapidement, sous la pression intense de l'URSS et à l'instigation du tandem Georges Marchais-Jeannette Thorez-Vermeersch, le PCF fait marche arrière. Dès le début septembre, le PCF "couvre" l'intervention russe et réaffirme ses relations privilégiées avec l'URSS. Il feint même de croire à un accord de plein gré du PC tchèque pour l'invasion des chars "rendue né­cessaire face aux menées dangereuses des élé­ments anticommunistes". Dans les semaines suivantes, les dirigeants français du PC multi­plient les déclarations pour condamner toute forme "d'anti-soviétisme".

En novembre, après la venue d'une délégation à Moscou, le PCF approuve officiellement "la normalisation" et finit par cautionner pleine­ment l'intervention du bloc russe en Tchécoslo­vaquie. Il se fait même l'apôtre le plus zélé de la convocation d'une conférence internationale pour sceller "l'unité du mouvement commu­niste" qui se tiendra finalement à Moscou en juin 1969 et débouchera sur un resserrement des liens des PC face au bloc américain (entraînant d'ailleurs l'excommunication de la Chine maoïste en train de se rapprocher des Etats-Unis).

A regarder de plus près les aléas des prises de position du PCF vis-à-vis des opérations de "maintien de l'ordre" à l'intérieur de son bloc entreprises par le "grand frère" russe, un constat s'impose. Face à des enjeux impérialistes entre les deux blocs rivaux, le PCF peut se permettre d'être plus ou moins "critique" envers l'URSS, selon comment souffle le vent. Par contre, pendant la longue et chaotique période où, entre 1953 et les années 80, le prolétariat des pays de l'Est tente péniblement de se dégager de l'étau de la contre-révolution et du talon de fer stalinien, il ne connaît aucun état d'âme lorsqu'il s'agit d'écraser les luttes de la classe ouvrière. C'est pourquoi les hésitations du PCF vis-à-vis de l'intervention russe en Tchécoslovaquie con­trastent avec son soutien inconditionnel à l'écra­sement du prolétariat en Hongrie douze ans auparavant.

Ce n'est là nullement le signe d'une quelconque "évolution interne" du parti et de son appareil. La meilleure preuve allait être apportée par l'attitude et les prises de position édifiantes du PCF vis-à-vis de la Pologne.

En 1970 et 1976, lors des combats du prolé­tariat polonais, le PCF brille surtout par ses silences et sa discrétion. Il minimise les soulè­vements ouvriers, esquive les prises de posi­tion, limite les commentaires. En 1980, il agit de même au début du mouvement, puis s'enhardit à soutenir "du bout des lèvres" les "syndicats libres", pour ne pas se retrouver totalement à contre-courant du soutien qu'apporte à Solidarnosc l'ensemble de la bourgeoisie occi­dentale.

Par contre, il appuie à fond et sans la moindre réserve le coup d'Etat du général Jaruselski en décembre 1981, et, exactement comme en 1956, salue sans hésitation l'écrasement et la répres­sion du prolétariat polonais, sous prétexte de "prévenir les risques de guerre civile".

La période 1972-1978

Dès le début des années 70, la remontée des luttes ouvrières entraîne les partis de gauche, et en particulier le PCF, dans une dynamique vers le pouvoir pour dévoyer la combativité ouvrière derrière cette perspective. Dans la mesure où le PCF se porte candidat pour participer au pou­voir d'Etat à travers le programme commun, il lui faut prendre ses distances avec le modèle stali­nien de l'URSS et vaincre les très fortes résistan­ces qui subsistent à son égard de la part d'autres fractions bourgeoises.

Le tournant "eurocommuniste" du stalinisme français

C'est ce qui explique le tournant de "l'eurocommunisme" du PCF au milieu des années 70. Quand le penchant du PCF vers la défense inconditionnelle du bloc russe se re­trouve en contradiction avec la défense primor­diale des intérêts du capital national, cela l'oblige à prendre à nouveau (comme en 1945-47) ses distances avec l'URSS, en développant un dis­cours idéologique axé sur les "voies nationales vers le socialisme". Cette situation se retrouve au niveau des autres principaux partis staliniens d'Europe occidentale qui, pour prétendre parti­ciper au gouvernement, sont contraints de pren­dre leurs distance avec le "modèle russe". C'est le cas en Espagne, où, après la chute du fran­quisme en 76, le PCE signe le pacte de la Moncloa, pacte de solidarité gouvernementale avec le PSOE. Et c'est surtout encore plus nettement le cas en Italie, où le poids électoral des staliniens et la faiblesse du PS italien déter­minent un PCI s'étant beaucoup plus nettement distancié de Moscou au cours des années pré­cédentes, à s'orienter vers la conquête du pou­voir à travers une alliance avec la démocratie-chrétienne au terme d'un "compromis histori­que". Cependant, cette orientation se heurte au barrage dressé par la politique de blocs issue de Yalta, à travers l'opposition farouche et intran­sigeante du "parrain américain" qui entend pré­server son contrôle stratégique impérialiste sur l'Europe occidentale à travers l'OTAN. De plus, la méfiance des autres partis bourgeois est d'autant plus vive que, s'ils savent bien que les partis staliniens sont d'ardents défenseurs du capital national, ils savent aussi qu'ils restent les partisans et les défenseurs les plus résolus et acharnés du capitalisme d'Etat, sous sa forme la plus affirmée, la plus extrême et la plus brutale (6 [51]).

C'est pour cela que le PCF en vient en janvier 1976, à travers les déclarations de Marchais à la veille du 22e congrès du PCF, à l'abandon de toute référence à "la dictature du prolétariat". Cet abandon n'a dans sa bouche, rien à voir de près ou de loin avec la classe ouvrière. Depuis près d'un demi-siècle qu'il est devenu un parti bourgeois, le parti de Marchais est totalement étranger à l'organisation du prolétariat en pé­riode révolutionnaire pour assurer sa domina­tion et son contrôle politique sur l'ensemble de la société. "L'abandon de la dictature du prolé­tariat" en termes staliniens ne signifie pas autre chose que l'annonce du renoncement à la fidélité à l'Etat russe, et l'ensemble de la bourgeoisie ne s'y trompe pas.

Cette déclaration idéologique n'a qu'un seul but : amadouer et rassurer les autres fractions de la bourgeoisie, ainsi que les couches de la petite-bourgeoisie dont il aspire à gagner les voix au moment des élections, en tentant de les persua­der de son sérieux en matière de prise de distance avec le bloc russe.

Dans cette période, le PCF va d'ailleurs jusqu'à "soutenir" le mathématicien dissident Plioutch en 1976 et multiplie les critiques contre "les atteintes aux droits de l'homme et à la démocra­tie" en URSS. Pour la première fois, il admet même officiellement ce qu'il se refusait à recon­naître vingt ans plus tôt, "certaines erreurs commises en Russie sous l'ère de Staline".

C'est aussi à ce moment-là qu'il reprend avec force les discours chauvins et nationalistes, à la manière de Thorez de 1936 et de 1945 : "Tout ce qui est national est nôtre !" pour réaffirmer son attachement à la défense du capital national. Il se lance dans de grandes campagnes idéologi­ques sur le thème "produisons français" :"pour acheter français, il faut d'abord fabriquer fran­çais." Entre autres exemples, L'Humanité du 10/02/1977 stigmatise le manque de civisme de ces "maîtres de la France qui se permettent de fermer les mines et d'acheter du charbon à l'étranger, de liquider les entreprises françai­ses et de s'installer à Hong-Kong ou en Thaïlande, de placer leurs capitaux un peu partout et notamment en Suisse, et de laisser des pans entier de notre économie passer sous domination étrangère." Tandis que les munici­palités staliniennes, en campagne électorale permanente, multiplient caricaturalement les "rallyes de la lutte", les fêtes, les goûters, les vins d'honneur "communistes", le PC déverse son poison nationaliste. A longueur de mee­tings, de "journées d'action" ou de manifs, il martèle, puissamment relayé par la CGT, que les patrons et le gouvernement bradent, cassent, sabotent l'économie nationale.

La rupture du Programme commun

Grâce à la stratégie du Programme commun, la bourgeoisie française est ainsi parvenue à attein­dre son objectif essentiel : remettre en selle l'ensemble de ses forces de gauche derrière la mystification électorale et, par ce moyen, con­trer efficacement la remontée des luttes ouvriè­res (ainsi, la bourgeoisie se vante d'avoir obtenu en 1976 le plus bas niveau d'heures de grève de la décénie). Mais, parvenue à ce point, les rouages de cette machine se grippent. Le PCF ne tarde pas à remettre en cause le programme commun. Une des raisons en est qu'il s'aperçoit que, malgré ses concessions, ces accords et la dynamique d'union de la gauche profitent essen­tiellement à son "allié" qui, lui, est pleinement soutenu par l'oncle Sam, le PS. Ce dernier se sert en effet du programme commun de la gauche comme d'un tremplin, depuis sa reprise en mains par Mitterrand. Celui-ci avait d'ailleurs promis devant l'Internationale Socialiste en 1972 de "prendre", à travers cette stratégie, "3 mil­lions de voix au PC". Sur le plan électoral, après être descendu à 6% des voix aux présidentielles de 1969, le PS est remonté à plus de 19% et talonne désormais le PCF qui se maintient à 21,4% aux élections législatives de mars 1973. Et aux présidentielles de 1974, c'est en pure perte que le PCF accepte dès le premier tour de faire de Mitterrand le candidat unique de la gauche, puisque celui-ci déclare aussitôt sans ambages ne pas être lié par le programme com­mun, ni par ses accords électoraux avec le PC. Le déclin du PC au profit du PS allait se confirmer à travers différentes élections partiel­les. Le PCF persévère pourtant et multiplie les concessions, d'abord sur le nombre et le rythme des nationalisations qui constituent pourtant son grand cheval de bataille. De même, au printemps 1977, il ne s'oppose plus à l'élection au suffrage universel du Parlement européen qu'il avait vivement combattue au nom de la défense de la "souveraineté nationale". Et sur­tout, en mai de la même année, il renonce à sa traditionnelle opposition "pacifiste" (en fait au bénéfice de l'URSS) à l'armement nucléaire. Mais au fur et à mesure qu'il transige avec le PS et qu'il s'éloigne de la tutelle du bloc russe, il manifeste de plus en plus clairement ses craintes de se faire phagocyter par le PS. Il redoute de subir une usure rapide de crédit en cas de participation au gouvernement, alors qu'il ne dispose plus d'une marge de manœuvre et de moyens suffisants pour mener sa propre poli­tique capitaliste d'Etat. Bref, il craint de devenir le dindon de la farce et, une fois au pouvoir, de perdre son emprise sur la classe ouvrière. C'est pourquoi en prenant l'initiative de la rupture du programme commun en septembre 1977, le PCF réaffirme la spécificité de son programme stalinien et, sous prétexte de ses désaccords avec le PS, il se prépare à mieux disposer de ses forces dans l'opposition, contre le développe­ment de la lutte de classe.

Après avoir entraîné les ouvriers pendant des années et dévoyé leurs luttes derrière la pers­pective mystificatrice de la gauche au gouverne­ment, le PCF prend l'initiative de la rupture du Programme commun en septembre 1977. A court terme, l'objectif fondamental de cette rupture est pour lui ne pas se faire avaler par le PS et de préserver la spécificité de son pro­gramme stalinien. Mais cette mise dans l'oppo­sition délibérée lui permetet aussi de disposer de l'intégralité de sa force d'encadrement idéolo­gique contre le développement de la lutte de classe et de satisfaire ainsi aux intérêts généraux de la bourgeoisie. C'est donc, en dernière instance, la raison essentielle de ce changement de stratégie.

En effet, face au nouveau développement de la lutte de classe qui s'amorce à partir de 1978, se traduisant notamment en France par la lutte des sidérurgistes en 1979, et surtout face au discrédit croissant et aux tentatives de déborde­ments de l'appareil d'encadrement syndical dans ces luttes, la bourgeoisie se dispose à mettre en place une nouvelle orientation dans les princi­paux Etats capitalistes occidentaux : le retour de fractions significatives de gauche dans l'oppo­sition pour mieux contrer et contrôler le déve­loppement de cette vague internationale de luttes ouvrières. Le retour des travaillistes dans l'opposition en Grande-Bretagne en 1979, pre­mière manifestation de cette réorientation, esst suivi par le retour dans l'opposition du parti démocrate aux Etats-Unis en 1980 et par celui de la social-démocratie allemande en 1982. Dans ce cadre, l'arrivée de la gauche au pouvoir en France en 1981 (entraînant dans son sillage la participation du PCF au gouvernement) a bien un caractère "accidentel".

La période 1978-1989

Aux élections législatives de mars 1978, le PS devance désormais le PC (22% pour le PS, 20% pour le PC) comme premier parti de gauche.

Dans l'opposition (1978-1981)

Tout au long de la période qui suit la rupture du Programme Commun, le PC se raidit et redouble ses attaques contre le gouvernement et le "plan Barre" accusé de "brader et de casser l'économie nationale" tout en déchaînant tout autant ses harangues contre le PS, désormais qualifié de "fidèle allié du capitalisme et de l'impérialisme". Le parti stalinien préconise désormais "l'union à la base" et radicalise son discours. La défense inconditionnelle des natio­nalisations rejoint chez lui le nationalisme le plus exacerbé.

En août 1978, il lance une grande campagne contre l'élargissement du marché commun et, sous prétexte de défendre une politique d'indé­pendance nationale, contre une Europe à la fois "pro-atlantiste" et "pan-germanique", il ne tarde guère, face à l'accentuation des plans de licencie­ments, à mettre le paquet pour tenter d'entraîner les ouvriers sur le terrain hyper-nationaliste. Au nom du "travailler français", il organise des actions-commandos contre le minerai "allemand" et exige le refus d'embauche de main-d'oeuvre "étrangère" (notamment lors de la grève des marins, en novembre 78). Faisant de la suren­chère sur les mesures anti-immigrés adoptées par le ministre Stoleru, il réclame carrément au gouvernement Giscard "l'arrêt de la politique d'immigration" et pousse aux expulsions d'im­migrés dans les communes qu'il dirige en récla­mant la fixation d'un "quota d'immigrés". Le chauvinisme du parti stalinien passe par des campagnes racistes et xénophobes qui n'ont rien à envier à ce que mettra bientôt en avant à son tour le Front National. Ainsi, plusieurs maires staliniens de la région parisienne prennent des initiatives contre l'augmentation du nombre d'immigrés dans leur commune.

Le 24 décembre 1980, les élus PC de Vitry saccagent à coups de bulldozer un foyer de travailleurs immigrés maliens et, en février 1981, le si "démocrate" et "débonnaire" secrétaire général actuel, Robert Hue organise une mani­festation dans sa commune de Montigny-lès-Cormeilles pour faire expulser une famille ma­rocaine sur laquelle il a fait courir la fausse rumeur qu'elle se livrait à du trafic de drogue.

Cette virulente propagande xénophobe allait dans les années suivantes, pousser nombre de ses militants et de ses électeurs, "déçus par la gauche", dans les bras du Front National.

Face à la montée des luttes, le PC radicalise son discours idéologique. Pour tenter de mieux du­per la classe ouvrière, le parti stalinien parle même de "Révolution". C'est d'ailleurs le nom qu'il donne à son nouvel hebdomadaire, produit de la fusion entre La Nouvelle Critique et France Nouvelle, tandis que les Jeunesses Communis­tes publient un manifeste lui aussi intitulé "Vive la Révolution !". Ne cherchant plus à paralyser les luttes en rabattant les ouvriers uniquement sur le terrain électoral, il les encourage en s'ap­pliquant à les saboter pour les faire dérailler. Devant un public d'intellectuels début 1980 Marchais explique que "le parti n'a pas changé mais qu'il a dû s'adapter au développement des luttes".

Il pousse les ouvriers dans des grèves dures, longues, et surtout bien isolées, axées sur la défense corporatiste de l’entreprise, comme l’entreprise d’industrie navale Terrin dans la région marseillaise ou la manufacture d’armes Manufrance à Saint-Etienne, dont le maire PC avait poussé les ouvriers à accepter certains licenciements pour "sauver l’entreprise" (avant d’avaliser sa fermeture définitive). Tout cela au nom du "fabriquons français", entraînant les ouvriers à s’identifier avec leur entreprise (le PC et la CGT ne parlent alors que de la lutte "des Terrin", "des Renault" ou "des Manu") et à se mobiliser en permanence "contre la casse de l’économie nationale" derrière le mot d’ordre "vivre et travailler au pays". C'est l'époque du début des vastes plans de restructuration dans les secteurs majeurs de l'économie française regroupant les plus importantes concentra­tions ouvrières : la sidérurgie, la construction navale, les mines, le textile. Les annonces de licenciements pleuvent, la combativité ouvrière se réveille et, avec elle, la méfiance envers les syndicats qui sabotent les tentatives d'exten­sion des luttes. Le PCF pare au plus pressé et vole en priorité au secours du syndicalisme en général et de la CGT en particulier.

Conjointement avec son auxiliaire syndical, le parti stalinien lance tous azimuts sa propa­gande "vivre et travailler au pays". Contre la tendance grandissante vers l'extension des lut­tes, il multiplie les opérations "villes mortes" pour enfermer les ouvriers derrière la défense de l'usine, de l'entreprise, de la corporation, de la région, de la nation. A Longwy, à Denain, à Dunkerque, le PC est en première ligne, avec la CGT, au printemps 1979 pour saboter l'exten­sion de la lutte et les tentatives de prise en charge des ouvriers eux-mêmes dans les AG. Il s'af­fronte alors directement aux ouvriers qui tentent de déborder l'appareil d'encadrement syndical. Le 23 mars 1979, lors de la manifestation organisée à Paris sous la pression des ouvriers, le service d'ordre de la CGT et tous les gros bras staliniens prêtent main-forte aux forces de po­lice officielles de l'Etat qui chargent violemment et pourchassent jusque dans les trains les sidé­rurgistes, dénonçant et faisant arrêter les ouvriers les plus combatifs en les faisant passer pour des "casseurs" et des "autonomes irresponsables". Le PCF aura rendu un fier service à l'Etat bourgeois en lui permettant ainsi de pratiquer les coupes claires les plus importantes dans les secteurs les plus concentrés du prolétariat en France.

Au pouvoir (1981-1984)

En 1981, Mitterrand accède au pouvoir. Cet "accident" intervient à contre-courant de la stratégie générale de la bourgeoisie qui avait besoin de la gauche dans l'opposition pour faire face à la montée des luttes ouvrières. Il a été d'ailleurs provoqué par les archaïsmes, les riva­lités et les divisions au sein de la droite française.

Ne voulant pas porter seul le chapeau de l'impopularité, le PS fait une place au PC au gouvernement, bien que Marchais ne recueille plus que 15,5% des voix au premier tour et qu'au second, le PC n'ait appelé à se rallier au "candidat unique de la gauche" que du bout des lèvres.

Celui-ci qui, pendant des années, a poussé les ouvriers dans cette perspective est coincé : il ne peut refuser. Avec quatre ministres communis­tes, il va participer très activement à toutes les attaques anti-ouvrières menées par le gouverne­ment de gauche.

En septembre 1982, Philippe Herzog annonce la couleur en déclarant avec aplomb lors de la fête de L’Huma : "A la Libération, Maurice Thorez demandait aux travailleurs de retrousser les manches pour gagner la bataille de la produc­tion. Aujourd’hui, le Parti Communiste fait solennellement appel aux travailleurs pour qu’ils s’engagent, avec tout l’esprit d’initiative dont ils sont capables, dans le renouveau de l’économie nationale."

Dès le premier plan Delors de 1982, le ministre PC de la Fonction Publique Le Pors décidait le blocage des salaires des fonctionnaires. Le mi­nistre PC de la Santé Ralite instituait le forfait hospitalier et mettait en place une première réduction d’effectifs dans le personnel de santé. Un an plus tard, lors du second plan Delors, le même Ralite, devenu ministre délégué à l’em­ploi, contribuait à la mise en œuvre des plans de licenciements massifs dans l’automobile. Il sa­luait "la démarche constructive et responsable des syndicats" lors de la grève à Talbot-Poissy qui se soldait en décembre 1983 par l’envoi des flics pour évacuer l’usine et par le licenciement de 1900 ouvriers. Au printemps 1984, PCF et
CGT participent activement à l’enfermement et à l’humiliante évacuation de l’usine de Citroën-Aulnay entre les haies de flics par des chicanes style "piège à rats". Là encore, cela débouche sur 2500 licenciements. Enfin, le PCF prend part à la programmation des plans de licenciements massifs chez Renault.

En même temps, il légitime les coupes claires dans les allocations chômage, diminue le taux d’indemnisation des licenciements économi­ques et prive de leurs droits près de 300 000 chômeurs, rayés des statistiques officielles. Cela n'empêche pas le nombre de chômeurs d'augmenter de 700 000, au cours de la période où le PCF est au gouvernement. Le ministre PC à la Formation Professionnelle Rigout participe à la mise en œuvre des premiers TUC sous-payés. Le parti de Marchais approuve l’aug­mentation de 10% des impôts au titre de la solidarité nationale et le prélèvement de 1% sur la fiche de paye pour la Sécurité Sociale, dont il votera encore la reconduction en 1984.

Le ministre PC des Transports Fiterman lâche les flics de l'Etat contre les grévistes de la gare St. Lazare en juin 1984, en les traitant de "provocateurs manipulés par l'extrême-droite".

De plus, le PC vote sans hésiter l'augmenta­tion des crédits militaires et approuve l'inter­vention française au Liban et au Tchad. Ce qui n'empêche nullement que, depuis sa rupture du Programme Commun, on assiste au réalignement complet du PCF sur la politique impérialiste de l'URSS. Ainsi, le PCF avait apporté dès le début son soutien à l'intervention russe en Afghanistan, d'abord avec prudence fin décembre 1979, puis tout à fait résolument à partir de la rencontre entre Marchais et Brejnev à Moscou le 11 janvier 1980. Comme au début de la "guerre froide" dans les années cinquante, il se lance dans une vaste campagne "pacifiste" contre le projet d'installation des fusées Pershing par l'OTAN en Europe occidentale, d'abord en réactivant le vieux "Mouvement pour la Paix", puis une fois au gouvernement, il est à l'initiative de "l'Appel des Cent" qui lui permet de s'abriter derrière des "personnalités" sans remettre en cause pour autant sa participation active et directe au budget de la "défense nationale" (en hausse de 17,6% en 1982) et de voter en 1983 la loi de programmation militaire pour les cinq ans à venir. Cependant, toutes les manifesta­tions animées ou soutenues par le PCF dési­gnent et condamnent unilatéralement le seul "impérialisme américain" comme "fauteur de guerre" et toutes apportent leur soutien à la pseudo-"politique de paix" de l'URSS, y com­pris le déploiement des SS-20, "facteur d'équi­libre dans la coexistence pacifique."

Le PCF décide pourtant de quitter le gouver­nement en juillet 1984. La cause fondamentale de ce départ est que la bourgeoisie a besoin d'une fraction de gauche dans l'opposition pour enca­drer les réactions de la classe ouvrière, en par­ticulier à la veille de procéder à des licenciements massifs au cœur même du bastion majeur et le plus sensible de la classe ouvrière, les usines Renault et de passer à des "réformes" d'enver­gure passant par une énorme suppression d'ef­fectifs dans le secteur public (postes, télécom­munications, SNCF,...). Cette décision mûre­ment réfléchie va être suivie par des actions "dures" et spectaculaires de la CGT : occupa­tion de l'usine désaffectée SKF à Vitry en 1985, entraînement d'une minorité d'ouvriers dans des actions-commandos à répétition chez Renault pendant tout l'été, notamment en baladant les ouvriers dans les "beaux quartiers" (blocage des Champs-Elysées lors de l'été 1987).



Le déclin (1984-1989)

Revenu dans l'opposition, le PC cherche à retrouver son image de "défenseur des ouvriers" à travers une agitation et une phraséologie "ra­dicales". Il réactive sa vieille propagande : "il faut faire payer les riches" et surtout il anime une série de mobilisations corporatistes autour de la "défense des entreprises nationalisées" et de "la préservation du service public". Sa radicalisa­tion et sa dépense d'énergie servent avant tout à couvrir et protéger les syndicats affaiblis, prin­cipale préoccupation de la bourgeoisie et force "oppositionnelle" d'encadrement n°1 de la bour­geoisie sur le terrain des luttes. Il fait tout pour enrayer la remise en cause croissante des syndi­cats et en particulier pour redorer le blason syndical de la CGT. Ainsi, entre 1986 et 1989, sa campagne sur les "dix de Renault" (impliquant même le gendre de Marchais), délégués syndi­caux en procès "pour violences et entrave à la liberté du travail" sont présentés comme des martyrs de la défense des ouvriers. Cela sert non seulement à dévoyer la mobilisation des ouvriers sur le terrain de la défense des syndicats, mais surtout à masquer les licenciements massifs en cours chez Renault, et notamment la fermeture programmée de l'usine de Billancourt, jusque-là la plus forte concentration ouvrière du pays et qui était devenue, au fil des luttes (1947, 1968, 1973...) un véritable baromètre de la combativité ouvrière (7 [52]).

Cependant, la remise en cause des syndicats va culminer avec les grèves à la SNCF de l'hiver 86, obligeant la bourgeoisie à recourir à des coordi­nations animées par des syndicalistes de base et des gauchistes pour récupérer le contrôle de la lutte. Le PC, relégué au second plan, est con­traint de rester prudemment dans l'ombre de la CGT. Celle-ci, pendant les trois premiers jours d'une grève qui, avec une rapidité foudroyante, avait entraîné derrière elle 98% des agents de conduite et en plusieurs endroits d'autres caté­gories et autres secteurs de la SNCF, s'oppose ouvertement au mouvement. Dans certains dé­pôts de la région parisienne, elle appelle à la reprise du travail, dans d'autres (Paris-Austerlirz ou Miramas sur le réseau Sud-Est), elle va jusqu'à organiser des "piquets de travail". Une fois la lutte enfermée sur un terrain corporatiste, elle va faire un retour en force en assurant une fausse extension pour élargir la défaite au sein de la classe ouvrière. Cependant, au cours de toute cette période, le PCF fait l'expérience de l'am­pleur de son discrédit. Il paie au prix fort ses trois ans de politique antiouvrière au gouvernement. Cette désaffection se traduit immédiatement sur le plan électoral.

Les législatives de mars 1986 sont catastro­phiques pour le PC qui passe sous la barre des 10%. On commence à assister au transfert de ses voix vers le FN, notamment dans ses fiefs traditionnels de la "ceinture rouge". Mais la dégringolade n'est pas terminée. Voulant éviter une humiliation personnelle, Marchais fait dé­signer un candidat minable, sans personnalité, Lajoinie comme candidat aux présidentielles de 1988. La défaite est cuisante, avec 6,7% des votants, c'est le pire résultat jamais enregistré par le PC, qui aura perdu en 20 ans les 3/4 de son électorat. Aux législatives suivantes, il remonte à 11,1%, mais étant donné le fort taux d'abstention dans l'électorat de gauche, cela ne représente plus que 7,2% des inscrits. Même s'il se maintient mieux aux élections municipa­les de 1989, il n'en perd pas moins près de 300 communes (ne gérant plus que 2,6% des com­munes en métropole) et ne conserve notam­ment plus qu'une commune de plus de 100 000 habitants (Le Havre). Ayant du mal à apparaî­tre comme force d'opposition crédible, le parti de Marchais est pour la première fois de son histoire de parti bourgeois confronté à une crise ouverte.

Au sein de l'appareil stalinien, des tiraille­ments se font jour et de nouveaux courants apparaissent. Le mouvement de contestation, limité aux "intellectuels eurocommunistes" amorcé en 1979 dans la Fédération de Paris autour de Fiszbin, se transforme en vagues successives de dissidences. Ce sont les "réno­vateurs" entre 1984 et 1988, animés par Juquin puis par Llabres (8 [53]), ensuite les "reconstructeurs" en 1988-1989 autour de Claude Poperen et Rigout, enfin les "refondateurs" derrière Fiterman et Le Pors entre 1989 et 1993.

De plus en plus de maires PC de municipa­lités importantes font dissidence pour assurer leur maintien et se présentent sur leur propre liste, en concurrence avec l'investiture officielle du bureau politique (9 [54]). Ainsi le parti stalinien français est-il considérablement affaibli avant même l'effondrement du bloc de l'Est.

(Extraits de RI n° 283, 284 et 285 Octobre à Décembre1998)

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1 [55]Par la suite, c'est la social-démocratie qui relaiera le parti stalinien pour assurer la continuité de ce conditionnement idéologique essentiel pour la bourgeoisie et dont la gauche est traditionnellement chargée.

2 [56]Voir nos articles consacrés à mai 1968, notamment "Le prolétariat ressurgit comme seule classe révolutionnaire de la société" (RI n° 279, mai 1998) et "Il y a 30 ans, la reprise historique des combats du prolétariat mondial" (RI n° 281, juillet-août 1998).

3 [57]Accessoirement, cette propagande, désormais ciblée "contre le pouvoir des monopoles", permet aussi au PCF de ne pas attaquer de front De Gaulle et le gaullisme avant mai 68 dont l'URSS même dans l'ère post­khrouchtchévienne continue à encourager le maintien au pouvoir, assurant ainsi la stabilité des "liens franco-soviétiques" face aux Etats-Unis.

4 [58]Selon Lénine (qui ne faisait que reprendre la thèse erronée d'Hilferding sur le développement du capital financier), ces monopoles capitalistes d'Etat seraient le produit d'une fusion ou d'une interpénétration des secteurs bancaires et industriels permettant une concentration de la production au sein de l'Etat. Il fonde d'ailleurs sur l'édification de cette oligarchie financière une théorisation de l'impérialisme "stade ultime" du développement du capitalisme. Mais jamais Lénine n'a prétendu comme les staliniens que ce stade de concentration du capitalisme était le moins du monde "progressiste" et qu'il suffisait d'exproprier cette oligarchie pour réaliser du "socialisme", faisant l'économie de la destruction révolutionnaire des rapports de production capitalistes par la classe ouvrière.

5 [59]Il est à noter qu'en 1968, la Roumanie était dirigée par le même Ceaucescu, désigné en 1990 comme "le bourreau des Carpates", le tyran sanguinaire le plus représentatif du "totalitarisme" des "régimes communistes", alors que vingt ans auparavant, toutes les puissances occidentales le saluaient unanimement comme le dirigeant le plus progressiste et le plus éclairé des pays de l'Est.

6 [60]Nous avons déjà montré précédemment que les partis staliniens ne sont nullement liés à la forme démocratique, étant, dès leur passage dans le camp bourgeois, une expression politique de la vie même de la bourgeoisie en période de décadence, totalitairement dominée par le capitalisme d'Etat.

7 [61]Au point que la bourgeoisie elle-même avait appris que "lorsque Billancourt tousse, la France s'enrhume".


8 [62]Après 35 ans de bons et loyaux services dans l'appareil stalinien, le "rénovateur" Juquin, cet ancien bras droit de Marchais, entreprend de faire sécession. Il va faire brièvement (pâle) figure de seule contestation "de gauche" en s'alliant momentanément à la LCR et aux débris du PSU en posant sa candidature aux présidentielles de 1988 où il ne recueillera que 2% des voix. Quant à Llabres, chef de file d'une liste dissidente aux élections européennes de 1989, il deviendra par la suite un notable de l'UDF.

9 [63]Ainsi, la plupart des dissidences portent une empreinte "réformiste" et "démocratique" (opposée au "sectarisme" de la ligne Marchais), en fait traduisant soit une nostalgie du partage du pouvoir avec le PS, soit que certains préfèrent ne pas perdre leur mairie, plutôt que de suivre les méandres idéologiques du parti.

Le PCF aujourd'hui : le stalinisme reconverti, encore et toujours contre la classe ouvrière

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Lors de la chute spectaculaire du mur de Berlin en 1989, la bourgeoisie proclama "la faillite du marxisme" et lança sa formidable campagne idéologique visant à identifier le communisme au stalinisme. Ce grand mensonge a été la plus grosse escroquerie idéologique dans l'histoire de ce siècle. C'est sur ce mensonge que le PCF a pu survivre au reflux et à la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-1923 et se transformer en parti bourgeois, fidèle et zélé serviteur de la classe dominante et en féroce massacreur du prolétariat. Même en lui servant de cible, il restait la meilleure caution et l'arme la plus efficace de cette gigantesque campagne d'intoxication bourgeoise. Cependant, l'effondrement du bloc impérialiste de l'Est impliquait un autre volet à cette campagne : il s'agissait aussi d'en faire une démonstration du triomphe de la démocratie et une sanction de la supériorité de son modèle sur les régimes totalitaires.

Cela, par contre, minait profondément et de stalinien, l'URSS, durant l'été 1991, qui lui porta manière irréversible les fondements staliniens le coup le plus rude. du PC. C'est d'ailleurs l'implosion de son modèle stalinien, l'URSS, durant l'été 1991, qui lui porta le coup le plus rude.

La pseudo "mutation" du PCF : les habits neufs d'un ennemi du prolétariat

Quelle avait été l'attitude du PCF vis-à-vis des "entreprises réformatrices" de Gorbatchev ? De l'arrivée au pouvoir de ce dernier en février 1986 jusqu'au 27e congrès du PCF en 1987, le parti stalinien français se déclare très favorable à ce qu'il appelle "une seconde révolution com­muniste". Mais le zèle démocratique et réfor­miste de la "Perestroïka" gorbatchévienne est bientôt appréhendé comme une "dérive" du grand frère. Ainsi Marchais prend-il nettement ses distances et déclare dans L'Humanité du 2 décembre 1998 : "Ce qui se passe en Union Soviétique ne peut constituer un modèle pour les autres PC. C'est tout à fait spécifique." Lors du 27e congrès du PCF en décembre 1990, l'évolu­tion de l'URSS n'est pratiquement pas évoquée publiquement, l'accent est mis exclusivement sur la lutte "pour un socialisme aux couleurs de la France". Cependant, le bureau politique du PCF soutient de plus en plus nettement et ouvertement le camp des "orthodoxes conser­vateurs" contre Gorbatchev dans la lutte de cliques qui fait désormais rage à la tête de l'Etat russe. Lors du fameux "putsch" militaire tenté par ce clan le 19 août 1991 et jusqu'au 21, L'Humanité prend ouvertement parti pour les putschistes et publie toutes leurs proclama­tions. En même temps, le quotidien stalinien stigmatise à longueur de colonnes le soutien significatif apporté par l'Américain Bush à Gorbatchev. Une fois la défaite des "putschis­tes" consommée, à partir du 22 août, le PCF change de ton. Il cherche à se réfugier dans une espèce de neutralité en parlant des événements en URSS comme d'un "véritable séisme politi­que". A partir de là, les dirigeants du PCF multiplient les discours pour tenter de convain­cre que le parti français n'a plus rien à voir avec "la malheureuse expérience du communisme en URSS". Mais, la plupart du temps, l'appareil du PCF refuse ou élude le débat là-dessus. A partir du triomphe d'Eltsine, le PCF ne perd plus une occasion de marquer ses distances avec le nou­veau maître de la nouvelle Russie, cet ancien apparatchik devenu par opportunisme le chan­tre de "l'anticommunisme" (ayant cherché à rendre le PC illégal), sans avoir à remettre en cause ni à renier pour autant à ce niveau sa défense de l'URSS de l'ère stalinienne. Ainsi, le PCF invoque notamment, au nom du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", " la juste cause des Tchétchènes" contre l'intervention guerrière de la Russie d'Eltsine en 1995, alors qu'il avait soutenu 15 ans auparavant l'invasion russe en Afghanistan, soutien qualifié banale­ment "d'erreur regrettable".

Le soutien de toute la bourgeoisie au PCF

Mais alors que le déclin du PCF semblait irréversible, bien que considérablement affaibli, il ne s'effondra pas à son tour. Les élections législatives de mars 1993 sont marquées par un recul brutal de la gauche et par un effondre­ment... du PS. Quant au PCF, il limite les dégâts. Cela n'a été possible que grâce au soutien actif et déterminant de toute la bourgeoisie. Un député PS déclarait à ce moment-là que, s'il y avait une crise, c'était une crise générale des partis politiques sensible à gauche comme à droite. Mais en fait, c'est la situation délicate du PC, menacé de déroute et de quasi-disparition de la scène politique par l'implosion de son modèle stalinien, qui est bien au centre des préoccupations de la bourgeoisie. L'ancien pre­mier ministre de Mitterrand, Mauroy, lance d'ailleurs un avertissement, sans ambiguïté : "Si le PC veut survivre, il doit changer." Autrement dit, nous sommes d'accord pour réanimer le PC en pratiquant la respiration artificielle, mais à condition que l'appareil de ce parti fasse un effort d'adaptation à la situation d'après-1989.

La bourgeoisie a tout intérêt à préserver la place et l'identité politique spécifique du PCF au sein de son appareil politique. En échange de ce soutien actif commandé par ses intérêts généraux, elle exerce une pression intense et directe. Le message est bien reçu au sein de l'appareil. Le 28e congrès entre le 25 et le 29 janvier 1994 est précédé d'un intense battage médiatique promettant que "le PCF allait se moderniser pour s'adapter aux réalités contem­poraines de la situation capitaliste", notam­ment à travers un projet de modification des statuts dont la vedette était "l'abandon du cen­tralisme démocratique", qui, comme 18 ans auparavant avec l'abandon de la référence à la dictature du prolétariat, se voulait une référence frauduleuse aux partis de l'Internationale Com­muniste avec lesquels ils n'avaient plus rien de commun depuis bien longtemps. Mais le "signe fort" marquant ce congrès est que Marchais cède volontairement la place de secrétaire général à Robert Hue qui vient de façon significative de présenter le rapport politique. Depuis 1991, le PCF est ouvertement divisé en deux pôles : les orthodoxes regroupés derrière Marchais et les "contestataires" qui proclament de plus en plus ouvertement que l'avenir du parti est incertain s'il n'évolue pas rapidement dans un sens d'ouver­ture démocratique. Robert Hue, sorti de l'ombre par Marchais qui le donne comme son poulain, fait pourtant figure d'un "homme d'ouverture". Dès ses premières déclarations à la tête du parti, il affiche son choix déterminant vers "la muta­tion" du parti. Ce sera le titre d'un livre qu'il fait paraître en 1995 comme vitrine publicitaire dans lequel il fait un "mea culpa" et demande l'absolution pour solde de tout compte des "errements passés" de son parti. Ce nouveau discours revient à dire : on s'est trompé, on le reconnaît, passons l'éponge, maintenant c'est fini, on ne recommencera pas. Pour s'adapter, il se drape désormais dans les oripeaux de la démocratie et renonce ouvertement à l'héritage des régimes staliniens, tout en continuant à se réclamer de ses origines prolétariennes et en continuant à s'affirmer comme le parti héritier de la tradition ouvrière.

Les nouveaux habits "démocratiques" du PCF

Tour à tour tête de liste aux élections euro­péennes de juin 1994, puis candidat aux élec­tions présidentielles de 1995, Hue incarne une politique dont les maîtres-mots sont "ouver­ture" et "démocratie", alors que, par la voix de son secrétaire général, le PC continue à se proclamer de plus belle comme "le parti des travailleurs.". Par ailleurs, bien que multipliant les déclarations d'opposition au traité de Maas­tricht, il parvient à gommer l'opposition radicale traditionnelle du PCF à l'intégration européenne. Mais là n'est pas l'essentiel, sa contribution majeure est de gommer le passé et même de déclarer, dès le 6 février 1994, à propos de l'URSS : "il est évident que ce qui a pu apparaître comme globalement positif ne l'était pas." Dès lors, il récuse le modèle idéologique de ce qui avait été proclamé pendant plus de 60 ans comme "la patrie du socialisme" en reniant le poids des attaches du PCF avec l'URSS. Une déclaration de Marchais du 4 octobre 1995 lève le voile sur l'évolution dans l'attitude du PC : "Nous n'avons pas changé de ligne... Les choses bougent chaque jour et, à un moment donné, on se dit : il vaut mieux présenter les choses autre­ment. Ce n'est pas autre chose que cela (...) à travers lequel le groupe communiste met en oeuvre avec un esprit constructif la politique du parti." Lors du 29e congrès, en décembre 1996, Robert Hue enfile les habits neufs du PC et lui offre un "look moderne", tentant de faire oublier son passé stalinien et antiouvrier en déclarant que "le parti devait se libérer des pesanteurs du passé" et qu'il n'était désormais plus poussé que "par le vent du large des aspirations populai­res". Avec la complicité des médias qui font une très large publicité au ravalement de façade entrepris lors de ce congrès, il tente d'effacer les traces de son récent passé stalinien. Ainsi, lors d'une prestation télévisée consacrée à la paru­tion du Livre Noir du Communisme, Hue n'a pas hésité à rejeter ouvertement "l'héritage stalinien" de son parti.

Le retour du PCF au gouvernement

La dissolution ratée de Chirac et les nouvelles élections législatives anticipées allaient rame­ner au pouvoir un gouvernement de gauche. Malgré son expérience entre 1981 et 1984 qui avait entraîné son important recul, toujours prisonnier de sa stratégie d'alliance électorale avec le PS (il n'a d'ailleurs pas d’autres moyens pour préserver ses postes stratégiques au sein de l'Etat bourgeois et ne pas se marginaliser comme un groupuscule gauchiste), le PC se retrouvait une nouvelle fois au gouvernement avec des ministres au sein d'une "majorité de gauche plurielle" en 1997. Dès les premiers mois, pour donner des gages de sa "démocratisation" et de son "loyalisme envers la solidarité gouvernementale", il était contraint "d'avaler des couleuvres", c'est-à-dire de sacrifier une large partie de son arsenal "programmatique" de défenseur inconditionnel de mesures capitalis­tes d'Etat à la sauce stalinienne. Après s'être fait, pendant des décennies, le champion de la dé­fense des nationalisations et des entreprises publiques, il était contraint d'accepter les priva­tisations de France-Télécom, de l'industrie aé­ronautique, des compagnies aériennes. Pour gage de son "tournant démocratique", il entre­prenait une campagne pour la réhabilitation des victimes des purges staliniennes de tout acabit et de toutes les époques de son histoire et proposait une réintégration inconditionnelle des oppositionnels exclus. Il cherche ainsi à se forger une nouvelle image d'ouverture démocra­tique, tous azimuts. On a ainsi pu le voir passer d'une "opposition constructive" envers Chirac début 1995 (avant le plan Juppé), à ses conces­sions permanentes envers le PS au nom de la "solidarité gouvernementale" et du respect de la "gauche plurielle". De même, il se contente de ferrailler de façon courtoise et à fleurets mou­chetés avec le nouveau champion de l'écologie néo-libérale Cohn-Bendit... parce que le mes­sage essentiel à faire passer, c’est aujourd'hui celui de la "démocratisation" et de "l'ouverture", quitte à passer pour "mou", rançon de son passé stalinien à effacer en priorité. Il n'a pas le choix. "L'adaptation" actuelle du PC consiste à trou­ver un nouveau discours pour continuer à mys­tifier, tromper et dévoyer les prolétaires en les ramenant toujours sur le terrain bourgeois. Récemment encore, R. Hue vient de publier une nouvelle "profession de foi". Dans un livre intitulé Communisme : un nouveau projet, il prône "un communisme d'un type nouveau" et propose comme "modèle révolutionnaire" une "lutte citoyenne" contre la "pensée unique", "l'ultra-libéralisme", "l'eurocratie" et "la mon­dialisation" qui se donne pour but la construc­tion d'un "Etat protecteur au service des ci­toyens". Bref, avec le PC "nouveau", ce serait toujours la lutte pour la défense et la pérennisation de l'Etat capitaliste.

Le PCF reste un des pires ennemis de la classe ouvrière

Si le PCF s'est "adapté", si les autres fractions de la bourgeoisie ont tout fait au cours de ces dernières années pour lui apporter leur soutien et lui sauver la mise malgré son déclin, c'est parce qu'il continue à exercer une fonction spécifique indispensable et irremplaçable au sein de la bourgeoisie, c'est à dire encadrer et mystifier le prolétariat. Ce qui distingue le PCF de la plupart des autres partis de la bourgeoisie, c'est qu’il continue à se réclamer de la classe ouvrière et du communisme. C’est qu’il prétend représenter les valeurs et la tradition ouvrière du 20e siècle et continue à revendiquer l’appellation de "Parti Communiste" (1 [64]), Robert Hue répétant à la télévision que "c'est un beau terme dont on peut rester fier, même s'il a pu être terni à un certain moment". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le PCF est aujourd'hui flanqué d'un "courant" beaucoup plus radical qui prétend combattre "la ligne réformiste" du PC actuel en se réclamant frauduleusement de la continuité historique du mouvement révolutionnaire.

C'est pourquoi, dans l'avenir, le PC peut être amené, seul ou pas, à repasser dans l'opposition pour être plus apte à encadrer la classe ouvrière, ce qui demeure son rôle fondamental au sein de la bourgeoisie. Le PC reste ainsi un fer de lance privilégié de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Et cela n'est pas seulement valable en France mais c'est le rôle que remplissent encore tous les PC dans le monde aujourd'hui. Cette fonction mystificatrice prépare celle d'assas­sins de la révolution et de bourreau du proléta­riat qu'il chercheront encore à jouer demain, comme les partis staliniens de naguère ou mieux encore comme la social-démocratie allemande en 1918-1919 face à la montée de la vague révolutionnaire. C'est ce qui en fait des armes encore si efficaces pour la bourgeoisie et si dangereuses contre le prolétariat.

La "Gauche communiste" du PCF : derrière l'imposture, les nouveaux héritiers de Staline et Thorez

Depuis le milieu de l'année 1997, un "courant" au sein du PCF s'est affublé du nom de "Gauche Communiste". Cette prétendue "Gauche Communiste" du PCF (GC du PCF) jette d'autant plus de confusion sur ce qu'est la véritable Gauche Communiste qu'elle a également intitulé sa revue "d'analyse" trimestrielle, Prométhée, usurpant le nom de la publication de la Gauche italienne (2 [65]) lors de la création du Parti Com­muniste Internationaliste en 1943 ainsi que le nom qu'a conservé l'organe de Battaglia Comunista depuis la scission de cette organisa­tion en 1952 .

Ce courant interne du PCF qui s’auto-pro­clame aujourd'hui "courant révolutionnaire" se donne clairement pour objectif, comme l’affiche son journal, de "redresser" la politique du PCF et de la préserver face au danger de dissolution dans la social-démocratie que lui feraient courir "ses dérives opportunistes et réformistes" : "Nous travaillons à une refondation révolution­naire du Parti communiste qui reste pour nous incontournable pour qui veut réellement ren­verser cette vieille société capitaliste et cons­truire le socialisme".

De faux révolutionnaires, de vrais héritiers du stalinisme

Nous avons montré que ce parti, ouvrier à ses origines, est passé définitivement dans le camp bourgeois dans les années 30 en se faisant l'ardent défenseur du capital national et en participant activement à l'embrigadement du prolétariat dans la seconde boucherie mondiale. Il a largement fait les preuves de son apparte­nance au camp ennemi. Depuis lors, pendant plus de 60 ans, il a servi de parti stalinien modèle. Il a été le plus fidèle et le plus zélé apôtre de la contre-révolution stalinienne qui a été le bour­reau et l’exploiteur patenté de générations de prolétaires.

Est-il tout d'abord envisageable une seule minute qu'un tel parti puisse dégager une "ten­dance révolutionnaire" plus d’un demi-siècle après avoir rallié le camp bourgeois ? C'est totalement inconcevable ! Il y a bien longtemps que le "redressement révolutionnaire" du PCF n'est plus à l'ordre du jour.

D’ailleurs, ces pseudo "révolutionnaires" sont composés pour une bonne part de notables du PCF (3 [66]) et leurs troupes sont pour la plupart des membres de longue date de l'appareil du parti stalinien. S’ils sont encore au sein du PCF, c'est bien parce qu'ils n'ont jamais été tentés de remettre en question auparavant leur apparte­nance à un parti stalinien.

Quand ils se prétendent "révolutionnaires", ces gens-là sont des menteurs. On ne peut juger de la nature d'une organisation d'après ce qu'elle raconte d'elle-même, mais bien d'après ses actes et son programme. La GC du PCF et ses succédanés du style "Coordination Com­muniste" (4 [67]) ne défendent nullement un "point de vue révolutionnaire", mais un programme tout aussi bourgeois que le reste du PCF. La GC du PCF partage entièrement avec le reste du PCF un point de vue bourgeois de défense inconditionnelle du capital national. Il suffit de relever quelques perles du chapelet de revendi­cations contenues dans leur "Adresse" pour les élections européennes pour s'en convaincre. C'est la même pourriture bourgeoise ultra-na­tionaliste qu'ils essaient de fourguer : "NON à l'organisation capitaliste et supranationale de l'Europe, NON à l'abandon de la souveraineté nationale, Annulation des privatisations, Dé­fense et extension du secteur public, Sociali­sation des entreprises menacées de fermeture ou d'intérêt public et national, Indépendance de la Banque de France, Nationalisation du secteur bancaire, du crédit et des assurances, Souverai­neté du peuple, Refus de la monnaie unique et de la BCE sous contrôle de la Bundesbank, Refus de la Défense commune et de la soumission à l'OTAN !"(leur journal de janvier/février 1999).

Oui, cette débauche de slogans nationalistes ressemble comme deux gouttes d'eau à ceux du PCF de la "belle époque"... stalinienne.

Dans la même logique, en reprochant au PCF actuel "d'abandonner" toute référence au "parti de la classe ouvrière", alors que quelques lignes plus haut, elle prétend que "le PC est nécessaire au peuple de notre pays", cette tendance se situe bien dans la pire tradition stalinienne qui a toujours identifié la classe ouvrière au "peuple de France".

En fait, cela relève d’une entreprise de la bourgeoisie pour sauver la mise du PCF en ravalant sa façade stalinienne. Bien entendu, aujourd'hui, plus personne, notamment au sein du PCF, n'ose se réclamer ouvertement du stalinisme. Et c'est pour cela que les adeptes de la GC du PCF sont les véritables néo-staliniens, ils font de l'habillage sur le vieux fonds stalinien du PCF. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que Hue s'efforce de gommer cette image en évacuant le stalinisme "par la droite", au prix "d'une social-démocratisation" du PCF. Que la GC du PCF prétende prendre, elle, le contre-pied de Hue en tentant d'évacuer ce stalinisme "par la gauche", ne change rien au fond de leur démarche commune. Il s'agit de "sauver" le PCF du naufrage avéré du stalinisme et de préserver sa fonction spécifique de parti bourgeois d'en­cadrement de la classe ouvrière.

Mais si elle se limitait à cette vulgaire opéra­tion de replâtrage, cette manœuvre idéologique n'aurait qu'une portée très limitée. Si cette tendance représente un réel danger mystifica­teur, c'est parce qu'elle a en même temps entre­pris de faire main basse frauduleusement sur l'héritage historique des révolutionnaires du passé.

Une revendication frauduleuse de l'héritage révolutionnaire du passé...

Ainsi, pour se donner une légitimité "révolu­tionnaire" et pouvoir s'auto-proclamer dans la continuité historique du mouvement ouvrier et révolutionnaire, Prométhée vient de publier un numéro "spécial" daté du 4e trimestre 1998, en majeure partie consacré à une "réhabilitation"de Rosa Luxembourg, qui a toujours été une des cibles favorites des calomnies staliniennes (no­tamment en l'opposant constamment à Lénine) (5 [68]). A cette fin, la GC du PCF entreprend de rappeler que Rosa Luxembourg s'est toujours située aux côtés de Lénine à la pointe du combat contre les théories révisionnistes du marxisme et contre le réformisme de la IIe Internationale. Elle souligne aussi l'immense apport de Rosa Luxembourg à la théorie révolutionnaire et sa parfaite continuité avec le marxisme, notam­ment à travers son livre L'Accumulation du Capital. Elle n'hésite pas davantage à rappeler que c'est le parti social-démocrate allemand qui a fait assassiner Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. A travers cette évocation du mou­vement révolutionnaire, Prométhéevise à appa­raître comme se situant aujourd'hui dans sa continuité.

Mais il en faut davantage pour réussir la supercherie. Aussi doit-il se livrer à de conti­nuels tripatouillages de l'histoire pour établir, au moyen d'une frauduleuse analogie, que son attitude aujourd'hui est la réplique de celle des gauches du passé luttant contre l'opportunisme : "On ne manque pas d'exemples historiques qui montrent comment une tendance révolutionnaire peut être à la fois nettement démarquée de l'opportunisme sur les plans politiques et organisationnels, tout en n'étant pas physi­quement démarquée comme 'parti' du reste du mouvement ouvrier" (Prométhée, n° 12,1998, p. 17.). Il cite d'abord le cas des syndicalistes révolutionnaires français du début du siècle : "quand la direction de la CGT capitula devant le chauvinisme en 1914, ils furent les premiers, et longtemps les seuls à défendre des positions internationalistes. Ce combat, ils le menèrent autour du journal 'La Vie Ouvrière' mais en continuant à agir au sein de la confédération CGT" ( ibid). Autre exemple à l'appui, celui de Lénine qui, dans La Maladie infantile, préconise l'entrisme des communistes britanniques dans le Parti Travailliste. Enfin et surtout, la GC du PCF a le culot de revendiquer l'héritage de Rosa Luxembourg en utilisant comme exemple le fait que la plupart du temps elle avait dû combattre pour défendre des positions révolutionnaires de façon minoritaire au sein d'organisations large­ment gangrenées par le réformisme et le léga­lisme parlementaire, que ce soit au sein de la SDKPiL de Pologne ou du parti social-démo­crate allemand (6 [69]).

A quoi sert cette poudre aux yeux avec laquelle ces néo-staliniens cherchent obstinément à se rattacher aux "traditions révolutionnaires" ? Pas seulement à tromper la classe ouvrière sur leur véritable nature en se présentant comme un courant révolutionnaire. Cela va au-delà.

... destinée à ravaler la façade du PCF

La finalité de l'entreprise est une crapuleuse et ridicule pseudo-démonstration de la nature en­core révolutionnaire et ouvrière du PCF : "si le PCF est néo-réformiste, comment expliquer que des militants se revendiquent de nos jours de la révolution socialiste ?"(ibid p. 26)

Ces gens-là qui se présentent en tant qu'authentiques révolutionnaires ont entrepris de lutter à l'intérieur du PCF pour le "redresser", cela voudrait donc dire qu'il y aurait quelque chose de "révolutionnaire" à tirer du PCF. Ainsi est "établie", par simple déduction logique, la nature "ouvrière" et "révolutionnaire" du PCF : "cela reste une question de savoir comment se fait-il qu'après près de 70 ans de politique 'contre-révolutionnaire' et 'réformiste', il y ait encore des courants (Coordination Commu­niste, Gauche Communiste) qui défendent des points de vue révolutionnaires ?" (ibid). Du même coup, ils peuvent effacer 70 ans d'histoire et peuvent blanchir le stalinisme et le PCF.

Sur le même thème, ils alimentent un faux-débat avec le trotskisme en prétendant que trois tendances traversent l'histoire du PCF : le "ré­formisme", voie "droitiste" incarnée par la politi­que pro-gouvernementale actuelle de Hue qui seule pourrait ouvrir la voie à "l'abandon du camp de classe" et à la "contre-révolution", la "Gauche", qui serait bien entendu la leur sur de "véritables positions révolutionnaires", et entre les deux,... le "stalinisme" qui ne serait qu'un "centrisme", oscillant continuellement entre les deux autres : "Ni l'analyse morale, ni l'analyse sociologique, ni même l'emploi de la notion de contre-révolutionnaire pris isolément, ne suffi­sent à comprendre le stalinisme. C'est pourquoi nous préférons qualifier le stalinisme de cen­trisme" (ibid). La boucle est bouclée : n'ayant jamais été contre-révolutionnaire, le stalinisme, d'après cette "démonstration", est toujours resté dans le camp prolétarien (7 [70]) : "Le centrisme se définit par la référence à la révolution socialiste, l'éclectisme théorique, l'hésitation permanente entre la réforme et la révolution, l'absence de principes politiques et donc par l'opportunisme. Le discours stalinien inclut un double discours avec un versant révolutionnaire et un versant réformiste. Il s'agit en fait d'un double discours permanent"(ibid). Donc, à l'ère stalinienne, "le double discours des PC est le produit d'une ligne de compromis entre les conquêtes de la classe ouvrière en URSS et la bourgeoisie au niveau international"(ibid).

La GC du PCF contre les internationalistes

En fin de compte, on aboutit à la resucée de la théorie des "acquis socialistes" en URSS, corol­laire de la défense stalinienne de la "patrie socialiste". En guise de "positions révolution­naires" du PCF en pleine période stalinienne, ils brandissent l'exemple du maquis et de la Résis­tance : "des vagues de militants ont rejoint le PCF et ont revigoré ses traits révolutionnaires, notamment les Résistants.". Et ces gens là osent usurper le nom de la "Gauche Communiste" alors que le parti stalinien a, au nom de cette Résistance, traqué, pourchassé et assassiné les membres de la véritable Gauche communiste, les véritables internationalistes, à la fin de la guerre mondiale en les accusant d’être "des espions à la solde de l’Allemagne nazie".

Cette GC du PCF est un ramassis d'impos­teurs, d'escrocs qui ne se peignent aux couleurs de la Gauche Communiste que pour mieux duper les prolétaires. La fonction réelle de la GC du PCF est précisément de parvenir à masquer que la défense du capital national est le critère déterminant du passage du camp prolétarien au camp de la bourgeoisie. Leur supercherie est un piège tendu par la bourgeoisie pour permettre au PCF, compromis au gouvernement, de préser­ver un pôle mystificateur spécifique sur la classe ouvrière. Tout est bon pour faire avaler que la question de l'heure, c'est de sauver le PC menacé de perdre son identité "communiste", comme ils proclament que l'urgence, c'est de "sauver le journal L'Humanité", aux prises avec les pires difficultés financières, pour en faire "un vrai journal communiste, (...) un outil de résistance, (...) un journal militant qui dit ce que les autres ne disent pas" (janvier/février 1999). Ces faussaires ne s'appuient sur le passé du mouvement ouvrier et ne se réfèrent à ses expériences historiques que pour faire passer en contrebande leur camelote stalinienne avariée afin de pourrir la conscience des ouvriers. Même s'ils s'en réclament aujourd'hui, ces gens-là n'ap­partiennent nullement à la continuité révolution­naire de Marx, Rosa Luxembourg ou de Lénine, mais ils continuent et cherchent à perpétuer bel et bien la tradition stalinienne des Thorez et des Duclos.

C'est pourquoi nous proclamons à la face de ces imposteurs : Bas les pattes de Rosa Luxem­bourg ! Bas les pattes de la Gauche Commu­niste ! Bas les pattes de Marx et de Lénine !

C'est pourquoi tous les véritables courants révolutionnaires ont la responsabilité de dé­masquer ces chiens de garde du PCF et de dénoncer leur existence et leurs entreprises qui ne visent pas seulement à prêter main-forte au PCF mais s'inscrivent aussi dans la nouvelle offensive de la bourgeoisie pour brouiller et pour dénaturer les leçons de l'histoire tirées par la véritable Gauche Communiste.

(Extrait de RI n° 288 et 289 Mars Avril 1999)

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1 [71]Contrairement à une partie du PC italien par exemple, le PCF ne veut pas changer de nom et lâcher l'appellation de "parti communiste". L'éclatement du PC italien s'est traduit par le fait qu'une partie rebaptisée PDS (parti démocrate-socialiste ) s'est "social-démocratisée" et a pris la place d'un PS quasi-inexistant dans la vie politique de la péninsule italienne. Cette fraction derrière d'Alema se retrouve d'ailleurs à la tête du gouvernement actuel, tandis qu'une minorité de l'ex-PCI, se rassemblant sous l'appellation significative de "Refondation Communiste", s'ancrait dans l'opposition.

2 [72]Sur Prometeo, voir notre livre sur La Gauche Communiste d'Italie.

3 [73]Son chef de file, J.J. Karman, est aujourd'hui encore l'adjoint au maire d'Aubervilliers (qui se trouve être lui-même l'ancien ministre de Mitterrand, Ralite, responsable entre autres attaques antiouvrières de l'instauration du forfait hospitalier), chargé des "affaires économiques" de la ville et conseiller général de la Seine-Saint-Denis.

4 [74]Autre tendance récente, tout aussi nostalgique du passé stalinien, organisée en comité régionaux qui prétendent lutter "pour la renaissance léniniste et la continuité révolutionnaire du PCF". Leur "comité du Nord" s'est signalé en diffusant à l'occasion du 1er mai 1999 un tract pro-serbe en soutien aux PC de Yougoslavie et d'Albanie, qui dénonce "la guerre de l'OTAN" et le "revenchisme allemand".

5 [75]Les PC ont toujours entretenu cette "tradition" stalinienne depuis la publication d'un article de Staline ("Questions du léninisme") au début des années trente dans lequel il ordonnait "l'excommunication" des œuvres de Rosa Luxembourg.

6 [76]C'est vraiment se moquer du monde et faire fi de l'histoire que de chercher à faire croire que la citation de Rosa Luxembourg placée en bandeau sous le titre de leur publication : "Il n'existe sans doute pas d'autre Parti pour lequel la critique libre et inlassable de ses propres défauts soit autant que pour nous une condition d'existence" puisse encore s'appliquer au PCF.

7 [77]Il faut noter que la GC du PCF cherche ici à s'appuyer implicitement sur les confusions encore persistantes à ce sujet au sein de la véritable Gauche Communiste, notamment la Gauche italienne qui maintenait encore cette analyse dans les années 30. Avec la guerre, la caractérisation du stalinisme comme courant de la bourgeoisie à part entière devint une question principielle.


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