Le PCF aujourd'hui : le stalinisme reconverti, encore et toujours contre la classe ouvrière

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Lors de la chute spectaculaire du mur de Berlin en 1989, la bourgeoisie proclama "la faillite du marxisme" et lança sa formidable campagne idéologique visant à identifier le communisme au stalinisme. Ce grand mensonge a été la plus grosse escroquerie idéologique dans l'histoire de ce siècle. C'est sur ce mensonge que le PCF a pu survivre au reflux et à la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-1923 et se transformer en parti bourgeois, fidèle et zélé serviteur de la classe dominante et en féroce massacreur du prolétariat. Même en lui servant de cible, il restait la meilleure caution et l'arme la plus efficace de cette gigantesque campagne d'intoxication bourgeoise. Cependant, l'effondrement du bloc impérialiste de l'Est impliquait un autre volet à cette campagne : il s'agissait aussi d'en faire une démonstration du triomphe de la démocratie et une sanction de la supériorité de son modèle sur les régimes totalitaires.

Cela, par contre, minait profondément et de stalinien, l'URSS, durant l'été 1991, qui lui porta manière irréversible les fondements staliniens le coup le plus rude. du PC. C'est d'ailleurs l'implosion de son modèle stalinien, l'URSS, durant l'été 1991, qui lui porta le coup le plus rude.

La pseudo "mutation" du PCF : les habits neufs d'un ennemi du prolétariat

Quelle avait été l'attitude du PCF vis-à-vis des "entreprises réformatrices" de Gorbatchev ? De l'arrivée au pouvoir de ce dernier en février 1986 jusqu'au 27e congrès du PCF en 1987, le parti stalinien français se déclare très favorable à ce qu'il appelle "une seconde révolution com­muniste". Mais le zèle démocratique et réfor­miste de la "Perestroïka" gorbatchévienne est bientôt appréhendé comme une "dérive" du grand frère. Ainsi Marchais prend-il nettement ses distances et déclare dans L'Humanité du 2 décembre 1998 : "Ce qui se passe en Union Soviétique ne peut constituer un modèle pour les autres PC. C'est tout à fait spécifique." Lors du 27e congrès du PCF en décembre 1990, l'évolu­tion de l'URSS n'est pratiquement pas évoquée publiquement, l'accent est mis exclusivement sur la lutte "pour un socialisme aux couleurs de la France". Cependant, le bureau politique du PCF soutient de plus en plus nettement et ouvertement le camp des "orthodoxes conser­vateurs" contre Gorbatchev dans la lutte de cliques qui fait désormais rage à la tête de l'Etat russe. Lors du fameux "putsch" militaire tenté par ce clan le 19 août 1991 et jusqu'au 21, L'Humanité prend ouvertement parti pour les putschistes et publie toutes leurs proclama­tions. En même temps, le quotidien stalinien stigmatise à longueur de colonnes le soutien significatif apporté par l'Américain Bush à Gorbatchev. Une fois la défaite des "putschis­tes" consommée, à partir du 22 août, le PCF change de ton. Il cherche à se réfugier dans une espèce de neutralité en parlant des événements en URSS comme d'un "véritable séisme politi­que". A partir de là, les dirigeants du PCF multiplient les discours pour tenter de convain­cre que le parti français n'a plus rien à voir avec "la malheureuse expérience du communisme en URSS". Mais, la plupart du temps, l'appareil du PCF refuse ou élude le débat là-dessus. A partir du triomphe d'Eltsine, le PCF ne perd plus une occasion de marquer ses distances avec le nou­veau maître de la nouvelle Russie, cet ancien apparatchik devenu par opportunisme le chan­tre de "l'anticommunisme" (ayant cherché à rendre le PC illégal), sans avoir à remettre en cause ni à renier pour autant à ce niveau sa défense de l'URSS de l'ère stalinienne. Ainsi, le PCF invoque notamment, au nom du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", " la juste cause des Tchétchènes" contre l'intervention guerrière de la Russie d'Eltsine en 1995, alors qu'il avait soutenu 15 ans auparavant l'invasion russe en Afghanistan, soutien qualifié banale­ment "d'erreur regrettable".

Le soutien de toute la bourgeoisie au PCF

Mais alors que le déclin du PCF semblait irréversible, bien que considérablement affaibli, il ne s'effondra pas à son tour. Les élections législatives de mars 1993 sont marquées par un recul brutal de la gauche et par un effondre­ment... du PS. Quant au PCF, il limite les dégâts. Cela n'a été possible que grâce au soutien actif et déterminant de toute la bourgeoisie. Un député PS déclarait à ce moment-là que, s'il y avait une crise, c'était une crise générale des partis politiques sensible à gauche comme à droite. Mais en fait, c'est la situation délicate du PC, menacé de déroute et de quasi-disparition de la scène politique par l'implosion de son modèle stalinien, qui est bien au centre des préoccupations de la bourgeoisie. L'ancien pre­mier ministre de Mitterrand, Mauroy, lance d'ailleurs un avertissement, sans ambiguïté : "Si le PC veut survivre, il doit changer." Autrement dit, nous sommes d'accord pour réanimer le PC en pratiquant la respiration artificielle, mais à condition que l'appareil de ce parti fasse un effort d'adaptation à la situation d'après-1989.

La bourgeoisie a tout intérêt à préserver la place et l'identité politique spécifique du PCF au sein de son appareil politique. En échange de ce soutien actif commandé par ses intérêts généraux, elle exerce une pression intense et directe. Le message est bien reçu au sein de l'appareil. Le 28e congrès entre le 25 et le 29 janvier 1994 est précédé d'un intense battage médiatique promettant que "le PCF allait se moderniser pour s'adapter aux réalités contem­poraines de la situation capitaliste", notam­ment à travers un projet de modification des statuts dont la vedette était "l'abandon du cen­tralisme démocratique", qui, comme 18 ans auparavant avec l'abandon de la référence à la dictature du prolétariat, se voulait une référence frauduleuse aux partis de l'Internationale Com­muniste avec lesquels ils n'avaient plus rien de commun depuis bien longtemps. Mais le "signe fort" marquant ce congrès est que Marchais cède volontairement la place de secrétaire général à Robert Hue qui vient de façon significative de présenter le rapport politique. Depuis 1991, le PCF est ouvertement divisé en deux pôles : les orthodoxes regroupés derrière Marchais et les "contestataires" qui proclament de plus en plus ouvertement que l'avenir du parti est incertain s'il n'évolue pas rapidement dans un sens d'ouver­ture démocratique. Robert Hue, sorti de l'ombre par Marchais qui le donne comme son poulain, fait pourtant figure d'un "homme d'ouverture". Dès ses premières déclarations à la tête du parti, il affiche son choix déterminant vers "la muta­tion" du parti. Ce sera le titre d'un livre qu'il fait paraître en 1995 comme vitrine publicitaire dans lequel il fait un "mea culpa" et demande l'absolution pour solde de tout compte des "errements passés" de son parti. Ce nouveau discours revient à dire : on s'est trompé, on le reconnaît, passons l'éponge, maintenant c'est fini, on ne recommencera pas. Pour s'adapter, il se drape désormais dans les oripeaux de la démocratie et renonce ouvertement à l'héritage des régimes staliniens, tout en continuant à se réclamer de ses origines prolétariennes et en continuant à s'affirmer comme le parti héritier de la tradition ouvrière.

Les nouveaux habits "démocratiques" du PCF

Tour à tour tête de liste aux élections euro­péennes de juin 1994, puis candidat aux élec­tions présidentielles de 1995, Hue incarne une politique dont les maîtres-mots sont "ouver­ture" et "démocratie", alors que, par la voix de son secrétaire général, le PC continue à se proclamer de plus belle comme "le parti des travailleurs.". Par ailleurs, bien que multipliant les déclarations d'opposition au traité de Maas­tricht, il parvient à gommer l'opposition radicale traditionnelle du PCF à l'intégration européenne. Mais là n'est pas l'essentiel, sa contribution majeure est de gommer le passé et même de déclarer, dès le 6 février 1994, à propos de l'URSS : "il est évident que ce qui a pu apparaître comme globalement positif ne l'était pas." Dès lors, il récuse le modèle idéologique de ce qui avait été proclamé pendant plus de 60 ans comme "la patrie du socialisme" en reniant le poids des attaches du PCF avec l'URSS. Une déclaration de Marchais du 4 octobre 1995 lève le voile sur l'évolution dans l'attitude du PC : "Nous n'avons pas changé de ligne... Les choses bougent chaque jour et, à un moment donné, on se dit : il vaut mieux présenter les choses autre­ment. Ce n'est pas autre chose que cela (...) à travers lequel le groupe communiste met en oeuvre avec un esprit constructif la politique du parti." Lors du 29e congrès, en décembre 1996, Robert Hue enfile les habits neufs du PC et lui offre un "look moderne", tentant de faire oublier son passé stalinien et antiouvrier en déclarant que "le parti devait se libérer des pesanteurs du passé" et qu'il n'était désormais plus poussé que "par le vent du large des aspirations populai­res". Avec la complicité des médias qui font une très large publicité au ravalement de façade entrepris lors de ce congrès, il tente d'effacer les traces de son récent passé stalinien. Ainsi, lors d'une prestation télévisée consacrée à la paru­tion du Livre Noir du Communisme, Hue n'a pas hésité à rejeter ouvertement "l'héritage stalinien" de son parti.

Le retour du PCF au gouvernement

La dissolution ratée de Chirac et les nouvelles élections législatives anticipées allaient rame­ner au pouvoir un gouvernement de gauche. Malgré son expérience entre 1981 et 1984 qui avait entraîné son important recul, toujours prisonnier de sa stratégie d'alliance électorale avec le PS (il n'a d'ailleurs pas d’autres moyens pour préserver ses postes stratégiques au sein de l'Etat bourgeois et ne pas se marginaliser comme un groupuscule gauchiste), le PC se retrouvait une nouvelle fois au gouvernement avec des ministres au sein d'une "majorité de gauche plurielle" en 1997. Dès les premiers mois, pour donner des gages de sa "démocratisation" et de son "loyalisme envers la solidarité gouvernementale", il était contraint "d'avaler des couleuvres", c'est-à-dire de sacrifier une large partie de son arsenal "programmatique" de défenseur inconditionnel de mesures capitalis­tes d'Etat à la sauce stalinienne. Après s'être fait, pendant des décennies, le champion de la dé­fense des nationalisations et des entreprises publiques, il était contraint d'accepter les priva­tisations de France-Télécom, de l'industrie aé­ronautique, des compagnies aériennes. Pour gage de son "tournant démocratique", il entre­prenait une campagne pour la réhabilitation des victimes des purges staliniennes de tout acabit et de toutes les époques de son histoire et proposait une réintégration inconditionnelle des oppositionnels exclus. Il cherche ainsi à se forger une nouvelle image d'ouverture démocra­tique, tous azimuts. On a ainsi pu le voir passer d'une "opposition constructive" envers Chirac début 1995 (avant le plan Juppé), à ses conces­sions permanentes envers le PS au nom de la "solidarité gouvernementale" et du respect de la "gauche plurielle". De même, il se contente de ferrailler de façon courtoise et à fleurets mou­chetés avec le nouveau champion de l'écologie néo-libérale Cohn-Bendit... parce que le mes­sage essentiel à faire passer, c’est aujourd'hui celui de la "démocratisation" et de "l'ouverture", quitte à passer pour "mou", rançon de son passé stalinien à effacer en priorité. Il n'a pas le choix. "L'adaptation" actuelle du PC consiste à trou­ver un nouveau discours pour continuer à mys­tifier, tromper et dévoyer les prolétaires en les ramenant toujours sur le terrain bourgeois. Récemment encore, R. Hue vient de publier une nouvelle "profession de foi". Dans un livre intitulé Communisme : un nouveau projet, il prône "un communisme d'un type nouveau" et propose comme "modèle révolutionnaire" une "lutte citoyenne" contre la "pensée unique", "l'ultra-libéralisme", "l'eurocratie" et "la mon­dialisation" qui se donne pour but la construc­tion d'un "Etat protecteur au service des ci­toyens". Bref, avec le PC "nouveau", ce serait toujours la lutte pour la défense et la pérennisation de l'Etat capitaliste.

Le PCF reste un des pires ennemis de la classe ouvrière

Si le PCF s'est "adapté", si les autres fractions de la bourgeoisie ont tout fait au cours de ces dernières années pour lui apporter leur soutien et lui sauver la mise malgré son déclin, c'est parce qu'il continue à exercer une fonction spécifique indispensable et irremplaçable au sein de la bourgeoisie, c'est à dire encadrer et mystifier le prolétariat. Ce qui distingue le PCF de la plupart des autres partis de la bourgeoisie, c'est qu’il continue à se réclamer de la classe ouvrière et du communisme. C’est qu’il prétend représenter les valeurs et la tradition ouvrière du 20e siècle et continue à revendiquer l’appellation de "Parti Communiste" (1), Robert Hue répétant à la télévision que "c'est un beau terme dont on peut rester fier, même s'il a pu être terni à un certain moment". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le PCF est aujourd'hui flanqué d'un "courant" beaucoup plus radical qui prétend combattre "la ligne réformiste" du PC actuel en se réclamant frauduleusement de la continuité historique du mouvement révolutionnaire.

C'est pourquoi, dans l'avenir, le PC peut être amené, seul ou pas, à repasser dans l'opposition pour être plus apte à encadrer la classe ouvrière, ce qui demeure son rôle fondamental au sein de la bourgeoisie. Le PC reste ainsi un fer de lance privilégié de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Et cela n'est pas seulement valable en France mais c'est le rôle que remplissent encore tous les PC dans le monde aujourd'hui. Cette fonction mystificatrice prépare celle d'assas­sins de la révolution et de bourreau du proléta­riat qu'il chercheront encore à jouer demain, comme les partis staliniens de naguère ou mieux encore comme la social-démocratie allemande en 1918-1919 face à la montée de la vague révolutionnaire. C'est ce qui en fait des armes encore si efficaces pour la bourgeoisie et si dangereuses contre le prolétariat.

La "Gauche communiste" du PCF : derrière l'imposture, les nouveaux héritiers de Staline et Thorez

Depuis le milieu de l'année 1997, un "courant" au sein du PCF s'est affublé du nom de "Gauche Communiste". Cette prétendue "Gauche Communiste" du PCF (GC du PCF) jette d'autant plus de confusion sur ce qu'est la véritable Gauche Communiste qu'elle a également intitulé sa revue "d'analyse" trimestrielle, Prométhée, usurpant le nom de la publication de la Gauche italienne (2) lors de la création du Parti Com­muniste Internationaliste en 1943 ainsi que le nom qu'a conservé l'organe de Battaglia Comunista depuis la scission de cette organisa­tion en 1952 .

Ce courant interne du PCF qui s’auto-pro­clame aujourd'hui "courant révolutionnaire" se donne clairement pour objectif, comme l’affiche son journal, de "redresser" la politique du PCF et de la préserver face au danger de dissolution dans la social-démocratie que lui feraient courir "ses dérives opportunistes et réformistes: "Nous travaillons à une refondation révolution­naire du Parti communiste qui reste pour nous incontournable pour qui veut réellement ren­verser cette vieille société capitaliste et cons­truire le socialisme".

De faux révolutionnaires, de vrais héritiers du stalinisme

Nous avons montré que ce parti, ouvrier à ses origines, est passé définitivement dans le camp bourgeois dans les années 30 en se faisant l'ardent défenseur du capital national et en participant activement à l'embrigadement du prolétariat dans la seconde boucherie mondiale. Il a largement fait les preuves de son apparte­nance au camp ennemi. Depuis lors, pendant plus de 60 ans, il a servi de parti stalinien modèle. Il a été le plus fidèle et le plus zélé apôtre de la contre-révolution stalinienne qui a été le bour­reau et l’exploiteur patenté de générations de prolétaires.

Est-il tout d'abord envisageable une seule minute qu'un tel parti puisse dégager une "ten­dance révolutionnaire" plus d’un demi-siècle après avoir rallié le camp bourgeois ? C'est totalement inconcevable ! Il y a bien longtemps que le "redressement révolutionnaire" du PCF n'est plus à l'ordre du jour.

D’ailleurs, ces pseudo "révolutionnaires" sont composés pour une bonne part de notables du PCF (3) et leurs troupes sont pour la plupart des membres de longue date de l'appareil du parti stalinien. S’ils sont encore au sein du PCF, c'est bien parce qu'ils n'ont jamais été tentés de remettre en question auparavant leur apparte­nance à un parti stalinien.

Quand ils se prétendent "révolutionnaires", ces gens-là sont des menteurs. On ne peut juger de la nature d'une organisation d'après ce qu'elle raconte d'elle-même, mais bien d'après ses actes et son programme. La GC du PCF et ses succédanés du style "Coordination Com­muniste" (4) ne défendent nullement un "point de vue révolutionnaire", mais un programme tout aussi bourgeois que le reste du PCF. La GC du PCF partage entièrement avec le reste du PCF un point de vue bourgeois de défense inconditionnelle du capital national. Il suffit de relever quelques perles du chapelet de revendi­cations contenues dans leur "Adresse" pour les élections européennes pour s'en convaincre. C'est la même pourriture bourgeoise ultra-na­tionaliste qu'ils essaient de fourguer : "NON à l'organisation capitaliste et supranationale de l'Europe, NON à l'abandon de la souveraineté nationale, Annulation des privatisations, Dé­fense et extension du secteur public, Sociali­sation des entreprises menacées de fermeture ou d'intérêt public et national, Indépendance de la Banque de France, Nationalisation du secteur bancaire, du crédit et des assurances, Souverai­neté du peuple, Refus de la monnaie unique et de la BCE sous contrôle de la Bundesbank, Refus de la Défense commune et de la soumission à l'OTAN !"(leur journal de janvier/février 1999).

Oui, cette débauche de slogans nationalistes ressemble comme deux gouttes d'eau à ceux du PCF de la "belle époque"... stalinienne.

Dans la même logique, en reprochant au PCF actuel "d'abandonner" toute référence au "parti de la classe ouvrière", alors que quelques lignes plus haut, elle prétend que "le PC est nécessaire au peuple de notre pays", cette tendance se situe bien dans la pire tradition stalinienne qui a toujours identifié la classe ouvrière au "peuple de France".

En fait, cela relève d’une entreprise de la bourgeoisie pour sauver la mise du PCF en ravalant sa façade stalinienne. Bien entendu, aujourd'hui, plus personne, notamment au sein du PCF, n'ose se réclamer ouvertement du stalinisme. Et c'est pour cela que les adeptes de la GC du PCF sont les véritables néo-staliniens, ils font de l'habillage sur le vieux fonds stalinien du PCF. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que Hue s'efforce de gommer cette image en évacuant le stalinisme "par la droite", au prix "d'une social-démocratisation" du PCF. Que la GC du PCF prétende prendre, elle, le contre-pied de Hue en tentant d'évacuer ce stalinisme "par la gauche", ne change rien au fond de leur démarche commune. Il s'agit de "sauver" le PCF du naufrage avéré du stalinisme et de préserver sa fonction spécifique de parti bourgeois d'en­cadrement de la classe ouvrière.

Mais si elle se limitait à cette vulgaire opéra­tion de replâtrage, cette manœuvre idéologique n'aurait qu'une portée très limitée. Si cette tendance représente un réel danger mystifica­teur, c'est parce qu'elle a en même temps entre­pris de faire main basse frauduleusement sur l'héritage historique des révolutionnaires du passé.

Une revendication frauduleuse de l'héritage révolutionnaire du passé...

Ainsi, pour se donner une légitimité "révolu­tionnaire" et pouvoir s'auto-proclamer dans la continuité historique du mouvement ouvrier et révolutionnaire, Prométhée vient de publier un numéro "spécial" daté du 4e trimestre 1998, en majeure partie consacré à une "réhabilitation"de Rosa Luxembourg, qui a toujours été une des cibles favorites des calomnies staliniennes (no­tamment en l'opposant constamment à Lénine) (5). A cette fin, la GC du PCF entreprend de rappeler que Rosa Luxembourg s'est toujours située aux côtés de Lénine à la pointe du combat contre les théories révisionnistes du marxisme et contre le réformisme de la IIe Internationale. Elle souligne aussi l'immense apport de Rosa Luxembourg à la théorie révolutionnaire et sa parfaite continuité avec le marxisme, notam­ment à travers son livre L'Accumulation du Capital. Elle n'hésite pas davantage à rappeler que c'est le parti social-démocrate allemand qui a fait assassiner Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. A travers cette évocation du mou­vement révolutionnaire, Prométhéevise à appa­raître comme se situant aujourd'hui dans sa continuité.

Mais il en faut davantage pour réussir la supercherie. Aussi doit-il se livrer à de conti­nuels tripatouillages de l'histoire pour établir, au moyen d'une frauduleuse analogie, que son attitude aujourd'hui est la réplique de celle des gauches du passé luttant contre l'opportunisme : "On ne manque pas d'exemples historiques qui montrent comment une tendance révolutionnaire peut être à la fois nettement démarquée de l'opportunisme sur les plans politiques et organisationnels, tout en n'étant pas physi­quement démarquée comme 'parti' du reste du mouvement ouvrier" (Prométhée, n° 12,1998, p. 17.). Il cite d'abord le cas des syndicalistes révolutionnaires français du début du siècle : "quand la direction de la CGT capitula devant le chauvinisme en 1914, ils furent les premiers, et longtemps les seuls à défendre des positions internationalistes. Ce combat, ils le menèrent autour du journal 'La Vie Ouvrière' mais en continuant à agir au sein de la confédération CGT" ( ibid). Autre exemple à l'appui, celui de Lénine qui, dans La Maladie infantile, préconise l'entrisme des communistes britanniques dans le Parti Travailliste. Enfin et surtout, la GC du PCF a le culot de revendiquer l'héritage de Rosa Luxembourg en utilisant comme exemple le fait que la plupart du temps elle avait dû combattre pour défendre des positions révolutionnaires de façon minoritaire au sein d'organisations large­ment gangrenées par le réformisme et le léga­lisme parlementaire, que ce soit au sein de la SDKPiL de Pologne ou du parti social-démo­crate allemand (6).

A quoi sert cette poudre aux yeux avec laquelle ces néo-staliniens cherchent obstinément à se rattacher aux "traditions révolutionnaires" ? Pas seulement à tromper la classe ouvrière sur leur véritable nature en se présentant comme un courant révolutionnaire. Cela va au-delà.

... destinée à ravaler la façade du PCF

La finalité de l'entreprise est une crapuleuse et ridicule pseudo-démonstration de la nature en­core révolutionnaire et ouvrière du PCF : "si le PCF est néo-réformiste, comment expliquer que des militants se revendiquent de nos jours de la révolution socialiste ?"(ibid p. 26)

Ces gens-là qui se présentent en tant qu'authentiques révolutionnaires ont entrepris de lutter à l'intérieur du PCF pour le "redresser", cela voudrait donc dire qu'il y aurait quelque chose de "révolutionnaire" à tirer du PCF. Ainsi est "établie", par simple déduction logique, la nature "ouvrière" et "révolutionnaire" du PCF : "cela reste une question de savoir comment se fait-il qu'après près de 70 ans de politique 'contre-révolutionnaire' et 'réformiste', il y ait encore des courants (Coordination Commu­niste, Gauche Communiste) qui défendent des points de vue révolutionnaires ?" (ibid). Du même coup, ils peuvent effacer 70 ans d'histoire et peuvent blanchir le stalinisme et le PCF.

Sur le même thème, ils alimentent un faux-débat avec le trotskisme en prétendant que trois tendances traversent l'histoire du PCF : le "ré­formisme", voie "droitiste" incarnée par la politi­que pro-gouvernementale actuelle de Hue qui seule pourrait ouvrir la voie à "l'abandon du camp de classe" et à la "contre-révolution", la "Gauche", qui serait bien entendu la leur sur de "véritables positions révolutionnaires", et entre les deux,... le "stalinisme" qui ne serait qu'un "centrisme", oscillant continuellement entre les deux autres : "Ni l'analyse morale, ni l'analyse sociologique, ni même l'emploi de la notion de contre-révolutionnaire pris isolément, ne suffi­sent à comprendre le stalinisme. C'est pourquoi nous préférons qualifier le stalinisme de cen­trisme" (ibid). La boucle est bouclée : n'ayant jamais été contre-révolutionnaire, le stalinisme, d'après cette "démonstration", est toujours resté dans le camp prolétarien (7) : "Le centrisme se définit par la référence à la révolution socialiste, l'éclectisme théorique, l'hésitation permanente entre la réforme et la révolution, l'absence de principes politiques et donc par l'opportunisme. Le discours stalinien inclut un double discours avec un versant révolutionnaire et un versant réformiste. Il s'agit en fait d'un double discours permanent"(ibid). Donc, à l'ère stalinienne, "le double discours des PC est le produit d'une ligne de compromis entre les conquêtes de la classe ouvrière en URSS et la bourgeoisie au niveau international"(ibid).

La GC du PCF contre les internationalistes

En fin de compte, on aboutit à la resucée de la théorie des "acquis socialistes" en URSS, corol­laire de la défense stalinienne de la "patrie socialiste". En guise de "positions révolution­naires" du PCF en pleine période stalinienne, ils brandissent l'exemple du maquis et de la Résis­tance : "des vagues de militants ont rejoint le PCF et ont revigoré ses traits révolutionnaires, notamment les Résistants.". Et ces gens là osent usurper le nom de la "Gauche Communiste" alors que le parti stalinien a, au nom de cette Résistance, traqué, pourchassé et assassiné les membres de la véritable Gauche communiste, les véritables internationalistes, à la fin de la guerre mondiale en les accusant d’être "des espions à la solde de l’Allemagne nazie".

Cette GC du PCF est un ramassis d'impos­teurs, d'escrocs qui ne se peignent aux couleurs de la Gauche Communiste que pour mieux duper les prolétaires. La fonction réelle de la GC du PCF est précisément de parvenir à masquer que la défense du capital national est le critère déterminant du passage du camp prolétarien au camp de la bourgeoisie. Leur supercherie est un piège tendu par la bourgeoisie pour permettre au PCF, compromis au gouvernement, de préser­ver un pôle mystificateur spécifique sur la classe ouvrière. Tout est bon pour faire avaler que la question de l'heure, c'est de sauver le PC menacé de perdre son identité "communiste", comme ils proclament que l'urgence, c'est de "sauver le journal L'Humanité", aux prises avec les pires difficultés financières, pour en faire "un vrai journal communiste, (...) un outil de résistance, (...) un journal militant qui dit ce que les autres ne disent pas" (janvier/février 1999). Ces faussaires ne s'appuient sur le passé du mouvement ouvrier et ne se réfèrent à ses expériences historiques que pour faire passer en contrebande leur camelote stalinienne avariée afin de pourrir la conscience des ouvriers. Même s'ils s'en réclament aujourd'hui, ces gens-là n'ap­partiennent nullement à la continuité révolution­naire de Marx, Rosa Luxembourg ou de Lénine, mais ils continuent et cherchent à perpétuer bel et bien la tradition stalinienne des Thorez et des Duclos.

C'est pourquoi nous proclamons à la face de ces imposteurs : Bas les pattes de Rosa Luxem­bourg ! Bas les pattes de la Gauche Commu­niste ! Bas les pattes de Marx et de Lénine !

C'est pourquoi tous les véritables courants révolutionnaires ont la responsabilité de dé­masquer ces chiens de garde du PCF et de dénoncer leur existence et leurs entreprises qui ne visent pas seulement à prêter main-forte au PCF mais s'inscrivent aussi dans la nouvelle offensive de la bourgeoisie pour brouiller et pour dénaturer les leçons de l'histoire tirées par la véritable Gauche Communiste.

(Extrait de RI n° 288 et 289 Mars Avril 1999)

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1Contrairement à une partie du PC italien par exemple, le PCF ne veut pas changer de nom et lâcher l'appellation de "parti communiste". L'éclatement du PC italien s'est traduit par le fait qu'une partie rebaptisée PDS (parti démocrate-socialiste ) s'est "social-démocratisée" et a pris la place d'un PS quasi-inexistant dans la vie politique de la péninsule italienne. Cette fraction derrière d'Alema se retrouve d'ailleurs à la tête du gouvernement actuel, tandis qu'une minorité de l'ex-PCI, se rassemblant sous l'appellation significative de "Refondation Communiste", s'ancrait dans l'opposition.

2Sur Prometeo, voir notre livre sur La Gauche Communiste d'Italie.

3Son chef de file, J.J. Karman, est aujourd'hui encore l'adjoint au maire d'Aubervilliers (qui se trouve être lui-même l'ancien ministre de Mitterrand, Ralite, responsable entre autres attaques antiouvrières de l'instauration du forfait hospitalier), chargé des "affaires économiques" de la ville et conseiller général de la Seine-Saint-Denis.

4Autre tendance récente, tout aussi nostalgique du passé stalinien, organisée en comité régionaux qui prétendent lutter "pour la renaissance léniniste et la continuité révolutionnaire du PCF". Leur "comité du Nord" s'est signalé en diffusant à l'occasion du 1er mai 1999 un tract pro-serbe en soutien aux PC de Yougoslavie et d'Albanie, qui dénonce "la guerre de l'OTAN" et le "revenchisme allemand".

5Les PC ont toujours entretenu cette "tradition" stalinienne depuis la publication d'un article de Staline ("Questions du léninisme") au début des années trente dans lequel il ordonnait "l'excommunication" des œuvres de Rosa Luxembourg.

6C'est vraiment se moquer du monde et faire fi de l'histoire que de chercher à faire croire que la citation de Rosa Luxembourg placée en bandeau sous le titre de leur publication : "Il n'existe sans doute pas d'autre Parti pour lequel la critique libre et inlassable de ses propres défauts soit autant que pour nous une condition d'existence" puisse encore s'appliquer au PCF.

7Il faut noter que la GC du PCF cherche ici à s'appuyer implicitement sur les confusions encore persistantes à ce sujet au sein de la véritable Gauche Communiste, notamment la Gauche italienne qui maintenait encore cette analyse dans les années 30. Avec la guerre, la caractérisation du stalinisme comme courant de la bourgeoisie à part entière devint une question principielle.