Après 21 jours de grève généralisée, après tant d’assauts démagogiques de la part des staliniens, promettant un bon Noël aux travailleurs en grève, après des manifestations rodomantesques du gouvernement Schumann mobilisant des classes, après avoir prudemment crié "les caisses sont vides" aux revendications ouvrières, après tant de burlesque dans les antichambres syndicales et ministérielles, après de tragiques heurts entre ouvriers égarés chacun sur une voie impérialiste, la CGT lance le mot d’ordre de reprise de travail.
Il était à espérer que les syndicats auraient, pour une fois, reconnu la défaite de la grève. Et bien non, les 1500 Frs de vie chère - que les Frachon et consorts considéraient comme un os à ronger que l'on jette aux travailleurs - devient un symbole de victoire âprement arraché à un gouvernement "réactionnaire et affameur".
Aujourd’hui on se rend compte, dans la classe ouvrière, que d'une part la grève ne paie plus, mais d'autre part on espère encore confusément en des arrangements pacifiques entre "représentants ouvriers" et gouvernement.
Ce chaos contradictoire dans la classe ouvrière, alimenté encore par la scission syndicale qui, si sur le plan de l'usine n’a apporté aucun changement, sur le plan de la lecture des journaux les ouvriers se demandent où se font ces prétendues adhésions spontanées et massives à l'une ou à l'autre Centrale syndicale.
Nous assistons réellement, en France, à une brisure assez nette entre les dirigeants PCF ou SFIO et la grande majorité des ouvriers. Cette brisure n'est pas le fait d'une prise de conscience, elle est le résultat d'une lassitude de trois années de promesses et d'action à objectif illusoire comme "arrêter la course salaire -prix."
Quand, pendant cette grève, nous avons assisté et avons vu la rudesse d'attitude des diverses tendances directoriales de la CGT, quand, après la grève, nous voyons des journaux tel "Combat", des ministres tel D. Mayer, conclure qu'il n'y a ni vainqueur ni vaincu, pourquoi alors faut-il voir des Fédérations entières (instituteurs ou métaux) quémander, telle une charité, une indemnisation des jours de grève.
Le gouvernement a beau jeu d’allouer 750 Frs à tout gréviste, les dirigeants syndicaux aussi, en présentant ces misérables deniers comme le résultat de leur action personnelle puisque la grève n'avait pu rien donner.
La classe ouvrière a perdu la grève, pas tellement en fonction de la politisation que les staliniens ont voulu lui donner mais parce que cette arme s'inscrit dans la panoplie de la bourgeoisie.
Les ouvriers ne le sentent pas encore mais du moins il ne faut plus leur parler de grève actuellement ; et le PCF, dans son bulletin militaire ultime édité par le Comité central de grève, peut toujours parler de grève en vue de nouvelles luttes à venir. Si des luttes à venir doivent arriver dans les conditions actuelles de la classe ouvrière, ces luttes seraient meurtrières surtout par la confusion qui règnerait dans la classe ouvrière. Mais là encore, le problème n’est plus du ressort de la participation ou non des travailleurs.
Les sabotages "spontanés" remplaceront les troupes défaillantes. Pour sauver "la liberté", des mesures gouvernementales répressives seront prises qui réduiront cette liberté "démocratique".
Cette situation d'attentat et de répression est celle adoptée par la Résistance et les nazis pour augmenter et durcir leur troupe, de part et d’autre ; et, comme la situation internationale influera encore plus sur chaque situation nationale, alors le chaos s'étendra et se développera dans la classe ouvrière, permettant à la bourgeoisie et aux États de mobiliser leurs partisans, car la nouvelle idéologie de la 3ème guerre mondiale aura éliminé toute velléité d’indépendance de la classe ouvrière.
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La grève est passée par là, semant le désarroi et la lassitude dans les rangs ouvriers ; mais, les infatigables trotskistes - gréviculteurs et paranoïaques de la révolution laquelle, pour eux, est toujours là où des antagonismes impérialistes se jouent et s’expriment -, nos infatigables trotskystes, en des réunions de masses groupant le tiers de leur effectif nominal, au travers de leur organe "La Vérité" qui doit surement être atteinte de strabisme, encore une fois nos infatigables trotskistes présentent cette grève comme un 1905, une sorte de répétition générale de vastes mouvements ouvriers. Ils ont découvert, dans les collectes que les syndicats effectuaient dans les campagnes, l'ossature du futur Ministère du Ravitaillement, du non moins futur Gouvernement ouvrier et paysan.
Ils pensent cependant avoir une récompense. Les mots d’ordre que depuis trois ans ils jettent à profusion sur le marché ouvrier, sont repris par leur frères ennemis, les staliniens. Mais ceux qui semblent en retirer les bénéfices, c’est le PCF et non le PCI.
Pourtant, les trotskistes qui présentaient d’une part la direction PCF comme contre-révolutionnaire et leurs mots d’ordre comme les étapes les plus progressives vers la Révolution, ces trotskistes seraient bien embarrassés d'expliquer la contradiction qui résulte d'une alliance d'un organe traitre et de mot d’ordre de classe. Nous savons déjà, depuis 3 ans, que "les masses staliniennes obligent les dirigeants staliniens à cette politique", prétendent les trotskystes, alors pourquoi hésiter ; que ces derniers entrent dans les rangs PCF pour grossir le flot des mécontents. Si la base du PCF peut obliger les dirigeants, à plus forte raison pourra-t-elle les renverser avec les trotskystes en son sein. Mais là encore l'opposition base-dirigeants, dans le PCF, est le fait d'une ivresse qui n'a même pas sa source dans une victoire quelconque du trotskisme.
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Et maintenant, après cet aperçu qui semble découler d’un pessimisme, il y a lieu de nous expliquer.
Il n'y a pas, dans toute l'histoire du mouvement ouvrier, une période aussi dépourvue de perspectives révolutionnaires que celle que nous traversons. Ceci n'est pas l'effet d’un pessimisme mais uniquement de l'analyse réelle et consciente de la situation qui a préludé en 1933 et qui dure.
Quand, au cours de la guerre 1939-45, une éclaircie s'est faite jour, nous avons été les premiers à essayer, non seulement d'alerter les ouvriers en France mais aussi de prendre nos responsabilités dans la lutte. Nous n'avons rencontré aucun écho parce que l'éclaircie fut rapide et brève, elle a surpris les ouvriers dans le monde ; et, quand ceux-ci ont essayé de prendre conscience, la situation était déjà ressaisie par les impérialismes en guerre.
Nous avons reconnu, à ce moment-là, que, si la conscience de classe ne précédait pas ou si elle ne s'exprimait pas si une situation semblable se renouvelait, le cours de la guerre, avec ou sans trêve, continuerait.
Après l'éclaircie italienne, la défaite allemande survint ; mais il n'y eut absolument rien du coté ouvrier.
À quoi attribuer ce silence, cette absence ? Nous avons cherché les causes plutôt que de proclamer, comme certains, la Révolution en Grèce, aux Indes, en Indochine et à Madagascar ; et faire de Abd-El-Krim un martyr révolutionnaire. Nous nous sommes refusés à voir dans le chauvinisme des masses, au lendemain de la guerre, une possibilité révolutionnaire. Nous avons dénoncé l'hystérie collective, de même nature que les atrocités nazies. Nous avons surtout lutté pour enlever aux masses, et devant nos faibles forces, à des militants, les illusions de la lutte syndicale et de ses possibilités révolutionnaires.
Nous avons participé à toutes les luttes où des ouvriers étaient engagés, non comme de vulgaires adjudants mais en dénonçant le caractère impérialiste de ces luttes. Nous avons été des empêcheurs de tourner en rond, des trouble-fêtes, car, forts de l'expérience révolutionnaire, nous savions que celle-ci n'est pas le fruit du Saint-Esprit mais le résultat d'un travail lent et ingrat de propagande plus que d'activisme. Et aujourd’hui encore, nous continuons dans cette voie car nous n'avons pas besoin de crier que la révolution est pour demain pour continuer notre travail, dont l'efficience est condition de la révolution.
D'aucuns ont préféré les solutions faciles du PCF ou l'activisme en vase-clos du PCI, d'autres se sont retirés dans la marxologie ou l'anti-marxisme psycho-pathologique.
Face à ces hommes, à ces militants déroutés, désaxés, reflétant en eux la même déroute de la classe ouvrière, nous proclamons que les pessimistes sont ceux qui ne peuvent supporter une période de reflux du mouvement ouvrier et tombent obligatoirement dans l’opportunisme.
Nous leur disons encore qu’une situation, quelle qu'elle soit, ne s'oriente pas par un afflux de solutions organisationnelles où se retrouvent toujours les mêmes loups, mais par une propagande et un travail idéologique. La révolution se sent et se comprend, elle n'est pas un jeu plus agrandi du colin-maillard.
Si la situation est noire, il faut le dire au prolétariat car, alors, il comprendra les tâches qui se présentent à lui. Il ne faut pas, de peur de l’effrayer, lui présenter une situation rose et, de peur de le voir aller ailleurs, lui présenter des actions qui l'y conduisent.
On ne triche pas avec la classe ouvrière et avec la révolution, car ceci se solde toujours par une victoire de la bourgeoisie.
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Et maintenant que la grève a par là, que faut-il faire ? Dans une situation désastreuse pour la classe ouvrière, entrainant celle-ci vers l'acceptation idéologique et la collaboration dans la 3ème guerre impérialiste, l’avant-garde ne peut que lutter contre le courant dans la classe ouvrière, même si cette lutte réduit à la plus simple expression l'influence qu'elle peut avoir momentanément sur classe ouvrière ; car, si les révolutionnaires essayaient de la suivre, cela équivaudrait à l'abandon de toute pensée révolutionnaire et à l'impossibilité du socialisme.
Il faut parler à la classe ouvrière pour lui faire comprendre la situation et lui montrer ce à quoi les impérialismes l’on réduit. Nous ne pouvons plus espérer qu'au travers d’un mouvement quelconque, "spontanément" organisé, nous puissions arriver à propager la pensée révolutionnaire, car les ouvriers ont de plus en plus tendance à s'obnubiler sur le but immédiat de la lutte et, devant son échec, crier à la trahison contre toute tentative de critique des buts et de la nature de la lutte, par ceux-là même qui y ont participé avec leur tête et leur corps.
La classe ouvrière a besoin essentiellement d’un réapprentissage de la pensée révolutionnaire. A l’avant-garde de la faire avec le prolétariat.
Sadi
Malgré les grandes difficultés de la vie ouvrière, le problème de la scission syndicale en 2 fractions CGT n'échappe pas à la vie de la classe ouvrière.
La raison peut nous en être donnée par le fait que cette scission suit de peu de temps un vaste mouvement gréviste. Bien que nous soyons d'accord pour reconnaître que ces grèves ne sont pas la manifestation directe de la classe ouvrière, qui rentre en lice contre l'État-patron, chien de garde du capitalisme. Bien que ces grèves servent uniquement le capitalisme russe, par le truchement du PCF luttant contre les intérêts du bloc occidental (plan Marshall), la classe ouvrière devait néanmoins suivre les évènements dans le seul but d'obtenir sa ration de famine. C'est sur le besoin du salaire journalier, sur ces manifestations du ventre que devait s'appuyer les fractions antagonistes, dans la CGT, pour ou contre le travail.
Prenant conscience du besoin de la classe ouvrière, les dirigeants minoritaires devaient s'affirmer et pouvoir parler en défenseurs des intérêts immédiats des travailleurs.
Ainsi les manœuvriers de la "troisième force" profitèrent de l’occasion pour se dégager au moment favorable, essayant de porter au maximum leurs coups contre les majoritaires.
Nous laisserons aux éternels rêveurs le soin de crier à la trahison des minoritaires et à l'incapacité des bureaucrates staliniens, parce qu'en fait, pour ceux qui raisonnent en marxistes, les phénomènes subjectifs n'expliquent rien. Il n'y a pas de trahison en soi. Il n'y a de trahison que pour autant qu'il y a insuffisance de programme, ou plutôt de théorie contenue dans ce programme, dans ce sens lorsqu'il y a insuffisance de délimitation dans les barrières de classe.
Nous nous attacherons à faire remarquer au lecteur que minoritaire, et majoritaire s’inspirent, dans leur fondement théorique, du même programme et qu'il se traduit, dans la pratique, par une super-démagogie de la défense du salariat dans le cadre bien fourni du régime capitaliste ; en fait, cette illusoire et nominale augmentation de salaire, se traduisant toujours par une hausse constante des prix, diminue chaque jour le pouvoir d’achat des masses en renforçant le régime capitaliste.
En suivant l'évolution du mouvement syndical dans le mouvement ouvrier lui-même, l'on s’aperçoit très facilement de la tendance à l'opportunisme que le syndicat et les luttes économiques engendrent dans le sein du mouvement ouvrier : les partis socialistes d’Europe, s’appuyant sur les luttes syndicales dans le but d’aiguiser "la lutte des classes", au lieu de dépasser le stade du syndicalisme et d'apporter la politisation des masses dans la lutte contre la guerre (phase permanente du capitalisme), les partis socialistes se trouvent, au contraire, après plusieurs déclarations subjectives contre la guerre, entraînés objectivement dans la guerre 1914-1918.
Il a fallu toute l’autorité d'un Lénine pour combattre la tendance économique qui rongeait la social-démocratie et pour orienter toute sa tactique politique contre la guerre - résultat inéluctable des marchandages capitalistes (voir : Que faire ? de Lénine).
Après le recul de l’histoire tenant compte de la période ascendante du capitalisme, on est en droit de déclarer aujourd’hui que la lutte de classe ne se manifeste qu'au travers des luttes politiques et non syndicales comme le prétendaient les anarchistes.
Nous avons également contesté qu'en Allemagne, au moment de la montée révolutionnaire, les syndicats sont entrés en lutte directement contre un prolétariat s’affirmant en tant que classe indépendante (Cf. La maladie infantile... de Lénine).
Comme la lutte syndicale ne contient pas, en tant que lutte économique, un devenir historique - c'est-à-dire la possibilité de déterminer la volonté consciente du prolétariat de renverser le régime -, il est très concevable que, dès sa formation en 1924 en France, la CGT devenait un outil dans les mains du PC qui considérait cette centrale syndicale comme un réservoir d'énergie au service de l'URSS.
Son évolution suivra donc celle du PC qui, lui-même, alignera sa politique sur l'URSS. Ce sont, en fait, toutes les erreurs et insuffisances des 4 premiers congrès de l’IC qui nous ont conduit à l'histoire de nos jours.
Pendant ce temps, la vieille CGT, avec un Jouhaux à sa tête, continuera à prêcher le chauvinisme, comme pendant toute la durée de la guerre 1914-18.
Aussi, l'unité syndicale, défendue par les derniers congrès de l'IC, devenait un fait accompli en 1934. La CGTU fusionnait avec la vielle CGT et nous donnera plus tard la grande Centrale syndicale que nous connaissons après les grèves de 1936.
La politique du Front populaire en France, soutenue par la CGT, était le reflet d'une situation internationale par rapport à laquelle, très provisoirement, l'homogénéité de la CGT pouvait s'affirmer. À ce moment, les intérêts convergents des 2 puissances impérialistes mondiales, la Russie et l'Amérique, se dressaient contre la puissance unifiée de l'Axe, entraînant avec eux les puissances économiques secondaires, en même temps que les idéologies ouvrières.
Se préparant physiquement en Espagne, ce cours devait amener à la guerre de 1939. Ce n'est que la diplomatie du Kremlin, dictée par une faiblesse relative face à l’Amérique, qui obligea l'URSS à signer le pacte Hitler-Staline.
Depuis cette date, la trêve du Front populaire se trouve rompue et les militants du PC mis dans l’illégalité ; de ce fait, les socialistes deviennent les maitres de la CGT, mais en même temps les minoritaires du lendemain.
La guerre Allemagne-URSS changeait la face des choses et devait faire des militants staliniens les plus acharnés "bouffeurs de boches", en même temps qu'elle préparait les cadres qui feront la résurrection de la CGT après la super-grève nationale de la "Libération bourgeoise".
Nous ne parlerons pas ici de la tendance Belin et consort qui suivit la politique de Vichy alors que la CGT devait disparaître pour renaître sous une forme corporatiste. Dans les faits, ici comme ailleurs, le syndicalisme se place à la queue des forces politiques en présence pour introduire les ouvriers dans l’arène politique des fractions de la bourgeoisie.
La récente conférence de Belgrade et les événements internationaux et coloniaux devaient également avoir leurs répercussions sur le plan des syndicats, État dans l'État de la bourgeoisie, ainsi avons-nous connu les récentes grèves Molotov (échec au plan Marshall).
Par contre, la fraction minoritaire de la CGT soutenait l'orientation américaine et devait inévitablement rompre avec la direction majoritaire qui était prisonnière du bloc russe ; il est important de souligner qu'une fois de plus et avec une précision mathématique, le syndicat minoritaire s’est aligné sur la politique américaine malgré les déclarations, toutes verbales, d’une troisième force indépendante.
Nous avons, quant à nous, affirmé et nous le répétons : il n'y a qu’une force au monde capable de sortir l’humanité du tombeau où le capitalisme l’entraîne ; cette seule force, c’est l’action consciente de la classe ouvrière, c’est le chemin tracé par les Lénine, les Luxemburg, les Zinoviev, les Kamenev.
Dans la situation présente, les trotskistes, les anarchistes et tout autre groupe syndical ont couramment pris l'habitude de pleurnicher sur le devenir historique du prolétariat ; et répètent à satiété que le prolétariat est toujours trahi, toujours battu et qu'il se trouve devant une difficulté historique. Aussi, n'en continuent-ils pas moins à dépenser leur activisme outrancier, sans comprendre la situation nouvelle qui s’est créé depuis l’époque où ils ont tiré les bases programmatiques de leur action.
Ni les anarchistes ni les trotskistes ne poseront la question, à savoir si nous sommes toujours dans la phase d’un capitalisme ascendant, ou bien si, au contraire, nous sommes dans la phase décadente du régime capitaliste ; ni les uns ni les autres ne se posent la question, à savoir si les syndicats sont des organismes de la classe ouvrière ou des organismes de la bourgeoisie. Le problème est d'autant plus important que nous sommes au tournant de l'histoire où la perspective de la guerre apparaît clair comme le jour et où le prolétariat se trouve engagé par son simple bulletin d’adhésion au syndicalisme.
La CGT minoritaire lutte avec l'Amérique contre le bloc russe ; la CGT majoritaire lutte contre l’Amérique ; les responsables de la guerre, ce sont tous ceux qui admettent un bloc contre un autre, y compris le programme transitoire des trotskistes et l'échelle mobile des anarchistes.
Le prolétariat n’a pas de choix à faire pour s'incorporer dans des organismes syndicaux, seul soutien actif de la bourgeoisie décadente, ce que cette dernière lui jette dans les jambes afin de mieux fourvoyer la conscience de classe ouvrière prenant naissance des contradictions d'un régime ignoble.
Il n'y a plus d’organisme unitaire de la classe dans le domaine économique ; ceux qui posent problème au prolétariat, les minoritaires CGT ou les majoritaires CGT, lui posent un faux problème. Les luttes économiques sont sans issue dans la période décadente du capitalisme.
Tous ceux qui prétendent garantir le pouvoir d’achat des travailleurs par une prétendue échelle des salaires, quand la monnaie en tant que telle n'a plus de valeur réelle, s'inscrivent dans le camp des ennemis du prolétariat, parce qu'ils entravent le processus de prise de conscience historique de la classe ouvrière ; le capitalisme ne peut plus rien donner, il faut le détruire.
En refusant de se laisser embrigader dans des organismes syndicaux et, de ce fait, contre-révolutionnaire, les ouvriers œuvreront, par cette action, en une position révolutionnaire.
GOUPIL
Il est devenu chose courante d'accuser les partis politiques adverses d'être antinationaux. Plus que tout autre, les staliniens ont contribué à populariser cette façon de voir. Leur cheval de bataille n'est-il pas depuis longtemps la défense de la nation et de la patrie qui, ajoutent-ils, se confondent avec la classe ouvrière, cellule vivante et élément fondamental de la nation ? Aussi, dans leur lutte contre les autres partis politiques, l'accusation la plus terrible lancée contre eux est d’être des partis anti-nationaux, à la solde de l’étranger. Hier, c’est sous le terme de “Munichois”, Goblentz, agent de Hitler, que les staliniens combattaient leurs adversaires ; aujourd’hui c'est sous la bannière de la lutte contre le parti américain qu'ils mènent leurs campagnes. En retour c’est sous la dénonciation d’être un parti russe, une cinquième colonne, que les autres combattent le parti stalinien.
Qu’y a a-t-il d'exact dans ces accusations réciproques ? Nous verrons cela plus loin. Mais ce qui nous apparaît plus important à souligner, c’est que la lutte se fait sur le terrain : qui défend les intérêts nationaux de la France et qui n’est que l'agent de l'étranger.
Nulle part ailleurs la destruction de la conscience de classe des ouvriers n'apparait avec autant d’évidence tragique que dans le fait qu'ils prennent fait et cause dans ce débat où ils déversent toute leur activité, toute leur combativité et toute la passion dont ils sont capables. En combattant et en se divisant sur ce terrain, du choix du plus authentique défenseur des intérêts de la nation, au lieu de se situer sur le terrain du dilemme historique : capitalisme-socialisme, qui dépasse le cadre de la nation, les ouvriers manifestent leur intégration politique dans le régime capitaliste et leur disparition en tant que classe historique aux objectifs révolutionnaires propres.
À quel point cette mentalité nationaliste bourgeoisie domine aujourd’hui les cerveaux, nous en voyons la preuve dans la manière de penser et de s’exprimer des militants ouvriers et des groupements qui se disent de l’avant-garde.
Pour les trotskistes, le problème est évidemment très compliqué et difficile du fait qu'ils considèrent la Russie comme étant toujours un système social fondé par la Révolution prolétarienne d'octobre 1917, partant une société transitoire fondamentalement anticapitaliste. Le régime politique qui existe en Russie n'étant, pour eux, qu'une excroissance bureaucratique, une dégénérescence, il ne saurait être confondu avec le régime capitaliste existant dans le reste du monde. Les partis staliniens, de leur côté, représenteraient les intérêts de la bureaucratie dirigeante russe. Aussi, les positions nationalistes des partis staliniens apparaissent aux trotskistes comme des erreurs politiques ou des manœuvres, mais sont étrangères, quant au fond, à leur vraie nature. Tôt ou tard, les staliniens seront forcés de les abandonner et de se cantonner uniquement dans la défense de l'État russe.
Arrivés à ce point de leur raisonnement, les trotskistes qui prétendent également défendre, sinon la superstructure politique stalinienne du moins la "structure socialiste" de la Russie, se trouvent en communauté d'intérêt avec les PC à qui ils offrent logiquement des fronts uniques pour la "défense de l’URSS" menacée par le capitalisme international. Les trotskistes reprochent donc avec d'autant plus de violence au PCF sa politique nationaliste et de faire "le jeu" du capitalisme mondial et français, qu'ils considèrent précisément le stalinisme comme un parti anti-capitaliste et anti-nationaliste.
Les anarchistes, eux, prennent exactement le contre-pied des positions trotskistes. C'est l’envers de la médaille. Si les trotskistes tendent vers une action commune avec les PC, parce que ces derniers seraient par définition adversaires de la bourgeoisie nationale, les anarchistes ne veulent pas entendre parler d’action commune avec les staliniens précisément parce que ceux-ci représentent le "bolchévisme russe" qui, pour les anarchistes, est synonyme de "l'éternelle trahison"[1].
"L'internationaliste", organe du groupe FFGC, ne se distingue pas par une pensée originale. Il écrit en effet : "Pour caractériser succinctement les différents partis communistes, nous pourrions dire : ce sont les 5èmes colonnes de l’impérialisme russe dans le camp ennemi.[2]". La trivialité d'une telle caractérisation ne se distingue vraiment en rien des journaux les plus obtus comme "L'époque" ou des discours de De Gaulle.
En quoi précisément les partis staliniens seraient-ils la cinquième colonne russe ? Parce qu'ils défendraient une orientation visant l’incorporation de la France dans le bloc oriental ? Mais, avec autant de raison, on pourrait taxer de cinquième colonne tous les autres partis qui préconisent l’incorporation de la France dans le bloc occidental, c'est-à-dire le bloc américain. Ainsi, on aboutira à faire disparaître la bourgeoisie proprement nationale qui, dans son entier, se serait volatilisée en ne laissant à sa place que deux cinquième colonnes de l'étranger.
Toute cette phraséologie sur la cinquième colonne peut servir d'excellente matière de bourrage de crâne pour les masses, mais ne permet en rien de comprendre la géographie politique, ni d'expliquer les luttes politiques qui se déroulent aussi bien en France que dans tous les pays du monde.
Une cinquième colonne signifie un groupement d'hommes vendus à un impérialisme étranger et agissant comme des mercenaires, uniquement pour l'intérêt de cet impérialisme. Mais, c'est une stupidité de parler de cinquième colonne là où il s'agit de millions d’individus et de pays entiers. De Franco soutenu par l’Allemagne et l’Italie, au gouvernement républicain de Azaña, qui était "l'agent de l'étranger ?" C'est là une question qui n’a pas de sens et que ne peuvent se poser sérieusement que des vieilles filles dans leurs commérages "politiques".
Vichy et Laval étaient sans conteste aussi bons patriotes et défenseurs de l'intérêt de la bourgeoisie française que Paul Raynaud et De Gaulle. Dimitrov est-il moins bon patriote bulgare que Petkov qu'il vient de faire exécuter. Qui de Tito ou de Mikhailovitch constitue la cinquième colonne en Yougoslavie ? C'est là une façon de raisonner aussi vulgaire que ridicule. Thorez et le parti stalinien n’ont cessé d’être des défenseurs de l'intérêt national français parce qu’ils sont contre la politique pro-américaine du gouvernement, que ce dernier n'est devenu l'agent américain que parce qu'il accepte le plan Marshall.
Il n’y a que des esprits bornés, imprégnés d'un nationalisme refoulé, pour maintenir une distinction entre partis politiques nationaux et antinationaux. La bourgeoisie a depuis longtemps, sous la pression de l'évolution, dépassé cette conception étroite de la défense de ses intérêts uniquement limitée au cadre géographique de ses frontières. La défense de l'intérêt national, dans l'époque de l'impérialisme, ne peut se faire que dans un cadre élargi de bloc impérialiste. Ce n'est pas en tant que cinquième colonne, en tant qu'agent de l'étranger, mais en fonction de ses intérêts immédiats ou lointains bien compris qu'une bourgeoisie nationale opte et adhère à un des blocs mondiaux qui se constituent. C'est autour de ce choix pour l’un ou l’autre bloc que se font la division et la lutte interne au sein de la bourgeoisie ; mais c'est toujours en partant d’un fond et d’un but commun : l’intérêt national, l’intérêt de la bourgeoisie nationale.
Il faut réapprendre aux ouvriers cette vérité première qu'il n'y a pas et ne peut y avoir d'anti-national que l'internationalisme du prolétariat luttant pour la révolution sociale mondiale.
Par contre, tous les bavardages sur partis staliniens = partis anti-nationaux et cinquième colonne, si ils n'expliquent rien quant à l’attitude de ces partis, contribuent par ailleurs à entretenir la confusion et à maintenir - peut-être sans le vouloir - les ouvriers dans une atmosphère de nationalisme.
Il est temps que les groupes qui se disent révolutionnaires en prennent conscience et en finissent.
Marco
Staline sauvé de l’inflation
Les serpents muent la saison chaude venue. Le rouble, lui, fait peau neuve en décembre. Stabilisé en 1924, dévalué en 1935, le voici maintenant revalorisé.
Présentée comme consécutive aux lourdes dépenses causées par la guerre, à l'émission par les nazis de force fausse-monnaie, cette mesure vient, en fait, pallier aux difficultés rencontrées en cours d'exécution du quatrième plan quinquennal, plan qu'une propagande orchestrée s'efforce déjà, air connu, de réduire à quatre ans.
Une fois de plus, la classe ouvrière est la première atteinte. En effet, les derniers ukases supprimant le rationnement alignent du même coup certains prix essentiels (lait, œufs, fruits, thé) à ceux du marché noir officiel. Sans doute, le prix du blé sera diminué de 12%, mais 1 kilo de pain n'équivaut-il pas en brut à une heure de travail stakhanovisé ? D'autre part, la ponction considérable opérée sur l'ensemble de la masse monétaire s’accompagne de décrets pris aux fins de convertir et consolider les emprunts émis lors des trois quinquennats passés. Cela, assure-t-on, pour frapper les spéculateurs. Mais l’épargne patriotique, constitué dans l'enthousiasme obligatoire, est rognée d'au moins 33% de son montant. Elle sera, il est vrai, fondée sur une monnaie saine, jusqu'à la prochaine opération de sauvetage ou renforcement du rouble. En attendant et de toute façon, l'ouvrier en Russie voit s’amenuiser encore un standard de vie minimum.
Cependant, rafle des billets en circulation et conversion des obligations semblent devoir atteindre plus particulièrement le paysannat. Aussi bien les mesures prises l'ont été après les derniers engrangements de céréales et coton dans les silos d'État, mais avant les emblavures de fin d'hiver. L'un de leur but parait être de remédier à la crise que connaît actuellement l'agriculture collectivisée. Des kolkhozes manquent de tracteurs, certes, mais aussi ils sont abandonnés lentement pour l'exploitation plus lucrative de lopins, voire de terres privées. Il faut donc organiser le retour aux kolkhozes des terres lui ayant échappé de par "initiative individuelle". Il faut "dékoulakiser". Mais, alors que la dévaluation de 1933 venait après la dékoulakisation, c'est au processus inverse que nous assistons aujourd’hui. Il appert probablement aux gouvernants russes que le dessert peut se prendre dès avant les plats de résistance, l'emploi de la contrainte, de la déportation. Quant aux "spéculateurs", aux détenteurs de "profits illicites", c'est-à-dire les millionnaires de village et les bureaucrates concessionnaires, ils peuvent continuer leur jeu fructueux. Bien sûr, leurs liquidités se trouvent amputées des deux tiers, mais il n'est profit sans risques. Et les notables ne sauraient décemment se plaindre, les prix du vin, de la vodka et autres produits de luxe restent inchangés.
Ces prix, tous les prix furent triplés l'an dernier ; pour les privilégiés ils ne font que subir, à nouveau, une hausse de même ordre. A part ça, tout va bien.
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Ainsi, des cataclysmes naturels, tels les dévastations occasionnées par les opérations militaires et la sécheresse de l'été passé, sont venus stimuler de leurs séquelles la nécessité de remplacement et élargissement du capital fixe (usure du matériel, ouverture de nouveaux marchés etc.). C'est dans cette situation que Marx situait la base matérielle des crises périodiques se répétant à intervalles décennaux. La dévalorisation du rouble, manifestation crue du caractère capitaliste de l'État stalinien, est un symptôme éclatant en même temps que le fruit des contradictions économiques dudit État. En les analysant, nous retrouverions les prémisses, désormais classiques, de ces crises périodiques : anarchie de la production confiée soit à des bureaucrates incapables, soit à des techniciens prévaricateurs ; rupture d'équilibre de la proportionnalité entre les différents éléments du capital social (dans le secteur surtout des objets de consommation) ; enfin la limitation du marché suivant celles du pouvoir d’achats conférés par les salaires ouvriers. Mais l'étendue restreinte de cette étude en réserve le soin à une autre occasion.
Cependant, les effets de la revalorisation du rouble ne seront pas seulement ressentis à l’intérieur de la Russie. L'aveu de défaite qu’elle constitue dans le domaine de la préparation à la 3ème guerre impérialiste a été soigneusement enregistré à Washington. Les américains durcissent leur attitude dans les conférences internationales (ONU, Londres) et resserrent leur étau stratégique enserrant leur prochain adversaire militaire (aide intérimaire, concours de plus en plus intensif accordé à Tchang-Kaï-Chek ). Et la Russie, pour renforcer des positions menacées, pour conserver sa fraction d'héritage du nazisme, se voit dans l'obligation d'exporter une part plus grande de sa production. Si minime que soit cette part en chiffres absolus, elle n'en pèse pas moins sur une infrastructure non relevée encore de l'effondrement de 1940-42. Pour se procurer l'outillage qui lui manque, la Russie exporte en Grande Bretagne son blé, aux États-Unis des matières premières indispensables, au premier rang desquelles les métaux rares nécessaires à la fabrication d'alliages spéciaux (tungstène, manganèse, vanadium, etc..). Nul doute que ces métaux lui reviennent sous forme de bombes et autres projectiles. Pour maintenir son sex-appeal économique vis-à-vis des pays centre-européens, Moscou doit, là aussi, exporter des matières indispensables à son propre relèvement. Quelques jours avant de dévaloriser, Moscou s'engageait à absorber 60% des exportations tchécoslovaques. Un peu partout dans les territoires encore occupés (Roumanie Allemagne Hongrie, Corée) ou non (Bulgarie, Finlande, Pologne), les Russes sont conduits à abandonner un nombre sans cesse plus grand d'avantages lointains (ainsi, la part de réparations à verser immédiatement augmente tandis que le montant global des réparations exigées diminue : pour l'Allemagne, Molotov doit fixer un chiffre etc.). Et Moscou n'a d'autre ressource maintenant que de raffermir sa bureaucratie chez ses satellites, en cassant les reins aux bourgeois indigènes ; puis, retirant ses troupes, la laisser se démerder seule (Bulgarie : le départ des troupes russes est précédé de la liquidation des bourgeois opposants et d’embrassades Dimitrov-Tito. La défaite économique, marquée par la revalorisation, ne manquera pas d'amener un durcissement encore accru de la politique russe dans les Balkans (expulsion des derniers capitalistes étrangers dans les pétroles roumains, centre–Europe et Allemagne – les dirigeants démocrates chrétiens sont saquée par les autorités russes).
Pour en terminer, on se souviendra que les nouveaux roubles seront de format considérablement agrandi. Ils pourront donc ainsi servir de mouchoir de poche. Qui sait ? Et l’hiver russe est si froid !
Un nouveau train de hausse est présenté à l’Assemblée nationale, avant même la hausse des salaires envisagée pour le courant de janvier.
Ce nouveau train de hausse est le deuxième en l'espace d'un mois.
Pourquoi les staliniens s'opposent à la fois à la hausse des prix et à la hausse des impôts sur la classe paysanne, la moins touchée par la dépression économique actuelle ?
Nous pensons que réduire la masse d'impôts engloutie par l'État et maintenir les subventions qui permettent aux prix de ne pas s'élever, cela crée une situation économique catastrophique pour le gouvernement et met le restant des dollars de l'aide Marshall dans un gouffre où ils seront vite absorbés. Manoeuvre classique qui, en partie, a réussi, car personne à l’Assemblée nationale ne veut s'aliéner la sympathie paysanne.
Le gouvernement Schumann pourtant doit opérer une saignée dans le bas de laine paysan pour que l'État bourgeois vivote encore, car la classe ouvrière est arrivée à ce degré de famine qu'il est difficile d'en extraire encore grand-chose. De cette nouvelle mesure économique, le prolétariat se voit encore rogner son pouvoir d'achat. Cela ne gêne personne à l'Assemblée où la bataille se joue entre les partisans du bloc impérialiste russe et ceux du bloc impérialiste américain.
G. Cousin.
Quelles sont les conceptions fondamentales de Marx sur les rapports économiques et sociaux essentiels ? On a eu très souvent le tort de considérer l'œuvre de Marx sous deux aspects dans le temps : avant et après le “Manifeste Communiste” (1848).
Si, dans la réalité, il y a une profonde évolution de la thèse de Marx sur Épicure et Démocrite à ses dernières œuvres se rattachant au "Capital" et à ses théories économiques, il n'en reste pas moins vrai qu'il y a une continuité presque absolue entre son œuvre philosophique et son œuvre économique. La méthode qui sert à Marx est la même, l'esprit dans lequel il l'entreprend et même les grandes idées maîtresses qui président à toute l’œuvre de sa vie, on peut dire que Marx les a eues avant 1848.
Si nous en croyons, en effet, les éditeurs allemands et français des Notes de Marx sur "Économie politique et Philosophie", ces Notes auraient été rédigées durant l’année 1844, de février à août.
Or, dans ces notes - qui n'ont été publiées qu'en 1931 - est contenue à l'état d'abstraction et de synthèse (dans le sens marxiste), toute la pensée de Marx qu'il ne fera que développer et étayer pendant le reste de sa vie ; et sa vie sera trop courte pour lui permettre de mettre le point final à l'œuvre gigantesque.
Jamais personne ne pourra mettre le point final à l'œuvre de Marx, car c'est le mouvement vers le socialisme qui pousse les communistes à étudier l'interaction des différents phénomènes de la société, dans tous les domaines de la connaissance humaine, et que ces domaines ne font que s'étendre à l’infini. Les prétentieux qui pensent terminer une œuvre alors que Marx, lui-même, n'a pu, génie et travailleur gigantesque, que tracer une large esquisse de la pensée socialiste, ne sont pas des marxistes et des révolutionnaires. Chacun contribue, dans la mesure de ses forces et de ses possibilités propres, à approfondir la pensée socialiste, contribuant ainsi à l'effort du prolétariat vers la révolution communiste.
On doit se repencher sur les enseignements du passé et essayer d’en tirer ce qui est encore valable, pour comprendre notre société actuelle. L'œuvre de Marx est pour cela inépuisable et on continuera, après la révolution à se pencher sur son œuvre et sa pensée.
Un problème central nous intéresse dès que nous voulons caractériser l'époque que nous vivons. Certains disent que la société actuelle, du moins dans certains pays, évolue vers le socialisme ; d’autres pensent que la société va vers la barbarie au travers de la venue au pouvoir d'une nouvelle classe sociale : la bureaucratie. Dans ces conditions, réexaminer les rapports de production et les rapports sociaux afin de démêler tout ce fatras idéologique était nécessaire. Rapports de production, rapports sociaux fondamentaux, caractères principaux de ces rapports, leur évolution historiques jusqu'à nos jours, cette étude doit nous permettre de mieux asseoir notre ligne de conduite dans le chaos formidable dans lequel la guerre capitaliste nous plonge.
Nous avons à. réexaminer l’ensemble de ces problèmes et confronter nos idées.
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Marx a passé la majeure partie de sa vie et de son œuvre à tenter d'interpréter les caractéristiques fondamentales de la propriété privée capitaliste et de la différence entre les modes de productions antérieurs et le mode capitaliste de production. Ses conceptions fondamentales sur les rapports économiques et sociaux essentiels sont déjà contenues à l'état de schéma dans "Économie Politique et Philosophie". Le développement de ces idées maîtresses ne se trouvent que par la suite, dans les derniers tomes du "Capital", rédigés par Engels d'après des notes de Marx, mais que Marx lui-même n'a jamais eu le temps de présenter sous forme achevée. C'est donc d'après de simples notes jetées sur le papier par Marx, d'après les réflexions qu'il pouvait faire sur les différents problèmes que lui suscitaient ses études critiques sur l'économie politique, de Quesnay à Ricardo et de Ricardo à Robertus, et dont le plan du "Capital" fait partie, travail colossal entrepris par Marx et dont le premier tome du "Capital" est la seule partie achevée ; toutes ces notes contiennent, non pas un système économique et philosophique, non pas l’aboutissement et la fin d’une pensée, la pensée socialiste, mais bien au contraire n'en constituent qu'une étincelle devant déterminer un incendie, depuis un siècle le feu ne faisant, pour ainsi dire, que couver sous la cendre. Nous jugerons d'autant plus du pouvoir incendiaire de l'étincelle de la pensée marxiste de Marx quand nous projetterons la lumière de la critique de l'économie politique marxiste, opérée sur un capitalisme naissant, sur notre société capitaliste décadente. C'est seulement avec cette guerre de 1939-45, c'est-à-dire presque un demi-siècle après la naissance de la scission fondamentale entre la voie réformiste et la voie révolutionnaire dans le mouvement socialiste, que le courant révolutionnaire arrive à tirer les ultimes conséquences de la scission opérée dans le mouvement socialiste ; et, s'il peut en tirer ces conséquences, c'est avec la méthode marxiste et la plus grande partie des matériaux fournis par Marx lui-même sur l'étude des rapports sociaux et économiques fondamentaux du système capitaliste. Aujourd’hui, la scission entre les deux voies prises par des courants se réclamant du socialisme s'opère d’une façon quasi obligatoire ; si elle n'avait pas existé antérieurement il aurait fallu la créer, la conséquence ultime du courant réformiste étant entièrement réalisée dans les faits, c'est-à-dire dans le soutien et la perpétuation du régime capitaliste, alors que l'heure de sa fin a sonné depuis longtemps.
L'évolution du capitalisme libéral au capitalisme d'État d’une part, et d’autre part l'évolution du réformisme dans le mouvement ouvrier à la pratique politique du gouvernement capitaliste d'État par tous les courants politiques réformistes (y compris le trotskisme) sont les deux phénomènes parallèles qui ont conduit le courant révolutionnaire à tirer les ultimes conséquences du mouvement vers la révolution socialiste passant par le reversement violent de l'État capitaliste par le prolétariat.
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Dans cette page de "Économie Politique et Philosophique", Marx fait d’abord une comparaison entre certains traits de caractères distinctifs des propriétaires fonciers et des capitalistes, des restes de la société antérieure et de sa médiocrité, et de sa nouvelle forme capitaliste qui se dresse, évolue et tend, dans son évolution, à bouleverser et à réduire toutes les formes antérieures de la société. Cette tendance du capitalisme le pousse jusqu'à acquérir la forme pure du capital, sans toutefois jamais y parvenir totalement de par les contradictions internes du système capitaliste, qui le poussent jusqu'à recréer un milieu retardataire par rapport à lui-même parce que c'est sa condition de vie.
Nous voulons commencer en citant cette page dans sa presque intégrité et, partant de là, rechercher, dans l'œuvre ultérieure de Marx, des formulations plus achevées.
Dans ce schéma, Marx part des éléments propriété privée, capital, travail et de leurs différents rapports, pour arriver, à la fin, à déclarer la disparition du capitaliste en tant qu'élément du capital et sa réapparition comme simple salarié du capital. Dans le "Capital" également, Marx se sert d'abstractions, ce qui fait croire qu'à chaque fois qu'il parle de "capital", il sous-entend toujours "les capitalistes individuels."
En réalité, Marx montre comment le capital devient un élément de la production, indépendant chaque jour davantage des individualités capitalistes elles-mêmes.
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Pour bien saisir l'ensemble de ces rapports :
Il est nécessaire de regarder plus attentivement la place qu'occupe, chez Marx, le capitalisme dans l’ensemble du procès historique :
L'appareil de production capitaliste apparaît donc, à l'échelle de l'histoire humaine, comme "une forme historiquement déterminée du procès de production sociale…", à la fois :
c'est-à-dire leur forme sociale et économique…
L'histoire humaine crée, à sa phase la plus simple, un rapport immédiat de l'homme à la nature. Ce rapport devient un rapport médiatisé de l'homme à la nature par l'intermédiaire de l'outil. Ce rapport extrêmement simple devient à son tour :
1. l'homme et ses rapports avec l'homme (rapports sociaux de propriété et par conséquent différentes fonctions dans la production),
2. les rapports des hommes entre eux déterminés par leurs rapports dans la production ; l’ensemble constituant le rapport médiatisé de l’homme (humanité) avec la nature.
L'histoire est donc le rapport du déroulement de la vie humaine dans ses relations avec la nature, par l’intermédiaire du déroulement de l'évolution de son système de production. Ce qui fait que, dans l’histoire, le capitalisme est lui-même une phase de ce rapport historico-naturel en sa qualité de mode de production de la vie humaine. Le capitalisme est à la fois, rapport de l'humanité avec la nature, mais aussi rapport social de l'homme avec lui, en tant que mode de production et rapport des hommes entre eux par son intermédiaire.
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Après avoir tenté, en empruntant uniquement à Marx et à Engels, de donner une idée de la situation historico-sociale du mode de production capitaliste, nous voulons maintenant leur emprunter leur conception sur ce qu'est effectivement le capitalisme et le CAPITAL.
Pour Marx, le CAPITAL est, dans la forme sociale-économique capitaliste, l’ensemble des moyens de production : pour Marx, les ouvriers sont du capital en tant qu’ils sont de la main d’œuvre exploitée ; les moyens de production sont du capital, les matières premières extraites du sol par les moyens de production capitalistes sont du capital en tant qu'elles sont investies dans la production ; la terre est du capital en tant qu’elle entre dans le cycle de production capitaliste. ( voir "Capital" - Mol. – XIV-122)
L'expression "propriété privée des moyens de production" exprime une tendance historique et non le fait que les individus possèdent effectivement d'une manière individuelle, absolue, leurs moyens de production. Cela exprime plutôt l'idée que, grâce au travail, les individus tirent des revenus et que leur tendance est, dans ce sens, individualiste mais dans ce sens seulement.
Les individus ne voient dans la production et dans le travail qu'un moyen de s'assurer une part de revenus en proportion du capital dont ils disposent, c'est-à-dire de leur situation dans cette production ; puisque, pour l’ouvrier, sa force de travail est son seul capital, il est obligé de placer ce capital et voit, en effet, là un placement qui lui rapporte sa journée de travail. Cette journée de travail a produit beaucoup plus que ce qu'il a reçu comme revenu et le fruit de ce travail, dont une partie lui est versée sous forme de revenu-salaire, lui est dans sa majeure partie extorqué ; et cette partie de travail non payé suit, dans la production capitaliste, le processus plus-value-profits. Ce processus est celui qui aboutit à aller verser des revenus aux capitalistes et aux propriétaires fonciers, sous forme d'intérêts et de rentes, revenus qui servent à entretenir une masse d'individus qui profitent de la distribution capitaliste de ces revenus.
Pour Marx, la propriété privée est fondée sur le produit du travail ; et la différence fondamentale du mode de production de la féodalité au capitalisme est que : le premier est une expression de la propriété privée fondée sur le travail personnel, sur un travail individuel ; le deuxième est une expression de la propriété privée fondée sur un mode de travail socialement organisé.
"(…) le système d’appropriation capitaliste découlant du mode de production capitaliste et, par suite, la propriété capitaliste constitue la première négation de la propriété privée individuelle fondée sur le travail personnel…" (Capital - Mol.-IV-274)
La propriété privée capitaliste est donc une propriété privée sociale, collective, de moyens de travail sociaux et collectifs et où les différentes classes sociales émargent au prorata de leur rôle dans la production :
La propriété privée capitaliste est donc, avant tout, une propriété de classe sociale et non simplement une propriété d'individus.
LES RAPPORTS DU CAPITAL ET DU TRAVAIL CONSTITUENT UNE PARTIE DES RAPPORTS ESSENTIELS SUR LESQUELS REPOSE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE CAPITALISTE.
(Ceci pour définir ce que Marx entend par travail : travail productif = l’homme, sa force de travail et ses outils)
La société humaine a fabriqué des outils pour ravir sa subsistance à la nature. Il lui a fallu lutter contre les différents fléaux, lutter contre le froid et la faim. De cette lutte, l'humanité a progressivement augmenté sa capacité de domination de la nature. De cet ensemble, au fur et à mesure que se développaient leurs capacités, que la lutte s'organisait, les hommes se sont développés en nombre. Les hommes se sont multipliés à chaque fois davantage quand ils faisaient un pas en avant dans leur sécurité dans la nature. Mais l’histoire voit peu à peu se compliquer les rapports sociaux.
Les rapports sociaux deviennent combinés en fonction :
Donc, le caractère des rapports du CAPITAL et du TRAVAIL, c’est que le TRAVAIL se présente au CAPITAL pieds et poings liés ; il apporte sa force de travail ; la fonction du capital dans la production est donc la production elle-même, sa direction, et la répartition capitaliste qui en découle.
La propriété privée des moyens de production capitaliste est donc une propriété privé sociale de CAPITAL opposé au TRAVAIL, sous sa forme sociale de force sociale de travail : le prolétariat.
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Nous en venons, toujours en nous appuyant uniquement sur des textes intégraux de Marx, à l'explication de la dernière partie du schéma de "Économie Politique et philosophie", déjà cité au début de ce chapitre.
Le capitaliste particulier, au début possesseur des moyens de production, s'appropriant lui-même directement la force de travail dans son usine, puis réalisant lui-même la plus-value, puis accumulant et réinvestissant, n'a jamais existé à l'état pur. La division du travail capitaliste s'applique à toutes les classes et à toutes les fonctions de cette société. Nous nous retrouvons donc avec des grandes subdivisions sociales :
Le capital constant est du travail humain accumulé sous forme de machines, d’usines etc., donc le capitaliste disparaît en tant que personnification du travail humain accumulé ; le CAPITAL devient un fait social duquel le capitaliste devient chaque jour un peu plus étranger. Le procès de production se fait, mû par des forces capitalistes, mais le capitaliste individuel n’est plus le moteur de ces forces ; il est lui-même mû par les fores productives que ses pères ont engendré ; le CAPITAL est donc indépendant du capitaliste. Le capitaliste disparaît d'une manière absolue pour réapparaître sous une autre forme capitaliste, en tant que le CAPITAL se divise en lui-même et les intérêts ; il (le capitaliste) apparait maintenant en encaisseur d'une forme de revenus appelés intérêts, d'une autre forme appelés bénéfices et d'une autre appelée rente foncière (il peut d’ailleurs cumuler sans que rien ne soit changé).
Tous les individus - qui, en tant qu'éléments du capital, participent à la production - font partie de la classe capitaliste et constituent, pour leur entretien, les frais dont il est question et qui représentent les profits. Toutes les tâches d'organisation, de direction, de rationalisation, d'administration, de répartition, sont des fonctions salariées du CAPITAL.
Il y a donc le travail dans la production en tant que salarié du TRAVAIL (capital variable) et le travail en tant que salarié du CAPITAL (profits : intérêts, bénéfices et rente foncière).
Le travail en tant qu'élément du CAPITAL n’est productif que de CAPITAL ; et cela par l'intermédiaire du travail salarié exploité.
(1er chapitre à suivre)
PHILIPPE
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Il est indiscutable, après la lecture du document de Harper sur Lénine, que nous nous trouvons devant une étude sérieuse et profonde sur l'œuvre philosophique de Lénine et devant une esquisse très claire et très nette de la dialectique marxiste que Harper oppose à la conception philosophique de Lénine.
Le problème pour Harper s'est posé de la façon suivante : plutôt que de séparer les conceptions du monde d'un Lénine de son activité politique, il est préférable, pour mieux voir et comprendre ce que le révolutionnaire a entrepris, de discuter et de saisir ses origines dialectiques. L'œuvre qui, pour Harper, caractérise le mieux Lénine, sa pensée, est "Matérialisme et Empiriocriticisme" où, partant à l’attaque d'un net idéalisme qui pointait dans l'intelligentsia russe avec la conception philosophique d'un Mach, Lénine essaie de revivifier un marxisme qui venait de subir des révisions, non seulement de la part de Bernstein mais également de la part de Mach.
Harper introduit le problème par une analyse très perspicace et approfondie de la dialectique chez Marx et Dietzgen. Bien mieux, tout au long de son étude, Harper tâchera de faire une discrimination profonde entre le Marx des premières études philosophiques et le Marx mûri par la lutte de classe et se dégageant de l'idéologie bourgeoisie. Au travers de cette discrimination, il dégage les fondements contradictoires du matérialisme bourgeois de l'époque prospère du capitalisme qu'il caractérise dans les sciences naturelles, et du matérialisme révolutionnaire concrétisé dans les sciences du développement et du devenir social. Harper s'efforcera de réfuter certaines assertions de Lénine qui, à son avis, ne correspondent pas à la pensée "machiste" mais sont uniquement du ressort de la polémique de la part de ce Lénine qui aurait cherché plus à résoudre l'unité du parti socialiste russe qu'à réfuter la vraie pensée de Mach.
Mais, si le travail de Harper présente un intérêt dans son étude sur la dialectique, ainsi que dans la correction de la pensée de Mach à la manière de Lénine, la partie la plus intéressante, parce que lourde de conséquences, est sans conteste l'analyse des sources du matérialisme chez Lénine et leur influence sur l'œuvre et l'action de ce dernier dans la discussion socialiste internationale et dans la révolution de 1917 en Russie.
La première phase de la critique commence par l'étude des ancêtres philosophiques de Lénine. De Holbach, en passant par certains matérialistes français tels Lamétrie, jusqu'à Avenarius, la pensée de Lénine s'y dessine noir sur blanc. Tout le problème réside dans la théorie de la connaissance. Même Plekhanov n'a pas échappé à cette embûche du matérialisme bourgeois. Marx est précédé par Feuerbach. Et ceci sera un lourd handicap dans la pensée sociale de tout le marxisme russe, Lénine en tête.
Harper, très justement, délimite, dans la théorie de la connaissance, les sources du matérialisme bourgeois qui sombrera par statisme, et du matérialisme révolutionnaire qui ne suit pas ou ne dépasse pas la dialectique bourgeoise, mais est de nature et d'orientation différente.
D’une part, la bourgeoisie considère la connaissance comme un phénomène purement réceptif (Engels - d'après Harper - sur ce point seulement partagera cette conception). Qui dit connaissance dit perception, sensation du monde extérieur, notre esprit se comportant comme un miroir reflétant plus ou moins fidèlement le monde extérieur. On comprend, à ce moment-là, que les sciences naturelles furent le cheval de bataille du monde bourgeois. La physique, la chimie, la biologie, dans leurs premières expressions, représentent plus un travail de traduction de phénomènes du monde extérieur qu'une tentative d'interprétation. La nature semble être un grand livre grâce auquel on transcrit en signes intelligibles des manifestations naturelles. Tout parait ordonné, rationnel, ne souffrant aucune exception, si ce n’est l’imperfection de nos moyens de réception. En conclusion, la science devient une photographie d'un monde dont les lois sont toujours les mêmes, indépendantes de l'espace et du temps, mais dépendantes de l'un et de l'autre pris séparément.
Cette tentative première des sciences doit naturellement prendre pour objet ce qui est extérieur à l'homme, car ce choix exprime une facilité plus grande à saisir le monde extérieur sensible que le monde humain plus enchevêtré et dont les lois se refusent aux signes équationnels à un seul sens des sciences naturelles. Mais aussi, doit-on voir là surtout un besoin pour la bourgeoisie dans son développement de saisir rapidement et empiriquement ce qui, extérieur à elle, peut servir le développement de sa force sociale de production. Rapidement car les assises de système économico-social ne sont pas encore solides, empiriquement car la genèse du capitalisme se déroule sur un terrain fertile qui, aux yeux des humains fait ressortir surtout les résultats et les conclusions, plutôt que le cheminement parcouru pour y arriver.
Les sciences naturelles, dans le matérialisme bourgeois, devaient influencer la connaissance des autres phénomènes et donner naissance aux sciences humaines, histoire, psychologie, sociologie, où les mêmes méthodes de connaissance étaient appliquées.
Et le premier objet de la connaissance humaine qui préoccupe les esprits se trouve être la religion, laquelle est étudiée comme un problème historique pour la première fois, et non comme un problème philosophique. Cela aussi exprime le besoin d'une bourgeoisie jeune à se débarrasser du fixisme religieux qui nie la rationalité naturelle du système capitaliste.
Cela s’exprime par l'éclosion d’une floraison de savants bourgeois comprenant Renan, Strauss, Feuerbach, etc. Mais, c'est toujours une dissection méthodologique qui s'opère - l'homme cherchant non à critiquer socialement un corps idéologique, telle la religion, mais plutôt à retrouver ses fondements humains - pour la réduire au niveau des sciences naturelles et, avec un scalpel, permettre la photographie des documents poussiéreux et des altérations subies dans le cours des siècles. Enfin, le matérialisme bourgeois normalise un état de fait, fixe pour l’éternité un mode immuable de développement. C'est regarder la nature comme une répétition indéfinie de causes rationnelles.
L'homme ramène la nature à un désir de statisme conservateur. Il sent qu'il domine la nature d'une certaine manière ; il ne voit pas que ses instruments de domination sont en train de se libérer de l'homme et de se retourner contre lui. Le matérialisme bourgeois est une étape progressive dans la connaissance humaine. Il devient conservateur jusqu’à être rejeté par la bourgeoisie elle-même quand le système capitaliste, à son apogée, dessine déjà sa chute.
De ce mode de penser qui se fait encore sentir dans l'œuvre de jeunesse de Marx, Harper voit dans la prise de conscience de la lutte de classe chez les masses travailleuses, au travers des premières contradictions importantes du régime capitaliste, le chemin qui conduit la pensée de Marx vers le matérialisme révolutionnaire.
Le matérialisme révolutionnaire, insiste Harper, n'est pas un produit rationnel ; si le matérialisme bourgeois éclot dans un milieu économico-social spécifique, le matérialisme révolutionnaire aura, lui aussi, besoin d'un milieu économico-social spécifique. Marx, à ces deux époques, prend conscience d'une existence qui se modifie. Mais là où la bourgeoisie n'a que rationalisme, répétition de cause à effet, Marx sent, dans le milieu économico-social évoluant, un élément nouveau qui s’introduit dans le domaine de la connaissance. Sa conscience n'est pas une photographie du monde extérieur ; son matérialisme est animé de tous les facteurs naturels, l'homme en premier lieu.
La bourgeoisie pouvait négliger la part de l'homme dans la connaissance, car son système, à ses débuts, se déroulait comme les lois astronomiques, avec une régularité précise ; de plus, son système économique laissait l’homme en dehors.
Cette négligence du système par rapport à l’homme commence, vers le milieu du XIX° siècle, à se faire sentir dans les rapports sociaux. La conscience révolutionnaire alors mûrit ; sa connaissance n'est pas seulement un miroir du monde extérieur, comme le prétend le matérialiste bourgeois ; l'homme entre dans la connaissance du monde comme un facteur réceptif et de plus comme un facteur agissant et modifiant.
La connaissance, pour Marx, devient alors le produit de la sensation du monde extérieur et de l'idée-action de l'homme facteur-moteur de la connaissance.
Les sciences du développement social et du devenir social sont nées, éliminant les vieilles sciences humaines et exprimant une progression et un déroulement senti et agi. Les sciences naturelles elles-mêmes sortent de leur cadre étroit. La science du XIX° siècle bourgeois s'écroule à cause de sa cécité.
C’est ce manque de praxis dans la connaissance qui spécifiera la nature idéologique de Lénine. Si Harper recherche les sources philosophiques de Lénine, il ne leur attribuera pas d’influence décisive dans l'action de Lénine.
L’existence social conditionne la conscience. Lénine est issu d'un milieu social retardé -la féodalité règne encore- où la bourgeoisie n'est pas une classe forte et capable révolutionnairement. Le phénomène capitaliste en Russie se présente à une période où la bourgeoisie développée et murie en Occident dessine déjà sa courbe décadente. La Russie devient un terrain capitaliste, non par le fait d'une bourgeoisie nationale s'opposant à l'absolutisme féodal du Tsar, mais par l'ingérence du capital étranger qui crée ainsi, de toutes pièces, l'appareil capitaliste en Russie. Parce que le matérialisme bourgeois s'enlise par le développement de son économie et de ses contradictions, l'intelligentsia russe ne trouve, pour lutter contre l’absolutisme impérial, que le matérialisme révolutionnaire. Mais l'objet de la lutte dirigera le matérialisme révolutionnaire contre la féodalité et non contre le capitalisme qui ne représente aucune force effective. Lénine fait partie de cette intelligentsia en ce que, puisant dans la seule classe révolutionnaire, le prolétariat, il tente de réaliser la transformation capitaliste retardée de la Russie féodale.
Cette énonciation n'est qu'une interprétation de Harper qui verra dans la révolution russe une maturité objective de la classe ouvrière et un contenu politique bourgeois exprimé par Lénine, lequel subit, dans sa conscience des tâches de l’heure en Russie, l'existence économico-sociale de ce pays se comportant, au point de vue du capital, comme une colonie dont la bourgeoisie nationale serait nulle et dont les deux forces en présence serait l’absolutisme et la classe ouvrière.
Le prolétariat s'exprime alors en fonction de ce retard qui est caractérisé par l’idéologie matérialiste bourgeoise d’un Lénine. Voilà la pensée d'un Harper sur Lénine et la révolution russe.
Une phrase de Harper : "(…) Cette philosophie matérialiste était précisément la doctrine qui convenait parfaitement à la nouvelle masse d’intellectuels russes qui, dans les sciences physiques et dans la technique, ont vite reconnu avec enthousiasme la possibilité de gérer la production ; et, comme nouvelle classe dominante d'un immense empire, ont vu s'ouvrir devant eux l'avenir avec la seule résistance de la vieille paysannerie religieuse." ("Lénine philosophe" – Harper – VIII)
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La méthode de Harper ainsi que son mode d'interprétation du problème de la connaissance sont dignes, avec "Lénine philosophe", de figurer parmi les meilleures œuvres du marxisme. Il nous entraîne cependant, quant à ces conclusions politiques, vers une telle confusion que nous nous trouvons obligés de l'examiner de près pour tenter de dissocier l'ensemble de sa formulation du problème de la connaissance d'avec ses conclusions politiques, qui nous paraissent erronées et ne pas même être en rapport avec le niveau général du travail.
Harper nous dit : "(…) Le matérialisme n'a dominé l'idéologie de la classe bourgeoise que pendant un temps très court." Ce qui lui permet de dire par la suite - après avoir prouvé que la philosophie de Lénine, dans "Matérialisme et Empiriocriticisme", était essentiellement matérialiste bourgeoise - que la révolution bolchevique d'octobre 1917 était une "révolution bourgeoise appuyée sur le prolétariat…"
Harper s'enferme ici dans sa propre dialectique et ne nous explique pas ce premier phénomène de sa pensée et de l'histoire : comment se fait-il que la révolution bourgeoise produise elle-même sa propre idéologie, cette idéologie étant, dans la période révolutionnaire, matérialiste ? Comment se fait-il qu'au moment où s'engage la crise la plus aiguë du capitalisme (entre 1914 et 1920), crise qui ne semble pas troubler Harper, comment se fait-il qu'à ce moment une révolution bourgeoise ait été propulsée exclusivement par la partie la plus consciente et l'avant-garde des ouvriers et des soldats russes avec qui se solidarisèrent des ouvriers et des soldats du monde entier et, principalement, du pays (l'Allemagne) où le capitalisme était le plus développé ? Comment se fait-il que justement, à cette époque, les marxistes, les dialecticiens les plus éprouvés, les meilleurs théoriciens du socialisme défendent aussi bien, sinon mieux que Lénine, la conception matérialiste de l’histoire ? Comment se fait-il que, par exemple, des Plekhanov et des Kautsky se trouvaient justement dans le camp de la bourgeoisie, contre les ouvriers et les soldats révolutionnaires du monde entier en général et contre Lénine et les bolcheviks en particulier ?
Harper ne pose même pas toutes ces questions. Comment pourrait-il y répondre ? Mais c'est justement le fait qu'il ne les ait pas posées qui nous étonne.
De plus, le long développement philosophique, quoique juste dans l'ensemble de son développement, comporte certaines affirmations qui en altèrent la portée. Harper tend à faire (parmi les théoriciens du marxisme) une séparation entre deux conceptions fondamentalement opposées, au sein de ce courant idéologique, quant au problème de la connaissance (à la manière de l’aborder). Cette séparation qui remonterait à l'œuvre et à la vie de Marx lui-même est quelque peu simpliste et schématique. Harper voit d'une part dans l’idéologie de Marx lui-même, deux périodes :
1. jusqu’à 1848, Marx matérialiste bourgeois progressiste : "La religion est l'opium du peuple…", phrase reprise ensuite par Lénine et que pas plus Staline que la bourgeoisie russe n'ont cru nécessaire d'enlever des monuments officiels, ni même en tant que but de propagande du parti ;
2. ensuite, Marx 2ème manière, matérialiste et dialecticien révolutionnaire, l'attaque contre Feuerbach, le "Manifeste Communiste" etc. ; "l'existence conditionne la conscience…"
Harper pense que ce n'est pas un hasard que l'œuvre de Lénine ("Matérialisme et Empiriocriticisme") soit essentiellement représentative du marxisme première manière ; et il en arrive, partant de là, à l'idée selon laquelle l'idéologie de Lénine était déterminée par le mouvement historique auquel il participait et dont la nature profonde apparaitrait, selon Harper, être fournie par la nature même, matérialiste bourgeoise, de l'idéologie de Lénine-(Harper ne s'en tenant qu'a "Matérialisme et Empiriocriticisme").
Cette explication mène à la conclusion de Harper selon laquelle l'"Empiriocriticisme" serait aujourd’hui la bible des intellectuels, techniciens et autres représentants de la nouvelle classe capitaliste d'État montante : la révolution russe, avec les bolcheviks en tête, aurait été une préfiguration d'un mouvement plus général d'évolution révolutionnaire, du capitalisme au capitalisme d'État, et de mutation révolutionnaire de la bourgeoisie libérale en bourgeoisie bureaucratique d'État, dont le stalinisme serait la forme la plus achevée.
Cette conception de Harper laisse ainsi penser que cette classe - qui prendrait partout pour bible "Empiriocriticisme" (que Staline et ses amis continueraient à défendre) - s'appuierait essentiellement sur le prolétariat pour faire sa révolution capitaliste d'État ; et, d'après Harper, ce serait la raison qui déterminerait cette nouvelle classe à s'appuyer sur le Marxisme dans cette révolution.
Cette explication tendrait donc à prouver, pour qui le voudrait bien, que le marxisme première manière conduit directement à Staline en passant par Lénine (ce que nous avons déjà entendu de la bouche de certains anarchistes, pour ce qui est du marxisme en général dont Staline serait l’aboutissement logique -la logique anarchiste !?) et qu'une nouvelle classe révolutionnaire capitaliste, appuyée sur le prolétariat, surgirait dans l’histoire justement au moment où le capitalisme lui-même entre dans une crise permanente, du fait d'un hyper-développement de ses forces productives, dans le cadre d'une société basée sur l'exploitation du travail humain (la plus-value).
Ces deux idées, que Harper tend à introduire dans son ouvrage "Lénine philosophe" qui date d'avant la guerre de 1939-45, sont elles-mêmes énoncés par d'autres que lui, venant de milieux sociaux et politiques différents que lui, et sont devenues très en vogue après cette guerre. Elles sont défendues actuellement, la première par de très nombreux anarchistes et la seconde par de très nombreux bourgeois réactionnaires dans le genre de James Burnham.
Que les anarchistes arrivent à de telles conceptions mécanistes et schématiques, selon lesquelles le marxisme serait à la base du stalinisme et de "l’idéologie capitaliste d'État", ou de la nouvelle classe “directoriale”, ceci n'est pas étonnant de leur part : ils n'ont jamais rien compris aux problèmes de la philosophie, comme les révolutionnaires l'entendent ; ils font découler Marx d'Auguste Comte, comparent cette assimilation à Lénine et font découler de là "l’idéologie bolcheviste-staliniste", et y rattachent tous les courants du marxisme sans exception, prenant pour leur, en tant que mode de pensée philosophique, tous les dadas à la mode, tous les idéalismes, de l'existentialisme au nietzschéisme ou de Tolstoï à Sartre.
Or, cette affirmation de Harper selon laquelle "l'Empiriocriticisme" de Lénine serait un ouvrage philosophique dont l'interprétation du problème de la connaissance n'y dépasserait pas la méthode d'interprétation matérialiste bourgeoise mécaniste et faisant découler de cette constatation la conclusion selon laquelle les bolcheviks, le bolchevisme et la révolution russe ne pouvaient pas dépasser le stade de la révolution bourgeoise, cette affirmation, comme nous le voyons, ne nous mène pas seulement aux conclusions des anarchistes et de bourgeois comme Burnham. Cette affirmation est avant tout en contradiction avec une autre affirmation de Harper qui est celle-là, en partie juste :
"Le matérialisme n’a dominé l’idéologie de la classe bourgeoise que pendant un temps très court.
Tant que celle-ci pouvait croire que la société, avec son droit à la propriété privé, sa liberté individuelle et sa libre concurrence, pouvait résoudre tous les problèmes vitaux de chacun, grâce au développement de la production, sous l’impulsion du progrès illimité de la science et de la technique, elle pouvait admettre que la science avait résolu les principaux problèmes théoriques et n'avaient plus besoin d'avoir recours aux forces spirituelles supra-naturelles. Mais le jour où la lutte de classe du prolétariat eu révélé le fait que le capitalisme n'était pas en mesure de résoudre le problème de l'existence des masses, sa philosophie optimiste et matérialiste du monde disparut. De nouveau, le monde apparut plein d'incertitudes et de contradictions insolubles, plein de puissances occultes et menaçantes…"
Nous reviendrons par la suite sur le fond de ces problèmes, mais nous sommes contraints de noter, sans vouloir faire de vaine polémique, les contradictions insolubles dans lesquelles Harper s'est mis lui-même, d'une part en attaquant le problème si complexe qu'il a attaqué d'une manière quelque peu simpliste et d'autre part les conclusions auxquelles il devait être amené quant au bolchevisme et au stalinisme.
Comment peut-on expliquer, répétons-nous, d'après les idées de Harper, le fait que, au moment où la lutte de classe du prolétariat apparut, la bourgeoisie devenait idéaliste et que c'est justement au moment où la lutte de classe se développe avec une ampleur inconnue jusque-là dans l'histoire que nait, de la bourgeoise, un courant matérialiste donnant naissance à une nouvelle classe bourgeoise capitaliste. Ici Harper introduit une idée selon laquelle, si la bourgeoisie devait devenir absolument idéaliste, -déceler un courant matérialiste bourgeois dans la philosophie de Lénine. Et si Lénine, selon Harper, "était obligé d'être matérialiste pour entraîner derrière lui les ouvriers", nous pouvons nous poser la question suivante : que ce soient les ouvriers qui aient adopté l'idéologie de Lénine ou Lénine qui se soit adapté aux besoins de la lutte de classe, selon les conclusions de Harper, il reste cette contradiction étonnante : ou bien le prolétariat suivait un courant bourgeois ou un mouvement ouvrier se promouvait en sécrétant une idéologie bourgeoise. Mais, de toute façon, le prolétariat ne nous apparaît pas ici avec une idéologie propre. Quel piètre matérialisme marxiste pourrait affirmer une telle chose : le prolétariat entre en action indépendante en produisant une idéologie bourgeoise. Et c'est là que nous mène Harper.
Du reste, il n'est pas entièrement exact que la bourgeoisie soit elle-même, à une certaine époque, totalement matérialiste et, à une certaine autre, totalement idéaliste. Dans la révolution bourgeoise de 1789 en France, le culte de la Raison n'a fait que remplacer celui de Dieu et était typique du double caractère des conceptions à la fois matérialiste et idéaliste de la bourgeoisie en lutte contre le féodalisme, la religion et le pouvoir de l'Église (sous la forme aiguë de persécutions des prêtres, des incendies d'églises etc.).
Nous reviendrons également sur ce double aspect permanent de l'idéologie bourgeoise ne dépassant pas, même aux heures les plus avancées de la "Grande Révolution" bourgeoise en France, le stade de "la religion est l’opium du peuple."
Cependant, nous n'avons pas tiré encore toutes les conclusions vers lesquelles Harper nous entraîne ; nous en tirerons quelques-unes et nous ferons quelques rappels historiques qui peuvent intéresser tous ceux qui "rejettent" la révolution d’Octobre dans le camp bourgeois.
Si ce premier regard jeté sur les conclusions et les théories philosophiques de Harper nous a entraîné vers certaines réflexions, qui seront l'objet de développements ultérieurs, il y a des faits que nous devons, pour le moins, relever immédiatement, car il s'agit de faits historiques que Harper semble n'avoir pas même voulu effleurer.
En effet, Harper nous parle, pendant des dizaines de pages, de la philosophie bourgeoise, de la philosophie de Lénine et arrive à des conclusions, pour le moins, osées et qui demandaient, tout au moins, un examen plus sérieux et approfondi. Or, quel matérialiste marxiste peut accuser un homme, un groupe politique ou un parti de ce dont Harper accuse Lénine, les bolcheviks et leur parti, d’avoir représenté un courant et une idéologie bourgeoise "s'appuyant sur le prolétariat…" (Harper), sans avoir auparavant examiné, au moins pour mémoire, le mouvement historique auquel ils ont été mêlé : ce courant, la Social-démocratie russe et internationale d'où est issue (au même titre que toutes les autres fractions de gauche de la Social-démocratie) la fraction des bolcheviks. Comment s'est formée cette fraction ? Quelles luttes a-t-elle été amenée à entreprendre sur le plan idéologique pour arriver à former un groupe à part, puis un parti, puis l'avant garde d'un mouvement international ?
De la lutte contre le menchevisme, de l'Iskra, de "Que Faire" de Lénine et de ses camarades ; de la révolution de 1905 et du rôle de Trotsky, de sa "Révolution Permanente" (qui devait l'amener à fusionner avec le mouvement bolchevik, entre février et octobre 1917) ; de la seconde révolution de février à octobre, (Sociaux-démocrates, Socialistes Révolutionnaires de droite etc. au pouvoir), des "Thèses d'avril" de Lénine, de la constitution des soviets et du pouvoir ouvrier ; de la position de Lénine dans la guerre impérialiste ; de tout cela Harper ne dit mot. On ne peut croire que cela soit un hasard.
(à suivre)
Mousso et Philippe
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