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ICCOnline - août 2021

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Permanence en ligne du 21 août 2021

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Révolution Internationale, section en France du Courant Communiste International, organise une permanence en ligne le samedi 21 août 2021 à partir de 14h.

Ces permanences sont des lieux de débat ouverts à tous ceux qui souhaitent rencontrer et discuter avec le CCI. Nous invitons vivement tous nos lecteurs, contacts et sympathisants à venir y débattre afin de poursuivre la réflexion sur les enjeux de la situation et confronter les points de vue.

Les lecteurs qui souhaitent participer aux permanences en ligne peuvent adresser un message sur notre adresse électronique ([email protected] [1]) ou dans la rubrique “contact [2]” de notre site internet, en signalant quelles questions ils voudraient aborder, afin de nous permettre d’organiser au mieux les débats. Les modalités techniques pour se connecter à la permanence seront communiquées par retour de courriel.

Vie du CCI: 

  • Permanences [3]

Rubrique: 

Réunions publiques et permanences du CCI

Le populisme accélère le chacun pour soi et les divisions au sein de la société

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Après quinze mois durant lesquels les pays du G7 ont essayé de se renvoyer mutuellement ainsi que vers leurs rivaux les plus faibles, la responsabilité de la pandémie, après des millions de morts liés au coronavirus, après un chaos politique sans précédent aux États-Unis dont le point culminant fut l’invasion du Capitole, tout cela conjugué avec l’accélération de la crise climatique, l’aggravation des tensions internationales, les nouvelles embardées de l’économie mondiale, le sommet du G7 qui a eu lieu à Cornwall en juin, a donné une façade d’unité et de détermination entre les rivaux impérialistes. Derrière cette mascarade, le G7 est toujours un repaire de brigands. Le fait que la Chine, la seconde puissance économique mondiale n’était pas invitée au sommet en dit long sur la profondeur des tensions entre les puissances rivales. Les pays du G7 sont enfermés dans une lutte à mort pour dépecer et ravager la planète, ce afin de tenter désespérément de trouver et de contrôler les matières premières vitales pour « l’économie verte ». La seule chose qui a changé pour le G7 est que le remplacement de Trump par Biden signifie que les États-Unis ont rejoint la campagne unie de préoccupation hypocrite pour la nature et l’humanité et dans le but de jeter de la poudre aux yeux des travailleurs.

Un des éléments qui ont miné cette prétendue unité est la guerre que le gouvernement britannique mène avec l’Union européenne au sujet des saucisses, nuggets et autres viandes surgelées qui traversent la mer d’Irlande vers l’Irlande du Nord. La dispute au sujet de l’accord du Brexit a menacé de faire imploser la coquille vide du G7 et de son unité de façade. Boris Johnson a choisi d’ignorer les avertissements explicites que Biden a émis avant le meeting à cause de la tentative du Royaume-Uni d’utiliser le sommet afin de menacer de rompre le protocole d’accord sur l’Irlande du Nord si le gouvernement britannique ne pouvait pas agir à sa guise. Cette similitude avec les bouffonneries de Trump n’était pas un hasard. La Grande-Bretagne est devenue l’œil du cyclone populiste parmi les grandes puissances.

Des tensions grandissantes avec les gouvernements décentralisés

Aux États-Unis, les plus lucides factions de la bourgeoisie ont pour le moment réussi à écarter Trump du pouvoir. En Grande-Bretagne, des fractions similaires n’ont pas été capables de prendre de telles mesures afin de mieux contrôler leur appareil politique. Au lieu d’endiguer la marée populiste, le référendum de 2016 a ouvert les vannes. L’appareil politique tout entier a été paralysé dans la lutte sur le Brexit. La crise a donné naissance au gouvernement Johnson, dirigé par un politicien haï par beaucoup au sein de son propre parti pour ses mensonges, son irresponsabilité et son inclination prononcée pour la trahison. Le Parti travailliste, sous la direction de Keir Starmer, est entré dans une spirale de défaites électorales et de guerres intestines, laissant la classe dominante sans réelle alternative à ce stade pour remplacer ou agir comme modérateur face à Johnson.

Le prix à payer pour le maintien de ce gouvernement était clairement visible avec sa réponse initiale face au Covid. À un niveau beaucoup plus profond, la perte de contrôle de la bourgeoisie britannique sur son propre jeu politique menace d’accélérer les tensions, mettant en péril l’intégrité même de l’État britannique. Cela se remarque à travers le poids grandissant du Parti National écossais et ses appels à l’indépendance ainsi que les menaces grandissantes venant d’Irlande du Nord de rompre avec la Grande-Bretagne ou d’être jetée dans une violente tourmente à cause du Brexit.

Avant les élections locales de mai, l’un des principaux porte-paroles des factions anti-populistes de la bourgeoisie, The Economist, a lancé ce sinistre avertissement :

« Briser l’union d’un pays ne devrait jamais être fait à la légère car c’est un processus douloureux politiquement, économiquement et émotionnellement. Demandez aux Indiens, aux Pakistanais, aux Bangladais, aux Serbes ou aux anciens citoyens de Yougoslavie. Très peu de séparations se produisent aussi pacifiquement et avec autant de facilité que celle qu’ont connu les Tchèques et les Slovaques. Bien qu’il semble inconcevable que les citoyens du Royaume-Uni d’aujourd’hui commencent à s’entre-tuer, c’est exactement ce qu’ils ont fait durant les troubles en Irlande du Nord qui se sont terminés il y a moins d’un quart de siècle ».

La guerre civile n’est pas à l’ordre du jour mais la dynamique de fragmentation est bien réelle. Cela est particulièrement clair en Écosse où l’effort désastreux de contenir le populisme avec le référendum sur le Brexit n’a pas seulement ouvert les portes au populisme en lui permettant d’infecter le parti conservateur mais a donné une immense impulsion au nationalisme écossais. Le feu nationaliste a été alimenté, par ailleurs, par les déclarations provocantes du gouvernement Johnson s’opposant à l’indépendance et par sa gestion de la pandémie. La perspective de ne pas avoir de changement imminent dans l’équipe dirigeante à Londres fournit plus de munitions au parti national indépendantiste. Johnson est si toxique en Écosse que son propre parti lui a interdit de faire campagne là-bas car sa présence aurait augmenté le potentiel électoral du parti national.

Le Brexit a également mis à nu un profond problème pour l’État britannique en relation avec l’Irlande du Nord : son manque de contrôle total sur l’une de ses propres régions. L’accord du Vendredi Saint en 1998 imposé à l’impérialisme britannique par l’impérialisme américain, était basé sur l’hypothèse que le Royaume-Uni continuerait à faire partie de l’Union européenne. Il a donné aux rivaux du capitalisme britannique en Europe une influence au sein de son propre territoire : ils ont fourni de l’argent et furent les arbitres en fin de compte dans les disputes entre l’État britannique et les différentes forces du nationalisme irlandais. Parmi eux, le Sinn Fein et surtout sa branche armée, l’IRA, ont bien accueilli l’accord parce qu’il leur donnait une part de pouvoir politique dans le Nord et laissait intact son contrôle des zones nationalistes. La bourgeoisie unioniste (et ses forces paramilitaires) fut forcée de partager le pouvoir et l’État britannique dut faire face à ses rivaux, les États-Unis, l’Allemagne, la France et la République irlandaise, empiétant sur le contrôle d’une partie de son propre territoire.

Le Brexit a réouvert cette blessure du côté de l’État britannique, le laissant encore plus exposé aux ingérences de ses rivaux. La bourgeoisie britannique a été mise dos au mur par l’Union européenne dès le début des négociations sur le Brexit. Bien que les deux parties se soient mises d’accord sur le fait que l’Irlande du Nord reste dans l’union douanière jusqu’à un accord commercial définitif, une frontière physique serait rétablie, ce qui menacerait de raviver les troubles. C’est ce qui était au cœur du fameux filet de sécurité irlandais de Teresa May. Johnson et la ligne dure des Brexiters ont torpillé cela mais ils ont été confrontés au même problème et furent forcés de signer un accord encore pire.

En cela, Johnson a imprudemment trahi le Parti unioniste démocrate (DUP) et le reste des forces unionistes en Irlande du Nord. Lorsque le DUP a appuyé sa candidature à la tête du parti en 2018, il leur a dit qu’aucun Premier ministre ne pourrait signer un accord qui érigerait une frontière maritime entre l’Irlande du Nord et le reste du royaume. Ainsi lorsque Johnson a signé le Protocole, il a saboté l’influence politique du DUP et a affaibli sa crédibilité envers les factions loyalistes, forces paramilitaires incluses, et a fait croître les tensions au sein du DUP. Cela a conduit à l’éviction d’Arlene Foster comme Première ministre, au court intérim d’Edwin Poots et à son remplacement par Jeffery Donaldson.

Cette sensation d’être menés en bateau par l’État britannique a déjà provoqué des émeutes chez les loyalistes et les marches orangistes durant l’été pourraient créer une poudrière susceptible de générer encore plus de violence. Les paramilitaires loyalistes ont déjà averti qu’ils pourraient attaquer le commerce entre le Sud et le Nord car ils voient dans l’augmentation des échanges cette année entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord un pas vers l’unification qu’ils refusent.

En mai, le ministre chargé du Brexit et le secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord ont pris contact avec les paramilitaires loyalistes et il se pourrait qu’ils aient encouragé leurs menaces de violences contre des agents des douanes de l’UE dans les ports d’Irlande du Nord. Mais ils jouent avec le feu. Les paramilitaires ne font pas confiance au gouvernement et se sentent de plus en plus isolés.

La bourgeoisie nationaliste irlandaise a été encouragée par l’évidente faiblesse de l’État britannique et par l’affaiblissement des partis unionistes. L’accord du Vendredi Saint contient la possibilité d’un référendum sur l’unification avec le Sud. L’intégration d’une population de paramilitaires loyalistes armés et furieux au sein même de son territoire, placerait l’État irlandais dans une situation identique à celle de l’État britannique. Cependant, l’irrationalité et le chaos grandissants dans la société pourraient amener les nationalistes dans le Nord à demander un référendum, ouvrant ainsi une nouvelle boîte de Pandore.

Des évolutions dangereuses pour la classe ouvrière

La posture ridicule du gouvernement Johnson au sujet de l’exportation de viande surgelée depuis la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord résume juste à quel point la classe dominante britannique a été affaiblie et humiliée par le Brexit. Elle a été réduite à menacer de rompre un traité international, juste pour être autorisée par des rivaux à transporter des saucisses sur son propre territoire. Johnson n’a réussi qu’à se couvrir de ridicule dans sa tentative de rivaliser avec Biden sur ce sujet durant le sommet du G7 mais peu importe la faction au pouvoir, elle serait confrontée au même dilemme : ou risquer de remettre le feu aux poudres en Irlande du Nord en rompant le Protocole ou accepter l’interférence de rivaux impérialistes au sein de son propre territoire.

Les contradictions insurmontables de cette situation vont générer des tensions massives. Au vu de l’irresponsabilité politique et de la vision à court terme qui caractérisent les mesures du gouvernement Johnson, la possibilité que la situation devienne hors de contrôle est bien réelle. Cela pourrait mener à l’unification de l’Irlande et entraîner un nouveau cycle de terreur sectaire et de guérilla en Irlande du Nord qui pourrait s’étendre en Grande-Bretagne.

Le prolétariat en Grande-Bretagne est dans une situation difficile. L’accélération des forces centrifuges qui expriment la profondeur de la crise économique et la perte de contrôle grandissante de la bourgeoisie sur sa vie politique offrent aux travailleurs une perspective déroutante. De toutes les grandes nations, seul le prolétariat en Espagne est confronté à des pressions similaires conduisant à un danger de fragmentation et à une division concurrentielle en son sein derrière des factions bourgeoises. La capacité de la classe ouvrière à résister à ces pressions dépend du fait de mettre en avant ses intérêts de classe comme une classe antagoniste au capital : la solidarité de classe parmi toutes ses composantes contre les attaques grandissantes du capitalisme, la compréhension que l’ennemi est le système capitaliste et non les travailleurs des autres nationalités, la reconnaissance du besoin d’étendre les luttes, au-delà des frontières, des secteurs d’activité ou des régions, sont les seuls moyens de dépasser ces pressions grandissantes. C’est seulement en comprenant qu’il est une force sociale autonome qui contient l’unique alternative révolutionnaire au capitalisme, que le prolétariat pourra finalement renverser le système en rejetant toutes ces divisions.

Phil, 30 juin 2021
(traduction d'un article paru dans World Revolution, organe de presse du CCI au Royaume-Uni)

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [4]

Personnages: 

  • Boris Johnson [5]

Récent et en cours: 

  • Populisme [6]

Rubrique: 

Royaume-Uni

Les travailleurs ne doivent pas prendre parti dans les conflits entre cliques capitalistes

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Pour les populistes britanniques et partisans du Brexit, les rêves nostalgiques d’un Empire qui couvrait un quart de la surface du globe terrestre et où le soleil ne se couchait jamais, se transforment en cauchemars. Et la campagne sur la « Global Britain » ne pourra pas l’empêcher.

En 2021, le paysage géopolitique a fondamentalement changé pour le Royaume-Uni. La Grande-Bretagne a perdu en grande partie son statut de puissance mondiale. Ses relations avec le continent, sa position au sein de l’OTAN et ses liens avec le Commonwealth sont tous remis en question. La relation particulière avec les États-Unis donnait au moins au Royaume-Uni un rôle influent en tant qu’intermédiaire entre Washington et Bruxelles. En se coupant de l’Europe, le Royaume-Uni s’est tiré une balle dans le pied : « Nous ne sommes plus un pont irremplaçable entre l’Europe et l’Amérique. Nous sommes désormais moins pertinents pour l’un comme pour l’autre » (John Major). Lors des négociations relatives au Brexit, le Royaume-Uni a agi en partant du principe qu’il occupait une place équivalente aux autres puissances internationales sur la scène mondiale. Mais le Brexit a confirmé que la bourgeoisie britannique se berçait d’illusions. Depuis la conclusion des négociations, elle évolue désormais dans un monde dominé par les États-Unis, la Chine et l’Union européenne (UE), un monde où elle se trouve à présent isolée.

Dans les conditions géopolitiques actuelles, le Royaume-Uni devra rétablir ses relations politiques avec les principaux pays du monde. Il devra se frayer un chemin jusqu’à la table diplomatique, surtout depuis que l’administration américaine commence à redynamiser ses relations avec l’OTAN, l’ONU et d’autres organisations multilatérales.

En mars, le gouvernement britannique a lancé sa stratégie pour une « Global Britain in a competitive age ». (1) Ce projet expose les nouvelles ambitions britanniques en matière d’opportunités commerciales et de voies d’influence mondiale. Mais cette version remise à neuf de la « Revue intégrée de sécurité, de défense, d’aide au développement et de politique étrangère » de 2015 ne va pas résoudre les problèmes fondamentaux du Royaume-Uni après sa sortie de l’UE.

Tensions et fractures internes au Royaume-Uni

Le déclin de sa position sur la scène internationale a également alimenté des conflits croissants au sein même du Royaume-Uni, notamment avec les gouvernements régionaux d’Écosse et d’Irlande du Nord.

Le référendum sur le Brexit de 2016 « a donné une énorme impulsion au nationalisme écossais ». (2) Depuis, les appels à l’indépendance écossaise se renforcent d’année en année. Au début de l’année 2021, 54 % des Écossais étaient favorables à une Écosse indépendante, soit 8 % de plus qu’en 2014. De récents sondages d’opinion dans les principaux États membres de l’UE montrent que le soutien à une Écosse indépendante et membre de l’UE augmente.

Au cours de la dernière décennie, les forces en Irlande du Nord qui cherchent à se détacher du Royaume-Uni se sont renforcées. Le protocole nord-irlandais (3) n’a fait que jeter de l’huile sur le feu, en isolant davantage l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni. Les tensions croissantes dans les six comtés (4) « menacent l’intégrité de l’État britannique lui-même ». (5) La fragmentation nationale pourrait devenir une réalité. Entre-temps, l’administration américaine a averti Johnson de ne pas violer le protocole nord-irlandais et de respecter l’accord du Vendredi saint (6) : la frontière ouverte entre le Nord et le Sud doit être protégée.

Au sein de l’establishment politique londonien, la tension monte également, au point que des ministres en concurrence, des conseillers politiques sont engagés dans une sordide guerre d’influence. Au cours des deux derniers mois, dans une atmosphère de doute, de jalousie et de suspicion, les accusations entre Johnson, Hancock et Cummings (7) ont volé dans tous les sens. La dernière expression de ces conflits a été le pilonnage du gouvernement par Dominic Cummings dans « une campagne massive sur les réseaux sociaux ». (8)

Classe contre classe

Ces tensions et ces fractures croissantes au sein du Royaume-Uni et les luttes qui en découlent entre factions bourgeoises présentent de grands dangers pour la classe ouvrière. Elles mettent les travailleurs face à « une perspective de désorientation ». (9) Mais ils doivent résister à la pression de soutenir l’une ou l’autre des cliques bourgeoises. La capacité des travailleurs à résister à de telles pressions ne peut être réalisée que lorsqu’ils luttent « en tant que classe antagoniste au capital ». (10) La seule perspective est de lutter sur un terrain de classe.

Au cours des derniers mois, les ouvriers du Royaume-Uni et d’ailleurs ont démontré qu’ils possèdent encore cette capacité, comme l’a montré une récente grève sauvage de 30 à 40 ouvriers sur le chantier de l’entrepôt Amazon de Gateshead. Les travailleurs y ont protesté pendant deux jours contre leur licenciement brutal. La persévérance et la solidarité de la classe ouvrière ont porté leurs fruits, puisque tous les travailleurs licenciés ont été réintégrés le troisième jour de la grève.

La même capacité a été démontrée le 3 juillet lorsque des dizaines de marches ont eu lieu à travers la Grande-Bretagne pour protester contre la proposition du gouvernement de n’augmenter que de 1 % les salaires des travailleurs du NHS (11), ce qui a été largement décrié par les travailleurs de la santé.

Ces luttes de petite envergure ne sont peut-être pas spectaculaires, mais elles sont les graines de l’autonomie future de la classe ouvrière contre le capital.

WR, section du CCI au Royaume-Uni 4 juillet 2021

 

1 « La Grande-Bretagne globale dans une ère de compétition [7] » est le titre du rapport remis par le gouvernement britannique en mars 2021, censé présenter la nouvelle doctrine impérialiste du Royaume-Uni (Note du traducteur).

2 Cf. « Royaume-Uni : Le populisme accélère le chacun pour soi et les divisions au sein de la société [8] », World revolution n° 389 (Été 2021).

3 Difficilement négocié avec l’UE et censé officiellement empêcher le retour d’une frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (Note du traducteur).

4 Il existe 32 comtés traditionnels en Irlande : 26 comtés appartiennent à la République d’Irlande et les six autres, qui n’ont aujourd’hui plus de réalité administrative, forment l’Irlande du Nord (Note du traducteur).

5 Ibid.

6 Cet accord a été signé en 1998 mettant fin à trois décennies de conflits entre nationalistes et unionistes d’Irlande du Nord (Note du traducteur).

7 Matt Hancock, ministre de la santé, a dû récemment présenter sa démission après une affaire de mœurs et de conflit d’intérêt. Dominic Cummings est un ancien conseiller politique que Johnson a limogé en novembre 2020 dans le cadre de lutte d’influence au sein du gouvernement. Depuis, Cummings est entré en conflit avec Johnson et multiplie les accusations.(Note du traducteur).

8 Cf. « Cummings “revelations”: Bourgeois vendettas and the distortion of science [9] », World revolution n° 389 (Été 2021).

9 Cf. « Royaume-Uni : Le populisme accélère le chacun pour soi et les divisions au sein de la société [8] », World revolution n° 389 (Été 2021).

10 Ibid.

11 Le National Health Service est le système de la santé publique du Royaume-Uni. (Note du traducteur).

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [4]

Personnages: 

  • Boris Johnson [5]

Rubrique: 

Royaume-Uni

Manifestations à Cuba : Ni "la patrie ou la mort", ni "la patrie et la vie" ... les prolétaires n'ont pas de patrie !

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Les 11 et 12 juillet de cette année, les plus grandes manifestations de rue à Cuba depuis 62 ans ont eu lieu, que le gouvernement cubain et tout l'appareil de gauche de la bourgeoisie tentent d'expliquer comme étant le résultat du prétendu "blocus économique" et de la manipulation du gouvernement américain contre le "communisme". D'autre part, les médias idéologiques de droite le présentent comme un soulèvement du peuple contre le "communisme". Les deux positions ont pour fondement le même présupposé selon lequel Cuba serait un pays socialiste ou communiste. C'est un mensonge ! Cuba n'est rien d'autre qu'un résidu des régimes staliniens, qui sont une forme extrême de la domination universelle du capitalisme d'État, exprimant la décadence de ce système moribond et mortel pour l'humanité. La gauche et la droite cachent dans leurs arguments que Cuba est un pays dont l'économie est régie par des lois capitalistes, dans lequel il y a des classes sociales opposées et une exploitation féroce des travailleurs, de sorte que, comme dans tout autre pays, il y a des expressions de mécontentement de la part des exploités, rejetant la vie misérable qu’offre ce système.(1) Cependant, la reconnaissance de l'existence à Cuba de classes sociales aux intérêts opposés et dans un rapport de forces permanent (bourgeoisie et prolétariat), ne signifie nullement que toute manifestation de mécontentement ou de colère dans la population soit le signe d’une réponse consciente du prolétariat, même si initialement elle montre les besoins réels des exploités, car le processus de prise de conscience et d'autonomie de la lutte du prolétariat n'est ni immédiat ni mécanique, surtout parce que les travailleurs doivent continuellement se confronter au  poids de l'idéologie dominante et à l'atmosphère de confusion qu’approfondit encore le  capitalisme en pleine putréfaction.

Les mobilisations au Chili et en Équateur en 2019, où l'interclassisme a empêché l'avancée de la combativité et l'action consciente des travailleurs, en sont un exemple.(2) En mai 2020, aux États-Unis, des manifestations ont également eu lieu pour protester contre l'assassinat de George Floyd, mais la classe ouvrière y apparaît diluée et contrôlée par la même bourgeoisie. Il y avait sans aucun doute un mécontentement à l'égard de l'action criminelle de la police ; de nombreux travailleurs individuels ont rejoint les manifestations et, cependant, la bourgeoisie, à partir du mouvement "Black Lives Matter", a réussi à focaliser la rage sur la question du  "racisme" et à la stériliser en la poussant dans l’illusion démocratique, en exigeant une meilleure police et un système judiciaire plus démocratique, ce qui l'a même conduit à l'utiliser dans son cirque électoral.(3)

En Afrique du Sud, les premiers jours de juillet ont également été marqués par des émeutes au cours desquelles la répression de la police a fait plus de 200 morts et a donné lieu à des centaines d'arrestations. Les manifestations étaient sans aucun doute animées par des exploités laissés pour compte et ce sont ces mêmes personnes qui ont donné leur vie, mais les raisons pour lesquelles ils étaient dans les rues n'avaient aucun rapport avec la défense de leurs intérêts. La lutte au sein du parti au pouvoir, le Congrès national africain, qui a conduit à l'emprisonnement de l'ancien président Jacob Zuma (accusé de corruption), a été l'occasion pour une faction de la bourgeoisie de lancer une campagne de propagande (via les réseaux sociaux), enflammant l'animosité chauvine et raciale de la population zouloue, jeter les masses appauvries et désespérées dans une impasse sans perspectives, en profitant du mécontentement permanent qui existe et qui, dans le cadre de la pandémie, est marqué par l'impuissance et l'incertitude.

Pour comprendre les révoltes qui ont eu lieu à Cuba, il est nécessaire d'analyser leurs motifs, leurs effets et, surtout de savoir si le prolétariat y a pris part de manière active ou non, en tenant compte du fait que ces mouvements de protestation se sont déroulés  à un moment où le système marque une accélération dans sa décomposition, ce qui a provoqué un nouvel effondrement dans la paupérisation, aggravant les conditions de vie des prolétaires, en raison de la pénurie de produits de première nécessité, mais aussi de la négligence des soins médicaux nécessaires pour combattre la pandémie.(4)

Les causes matérielles de l'agitation sociale à Cuba

Comme dans le reste du monde, à Cuba, la crise économique a aggravé la détérioration des conditions de vie des travailleurs, mais lorsqu'elle se mêle à la pandémie, la traînée de mort et de misère qu'elle laisse dans son sillage augmente de façon spectaculaire. La propagation du virus Covid-19 a révélé le grand mensonge répandu par le gouvernement cubain et repris en choeur par toutes les canailles de la gauche et l'extrême gauche du capital, sur l'existence d’un système de santé cubain exemplaire, qu'ils fondent sur le fait qu'il y aurait plus de 95 mille médecins, ce qui signifie qu'il y aurait pratiquement près de 9 médecins pour 1 000 habitants. Pourtant se reproduisent les mêmes cas de négligence et de pénurie que l'on retrouve dans le mode entier et qui prennent ici un tour encore plus dramatique, comme le confirme le fait que la grande majorité de la population n'est pas vaccinée (le taux de vaccination n'est que de 22%), et aussi du fait que les médecins ne disposent pas non plus de médicaments, d'oxygène, d'antigènes, de gel ou de seringues, etc.

La crise de 2008 avait laissé des séquelles latentes que la pandémie a ravivées et relancées avec plus d'ampleur. La difficulté à réactiver les investissements est un problème présent dans tous les pays et bien que la fermeture d'une grande partie de la production l'ait aggravé, la vérité est qu'il était déjà apparent avant même la propagation du virus Covid-19, et dans le cas de Cuba, en raison de son instabilité chronique, les conflits sont encore plus grands lorsque les activités touristiques (dont l'État tire ses principaux bénéfices) sont fermées, réduisant ainsi son PIB de 11% en 2020 et diminuant ses importations de 80%.

Depuis les années 1960, dans le cadre de la "guerre froide", l'île de Cuba était intégrée dans la sphère de domination du bloc impérialiste dirigé par l'URSS. Ainsi, répondant aux intérêts impérialistes, l'État cubain a été intégré dans la confrontation avec le bloc d'opposition dirigé par les États-Unis, qui, dans le cadre de cette confrontation, ont imposé certaines restrictions commerciales (décrites par la propagande de Castro comme un "blocus économique" complet, alors que le gouvernement américain le définit comme un simple  "embargo"(5), Néanmoins, l'URSS a soutenu l'île sur le plan économique et politique, dans la mesure où elle était le principal acheteur de ses rares produits exportés, couvrait 70 % de ses importations, l'équipait militairement, mais lui transférait également une grande quantité de capitaux. Ainsi, lorsque le bloc stalinien s'est effondré à la fin des années 1980, Cuba s'est retrouvé sans sponsor et son économie s'est effondrée.

Entre 1990 et 1993, le PIB de Cuba a chuté de 36 %, ce qui l'a fait entrer dans ce que l'on a appelé une "période spéciale", qui s'est traduite par une détérioration brutale des conditions de vie de la population et, si elle a réussi à survivre, c'est grâce à son rapprochement avec des capitaux d'origine européenne (principalement espagnols) qui ont investi dans le tourisme et des projets financiers, et plus tard, avec le soutien qu'elle a obtenu de l'État vénézuélien, elle avait réussi à endiguer l'effondrement. Le gouvernement Chávez, profitant des hauts revenus perçus du pétrole, dans un cadre de collaboration impérialiste, a réalisé des projets politiques et commerciaux avec l'État cubain ; cependant, les flux monétaires obtenus du pétrole vénézuélien se sont arrêtés en 2015, mettant en faillite l'économie cubaine en même temps que l'économie vénézuélienne, les deux économies atteignant des niveaux d'insolvabilité.

L'une des mesures mises en œuvre par le gouvernement de Castro en 1994, dans le cadre de la "période spéciale", a été l'utilisation d'une double monnaie : le peso cubain (CUP), dans lequel les travailleurs recevaient leurs salaires, et le peso convertible (CUC), utilisé pour le commerce touristique. De cette manière, l'État contrôlait la gestion de toutes les devises étrangères entrantes, qu'il s'agisse de touristes ou de transferts de fonds.

Il est pertinent de mentionner ce projet car en décembre 2020, le gouvernement de Díaz Canel, successeur de la famille Castro, a décrété l'unification monétaire, accompagnant le décret de la formation de magasins avec paiement exclusif en devises, appelés MLC (Moneda Libremente Convertible), qui concentrent les quelques biens de subsistance et rendent obligatoire le paiement en devises, rendant ainsi plus difficile l'acquisition de ces biens par les travailleurs. Mais en plus, cet "ajustement monétaire" a mis à jour des niveaux d'inflation si graves que les salaires ont dû être augmentés de 450% et les pensions de 500%, ce qui n'a pas amélioré pour autant les conditions de vie des travailleurs, puisque les prix des produits alimentaires de base comme ceux de l'électricité et des transports publics(6), ont augmenté immédiatement dans les mêmes proportions. La paralysie de l'économie et la rareté de l'activité productive (qui ne suffit pas à couvrir la demande interne) ont entraîné une pénurie chronique de nourriture et de médicaments, obligeant ceux qui peuvent encore payer à faire la queue en moyenne 6 heures par jour. Les pénuries de carburant ont entraîné un manque de transports publics mais ont également provoqué des coupures de courant quotidiennes pouvant atteindre 12 heures.

Dans ce climat, qui est devenu encore plus explosif à mesure que le nombre de cas de Covid-19 augmentait(7), le désespoir et l'exaspération ont grandi et encouragé les protestations, qui sont apparues initialement dans la ville de San Antonio de los Baños. Quelques centaines de personnes sont descendues dans la rue en criant "Liberté et nourriture !" et "A bas le MLC !"... pendant près d'une heure, ces manifestations ont été retransmises sur les réseaux sociaux, jusqu'à ce que le gouvernement bloque l’accès à internet et aux réseaux sociaux et lance la police dans la répression, mais à ce moment-là, les manifestations s’étaient propagées dans 40 villes et villages et même à La Havane. Dans tous les endroits où les manifestations ont eu lieu, les gaz lacrymogènes ont été la première arme des attaques de la police, puis sont venues les balles de la police et de l'armée, qui ont fait un mort (un habitant d'un des quartiers les plus pauvres de La Havane), des dizaines de blessés et, pour couronner le tout, les arrestations massives. Le premier jour de la manifestation, 150 personnes ont été arrêtées, les jours suivants leur nombre a augmenté et pour entretenir  le climat de peur et d’intimidation, les détenus ont été mis à l’isolement et maintenus dans la condition de "disparus".

Le prolétariat cubain sous le feu croisé du "socialisme" et de l'espoir de la "démocratie"

L'un des grands mythes entretenus par la bourgeoisie par rapport à Cuba est la prétendue existence du socialisme. Avec cet argument, elle a pu non seulement confondre et soumettre les exploités à l'intérieur de Cuba, mais même au niveau mondial, l'appareil de gauche de la bourgeoisie l'a  largement exploité pour brouiller la conscience du prolétariat, en identifiant le stalinisme au communisme, alors qu'en réalité le stalinisme représente une frauduleuse et totale falsification idéologique du marxisme et du communisme. Mais tous les États et leurs médias utilisent également ce grand mensonge, en faisant passer les politiques répétées pendant des années à Cuba, comme le rationnement et les actions tyranniques de l'État, pour la base sur laquelle se construit le projet communiste. Ces visions largement diffusées, comme nous l'avons dit au début, empêchent de comprendre ce qui se passe avec le prolétariat à Cuba.

D'après les informations récupérées, le mécontentement de la grande majorité de la population cubaine est dû au manque de nourriture et de médicaments, aux prix élevés des produits, aux pannes d'électricité constantes(8) et, sans aucun doute, à la lassitude existante à l'égard de la tyrannie stalinienne. Il n'est pas du tout surprenant que, dans plusieurs villes, les manifestations se soient concentrées devant les locaux du parti "communiste" cubain. Cependant, il est également très clair que, dans toute cette révolte, le prolétariat est politiquement dilué, confus et dominé par le nationalisme et l'espoir de la démocratie.

Dans toutes les manifestations, nous avons vu  des drapeaux nationaux brandis et des discours nationalistes dominants, utilisés par les porte-parole de l'État cubain pour justifier la répression, mais aussi par la bourgeoisie et la petite bourgeoisie impliquées dans les groupes d'opposition "anti-Castro" (qui ont immédiatement pris possession de l'espace de protestation), invoquent le nationalisme pour appeler à la démocratisation, et même les groupes associés à des fractions de la bourgeoisie américaine (opérant principalement depuis Miami), pour "sauver" la nation, appellent à l'invasion militaire de l’île... Dans ce chaos social, le prolétariat cubain se trouve désorienté, incapable de reconnaître sa nature et son identité de classe et donc incapable d'agir de manière autonome, ce qui permet à son mécontentement d'être exploité par des factions bourgeoises et petites-bourgeoises(9).

Une caractéristique de Cuba a été l'absence d'une tradition de lutte de la part de la classe ouvrière, nous pouvons nous rappeler que même lorsque des conditions d'exploitation sauvages ont été établies depuis le XIXe siècle, la classe ouvrière a eu un rapprochement politique très étroit avec le mouvement libéral bourgeois (dirigé par Martí) qui, bien qu'il puisse être politiquement explicable dans cette phase de développement capitaliste, plus tard, au cours du XXe siècle, avec le caractère décadent du système capitaliste déjà défini, la classe ouvrière a continué à espérer dans la recherche de la "libération nationale" promise par tous les partis bourgeois.(10) Ensuite, ces difficultés pour le prolétariat sont aggravées par l'impossibilité de récupérer les expériences et l'élan de la vague révolutionnaire qui avait pour centre les révolutions en Russie (1917) et en Allemagne (1919), ce qui est confirmé par le fait que la formation du Parti communiste (PC) a lieu jusqu'en 1925, à un moment où la vague révolutionnaire mondiale est en déclin et où la IIIe Internationale et avec elle les PC, entrent dans un processus de dégénérescence, abandonnant les principes internationalistes.

Et pour couronner le tout, le fait que le prolétariat cubain vive sous une tyrannie stalinienne qui se présente comme communiste, crée un environnement de confusion très compliqué pour le développement de sa conscience. Pendant plus de 60 ans du régime de Castro, les travailleurs ont vécu dans l'isolement, la tromperie, la répression et la faim, ce qui n'est pas un environnement qui leur permet de récupérer les expériences des luttes de leurs frères et sœurs de classe dans d'autres régions et de pouvoir exposer leur force en tant que classe. Pour cette raison, la situation politique des travailleurs cubains dans chaque révolte est souvent similaire.

Dans la révolte de 1994, connue sous le nom de "Maleconazo", le déclencheur était également la pénurie de nourriture, de médicaments et d'électricité, et de la même manière, les travailleurs ont été capturés dans l'illusion de la démocratie interne ou de la "liberté" attendue à Miami. Ni en 1994, ni aujourd'hui, il n'y a de possibilité de réflexion de masse des prolétaires dans les assemblées générales. Ce manque de réflexion en fait une proie facile pour les positions bourgeoises dominantes, dirigées depuis le gouvernement et le parti officiel ou depuis les différents "groupes d'opposition" intégrés à Cuba et aux États-Unis, qui ont rapidement conduit les expressions de mécontentement sur le terrain trompeur de la démocratie ou encore plus sur celui des disputes impérialistes, plaçant cette masse mécontente comme chair à canon pour les intérêts bourgeois.

La responsabilité du prolétariat des pays centraux du capitalisme

Lorsque nous insistons sur la vulnérabilité des travailleurs de Cuba aux poisons nationalistes et démocratiques, ce n'est pas pour minimiser leurs protestations ou pour décourager leur lutte pour leurs revendications ; au contraire, la dénonciation de ces poisons est indispensable pour armer la lutte prolétarienne à Cuba et dans le monde.

Il est vrai qu'une grave erreur de l'Internationale communiste, qui a pesé lourdement sur les luttes de la classe ouvrière au siècle dernier jusqu'à aujourd'hui, en particulier en Amérique latine, était la "théorie du maillon faible", qui place la plus grande possibilité de révolution prolétarienne dans les pays où le capitalisme est le plus faible. Notre article, "Le prolétariat d'Europe occidentale au centre de la généralisation de la lutte de classe" critique sans concession cette dangereuse vision erronée, en soulignant que "les révolutions sociales n'ont pas lieu là où l'ancienne classe dominante est la plus faible ou là où sa structure est la moins développée, mais au contraire, là où sa structure a atteint la plus grande maturité compatible avec les forces productives, et où la classe porteuse des nouveaux rapports sociaux et appelée à détruire les anciens, est la plus forte"(11). Alors que Lénine cherchait et insistait sur le point de plus grande faiblesse de la bourgeoisie, Marx et Engels cherchaient et insistaient sur les points où le prolétariat est le plus fort, le plus concentré et le plus capable d'apporter une transformation sociale.

Les travailleurs cubains sont confrontés à un État brutal, sans mécanismes syndicaux et démocratiques de mystification sociale, ne recourant qu'à une terreur permanente et grotesque, dans les pays du soi-disant "socialisme" (aujourd'hui réduits à la Chine, à Cuba, au Vietnam, à la Corée du Nord et au Venezuela), le poids de la contre-révolution sous la forme d'un régime politique totalitaire, sans doute rigide et fragile, pèse encore lourdement, mais précisément à cause de cela, le prolétariat a beaucoup plus de mal à surmonter les mystifications démocratiques, syndicales, nationalistes et même religieuses. Dans ces pays, des explosions ouvrières violentes se développeront, comme cela a été le cas jusqu'à présent, accompagnées chaque fois que nécessaire par l'émergence de forces destinées à les désorienter, comme cela a été le cas avec Solidarnosc(12), mais elles ne peuvent être le théâtre du développement de la conscience ouvrière la plus avancée. Ce sera la lutte de leurs frères et sœurs dans les pays centraux du capitalisme qui leur montrera que la démocratie, les syndicats "libres", etc. sont une vile tromperie qui renforce et rend l'exploitation plus oppressive. Ce sera la lutte de ces sections cruciales du prolétariat qui montrera que le problème de l'humanité n'est pas les magasins vides ou les files d'attente pour un kilo de riz - expressions caricaturales de la barbarie globale du capitalisme décadent - mais la SURPRODUCTION GÉNÉRALISÉE qui provoque la faim et la misère avec des supermarchés débordant de nourriture et des centres commerciaux saturés de marchandises invendables. C'est cette lutte qui donnera un sens et une direction aux efforts de résistance à l'exploitation, aux tentatives de conscientisation qui auront lieu dans ces pays. Comme nous l’affirmons dans l'article de la Revue internationale  déjà citée(13) : "Cela ne signifie pas que la lutte des classes ou l'activité des révolutionnaires est dénuée de sens dans d'autres régions du monde. La classe ouvrière est une. La lutte des classes existe partout où prolétaires et capital s'affrontent. Les leçons des différentes manifestations de cette lutte, où qu'elles se produisent, sont valables pour l'ensemble de la classe. En particulier, l'expérience des luttes dans les pays de la périphérie influencera la lutte dans les pays centraux. La révolution sera également mondiale et touchera tous les pays. Les courants révolutionnaires de la classe seront précieux partout où le prolétariat affronte la bourgeoisie, c'est-à-dire dans le monde entier."

Revolucion Mundial, organe de presse du CCI au Mexique / 28 juillet 2021

 

[1] Quelques articles de référence qui développent nos arguments sur  le caractère bourgeois du gouvernement cubain et la non-existence d'une révolution communiste ou socialiste à Cuba :

En français :

- "Bilan de 70 ans de luttes de "libération nationale" Partie II : Au 20e siècle, la "libération nationale", un maillon fort de la chaîne impérialiste" [10] , Revue internationale n°68, (1er trimestre 1992).

- "Che Guevara : mythe et réalité (à propos d'une correspondance)" [11], Révolution internationale n°384, (novembre 2007).

-"Mort de Fidel Castro: en 2017 la bourgeoisie perdait l’un des siens", Révolution internationale n°462, (janvier-février 2017).

En espagnol :

- "Comme dans tous les pays capitalistes, à Cuba, les travailleurs paient la crise" [12], Revolucion mundial n°120, (janvier-février 2011).

- Fidel Castro prend sa retraite... l'exploitation et la misère des travailleurs cubains continuent" [13], Revolucion mundial n°103, (mars-avril 2008).

[2] Lire  notre article : "Face à l'aggravation de la crise économique mondiale et de la misère, les "révoltes populaires" représentent une impasse" [14], Revue internationale n°163, (2e trimestre 2019) :

[3] Voir notre article, "La réponse au racisme n’est pas l’antiracisme bourgeois, mais la lutte de classe internationale" [15], Révolution internationale n°483, (juillet-août 2020).

[4]Cuba a récemment commencé la production hâtive de deux vaccins "nationaux" (Abdala et Soberana 2), tout en rejetant le programme Covax.  Non conformes aux normes internationales de vérification, leur efficacité ne peut être connue, d'autant plus que Cuba manque notairement de moyens de réfrigération pour les conserver et de seringues pour les injecter, bien que le gouvernement cubain ne cesse d'en faire un argument de propagande. Après les manifestations, l'ancien parrain russe a envoyé deux avions chargés de plus de 88 tonnes de nourriture, de matériel de protection médicale et d'un million de masques.

[5] Nous ne nous étendrons pas sur cette question pour le moment, mais signalons que, bien qu'il existe des mécanismes d'intimidation de la part du gouvernement étasunien pour empêcher les opérations commerciales avec le gouvernement cubain, il n’empêche que 6,6 % des importations totales de Cuba proviennent bien des États-Unis.

[6] Non seulement ces transports publics sont rares, mais ils ont augmenté de 500 %.

[7] Cette situation montre que la bourgeoisie du monde entier (y compris Cuba) applique partout une  politique  de  recherche du profit, en démantelant les parties de son activité qui ne sont pas rentables, comme les services de santé. C'est pourquoi elle aggrave considérablement   l'impuissance des États  face à des problèmes comme ceux que l'on connaît actuellement avec la pandémie.

[8] Il faut savoir que Porto Rico, pays "associé" aux États-Unis, souffre également  de coupures d'électricité systématiques pendant plusieurs heures, bien qu'il ait récemment privatisé cette activité, de même que dans de nombreuses régions du Mexique, par exemple.  Ce qui montre sans aucun doute que l'inaptitude du système à couvrir les besoins de la population est un problème général du capitalisme. Cependant, le cas de Cuba se distingue car il est devenu un phénomène quotidien et ce durant une période prolongée.

[9] Il n’a été rapporté nulle part, à notre connaissance,  l’existence d’assemblées ou d’autres formes de mobilisations ouvrières  dans  ces événements.

[10] Fidel Castro lui-même s'est présenté comme un continuateur de la pensée libérale de Martí et Chivás. Une fois Castro et sa clique installés dans la Sierra Maestra, il donne une interview au journaliste américain Robert Taber, qui lui demande : "Êtes-vous un communiste ou un marxiste ?" et la réponse est : "Il n'y a pas de communisme ou de marxisme dans nos idées. Notre philosophie politique est celle d’une démocratie représentative d’une  justice sociale dans le cadre d'une économie planifiée...". (avril 1957). Il a répété la même réponse à plusieurs reprises lors de sa visite aux États-Unis en avril 1959. Ce n'est qu'en décembre 1961, sous la pression de l'invasion ratée promue par le gouvernement américain, que le régime de Cuba s’est autoproclamé "communiste", pour justifier un rapprochement de ses intérêts impérialistes avec le bloc opposé aux États-Unis.

[11] Lire "Le prolétariat d'Europe occidentale au centre de la généralisation de la lutte de classe" [16], Revue internationale n°31, 1er trimestre 1982 

[12] Concernant la grève de masse des travailleurs en Pologne en 1980 et le sabotage effectué par le syndicat Solidarnosc, lire notamment les articles :

_ "Pologne (août 1980) : Il y a 40 ans, le prolétariat mondial refaisait l’expérience de la grève de masse" [17], Révolution internationale n°483, (juillet-août 2020).

_ "La grève de masse en Pologne 1980 : des leçons pour l'avenir" [18], ICCOnline, (juillet 2020).

[13] Cf. note 11.

Récent et en cours: 

  • Cuba [19]

Questions théoriques: 

  • Démocratie [20]

Rubrique: 

Protestations à Cuba

L'internationalisme signifie le rejet des deux camps impérialistes

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Le déclenchement d'une guerre impérialiste a toujours été un test pour ceux qui prétendent être du côté de la classe ouvrière mondiale contre le capitalisme. En 1914, il a clairement séparé ces "socialistes" et "anarchistes" qui se sont ralliés à la défense de leur propre classe dominante de ceux qui, même au prix de l'isolement et de la répression, ont maintenu fermement le principe selon lequel les ouvriers n'ont pas de patrie.

En même temps, si ces lignes de démarcation étaient très claires, il y avait aussi un "centre", un "marais" composé d'éléments qui, pour des raisons diverses, étaient incapables de prendre une position sans ambiguité pour ou contre la guerre, soit parce qu'ils utilisaient des phrases creuses sur la paix et la justice pour cacher leur propre dérive vers un accommodement avec le capitalisme, soit parce qu'ils faisaient des efforts sincères mais confus pour se diriger dans la direction opposée, c'est-à-dire vers le camp prolétarien.

Dans les réactions au conflit actuel en Israël/Palestine, nous pouvons observer des schémas similaires. Dans les principales villes d'Europe et des États-Unis, nous avons vu de nombreuses manifestations nous appelant à choisir un camp contre l'autre : principalement ceux brandissant des drapeaux palestiniens et soutenus par un ensemble de libéraux, de sociaux-démocrates, de trotskistes, d'islamistes et autres. Ces marches avaient pour fonction de canaliser l'indignation réelle provoquée par l'assaut brutal d'Israël contre Gaza au service d'un conflit impérialiste plus large. Les slogans "Palestine libre" et "Nous sommes tous le Hamas" non seulement déclarent leur soutien aux bandes nationalistes visant à établir un nouvel État capitaliste, mais coïncident également avec les objectifs impérialistes de l'Iran, du Qatar, de la Russie et de la Chine. En face d'eux se trouvaient des groupes plus restreints de sionistes purs et durs pour qui Israël ne peut rien faire de mal et qui, s'ils critiquent la politique américaine au Moyen-Orient, ne font qu'exiger un soutien américain encore plus flagrant à l'expansion impérialiste d'Israël. Dans les deux cas, il s'agit de mobilisations pro-guerre.

Mais il y a aussi ceux qui rejettent ces rassemblements au nom de l'internationalisme de la classe ouvrière. Par exemple, le site libcom.org offre un espace à ceux - principalement, mais pas seulement, des groupes ou des individus qui se qualifient d'"anarchistes de lutte de classe" - qui s'opposent au soutien aux luttes de libération nationale ou à la création de nouveaux États bourgeois.

Un examen du fil de discussion "Jérusalem et Gaza"(1) fournit un échantillon de l'éventail de groupes et d'opinions qui disent ne s'identifier à aucun des deux camps dans le conflit. Ou plutôt, il révèle que parmi ceux qui se réclament de la position internationaliste sur cette guerre et d'autres semblables, il y a de nouveau un "centre", un terrain marécageux dans lequel des positions prolétariennes se mêlent à des concessions à l'idéologie dominante, et donc à des justifications de la guerre impérialiste.

Aujourd'hui, la plupart des courants politiques qui composaient ce "centre" pendant la Première Guerre mondiale ont soit disparu, soit fait une paix définitive avec la bourgeoisie, beaucoup d'entre eux retournant dans les partis sociaux-démocrates qui, au début des années 1920, étaient clairement devenus des auxiliaires de l'État capitaliste. Dans les conditions actuelles, les divers groupes et tendances anarchistes sont les composants que l’on retouve les plus fréquemment dans la mouvance de ce marais : à une extrémité, ils fusionnent ouvertement avec l'aile gauche du capital, à l'autre, ils défendent des positions internationalistes bien définies. Cela a été clairement démontré dans la réaction des anarchistes à la guerre en Israël/Palestine.

D'une part, nous avons des organisations anarchistes qui ne se distinguent quasiment pas des trotskistes. L'article de notre section en France identifie l'Organisation Communiste Libertaire comme un exemple de ce type d'anarcho-gauchisme : « " Face au déchaînement de violence orchestré par un régime israélien en pleine crise politique, porté par un Netanyahou à bout de souffle et prêt à sacrifier les Palestiniens pour assurer sa pérennité au pouvoir, les condamnations timorées (ou pire, les déclarations renvoyant Israéliens et Palestiniens dos à dos) ne suffisent pas. Le droit international doit être appliqué". On ne saurait être plus clair ! »(2). Un exemple édifiant d'anarchistes faisant appel à la fiction bourgeoise du "droit international" !

Sur le fil de discussion de libcom, la déclaration d'un certain nombre de "groupes anarchistes communistes" d'Océanie adopte une position similaire. Tout en prétendant dénoncer le nationalisme, elle nous appelle à prendre parti pour une "résistance palestinienne" qui lui est en quelque sorte extérieure. "L'occupation israélienne est une forme nue d'oppression coloniale, et ses victimes palestiniennes ont tout à fait le droit d'y résister par tous les moyens qui sont en accord avec le but final de la libération. (...) Il n'y a pas de zone grise, il n'y a pas deux camps égaux en guerre. Les masses palestiniennes résistent à l'oppression."(3) À la fin du tract, un appel est lancé pour que les gens participent à une série de manifestations "Palestine libre" organisées dans toute l'Australie.

Aux États-Unis, la Workers Solidarity Alliance manie également un double langage. D'une part : "Nous soutenons une vision d’ouvriers, de paysans et d'opprimés juifs et palestiniens qui remettent en question et finissent par rompre avec les imaginaires et les idéologies suprématistes, nationalistes et militaristes, et qui s'unissent dans une lutte commune pour venir à bout du pouvoir, des privilèges et de la haine en établissant une entraide, une solidarité intercommunautaire et une autogestion collective". Et dans la phrase suivante, il est dit : "à l'extérieur, nous saluons les ouvriers américains qui soutiennent boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, et qui protestent publiquement contre la violence en cours en Palestine occupée". Les campagnes de boycott de tel ou tel État suivent la même logique que les "sanctions" imposées par un État à un autre pour avoir bafoué le "droit international" ou les "droits de l'homme".

Les choix effectués par les promoteurs de ces campagnes sont significatifs en soi. Par exemple, le régime syrien d'Assad, soutenu par la Russie, est directement responsable du plus horrible massacre de la population syrienne, mais vous ne trouverez jamais de gauchistes organisant des marches pour dénoncer ce carnage - certains groupes trotskistes considèrent même Assad comme une force anti-impérialiste. Israël, en revanche, est régulièrement défini par l'aile gauche du capital comme un État qui n'a pas le droit d'exister - comme si, du point de vue de la classe ouvrière, tout État capitaliste avait le droit "légitime" d'imposer son exploitation et son oppression.

En revanche, le fil de discussion contient également des déclarations de la CNT-FAI (avec celles de son affiliée britannique, la Solidarity Federation) et de son affiliée russe, le KRAS, qui évitent cet appel à prendre parti dans le conflit et défendent les bases d'une réponse internationaliste. Le KRAS (dont nous avions déjà publié les déclarations contre la guerre dans le Caucase) affirme que les problèmes en Israël/Palestine "sont générés par les intérêts des dirigeants et des capitalistes de tous bords pour le pouvoir et la propriété ; ces problèmes ne peuvent être éliminés qu’en éliminant les responsables – éliminés par une lutte commune et, finalement, par la révolution sociale conjointe des travailleurs juifs et arabes, des Palestiniens et des Israéliens ordinaires.

Le chemin vers cette décision est difficile et long. Trop de désespoir, trop fraîche l’odeur du sang versé, l’esprit des gens ordinaires est trop empoisonné par les nationalismes israélien (sioniste) et arabe, les émotions font trop rage aujourd’hui. Mais il n’existe pas d’autre voie vers la paix dans cette région qui souffre depuis longtemps, et il ne peut y en avoir. […]

NON A LA GUERRE !
NON AU NATIONALISME, AU MILITARISME ET AU FANATISME RELIGIEUX DE TOUS LES CÔTÉS !
NI ISRAËL, NI PALESTINE, MAIS UNE LUTTE DE CLASSE COMMUNE DES TRAVAILLEURS DANS LA RÉGION !
"

La déclaration de l’Anarchist Communist Group au Royaume-Uni est également relativement claire sur le rejet des solutions nationales :

"Parce qu'une solution au conflit ne peut finalement être qu'une société commune, sans classe et sans État, dans laquelle des personnes de différentes origines religieuses (et non religieuses) et ethniques peuvent coexister pacifiquement. Et le moyen d'y parvenir ne peut être que la lutte de classe, avec les ouvriers s'unissant des deux côtés pour améliorer leur situation et surmonter ainsi de vieux ressentiments. C'est la tâche du mouvement anarchiste et communiste libertaire de faire pression en ce sens"(4).

L'idée de la "résistance" palestinienne : une fenêtre ouverte sur la trahison de l'internationalisme

Il se trouve que le fil de discussion libcom n'a pas été lancé par un anarchiste, mais par un membre du Socialist Party of Great Britain (SPGB). Ce groupe, un survivant semi-fossilisé de l'époque où la Deuxième Internationale était une organisation prolétarienne, maintient ses profondes illusions dans une "voie parlementaire" vers le socialisme, mais il n'a jamais soutenu les guerres capitalistes ou les luttes nationalistes. L'auteur du message originel,  ajjohnstone, renvoie au blog officiel du SPGB qui fait une critique éloquente non seulement du sionisme mais aussi du nationalisme palestinien : "Il est facile de voir pourquoi les pauvres dans les camps de réfugiés palestiniens pourraient considérer la promesse d'un gouvernement autonome palestinien comme une réponse. Malheureusement, comme les sionistes, les Palestiniens ont succombé à un dangereux mythe du passé ; dans leur cas, le mythe selon lequel la Palestine leur appartenait. Ce n'était pas le cas : la plupart des Palestiniens se débattaient sur de minuscules parcelles de terre, sous le poids de dettes massives, exploités par une classe de propriétaires terriens. La Palestine n'appartenait pas aux Palestiniens, pas plus que l'Israël moderne n'appartient aux Israéliens de la classe ouvrière. En 1930, la famille rurale moyenne en Palestine était endettée à hauteur de 27 livres sterling, ce qui représentait approximativement le revenu annuel de cette famille. Selon les chiffres de 1936, un cinquième d’un pour cent de la population (soit 0,2%) possédait un quart des terres ! Il est clair que la Palestine préisraélienne n'appartenait pas aux paysans palestiniens : en 1948, ils ont été chassés de terres qui n'étaient pas les leurs.

Ils ne le réalisent pas encore, mais les ouvriers de la région - indépendamment des frontières nationales où ils vivent aujourd'hui - ont une identité d'intérêt. Espérons qu'ils parviendront à reconnaître leurs intérêts communs et à rejeter le nationalisme et le fanatisme religieux qui engendrent de fausses divisions, la violence et la haine raciale. En ce qui concerne la ferveur nationaliste et religieuse, il n'y a rien à quoi nous puissions nous identifier en tant que socialistes, car les deux sont des abstractions qui ont imprégné les ouvriers de la région d'une fausse conscience qui les empêche d'identifier leurs véritables intérêts de classe"(5).

En même temps, les messages de ce camarade sur le fil de discussion de libcom, après avoir chassé le nationalisme palestinien par la porte, semblent le laisser revenir par la fenêtre à travers l'idée que les manifestations et les émeutes des Palestiniens à l'intérieur d'Israël pendant le conflit constituent un mouvement de "résistance" qui offre un signe d'espoir pour l'avenir. Le camarade parle de "l'évolution significative des Palestiniens-Israéliens qui participent désormais plus pleinement à la résistance. Après tout, ce sont les lois de type apartheid appliquées à Cheikh Jarrah et les attaques contre la mosquée principale qui ont déclenché l'agitation actuelle... Si ce mouvement palestino-israélien contre la discrimination se développe et commence à exercer un pouvoir politique en dehors de la Knesset, je ne peux que le considérer comme une tournure positive des événements pour saper l'influence de l'idéologie sioniste dominante"(6). Il est vrai que de nombreux jeunes Palestiniens sont descendus dans la rue en réaction aux tentatives d'expulsion de familles arabes à Jérusalem-Est, ou aux pogroms de l'extrême droite sioniste, mais étant donné l'absence totale de réponse prolétarienne à la guerre en Israël/Palestine, étant donné la longue histoire des divisions nationalistes attisées par une guerre presque continue, ces mobilisations n'ont fait que renforcer les affrontements ethniques et l'atmosphère de pogrom en Israël, et se sont ouvertement alignées sur la réponse militaire du Hamas depuis la bande de Gaza. Elles n'offrent en aucun cas la base d'une future unification des ouvriers arabes et juifs contre leurs exploiteurs.

Cette fenêtre dangereuse a également été ouverte par un groupe comme l'ACG (Anarchist Communist Group), dont nous avons critiqué les confusions sur la "légitimité" de l'État sioniste dans un article précédent(7). Dans ce cas, l'ACG voit quelque chose de positif dans le fait que les manifestations et la "grève générale" palestiniennes ont été organisées par des comités de base dans les quartiers plutôt que par les organisations palestiniennes traditionnelles : "Les masses palestiniennes doivent être auto-organisées et échapper au contrôle du Hamas ou des factions de l'OLP - dans une certaine mesure, c'est déjà le cas..." L'ACG cite ensuite le + 972 Magazine : "Une caractéristique extraordinaire des manifestations est qu'elles sont principalement organisées non pas par des partis ou des personnalités politiques, mais par de jeunes activistes palestiniens, des comités de quartier et des collectifs de base."

Cela ravive les souvenirs de la réaction anarchiste dominante pendant   la guerre d’Espagne dans les années 1930, lorsque les anarchistes ont considéré que, parce que  les industries et les exploitations agricoles étaient "autogérées" par les ouvriers, il y avait bien  là une révolution en cours, alors que la réalité était que ces structures étaient entièrement intégrées dans l'effort de guerre "antifasciste" - un conflit impérialiste des deux côtés qui a préparé le terrain pour la guerre de 1939-45.

Contrairement à ces attitudes ambiguës, les positions des groupes de la Gauche communiste vers lesquelles pointent des liens dans le fil de discussion - le CCI(8) et la TCI(9) - sont sans équivoque. Alors que peu de groupes anarchistes ont une vision  claire de la notion  d'impérialisme, les deux organisations de la Gauche communiste dénoncent les manœuvres impérialistes dans la région ainsi que les machines de guerre d'Israël et du Hamas, qui ne peuvent que servir leurs propres objectifs impérialistes ou ceux d’autres. La déclaration de la TCI commence par le slogan "ni Israël, ni  Palestine" et reconnaît, comme l'article du CCI, que l'atmosphère de pogrom existe des deux côtés, dans chaque camp : "La solution du gouvernement israélien consiste à laisser des groupes fascistes comme "La Familia" se déchaîner dans les quartiers arabes de villes comme Lod en criant "Mort aux Arabes". […] La jeunesse arabe a riposté et attaqué des cibles juives. Ils reprennent l'appel des fascistes en criant "Mort aux Juifs", un appel qui a valu à la presse israélienne d'utiliser l'accusation chargée d'émotion de "pogrom". Mais il y a maintenant des pogroms des deux côtés de la "violence communautaire"."

Il y a aussi une déclaration des Angry Workers of the World (AWW), un groupe "ouvriériste" ou "autonomiste" qui est assez clair dans sa position internationaliste et qui réfute lucidement toute illusion sur les mobilisations dans les quartiers palestiniens, et la grève générale en particulier :

"La grève générale du 18 mai… a été encensée par les gauchistes du monde entier qui n'avaient pas examiné son contenu réel. La simple expression "grève générale" suffisait, pour eux, à démontrer qu'une véritable action de la classe ouvrière avait eu lieu. Mais la grève elle-même était appelée "d'en haut" et interclassiste jusqu'à la moelle. Bien que des masses d’ouvriers aient fait grève (seuls 150 des 65 000 travailleurs de la construction se sont présentés, 5 000 travailleurs du nettoyage et 10 % des chauffeurs de bus étaient absents, etc.) elle a aussi été largement embrassée par les représentants de la classe moyenne. Elle a d'abord été appelée par le Higher Monitoring Committee, le représentant de facto de la classe moyenne arabe en Israël, et a été reprise avec enthousiasme par le Fatah et le Hamas, qui ont ordonné à leurs propres travailleurs du secteur public de s'y joindre. Ces partis n'étaient pas intéressés par la construction du pouvoir de la classe ouvrière, en fait ils s'y sont toujours activement opposés. Le grand succès de la grève, de l'avis de tous ses dirigeants et de tous les journalistes, a été la démonstration de l'unité du "peuple palestinien", mais elle avait aussi pour objectif plus profond de lier plus étroitement la classe ouvrière aux institutions bourgeoises qui la dirigent"(10).

Il est noté sur le fil de discussion que les déclarations de la TCI et des AWW semblent avoir suscité beaucoup d’injures et de haine en ligne. Mais les internationalistes ne dénoncent pas les guerres capitalistes pour être populaires. Tant en 1914-18 qu'en 1939-45, la minorité internationaliste qui est restée ferme sur ses principes a dû faire face à la répression de l'État et à la persécution des voyous nationalistes. La défense de l'internationalisme ne se juge pas d’après  ses résultats immédiats mais par sa capacité à fournir une orientation qui puisse être reprise à l'avenir par des mouvements qui constituent réellement une résistance prolétarienne à la guerre capitaliste. Ainsi, ceux qui se sont opposés à la sombre vague de chauvinisme en 1914, comme les bolcheviks et les spartakistes, ont préparé le terrain pour les soulèvements révolutionnaires de la classe ouvrière de 1917-18.

Amos, 30 juin  2021

 
 

[1] “Jerusalem and Gaza” (libcom.org) [21]

[2] “Contre le poison nationaliste, solidarité internationale de tous les travailleurs ! [22] ”  , Révolution internationale n° 489, juillet - août 2021.

[3] "Freedom for Palestine!" Statement from Anarchist-Communist Groups in Oceania – Red and Black Notes (redblacknotes.com)

[4] “On the crisis in Israel-Palestine” – Anarchist Communist Group (anarchistcommunism.org) [23]

[5] “Socialism or  your money back : war without end” [24] .

[6] Posts 4 et 7 sur le fil de discussion de libcom.

[7] L'ACG rejette les politiques identitaires mais “accepte” un État d’Israël démocratique et laïque [25], ICConline, octobre 2020.

[8] Conflit israélo-palestinien : les guerres et les pogroms sont l’avenir que nous réserve le capitalisme [26], ICConline, mai 2021.

[9] « Ni Israël, ni la Palestine : pas de guerre mais guerre de classe » (leftcom.org) [27]

[10] Editorial #3: Palestine – Israel - Angry Workers [28].

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