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Internationalisme - 2005

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Internationalisme no.319

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Guerre économique avec la Chine: La bourgeoisie essaye de diviser les ouvriers

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La Chine serait devenue, selon la bourgeoisie, le nouvel atelier du monde. En effet, chaque jour les médias bourgeois nous abreuvent d’images et de reportages sur l’arrivée en masse en France, en Europe et même aux Etats-Unis, de chemises, pantalons et autres vêtements «made in China». Pour les bourgeoisies occidentales, il est sans aucun doute nécessaire de freiner, autant que possible, ce qui est appelé «la déferlante du textile chinois». Mais pour la classe ouvrière, la question est tout autre. Si aujourd’hui, les marchandises asiatiques envahissent les marchés occidentaux, c’est parce que, dans ces régions du monde, le coût dérisoire de la main d’œuvre permet de produire à très bas prix. Menant leur guerre économique, les différentes bourgeoisies nationales sont amenées à exploiter toujours plus férocement les prolétaires. Au nom des exigences de la concurrence, c’est donc dans une spirale de misère et d’exploitation accrues que le capitalisme tente d’entraîner toute la classe ouvrière, partout dans le monde.

La question du textile : une expression de la guerre commerciale

Depuis le début de l’année 2005, 17.000 emplois ont été supprimés dans ce secteur et quatorze entreprises fermées aux Etats-Unis. Ceci correspond à une augmentation des importations dans ce pays de 1250 % pour les chemises de coton et de 300 % pour les sous-vêtements. Le gouvernement américain a alors immédiatement réagi : «En agissant aussi rapidement pour l’imposition de mesures de sauvegarde, le gouvernement américain a envoyé un message fort, pour signifier qu’il comprend la crise véritable que ces flux énormes représentent pour nos travailleurs.» (C. Johnson, président de la fédération du textile). En fait, la bourgeoisie américaine, comme la bourgeoisie française d’ailleurs, se moque bien du sort des ouvriers. Ce qui l’inquiète dans la guerre économique qui fait rage actuellement, c’est l’affaiblissement de compétitivité de son capital national. C’est également pour cela que les pays de l’Union Européenne tentent, malgré leurs divisions, de se mettre en ordre de bataille. Le commissaire au commerce européen vient d’annoncer vouloir limiter d’urgence les importations chinoises de tee-shirt et de fils de lin. Il a également demandé à la Chine de prendre elle-même des mesures pour éviter d’avoir recours à l’imposition des clauses de sauvegarde prévues par l’accord sur l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Quant à la France, qui reste un producteur important dans le secteur du textile, sa demande est encore plus claire. La bourgeoisie française exige dès aujourd’hui la mise en place de mesures protectionnistes. Il est évident que ce sont plusieurs milliers de licenciements qui sont d’ores et déjà programmés dans ce secteur. La bourgeoisie française voudrait nous faire croire qu’elle souhaite de telles mesures pour protéger les conditions de travail de «ses ouvriers». Elle va parfois même jusqu’à dénoncer la misère des ouvriers chinois, sacrifiés sur l’autel du profit. Ce n’est que pour mieux cacher ses propres attaques, son propre comportement de classe exploiteuse. Car, en réalité, la bourgeoisie mène partout la même politique. Afin de maintenir ses profits, en pleine situation de faillite économique, elle réduit les salaires sur son sol pour exporter et vendre au meilleur prix. Malgré ce que nous disent les altermondialistes ou autres gauchistes, il ne s’agit donc pas d’une politique particulière à tel ou tel Etat libéral. Au sein de ce capitalisme en crise, toutes les nations se livrent une guerre économique sans merci, toutes pressurent la classe ouvrière. Pour chaque pays, il est effectivement vital de se positionner le mieux possible sur le marché international, quelles que soient les conséquences pour les prolétaires.

C’est pour cela que la bourgeoisie chinoise a réagi immé-diatement aux mesures protectionnistes préconisées par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Le ministre chinois, Bo Xilai, cité par l’agence Nouvelle de Chine a aussitôt fait savoir que «la Chine était fermement opposée aux limitations imposées par d’autres pays.» Ce même ministre déclarait le 18 mai dernier : «L’intégration du commerce du textile est un droit important dont jouit la Chine depuis son adhésion à l’OMC. La Chine n’imposera pas elle-même des limites à ses exportations de produits textiles.» Le message ne peut pas être plus clairement exprimé. Avec la nouvelle récession dans laquelle nous sommes déjà entrés, aucun pays capitaliste ne fera le moindre cadeau aux autres.

Les délocalisations sont une attaque directe contre la classe ouvrière

Il en va de même par rapport à la question des délocalisations. Une étude commandée par la commission des finances du Sénat, réalisée par le groupe Katalyse, prévoit pour la période 2005-2006 en France »la déloca-lisation de 202.000 emplois de service». Et il faut ajouter les dizaines de milliers d’emplois liés à la production de marchandises ne nécessitant pas un investissement en capital trop gigantesque, comme les produits de consommation ou d’ameublement. Ce phénomène de délocalisation entamé dans les années 1990 connaît actuellement une accélération bien réelle. Là encore, le seul souci du capitalisme est la rentabilité maximum. Pour la France, comme pour les principaux pays industrialisés d’Europe, les destinations favorites sont, bien entendu, la Chine, l’Inde et maintenant l’Europe de l’Est. La dernière délocalisation d’importance en date est celle de l’ensemble de l’appareil gestionnaire de Philips, le géant de l’électronique, qui doit se transporter à Lodz en Pologne. La confédération de l’industrie britannique, vu le rythme des délocalisations, affirme que, d’ici 10 ans : «Il n’y aura plus d’emploi pour les personnes non qualifiées au Royaume-Uni». Quant au journal The Daily Telegraph, il écrit cyniquement : «Nous devons nous assurer que les gens acquièrent des qualifications. Si vous êtes qualifiés, vous n’avez rien à craindre.» Mensonge ! Les licenciements pleuvent actuellement sur tous les secteurs, qu’ils soient de pointe ou non. Les listes de chômage fourmillent de chômeurs surdiplômés.

Non contente d’attaquer ainsi sans arrêt les salaires de la classe ouvrière, la bourgeoisie utilise encore en permanence la déferlante du textile chinois et la menace à la délocalisation pour effectuer un véritable chantage auprès de toute la classe ouvrière.

La bourgeoisie se sert avec le plus grand cynisme des conditions de vie effroyables que connaissent les ouvriers en Inde, en Chine ou en Europe de l’Est, afin de mettre en avant que, malgré la dégradation du niveau de vie, les ouvriers en France ne sont pas à plaindre. Cela lui permet d’exiger de nouveaux sacrifices sous peine de ne pas pouvoir concurrencer l’Asie ou l’Europe de l’Est. La bourgeoisie poursuit ainsi plusieurs objectifs.

Elle tente de culpabiliser les ouvriers en France qui lutteraient pour être moins attaqués, alors que tant d’autres prolétaires de par le monde vivent dans des conditions encore plus déplorables. Elle essaye également de mettre dans la tête de la classe ouvrière que, si elle n’accepte pas de travailler plus pour moins de salaire, il y aura alors beaucoup plus de délocalisations. Le chômage qui en découlerait ne serait donc plus de la faute de ce capitalisme en faillite, mais de «l’égoïsme» ouvrier.

Enfin, en montrant des ouvriers qui acceptent, dans certains pays, de travailler pratiquement pour rien, sous peine de mourir de faim, eux et leurs familles, elle diffuse de manière sournoise la concurrence et donc la division au sein de la classe ouvrière. Cette politique du bouc émissaire et du chantage est une constante dans la vie de la bourgeoisie. Aujourd’hui ce sont les ouvriers en Chine, en Inde, en Pologne ou en Hongrie qui sont montrés du doigt. Hier, c’était ceux d’Algérie, du Maroc, d’Espagne ou du Portugal qui étaient jetés en pâture à «l’opinion publique». Le prolétariat ne doit pas se faire prendre par ces mensonges idéologiques hideux et nauséabonds. Partout, la classe ouvrière est exploitée. Et elle l’est encore plus férocement dans les régions où elle peut le moins se défendre. C’est dans la reprise actuelle des luttes que la classe ouvrière doit s’affirmer progressivement unie et solidaire, partout dans le monde. La compétitivité des entreprises bourgeoises est le problème du seul capitalisme et en aucune façon du prolétariat.

Les bourgeoisies françaises, anglaises, américaines, allemandes,… veulent diviser le prolétariat, l’attacher à la nation afin de l’entraîner dans sa spirale concurrentielle. Comme l’affirmaient en 1848 Marx et Engels dans Le manifeste communiste, «les prolétaires n’ont pas de patrie», partout ils ont les mêmes intérêts, partout ils subissent la même oppression. Ainsi, ce que les ouvriers du monde entier ne doivent en aucune façon perdre de vue, c’est qu’ils appartiennent tous à la même classe, et que c’est de la solidarité croissante dans leurs rangs qu’ils pourront tirer la force permettant à leurs luttes de faire échec aux attaques de la bourgeoisie.

Tino / 25.5.05

Questions théoriques: 

  • L'économie [1]

La bourgeoisie "fête" 60 ans de sécurité sociale en Belgique Le démantèlement de la Sécurité sociale signe sa faillite

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La crise du système contraint toutes les bourgeoisies dans une course poursuite désespérée pour faire baisser ses coûts de production, à s’attaquer aux conditions de vie des prolétaires. D’une part par un accroissement de la productivité, ce qui implique l’augmentation des cadences de travail et la flexibilité de la main-d’œuvre afin de n’employer que le minimum nécessaire d’ouvriers et, d’autre part, par la poursuite et le durcissement d’un vaste programme de «réformes».  Des mesures qui visent à attaquer le salaire social des ouvriers, les retraites, les indemnités de chômage, le remboursement des frais médicaux, les journées de maladie ou les pensions d’invalidité. La bourgeoisie n’épargne aucune frange de la classe ouvrière, que ce soit la vieille ou la nouvelle génération, qu’elle soit en activité ou au chômage, qu’elle travaille dans le secteur public ou dans le secteur privé. Les conséquences concrètes de ces attaques sont une dégradation générale des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. Jamais le prolétariat n’a eu à faire face à des attaques d’une telle brutalité, massives et de grande ampleur, touchant des millions de prolétaires. Dans l’ensemble des nations industrialisées, tout l’édifice de l’Etat-providence est en train de s’écrouler. L’entretien de la force de travail ne peut plus être assuré. Il s’agit là d’une manifestation évidente de la faillite du système.

Et pourtant la bourgeoisie, dans son unanimité, fête cyniquement le soixantième anniversaire de la Sécurité sociale en Belgique. Mais cette fête n’est pas la nôtre. Alors que les attaques massives nécessitent une riposte massive et unitaire de l’ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, chômeurs et retraités), les syndicats et leurs complices gauchistes et alter mondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour «sauver la sécurité sociale».  Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu’un pan supplémentaire de l’Etat-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : la Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Face à cette nouvelle falsification de l’histoire par l’ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, et les fausses solidarités qui se cachent derrière, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s’appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue du capitalisme. C’est cette affirmation de l’analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c’est la faillite historique de l’Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la Sécurité sociale.

Un instrument de la bourgeoisie

Pour quelles raisons affirmons-nous que la mise en place de la sécurité sociale marque une défaite pour la classe ouvrière ? Loin d’être le résultat de la lutte du prolétariat, la sécurité sociale a été pensée, étudiée, organisée et mise en oeuvre dans et par les plus hautes sphères de la bourgeoisie au moment du plus grand écrasement physique et idéologique du prolétariat. Déjà, l’ouverture de la seconde guerre mondiale n’a été permise qu’en raison de l’embrigadement des ouvriers derrière les étendards bourgeois de la «démocratie» et du fascisme. Mais la guerre elle-même est venue parachever cette éclipse dans la conscience de classe en jetant les prolétaires des deux camps les uns contre les autres pour de sordides intérêts inter-impérialistes. Les 50 millions de morts, les tueries et orgies sur les champs de bataille et dans les camps de la mort, se sont fait sur le cadavre de l’internationalisme prolétarien. C’est dans ce contexte d’union nationale écœurante que la bourgeoisie accouche du système de sécurité sociale. Dès 1943, quand la situation stratégique commence à tourner à l’avantage du camp américain, la bourgeoisie prépare activement les lendemains de la victoire. Dans tous les pays, sous l’occupation ou en exil, les représentants de l’Etat, du patronat et des syndicats se rencontrent pour concocter la législation sociale de la seconde moitié du 20ième siècle. Leurs préoccupations essentielles étaient les suivantes:

1- La misère engendrée par la guerre et les pénuries de l’immédiat après-guerre contenait le danger de surgissement de vastes mouvements sociaux. La bourgeoisie avait très peur, à tort comme la suite des événements le démontrera, d’un remake de la période insurrectionnelle de 1917-23. La sécurité sociale mise en place par la bourgeoisie sera avant tout une sécurité pour elle-même.

2- Reconstruire l’Europe après tant d’années de privations et de souffrances demandait d’imposer à la classe ouvrière un nouvel effort. Pour la bourgeoisie, qui avait besoin de paix sociale et de concorde nationale pour la bonne marche de ses entreprises, la sécurité sociale venait à point nommé pour justifier cette surexploitation auprès de la classe ouvrière.

3- Avec l’écroulement de l’Axe, le bloc «allié» se scinde en deux, ouvrant l’ère de la guerre froide. Chaque camp en présence se dispute avec acharnement le moindre pouce de territoire. Dans cette stratégie, l’implantation des partis «communistes» au sein de la résistance et leurs poids sur la classe ouvrière occupaient une place de choix pour le bloc soviétique. La bourgeoisie occidentale fera tout pour endiguer l’influence de ces partis ainsi que l’avancée des troupes soviétiques.

La mise en place et la présentation de la sécurité sociale comme «grande victoire ouvrière» participent alors de cette stratégie globale de la bourgeoisie. En ce sens, il est à noter que le but premier du plan Marshall (investissements et dons américains) n’était pas de «reconstruire» l’Europe mais d’atténuer les conséquences désastreuses de la crise d’après-guerre afin d’épauler les bourgeoisies d’Europe de l’Ouest dans la maîtrise du contrôle social de leurs pays.

Si la journée des huit heures, l’interdiction du travail des enfants, l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, ... constituaient de réelles concessions arrachées de haute lutte au siècle dernier par la classe ouvrière, les pactes sociaux d’après la seconde guerre mondiale ont été mis en place par la bourgeoisie dans un contexte de contrôle global sur la société afin de planifier la reconstruction des économies détruites et négocier socialement la période d’après-guerre. La sécurité sociale est le système que la bourgeoisie a voulu instaurer pour garantir la paix sociale et surtout pour renforcer l’emprise de l’Etat sur la vie économique et sociale.

19ème siècle: des réformes réelles et durables

Au 19ème siècle, le capitalisme est en plein développement, il conquiert le monde et étend ses rapports de production à l’ensemble de la planète. Dans ce contexte de croissance continue, l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière est une possibilité réelle et durable. Cette dernière se réunit en «coalitions» pour éliminer la concurrence entre ouvriers. La solidarité grandissante dans la lutte mène progressivement à la mise en place de caisses de soutien de grèves, de maladie ou de chômage. Ainsi le prolétariat apprend petit à petit à travers ses combats à se reconnaître comme une classe internationale unie par les mêmes intérêts. Il apprend à s’organiser et à se souder dans la lutte. Ces organisations sont à la base de la constitution des syndicats et des partis de masse (social-démocratie). Ainsi, des conquêtes économiques et sociales sont obtenues après d’âpres confrontations avec la bourgeoisie. Sous la contrainte des luttes, les Parlements votent des réformes qui améliorent de façon durable les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.

Si au cours du 19ième  siècle, en phase ascendante du capitalisme, la classe ouvrière pouvait ponctuellement menacer la domination de la bourgeoisie, le développement des forces productives et du prolétariat était néanmoins encore insuffisant pour permettre une révolution victorieuse à l’échelle inter-nationale. C’est pourquoi, même si la bourgeoisie faisait tout pour saboter l’organisation du prolétariat, elle pouvait tolérer l’existence de sa classe ennemie organisée de façon permanente sur son propre terrain.

Ces heures de gloire du développement capitaliste et du mouvement ouvrier, où programme minimum et maximum pouvaient encore coexister, ont permis qu’émerge l’illusion d’un capitalisme pacifique, sans limites et réformable progres-sivement. La grande majorité des partis ouvriers et des syndicats tombèrent dans le réformisme le plus plat, se limitant à la défense des intérêts immédiats de la classe ouvrière (programme minimum) et abandonnant la perspective historique de la révo-lution socialiste par l’instauration de la dictature du prolétariat (programme maximum).

20ème siècle: le développement du capitalisme d’Etat

La crise économique et l’éclatement de la première guerre mondiale viennent brutalement rappeler que le capitalisme se heurte à des limites insurmontables et menace de faire basculer l’humanité entière dans la barbarie. C’est le signe de l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence ; il a achevé son rôle historique, ses forces productives sont assez développées pour jeter les bases du socialisme et le prolétariat, qui a démontré en Russie 1917 qu’il pouvait arracher le pouvoir, est devenu un danger permanent pour la bourgeoisie. Le partage du monde entre toutes les grandes puissances clôture la phase d’expansion continue du capitalisme et ouvre l’ère des «guerres et des révolutions» comme l’a analysé l’Inter-nationale Communiste. Les dizaines de millions de morts lors des deux conflits mondiaux, les guerres incessantes dans le Tiers Monde du temps de la guerre froide, et aujourd’hui le déchaînement des massacres, des guerres du Golfe, de l’ex-Yougoslavie au génocide du Rwanda, la grande crise des années trente et la crise actuelle qui dure depuis plus de trente ans, toute cette barbarie et cette misère attestent de ce constat.

La bourgeoisie. ne peut plus tolérer que sa classe ennemie puisse s’organiser de façon permanente sur son propre terrain, puisse vivre et croître au sein de ses propres organisations. L’Etat jette sa domination totalitaire sur tous les aspects de la vie de la société. Le temps où le capital pouvait tolérer l’exis-tence d’organes prolétariens permanents est révolu. Les syndicats sont donc devenus des rouages au service de l’Etat, des organes qui opèrent au sein de la classe ouvrière pour la contrôler et faire passer les intérêts du capitalisme. Les syndicats ne défendent plus les intérêts immédiats de la classe ouvrière : il n’y a plus de programme minimum à mettre en avant. Seul le programme maximum correspond à la réalité des possibilités et des nécessités du combat prolétarien, les réformes réelles et durables ne sont plus possibles en décadence. Voilà aussi pourquoi le prolétariat a développé de nouvelles organi-sations unitaires de lutte, les assemblées générales et les conseils ouvriers qui ne peuvent exister que par et dans les moments de combats ouverts.

Cette emprise croissante de l’Etat dans tous les domaines de la société, et notamment, sur le plan social, revient à phagocyter toute vie de la classe ouvrière et à la transformer en ersatz sur le terrain bourgeois. Concrètement, l’Etat s’est saisi, le plus souvent par le biais des syndicats et parfois directement, des anciennes caisses de grèves, d’allocations diverses, d’assu-rance en cas de licenciement, de répression patronale ou étatique gérées par les ouvriers. Ainsi la bourgeoisie est parvenue à soustraire la solidarité politique et économique des mains de la classe ouvrière pour la transférer à l’Etat. Entre les deux guerres mondiales, une partie de la sécurité sociale est déjà mise sur pied. En 1920, par exemple, est fondé le Fond National de crise qui absorbe les caisses de chômage. En 1938 est instauré l’assurance chômage obligatoire. (cfr. Internationalisme 318)

En quoi la sécurité sociale participe de ce contrôle croissant de l’Etat sur la classe ouvrière ? La sécurité sociale nous est toujours présentée comme un «avantage acquis», un «cadeau», un pot commun financé à la fois par l’Etat, le patronat et les travailleurs. Rien n’est plus faux ! Les fonds qui alimentent la sécurité sociale sont parties intégrantes du salaire de la classe ouvrière et détournées via l’Etat vers les syndicats et les mutuelles. En réalité, les ouvriers paient trois fois : directement par leurs propres cotisations, indirectement par l’Etat via l’impôt et par la «cotisation patronale» via la ponction que les capitalistes opèrent sur le salaire. Toutes les richesses produites proviennent du travail ; l’Etat et le patronat ne créent rien par eux-mêmes, les impôts et les bénéfices ne sont que des prélèvements sur le labeur ouvrier. C’est ici que le système trouve sa pleine justification pour la bourgeoisie ! En créant un salaire indirect, géré par l’Etat et les syndicats, la bourgeoisie lie matériellement et idéologiquement la classe ouvrière à ces derniers: «La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du prolétariat pour la transférer en soli-darité économique aux mains de l’Etat. En subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une rétribution indirecte par l’Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la mystification consistant à présenter l’Etat comme un organe au dessus des classes, garant de l’intérêt commun et de la Sécurité sociale de la classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et idéologiquement la classe ouvrière à l’Etat.» (Revue Internationale, n°115, page 13)

Défendre nos conditions de vie, pas la Sécurité sociale

Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la Sécurité sociale signifient la faillite du système capitaliste, la fin de l’Etat-providence et du mythe d’une couverture sociale du «berceau à la tombe». Aujourd’hui, face à un réservoir sans fin de main-d’œuvre, le capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir à bas coût l’achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres. Pour la gauche, en fidèle serviteur du capital, la solidarité sociale ne peut consister qu’en un pacte avec les exploiteurs. En fait, ce que la bourgeoisie prêche, ce n’est rien d’autre que la solidarité¼ avec son système d’exploitation. Défendre le principe de la sécurité sociale revient à demander à l’Etat bourgeois de garantir la sécurité de la classe ouvrière. Défendre le mécanisme de la sécurité sociale, c’est accepter de lier notre sort à celui de nos pires ennemis, c’est remplacer notre solidarité de classe par une illusoire «solidarité nationale».

Or, la solidarité ouvrière n’est en aucun cas, comme la bourgeoisie le voudrait, courber l’échine face aux attaques impitoyables du capital, car pas plus qu’hier, cela ne permettra un avenir meilleur. Il faut opposer à la fausse solidarité que nous propose la bourgeoisie, la seule et vraie solidarité de classe, la lutte sur notre propre terrain de classe, la plus unie et massive possible. Seules une réelle solidarité politique et une unification de toute la classe ouvrière dans le combat contre le capitalisme, responsable de la misère et de la barbarie aux quatre coins de la planète, contre son Etat bourgeois et ses syndicats peuvent offrir une autre perspective à l’humanité entière.

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [2]

Le prolétariat face à l'Etat belge (1): La Belgique, un avorton des grandes puissances

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La bourgeoisie fête en grande pompe les 175 ans d’ «indépendance» de la Belgique. Pour elle, le rappel des  grands moments de «notre histoire nationale» est une occasion de raviver quelque peu le «sentiment national», indispensable pour promouvoir la «solidarité dans les sacrifices» et la mobilisation pour la défense de l’économie nationale. Pour le prolétariat, il n’y a aucune raison de fêter cet anniversaire. Dès sa création, l’Etat belge apparaît comme une arme contre la lutte prolétarienne et tout au long de ses 175 ans, il confirme, souvent de façon sanglante, ses caractéristiques initiales. D’où l’importance pour la classe ouvrière d’analyser les conditions de création de l’Etat belge en 1830 et les spécificités qui en découlèrent car celles-ci pèsent encore sur la lutte de classe aujourd’hui. Ce sera le but de la série de quatre articles que nous y consacrons (1).

Dans toute tentative révolutionnaire échouée, les forces de la réaction peuvent donner à la contre-révolution l’apparence d’un triomphe de la révolution (pensons par ex. au stalinisme qui s’installe en URSS sous le mythe du «socialisme en un seul pays»). C’est exactement ce que représente la «révolution belge»: la création de l’Etat belge en 1830 n’est qu’une mascarade pseudo-révolutionnaire ou, mieux encore, l’œuvre de la contre-révolution pour entraver le développement des forces productives dans cette région. Rappelons à ce propos que, d’un point de vue prolétarien, 1”histoire n’est pas une justification: parler de nations nécessaires et de nations qui ne le sont pas n’implique pas une justification des premières. Nous partons de l’analyse des rapports de force entre les classes et non de la morale. Et du point de vue du prolétariat révolutionnaire, la formation de certaines nations dans la période ascendante du capitalisme a permis un pas en avant dans le développement des rapports productifs ou porte un coup à l’une ou 1”autre puissance réactionnaire. Dans la période actuelle de décadence capitaliste par contre, plus aucune «nation» ne peut être considérée comme progressiste.

La Belgique et la révolution française (1789)

La Révolution française eut pour tâche de transformer l’ancienne nationalité en une nation capitaliste moderne. Elle avait aussi les moyens de réussir ce à quoi l’Angleterre s’était opposée victorieusement jusqu’alors: rattacher la Belgique aux provinces françaises. La révolution réalisa davantage encore: l’absolutisme espagnol et autrichien avait, trois siècles durant, tenté en vain d’abolir les privilèges locaux de leurs sujets aux Pays-Bas: la révolution supprima d’un coup tous ces privilèges. A la place des provinces traditionnelles, elle instaura des départements. Tous les droits particularistes des provinces, de la noblesse, des corporations, et de l’Eglise furent abolis; tous les belges devinrent français sans aucune distinction, ils étaient tous «égaux» et administrés dans la même langue, le français, qui réglait seul la vie publique. Le caractère progressif de la révolution fut confirmé par un développement spectaculaire des forces productives. Comme le poids du féodalisme était éliminé, la vie économique put connaître une vie nouvelle. Le marché français ouvrait des débouchés sans restrictions: la stagnation économique séculaire fit place à une ère de développement capitaliste accéléré, la «révolution industrielle»: utilisation de la machine et de la vapeur, introduction des manufactures travaillant pour la production de masses et avec une main d’œuvre considérable, en opposition à l’artisanat.

Avec le capitalisme -au lendemain de la révolution bourgeoise- naquit une industrie importante destinée à pourvoir en armements des armées nombreuses. C’est pourquoi, l’importance du fer et du charbon augmente considérablement dans le procès de production moderne, la possession de grandes ressources minières et sidérurgiques accrût donc considérablement la production capitaliste. Or, à l’exception de l’Angleterre, il n’y avait aucun pays en Europe où, par tête d’habitant, on extrayait autant de charbon qu’en Belgique. De plus, la Belgique avait de grandes ressources en minerai de fer et l’industrie sidérurgique put donc se développer. La vente des biens du clergé et des nobles exilés avait augmenté le nombre de propriétaires paysans; des raffineries de sucre de betteraves introduisirent dans l’agriculture les méthodes industrielles du capital. A l’abri de la concurrence anglaise, l’industrie textile put renaître et se mécaniser.

Ce brillant progrès industriel, ce pas décisif vers le capitalisme put se réaliser grâce à la révolution française et au rattachement à la France, qui offrait à l’industrie belge des débouchés importants. Il était impensable avec les anciennes structures politiques et sociales.

L’entité hollando-belge (1815-1830)

C’est la contre-révolution de 1815, sous la direction de la Russie et de l’Angleterre, qui, pour entraver le développement capitaliste en France, décida de la neutralisation de la Belgique pour la donner à la Hollande, tout en prévoyant que les Prussiens et les Anglais puissent occuper en temps de guerre la ligne de forteresses le long de la frontière française. Les deux territoires réunis ne présentaient pas une entité cohérente. Pendant son intégration à la France, le Sud était devenu une région, industrielle en plein essor. Par contre, le Nord était resté un royaume indépendant pour n’être réuni à la France qu’en 1810. Après une stagnation de la puissance mercantile et coloniale du Nord au 18ème siècle, l’ère Napoléonienne représentait la perte définitive des sources essentielles de la richesse du Nord jusqu’ici: étant alliée à Napoléon, elle fut en guerre contre l’Angleterre et cela lui coûta ses colonies et son commerce d’outre-mer. Ainsi lors de l’unification du Nord et du Sud, l’Etat hollandais considéra le territoire du sud comme dépendant, permettant à la Hollande de retarder sa propre industrialisation indispensable. Elle tardait à prendre les mesures protectionnistes dont le Sud avait besoin afin de faire face à la concurrence étrangère et de conquérir des marchés pour écouler sa production galopante. Enfin, toute l’administration fut pratiquement entre les mains du Nord. Guillaume fera payer à la Belgique les dettes énormes du Nord. Dans un premier temps, sous l’impulsion de la «période française»et de certaines mesures protectionnistes du gouvernement hollandais, l’industrie belge poursuit son développement mais à partir de 1828, les signes avant-coureurs d’une crise de surproduction apparaissent. Ainsi le gouverneur de Liège, Sandberg s’inquiète du développement extraordinaire des moyens de production, «un développement qui se base en général moins sur la certitude de marchés existants que sur l’espoir d’en trouver». Faillites et chômage se développent (en 1828 déjà 14,2% de la population vit de la charité publique), les salaires ne couvrent même plus les besoins vitaux et les prix alimentaires grimpent en flèche.

Voilà donc, la situation telle qu’elle se présentait à la veille de la «révolution» de 1830 : un développement économique fortement entravé par la contre-révolution qui a séparé la Belgique de la France; une crise économique (1828-1830, liée à la grande crise de 1825 en Angleterre) qui manifeste clairement le poids de ces entraves; une exploitation féroce et une misère terrible qui s’abat sur la classe ouvrière.

La «révolution» de 1830

Au début de 1830, la bourgeoisie belge (en dehors de quelques fractions insignifiantes ) ne concevait qu’une opposition au sein de l’Etat hollandais pour obtenir une série de revendications politiques et religieuses. Mais le 27 juillet 1830, éclate à Paris une insurrection populaire rapidement victorieuse. L’enthousiasme populaire suscité en Belgique par les événements de Paris est énorme et l’effervescence en milieu ouvrier se développe rapidement. A partir du 22 août, la bourgeoisie trouve sur les murs de Bruxelles des affichettes annonçant la révolution pour le 25. Le 23 au soir, l’émeute gronde, dirigée par des tisserands chômeurs et des typographes. Le mouvement n’a rien de «national»: on crie «Vive la France», on chante «la Marseillaise», on porte le drapeau tricolore français et des drapeaux rouges apparaissent. Le 24 et le 25, l’insurrection ouvrière se développe, saccageant les magasins, brisant les nouvelles machines dans les usines textiles, occupant la ville, pendant le drapeau français à l’hôtel de ville. Des armes et des munitions sont distribuées. L’armée est repoussée et ne tire que sporadiquement. Personne ne se soucie vraiment à ce moment-là de la «patrie belge».

C’est alors que «voyant leurs propriétés menacées, un certain nombre de bourgeois résolurent d’agir par leurs propres moyens. Réunis à la Grand-Place, à la fin de la journée du 26, ils formèrent des compagnies de volontaires, prirent pour signe de ralliement le drapeau aux trois couleurs (noir-jaune-rouge) de la révolution brabançonne (...). Des mesures furent aussitôt décidées pour empêcher l’agitation de prendre un caractère anti-national)» (2) (F. Van KaIken, Histoire de Belgique, p. 544). La bourgeoisie belge comprenait qu’une fidélité pure et simple au pouvoir hollandais risquait de la perdre. La proclamation de l’Etat belge au contraire lui permettait de désamorcer l’insurrection ouvrière et de la récupérer sous forme d’une «révolte nationale». Il faut reconnaître qu’elle s’y prit fort bien. Le 26 et le 27, une répression sanglante par la garde civique s’organise, tuant une trentaine de prolétaires et en arrêtant des centaines. Par la suite, la bourgeoisie utilisera habilement et cyniquement les prolétaires comme chair à canon lors des combats de septembre 1830 contre les hollandais pour permettre l’instauration définitive de l’Etat belge.

En réalité, ces pères de la Belgique, ces bourgeois qui mitraillaient les ouvriers quelques heures seulement après avoir inventé leur «drapeau national» ne représentaient que la contre-révolution de l’intérieur. En fait, les véritables forces qui engendrèrent l’Etat et la nation «belge», ce furent les «puissances», c’est-à-dire les grands Etats constitués d’Europe: une Belgique indépendante, c’était à la fois la confirmation de la séparation avec la France, la création d’un petit Etat faible et peu dangereux, et le maintien d’un point d’appui docile contre «l’expansionnisme français». On comprendra donc aisément que «le seul défenseur loyal de la cause belge» fut le vicomte Palmerston, représentant la Grande-Bretagne, que l’on a surnommé non sans humour «le père de la Belgique» (ibid., p.566).

Bref, la création de l’Etat belge est l’œuvre négative, le fruit empoisonné de la seule contre-révolution, qui bloque le développement historique autant que ses forces le lui permettent. Mais la création de cet Etat n’a-t-il pas tout de même permis un certain développement des forces productives, de l’ industrialisation et du commerce?

1°) Certes, la contre-révolution n’avait pas le pouvoir d’empêcher, une fois que les structures archaïques et féodales étaient renversées que la nouvelle plante dont la révolution avait produit la semence, croisse. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était d’isoler une des parties de la révolution des autres et de la cantonner dans un cadre étriqué, c’est-à-dire défavorable justement à l’industrialisation et à l’instauration de rapports sociaux modernes. De fait, l’histoire prouve que l’Etat belge était la conséquence d’une contre-révolution qui a amputé la révolution française de sa province belge. On peut faire le parallèle suivant: si la Ruhr était détachée de l’Allemagne, elle serait certes industrialisée, mais elle ne le serait elle-même que dans une proportion incomparablement plus faiblie que lorsque l’ensemble formerait une seule unité économique et politique.

2°) En fait d’industrialisation, la contre-révolution a isolé l’une des pousses des autres pour l’enfermer dans des barrières étroites et affaiblir son développement. L’industrialisation de la Belgique serait un fait nouveau et socialement progressif si l’on comparait les structures postérieures à 1830 à celles de 1789, époque ou régnait le  féodalisme et l’absolutisme. Or, la création de l’Etat belge en 1830, n’est pour rien dans l’ instauration d’un système moderne, même bourgeois en Belgique. Un Etat bourgeois dominait cette province bien avant, et l’industrialisation qui en avait résulté avait été considérable puisque la Belgique était alors la région la plus industrialisée du continent européen.

Le caractère contre-révolutionnaire de la constitution de l’Etat belge apparaît aussi quand on compare les événements de Belgique avec ceux qu’a connu la Pologne, qui s’était soulevée en même temps. A propos de ce dernier pays, Marx et Engels ont défini la notion de nation nécessaire, notion qu’ils déniaient à la Belgique. Les raisons pour lesquelles la Pologne était nécessaire furent essentiellement les suivantes: d’une part, la création révolutionnaire d’un Etat polonais remettait effectivement en question l’équilibre contre-révolutionnaire qui régnait en Europe centrale et orientale; d’autre part, l’indépendance de la Pologne aurait permis l’instauration de rapports sociaux et productifs modernes dans ce pays lui-même alors que la contre-révolution en faisait un pays agraire et arriéré (l’aristocratie féodale foncière étant l’alliée de l’oppression extérieure). Ces conditions se ramènent au fond à une seule question : dans cette partie de l’Europe, la révolution - bourgeoise avec la création d’Etats nationaux et de nations était encore à l’ordre du jour révolutionnaire. C’est pourquoi, la contre-révolution européenne organisée s’employa par tous les moyens à contrecarrer le mouvement dans l’Est européen. Par contre, ces conditions n’existaient plus pour la Belgique: la création d’un Etat et d’une nation belge ne produisait plus aucun bouleversement international, au contraire, et elle n’entraînait aucun bouleversement dans les rapports sociaux et productifs à l’intérieur du pays même. La nation belge était de plus totalement artificielle et cela aussi aura des conséquences importantes pour son développement ultérieur n             

J. Janssens et Jos

(1.) Nous renvoyons les lecteurs e.a. aux études sur «la nation et l’Etat Belge produits de la contre-révolution» et au livre «La Belgique, Etat constitutionnel modèle» publié par le Fil du Temps. Le cercle d’étude «Fil du Temps» de Roger Dangeville est une scission d’avec le PCInt dans les années 60. Dangeville avait fait partie pendant un certain temps du cercle de discussion à l’initiative de Maximilien Rubel venant de la Gauche Communiste de France. Cfr. aussi notre livre sur la Gauche Communiste d’Italie.

(2) nous mettons en gras

Situations territoriales: 

  • Belgique [3]

Le refus de stand au CCI à la bourse du livre alternatif de Gand et d'Utrecht

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Cela fait maintenant plusieurs années que le CCI n’est pas admis en tant que détenteur de stand à la foire du livre anarchiste à Gand tout comme à la bourse anarchiste à Utrecht. Plusieurs années, les organisateurs ont fait comme si notre demande était introduite trop tard, ou comme s’ils manquaient de place, etc. Un peu fort. Quand nous avons insisté, les organisateurs ont répondu que nous ne correspondions pas au profil anarchiste qu’ils souhaitaient. Il ne nous viendrait naturellement pas à l’esprit de nous lamenter à propos de cette décision ou d’en appeler à plus de complaisance de la part des organisateurs. Il ne s’agit pour nous que de mettre à nu les véritables raisons du refus répété des organisateurs de ces bourses du livre.

Après leurs échappatoires administratives, les organisateurs mentent consciemment quand ils justifient leur refus par des raisons idéologiques (nous n’aurions pas le profil!). Qui n’a pas remarqué la présence à ces bourses de stands, de publications, de groupes et d’associations qui sont ouvertement sociaux-démocrates, staliniens ou nationalistes... et qui n’ont aucunement un «profil anarchiste». Pourquoi alors exclure le CCI, une organisation qui se réclame de l’internationalisme prolétarien et qui dénonce toutes les idéologies nationalistes, quel qu’en soit le prétexte ethnique, historique ou religieux, comme un véritable poison pour les prolétaires?

Le CCI a toujours mis en avant ses positions marxistes, tout autant que ses divergences de principe avec l’anarchisme. Le CCI a toujours dénoncé les positions bourgeoises de l’anarchisme officiel, qui se terminent en défense de l’Etat démocratique (comme c’était le cas avec Kropotkine et la CGT française en 1914, ou la CNT espagnole en 1936) et en défense du nationalisme le plus arriéré (comme l’anarcho-nationalisme breton ou flamand: voir à ce propos l’article sur L’anarcho-nationalisme de «De Vrijbuiter» dans «De Fabel van de Illegaal» n° 68). Si les organisateurs trouvent notre présence indésirable, c’est parce que des  éléments en recherche d’élargissement et d’approfondissement de leurs visions politiques, s’intéressent aux analyses de la Gauche Communiste, aux questions que nous posons et aux réponses politiques que nous apportons touchant des sujets d’intérêts pour la classe ouvrière et l’avenir de l’humanité. Ce que les organisateurs veulent en réalité, c’est empêcher qu’une confrontation honnête et ouverte des positions politiques ait lieu. Malgré leurs discours (faussement) libertaires, ils préfèrent se fier à leurs voisins staliniens et d’extrême gauche (pro- ou anti-staliniens) plutôt que de voir la Gauche Communiste trouver un écho pour une claire perspective de classe internationaliste.

Nous ne sommes absolument pas étonnés de cette attitude des organisateurs, qui renforcent ainsi le totalitarisme idéologique dont ils sont un rouage, bien que modeste, néanmoins indispensable pour prévenir que des éléments se posant des questions y trouvent des réponses politiques dont ils pourraient débattre. En nous refusant un stand, l’anarchisme officiel apporte sa petite pierre à l’édifice de la pensée unique bourgeoise.

Certains participants qui se sont irrités de ce comportement ont déjà ouvertement manifesté leur solidarité en diffusant notre presse à partir de leur stand, et ils n’ont pas non plus hésité à se plaindre verbalement et par écrit de l’attitude des organisateurs: «Le CCI est en effet très critique vis-à-vis de l’anarchisme, mais c’est une évidence: ce sont une fois pour toutes des marxistes. (...) Pour ceux qui ont un intérêt pour leurs positions, ils sont certainement ouverts à la discussion. Leurs réunions sont publiques et on peut tranquillement y aller exposer ses positions anarchistes, ou même diffuser des tracts anarchistes aux visiteurs. Cela me paraît donc beaucoup plus démocratique qu’une foire du livre anarchiste où quelques organisateurs décident de leur propre chef de refuser certains groupes. Pour certains anarchistes, il peut être très intéressant de distinguer les désaccords et les convergences, c’est comme ça qu’on apprend à formuler et défendre ses propres positions. Et si on n’a pas envie d’engager une discussion avec eux, par exemple parce qu’ils ne sont pas assez anarchistes, végétaliens, féministes ou pacifistes, ou tout simplement parce qu’ils ne correspondent pas à l’image qu’on se fait du monde, on ne le fait tout simplement pas... C’est tout autre chose que d’offrir une plate-forme pour la plate propagande des staliniens et des trotskistes qui viennent «gagner des âmes»! (...) dans le cas du CCI, je ne vois jusqu’à présent pas de raison suffisante pour leur refuser la participation à la foire du livre anarchiste. Et mon intention n’est en aucun cas d’ouvrir toutes grandes les portes à tout le micmac trotskiste et stalinien; selon moi le CCI s’en distingue, même d’un point de vue anarchiste, dans le bon sens. Les courants historiques dont ils se réclament ont en leur temps été autant les victimes de la terreur et de la répression déclenchées par Trotski et Staline que les anarchistes. Il serait tout de même étrange  si une certaine manière de penser, qui a pratiquement disparu de la surface du globe par l’action des staliniens (et qui fait indubitablement à beaucoup de gens une impression d’anachronisme)  était maintenant contrainte au silence par les anarchistes! « (1). Nous encourageons ceux qui veulent être politiquement conséquents à nous envoyer leurs prises de position, que nous publierons également.

De notre côté, nous invitons chacun qui souhaite engager une confrontation d’idées et débattre sur les problèmes du monde, sur la lutte de classe et l’avenir de l’humanité, à participer à nos activités publiques, aussi bien à nos permanences, où l’on discute des questions amenées par les participants, qu’à nos réunions publiques, où un débat suit la présentation de la position du CCI sur un sujet, ou à nous rencontrer au cours de la vente de notre presse à l’occasion de différentes manifestations et dans la lutte de la classe ouvrière n

Mai 2005

(1) Voir: lettre ouverte des éditions De Dolle Hond aux maîtres du marché anarchistes de la foire du livre d’Utrecht, sur notre site Web: https://www.internationalism.org/dutch [4], et Les organisateurs de la foire du livre anarchiste d’Utrecht dévoilent leurs pratiques staliniennes dans Wereldrevolutie n° 101.

Courants politiques: 

  • Anarchisme officiel [5]

Ouzbékistan: Un bain de sang que cautionnent les grandes puissances “démocratiques”

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1000 morts ou plus, environ 2000 blessés, des milliers de réfugiés qui ont fui vers le Kirghizstan voisin, c’est l’horrible bilan, connu à ce jour, de la féroce répression menée par l’armée ouzbek contre les émeutes populaires (1), qui ont eu lieu le 13 mai dans plusieurs villes ouzbèkes de la vallée de Ferghana, notamment Andijan, Pakhtabad et Kara Su. L’armée n’a pas hésité à utiliser des blindés, des hélicoptères et à tirer à la mitrailleuse lourde sur une manifestation rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants. L’armée a achevé les blessés d’une balle dans la tête et la police politique a procédé à des centaines d’arrestations et de détentions arbitraires. Fidèle aux méthodes staliniennes de sa Russie d’origine, le gouvernement du despote Karimov a tout fait pour falsifier les événements, imposant une véritable chape de plomb sur les médias dès le début des émeutes, puis présentant ce carnage comme la réponse à un soulèvement armé islamiste. C’est cette version que les gouvernements américain, russe, chinois et européens ont cautionnée dans un premier temps, puis de façon plus “critique” lorsque les témoignages de certains rescapés de cette tragédie ont commencé à circuler. C’est avec un cynisme des plus abjects que les grandes démocraties, pour défendre leurs intérêts de brigands impérialistes, soutiennent les exactions que Karimov a perpétrées au nom de la lutte con-tre le terrorisme, tout en lui demandant d’envisager d’entre-prendre quelques réformes démocratiques (2). Feignant l’indignation, comme après chaque massacre en-gendré par la barbarie du capitalisme, les organisations internationales comme l’ONU, l’OSCE et les multiples ONG réclament une enquête. Face à de tels mensonges et à la propagande bourgeoise qui réduit de tels événements aux affres du terrorisme ou aux comportements sanguinaires du tyran Karimov, il est nécessaire de comprendre que cette sanglante répression s’explique comme étant à la fois le produit de l’héritage du stalinisme, de la tendance à la décomposition de la société capitaliste et du chaos que génère l’exacerbation des tensions militaires entre les différents Etats à l’échelle mondiale et notamment en Asie centrale, qui est une zone stratégique sur ce plan là.

Historiquement, les républiques d’Asie centrale ont été créées par Staline en 1924. Ce “charcutage” était, en fait, exactement semblable à celui auquel avait procédé la France dans ses possessions d’Afrique noire, au fur et à mesure de l’avancement de sa conquête coloniale du 19e siècle. Cette mosaïque artisanale a tenu du fait de la terreur stalinienne exercée sur les populations jusqu’à la dislocation de l’URSS et l’indépendance des républiques d’Asie centrale en 1991. Avec la disparition de ce corset de fer, c’est une véritable boîte de Pandore qui s’est ouverte. La géographie absurde issue de la désagrégation de l’URSS fait que la région la plus riche et la plus peuplée, la vallée du Ferghana, est un lieu de discorde : partagée entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, découpée en d’innombrables enclaves propices aux conflits frontaliers, c’est un foyer permanent de tensions ethniques et religieuses. Cet enchevêtrement ne peut que déboucher sur des conflits comme dans le Caucase. C’est l’exemple en 1990, des violences dans le sud du Kirghizstan, entre Ouzbeks et Kirghizes, faisant des centaines de victimes ou de la guerre civile au Tadjikistan qui a fait 50.000 morts entre 1992 et 1997. A tout moment le risque d’affrontements ethniques est présent, d’autant plus qu’il existe des querelles entre ces trois républiques du Ferghana pour le partage des terres, de l’eau et pour le contrôle des trafics d’armes et de drogues en provenance de l’Afghanistan frontalier. Dans ce contexte chaotique, la guerre en Afghanistan qui a opposé l’alliance du Nord aux talibans a eu des répercussions importantes sur l’Asie centrale, notamment par le développement d’une multitude de groupes islamiques qui vont accentuer les rivalités et tensions entre les différentes républiques et entraîner une partie des populations dans de nouveaux massacres. Cette situation particulièrement dramatique pour les couches populaires est aggravée par la gestion autoritaire de ces Etats car la plupart des dirigeants sont d’anciens apparatchiks staliniens. En Ouzbékistan, c’est le clan familial de Karimov et de ses fidèles qui se sont accaparés les secteurs producteurs de richesses, essen-tiellement les matières premières, et la corruption y fait figure de loi. La population vit avec 10 à 20 dollars par mois, et le PIB par habitant a chuté de plus de 40% depuis 1998. La population se retrouve ainsi prise en étau, entre le choix de la peste ou du choléra, soutenir les anciens parrains staliniens ou suivre les multiples officines islamistes. Cette paupérisation de la population, sur fond de dislocation des républiques qui composent l’Asie centrale, produit de la décomposition du capitalisme, fait de cette région une véritable poudrière. L’intervention américaine en 2001 en Afghanistan au nom de la guerre contre le terrorisme va constituer un puissant accélérateur de cette déstabilisation, d’autant plus que la préoccupation de l’Oncle Sam n’est pas de ramener la paix dans cette région, mais de défendre son leadership.

“Les Etats-Unis s’installent en Asie centrale avec l’intention d’y rester, non seulement en Afghanistan mais aussi dans deux ex-républiques soviétiques voisines ( le Tadjikistan et l’Ouzbékistan). Ceci suppose une menace claire envers la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran. Mais la portée de l’événement est bien plus profonde : il est un pas dans la création d’un véritable encerclement des puissances européennes -un “remake” de la vieille politique “d’endiguement” déjà employée à l’encontre de l’URSS. Les hautes montagnes d’Asie Centrale permettent le contrôle stratégique du Moyen-orient et de l’approvisionnement en pétrole, élément central de l’économie et de l’action militaire des nations européennes” (Revue Internationale, n°108, novembre 2001).

Ainsi, l’Eurasie est ces dernières années au cœur de la concurrence entre brigands impérialistes. A coups de millions de dollars, les Américains ont installé des bases militaires pour leur intervention vers l’Afghanistan et le contrôle de cette région. ( Selon la presse américaine, la CIA utilise même le savoir-faire ouzbek en matière de torture car elle y transfère par avions spéciaux les “terroristes” arrêtés en Irak et Afghanistan pour les interroger). Face à cette offensive dans son pré-carré, la Russie a renforcé ses propres bases dans la région, notamment au Kirghizistan et au Tadjikistan et la Chine a payé de nouveaux équipements militaires à l’armée kirghize, espérant prochainement prendre pied militairement dans cette zone stratégique. Cette effervescence militaire est loin d’apporter une quelconque stabilité, comme on le voit avec le chaos actuel en Irak et en Afghanistan et la contestation anti-américaine qui ne cesse de croître. Loin de renoncer, les Etats-Unis ne peuvent qu’intensifier leur présence militaire. Cette fuite en avant ne peut qu’être alimentée par les puissances rivales. Pour les populations d’Asie centrale, ces diverses manifestations de la décomposition du capitalisme portent en germe encore plus de barbarie et de chaos, de nouveaux massacres, soit dans des conflits ethniques, militaires soit par la répression sanglante des émeutes sociales, comme on vient de le voir en Ouzbékistan.

Donald/24.05.2005

(1) Il semble probable que le déclenchement de ces émeutes est à la fois le produit d’une attaque économique d’envergure du gouvernement (imposition en avril de nouvelles règles contraignantes pour les petits commerçants de rue, alors que le bazar (marché noir) reste le seul poumon économique, le seul lieu d’activité possible pour des millions d’Ouzbeks en quête de subsistance, compte tenu du chômage massif) et en même temps le procès de 23 petits entrepreneurs accusés d’islamisme. La population est descendue dans la rue pour réclamer “justice” et “liberté” avec la présence en son sein de groupes politiques d’opposition au gouvernement, dont certains groupes islamiques.

(2) Si pour l’instant l’administration américaine soutient Karimov, il n’est pas exclu qu’à l’avenir, en fonction de sa capacité à créer une opposition politique à celui-ci, comme elle l’a fait récemment (Georgie, Ukraine, Kirghizstan) elle se débarrasse de cette marionnette stalinienne, ce qui serait plus conforme à la justification de ses interventions militaires actuelles basées sur la liberté et la démocratie pour les peuples encore opprimés.

Géographique: 

  • Russie, Caucase, Asie Centrale [6]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [7]

Référendum européen, victoire du non Mais c'est toujours la bourgeoisie qui gagne

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«On a gagné!», scandait au soir du 29 mai le «peuple de gauche», sur la place de la Bastille à Paris. «Cette victoire est avant tout celle des ouvriers, des employés, des jeunes, des sans-emploi (qui ) se sont ainsi rassemblés jusque dans les urnes pour rejeter cette camisole libérale»,  déclarait le secrétaire nationale de Parti Communiste stalinien Français , ajoutant : «Cette victoire s’est construite (…) dans une dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front populaire ou de mai 1968» ; «C’est un mouvement de revanche sociale» évoquait le trotskiste Besancenot de la LCR Française; «La réfutation de cette Constitution donne de l’espoir aux chômeurs et aux gens vivant dans la misère et la précarité: l’espoir que le Non contre la Constitution néo-libérale en France et aux Pays-Bas provoquera un changement brusque dans l’histoire qui mènera à une réorientation radicale dans la politique européenne.» proclamait la «démocratique» et «progressiste» «Fondation Europe Sociale» aux Pays-Bas; «Ce résultat est carrément favorable à l’avenir de l’Europe. L’affluence élevée et les nombreuses discussions montrent que l’Europe vit parmi la population, à condition que les gens eux-mêmes aient véritablement quelque chose à dire. Dans deux des trois pays où un référendum s’est tenu, on a vu une affluence élevée et un refus net de la Constitution. Cela montre un large soutien pour une Europe démocratique et sociale.» renchérissait un autre «Comité Constitution Non» de gauche Hollandais.

La gauche est en première ligne pour présenter la victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne comme «une grande victoire de la classe ouvrière». Mensonge ! La classe ouvrière n’a rien gagné. Au contraire, la bourgeoisie a exploité ses échéances électorales afin de pourrir la conscience ouvrière en profitant des illusions encore très fortes dans les rangs des prolétaires envers la démocratie et le terrain électoral.

Les prolétaires doivent se souvenir que ce qui leur a toujours été présentée comme de «grandes victoires ouvrières», a toujours représenté les pires défaites et les plus dangereuses pour leur classe. Ainsi, en 1936, cet avènement du gouvernement de Front populaire en France encore aujourd’hui présenté comme une «grande victoire» pour les ouvriers, alors que ce gouvernement de Front populaire a permis à la bourgeoisie d’embrigader massivement derrière le drapeau de l’anti-fascisme les ouvriers dans les horreurs et les massacres de la Seconde Guerre mondiale. C’est au nom du grand mensonge du «triomphe de la dictature du prolétariat en URSS», «de la victoire du socialisme dans un seul pays» et des «avancées dans la construction d’une société communiste» que des générations entières de prolétaires ont été entraînées et sacrifiées sur l’autel de la contre-révolution stalinienne pendant plus d’un demi-siècle derrière une idéologie de la «défense de la patrie socialiste», mais aussi exploitées, massacrées, déportées, emprisonnées par « la patrie du socialisme».

Les prolétaires sont tombés dans le piège qui lui présentait cette consultation électorale comme un enjeu pour eux. La bourgeoisie exploite aujourd’hui cette situation pour accentuer son avantage et intoxiquer davantage la conscience des ouvriers, en lui faisant croire que le bulletin de vote serait plus efficace que la lutte de classe, même si les effets de cette propagande ne peuvent que s’effacer très rapidement face à la réalité. L’énorme et incessant battage électoral sur le référendum, avant, pendant et après, n’a qu’un seul but: faire avaler aux prolétaires le grossier mensonge selon lequel le moyen le plus efficace de faire reculer la bourgeoisie et de faire entendre leur voix, d’exprimer leur ras le bol, n’est pas le développement de la lutte de classe mais le bulletin de vote. Ainsi les trotskistes de Offensief aux Pays-bas ne laisse pas de doute : «Déjà en automne dernier les travailleurs néerlandais avaient démontré qu’ils refusaient de subir les mesures d’économie draconiennes et le démantèlement de l’Etat-providence. Maintenant de nouveau, il apparaît qu’ils en ont ras-le-bol de la politique du cabinet Balkenende. Le 2 octobre de l’année dernier, plus de 300.000 gens sont descendus en protestation contre les plans du cabinet dans les rues d’Amsterdam. Maintenant, une fois de plus un sujet politique important de ce cabinet néo-libéral est renvoyé à la poubelle.»  (site Offensief : La voix contre la Constitution a été une voix des travailleurs contre les profiteurs)

Une campagne idéologique mensongère

De l’extrême droite aux organisations gauchistes, l’incessant battage idéologique, dramatisé à souhait depuis plus de trois mois, ne visait qu’à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral.

En effet, la bourgeoisie aura réussi à polariser l’attention des ouvriers, à semer les pires confusions, à brouiller les pistes pour ramener un maximum d’ouvriers sur le terrain électoral. Le référendum était omniprésent dans tous les médias. Il n’était pas possible d’échapper aux virulents débats, aux polémiques enflammées sur les supposés enjeux de ce scrutin. Ce matraquage idéologique tentait de persuader chaque «citoyen», surtout chaque prolétaire, que cette consultation représentait un enjeu absolument crucial et déterminant. Toutes les fractions de la bourgeoisie se sont ainsi félicitées d’avoir pu lancer et animer «un grand débat démocratique» dont le seul résultat aura été de déboussoler, de semer un maximum de confusion et d’illusions dans la tête des ouvriers. Tous les médias et certains responsables politiques l’ont proclamé: «votez oui ou votez non mais votez !». Le principal poison idéologique distillé dans cette campagne a été de faire croire que «rien ne serait plus comme avant», que la montée du Non, dopée par le mécontentement social envers les gouvernements, avait contraint la bourgeoisie à mettre la préoccupation sociale au centre de sa campagne. Cela est en partie vrai, mais le seul but de cette manœuvre était de pousser les ouvriers dans le piège démocratique, dans le piège électoral, dans la mesure où, auparavant, cette campagne suscitait à juste titre l’ennui et le désintérêt le plus complet au sein de la classe ouvrière. C’est à partir du moment où la bourgeoisie est parvenue à canaliser le mécontentement social autour du référendum, à faire croire qu’elle pouvait reculer en retirant la directive Bolkestein qu’elle est parvenue à relancer et à redonner un nouveau souffle à la mystification démocratique et au terrain électoral.  Mais, maintenant la bourgeoisie voudrait nous faire croire que dans l’après référendum, désormais, la parole, la priorité, seront au social. C’est un mensonge. Plus que jamais, l’avenir que nous réserve le capitalisme, c’est l’intensification des attaques anti-ouvrières. Cette propagande idéologique cherche à faire prendre des vessies pour des lanternes, faire croire que la réaction «citoyenne» peut changer le cours du capitalisme, infléchir la bourgeoisie et barrer la route au libéralisme et aux délocalisations. La politique gouvernementale ne va pas changer d’un poil.

Le principal objectif de la bourgeoisie vis-à-vis des prolétaires dans n’importe quelle élection est de les pousser à abandonner le terrain collectif de la lutte de classe pour s’exprimer en tant que «citoyens», atomisés, sans appartenance de classe, dans le bien nommé «isoloir», sur un terrain pourri d’avance et qui n’est nullement le leur, mais celui de la bourgeoisie. Pour la classe ouvrière, le terrain électoral est un piège idéologique destiné à semer les pires confusions et à empêcher le développement de sa conscience de classe.

Les élections ne sont qu’une mystification

Il n’en a pas toujours été ainsi. Au 19ième siècle, les ouvriers luttaient et se faisaient tuer pour obtenir le suffrage universel. Aujourd’hui, inversement, ce sont les gouvernements qui mobilisent tous les moyens dont ils disposent pour que le maximum de citoyens aillent voter. Pourquoi ?

Pendant la période d’ascendance du capitalisme, les  parlements représentaient le lieu par excellence où les différentes fractions de la bourgeoisie s’affrontaient ou s’unissaient pour défendre leurs intérêts. Malgré les dangers et les illusions que cela pouvait entraîner, les travailleurs, dans une période où la révolution prolétarienne n’était pas encore à l’ordre du jour, avaient intérêt à intervenir dans ces affrontements entre fractions bourgeoises et, au besoin, soutenir certaines fractions bourgeoises contre d’autres, afin de tenter d’améliorer leur sort dans le système. C’est ainsi que les ouvriers en Angleterre ont obtenu la réduction à 10 heures de leur journée de travail  en 1848, qu’on a vu l’abrogation de la loi sur la conspiration (droit de s’organiser) en Belgique en 1865 après l’Angleterre 1859 et la France en 1866, que le droit syndical a été reconnu en France en 1884, etc.

Mais la situation est devenue totalement différente depuis le début du 20e siècle. La société capitaliste est entrée dans sa période de crise permanente et de déclin irréversible. Le capitalisme a conquis la planète et le partage du monde entre les grandes puissances est terminé. Chaque puissance impérialiste ne peut s’approprier de nouveaux marchés qu’aux dépens des autres. Ce qui s’ouvre, c’est une nouvelle «ère des guerres et des révolutions», comme le déclarait l’Internationale Communiste en 1919, une ère marquée par les effondrements économiques comme la crise de 1929, les deux guerres mondiales et l’irruption révolutionnaire du prolétariat en 1905 en Russie, de 1917 à 1923 en Russie, Allemagne, Hongrie, Italie. Pour faire face à ses difficultés croissantes, le capital est contraint de renforcer constamment le pouvoir de son Etat. De plus en plus, l’Etat tend à se rendre maître de l’ensemble de la vie sociale et, en premier lieu, dans le domaine économique. Cette évolution du rôle de l’Etat s’accompagne d’un affaiblissement du rôle du législatif en faveur de l’exécutif. Comme le dit le deuxième Congrès de l’Internationale Communiste : «Le centre de gravité de la vie politique actuelle est complètement et définitivement sorti du Parlement.»

Pour les travailleurs, il ne peut plus être question de s’aménager une place dans le capitalisme mais de le renverser dans la mesure où ce système n’est plus capable de leur octroyer ni réformes durables ni amélioration de leur sort.

Pour la bourgeoisie, le parlement est devenu tout au plus une chambre d’enregistrement de décisions qu’elle prend ailleurs.

Reste un rôle idéologique de l’électoralisme qui reste déterminant . La fonction mystificatrice de l’institution parlementaire existait déjà au 19e siècle mais elle se situait au second plan, derrière sa fonction politique. Aujourd’hui, la mystification est la seule fonction qui reste pour la bourgeoisie: elle a pour but de faire croire que la démocratie est le bien le plus précieux, que l’expression de la souveraineté du peuple, c’est la liberté de choisir ses exploiteurs. La démocratie parlementaire et surtout la mystification de l’idéologie démocratique reste le meilleur moyen d’empoisonner la conscience ouvrière  et l’arme idéologique la plus efficace et dangereuse pour domestiquer le prolétariat. 

Les attaques anti-ouvrières n’ont pas cessé au cours de ces derniers mois et dès le lendemain de cette échéance électorale, les prolétaires verront leurs conditions de vie et de travail se détériorer encore plus fortement et rapidement. La bourgeoisie cherche à gagner du temps pour repousser les échéances de confrontations plus massives avec le prolétariat. Elle  est amenée de plus en plus à trouver des parades idéologiques et à déployer le maximum d’efforts pour freiner la prise de conscience de la faillite du système capitaliste au sein de la classe ouvrière.  Comme nous l’écrivions le mois dernier dans notre presse en France et au Pays Bas, «le résultat de ce vote ne changera pas quoi que ce soit à l’intensification des attaques anti-ouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales, à l’accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l’amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial».

Face à l’angoisse de l’avenir qui est au cœur des préoccupations ouvrières actuelles, la réponse n’est ni sur le terrain électoral ni de la démocratie, il est dans le développement de la lutte de classe, le seul terrain sur lequel les ouvriers peuvent répondre aux attaques de la bourgeoisie.

Wim &Lac/ 6.06.05

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  • Europe [8]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [9]

Internationalisme no.320

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A la mémoire du camarade Mauro

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Nous avons appris le décès à la suite d'une longue maladie de Mauro Stéfanini, militant parmi les plus anciens et les plus dévoués de Battaglia Comunista, lui-même fils d'un vieux militant de la Gauche italienne. Nous tenons à publier ci-dessous quelques extraits du message de solidarité que le CCI a immédiatement adressé aux militants du BIPR ainsi que des passages de la réponse de remerciement que nous a faite un militant du BIPR au nom de son organisation.

Courrier du CCI

Camarades,

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès du camarade Mauro. (...) Sa vivacité et son contact chaleureux vont manquer aux militants de notre organisation qui le connaissaient personnellement.

Mais il existe deux autres raisons pour lesquelles son décès nous affecte particulièrement. En premier lieu, nous ressentons la disparition de Mauro comme une perte pour la classe ouvrière. Évidemment, ses qualités personnelles, notamment ses capacités comme orateur et rédacteur y sont pour quelque chose. Mais ce qui pour nous est le plus im-portant, c’est son engagement et son dévouement militant. Un engagement et un dévouement qu’il a maint-enus alors que la maladie était en train de gagner le combat.

En second lieu, nous n’oublions pas que Mauro était le fils de Luciano, un membre de la Fraction italienne pour qui notre camarade MC avait une grande estime pour son dévouement, mais aussi pour sa lucidité puisqu’il fut un des premiers au sein de la Fraction à comprendre pleinement les implications de la période historique ouverte par la Première Guerre mondiale sur la question fondamentale de la nature des syndicats. Une des conséquences de la terrible contre-révolution qui s’est abattue sur la classe ouvrière après l’échec de la révolution mondiale, c’est la presque disparition d’une tradition très vivace dans le mouvement ouvrier du passé : le fait que beaucoup d’enfants (comme les filles de Marx, le fils de W. Liebknecht et beaucoup d'autres encore) reprenaient le flambeau de leurs parents concrétisant ainsi la continuité du combat prolétarien entre les générations. Mauro fut un des très rares à poursuivre cette tradition et c’est un élément supplémentaire de notre sympathie pour lui. (...)

C’est pour cela que vous pouvez croire, camarades du BIPR, en l’absolue sincérité de notre solidarité et de nos salutations communistes.

Réponse du BIPR

Camarades,

Au nom du BIPR, je voudrais vous remercier pour l'expression de votre solidarité à la suite de la perte gravissime du camarade Mauro. Effectivement, comme vous l'avez dit, c'est pour nous une disparition très douloureuse : par ses dons d'humanité, par sa passion et son dévouement envers la cause du prolétariat, Mauro était un camarade comme il est rare d'en trouver. Son être communiste était, si on peut dire,"inscrit" dans ses gènes : non seulement parce qu'il venait d'une famille qui a tant donné à la cause du commu-nisme, mais surtout parce que son esprit se rebellait instincti-vement à la moindre manifestation d'oppression et d'injus-tice. Il ne sera pas facile de combler le vide politique qu'il laisse, il sera impossible de combler le vide humain. (...)

En vous remerciant à nouveau, nous vous adressons nos salutations communistes.

Conscience et organisation: 

  • La Gauche Italienne [10]

Courants politiques: 

  • TCI / BIPR [11]

Campagne sur la constitution européenne: mensonge et mystification pour cacher les attaques

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A travers le référendum, la bourgeoisie française, par son aile de gauche (gauche du PS et extrême gauche) a réussi à attirer une grande partie de la classe ouvrière sur le terrain électoral et démocratique. Elle ne peut que se réjouir de cette victoire momentanée sur le prolétariat. Pourtant tout a été fait par la bourgeoisie en France et dans les principaux pays européens pour faire accepter la constitution, qui se révélait être d’une très grande importance, notamment pour la bourgeoisie française et allemande.

Si celle-ci n’a pas été adoptée, la faute en revient dans sa totalité à la clique Chirac et au Président de la République lui-même. Le gaullisme, issu de la Seconde Guerre mondiale, est depuis longtemps inadapté à la défense optimale du capitalisme français. La décomposition de la société n’a fait qu’accentuer ce phénomène tout en poussant chaque fraction bourgeoise à défendre toujours plus ses propres intérêts au détriment de l’intérêt national. Face à l’ampleur du rejet de la politique d’austérité du gouvernement Raffarin, de la colère et du mécontentement et malgré tous les efforts des partis gouvernementaux en France, droite et direction du PS confondues, appuyés par les plus importants hommes politiques européens, le "Non" ne pouvait que l’emporter. Une crise sans précédent (au cours de la Ve République) était ainsi ouverte tant dans l’appareil politique français, que sur le terrain de la construction de la Communauté Européenne.

La crise de la bourgeoisie Française

Dès le lendemain du référendum, nous avons eu droit à la constitution d’un nouveau gouvernement concocté par M. Chirac en personne. Le prolétariat pouvait être content, il avait été entendu. Il a eu droit a deux premiers ministres pour le prix d’un seul. A peine formé le gouvernement apparaît pour ce qu’il est : un lieu où s’exprime pratiquement, ouvertement la guerre sans merci que se livrent les différents clans et leaders d’une droite en plein chaos. Mais ce qui est nouveau en France, c’est que le Parti Socialiste est à son tour rattrapé par les effets de la décomposition. Laurent Fabius jusqu’ici considéré comme étant un homme d’Etat, a tout simplement, à propos du référendum, fait passer son propre intérêt personnel au détriment de tout autre considération, sans aucun souci de la défense du capital français.

Pourtant, le Parti Socialiste et notamment sa direction, à l’exception notable de Fabius, a été le Parti le plus impliqué dans la défense du "Oui". De ce fait, la secousse du rejet de la Constitution ne pouvait qu’y être particulièrement marquée. En terme purement électoral, la minorité d’hier autour du "Non" est devenue aujourd’hui majoritaire, alors que la direction du Parti Socialiste se trouve dans une position exactement contraire. La politique de la direction du Parti Socialiste (Hollande, Strauss Khan, Lang) voulant donner une nouvelle impulsion en matière européenne, a tout simplement été rejetée. Fabius, aujourd’hui écarté de la Direction, mais légitimé électoralement en tant que défenseur du "Non", n’a pas manqué de se faire entendre, réclamant, par l’intermédiaire des fabiusiens: "Pourquoi pas un changement de stratégie, voire de direction, à deux ans de la Présidentielle de 2007 ?" Comme l’affirme Le Monde du 30 mai 2005 : "Année de son centenaire, le PS entre donc en crise….François Hollande affaibli et discrédité, Lionel Jospin retiré des affaires (jusqu’à quand ?) et Laurent Fabius renforcé mais mal aimé dans le Parti."

Strauss Khan, annonçait la couleur en affirmant publiquement : "Je ne suis pas sûr que Fabius souhaite continuer avec nous." Si la gauche du PS semble aujourd’hui ne pas vouloir jeter de l’huile sur le feu, cela n’a pas empêché Mélanchon de déclarer sur la chaîne LCI : "Le candidat du PS aux prochaines élections présidentielles en 2007 ne pourra pas être un homme ou une femme qui ait soutenu le "Oui" au référendum." La guerre des leaders ne pourra sans doute finalement pas être évitée au sein de ce parti. Mais la crise du PS ne s’arrête pas seulement à la guerre des chefs, elle prend aujourd’hui toute son ampleur, par le rapport existant entre les thèmes idéologiques et politiques défendus par la Direction du PS et le rejet massif de ceux-ci, venant non seulement des électeurs traditionnels du PS, mais aussi de la majorité de l’électorat.

La crise de la bourgeoisie française est telle aujourd’hui, qu’aucune fraction de droite ou de gauche n’est en mesure de représenter une réelle crédibilité gouvernementale, tant sur le plan national, qu’international. C’est l’Etat français, l’Etat de la classe dominante, garant et défenseur des intérêts de la bourgeoisie, qui se retrouve actuellement affaibli. Cependant, il serait faux et dangereux pour la classe ouvrière de se laisser endormir par la crise présente des forces politiques bourgeoises. Celles-ci vont nécessairement réagir, et notamment au sein du PS, afin de tenter de reconstruire une unité gouvernementale, autour d’un projet politique crédible : même difficile et compliqué, ceci est un impératif pour la bourgeoisie française. Enfin, la classe capitaliste vient de montrer, grâce au front uni de gauche pour le "Non", sa capacité à utiliser ses propres faiblesses contre le prolétariat.

La crise de l’Union européenne, une montée des tensions impérialistes au cœur du capitalisme mondial

Courrier International du 16 juin 2005, commente en ces termes l’état actuel de l’Europe : "L’Union européenne est en crise, et le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement s’annonce particulièrement délicat." Le journal espagnol ABC renchérit : "Sous la double menace d’une crise politique et économique les dirigeants des 25 tentent à Bruxelles de sauver l’Union européenne, d’une des situations les plus complexes de ces dernières décennies." Enfin pour La Libre Belgique :  "L’atmosphère est délétère entre les puissances européennes". Pour le prolétariat, il est important de comprendre ce qui alarme ainsi les médias et journalistes bourgeois, ce qui se passe actuellement, réellement sur le terrain européen.

Contrairement à ce que nous rabâche la bourgeoisie, l’Europe n’est pas un havre de paix, destiné à travailler pour la paix dans le monde. Il n’y a qu’à se plonger rapidement dans son histoire pour s’en convaincre. La Constitution de la Communauté Européenne trouve ses racines dans l’immédiat après Seconde Guerre mondiale. L’Europe sera alors financée et soutenue politiquement par les Etats-Unis pour faire face au danger représenté par le bloc soviétique nouvellement constitué. Cette première construction européenne s’est faite en premier lieu sur un terrain économique, avec différents organismes tels la CEE en 1957 (Communauté Européenne Economique). Mais c’est en tant qu’enjeu principal des rivalités impérialistes à l’échelle mondiale que les péripéties de la construction européenne prennent tout leur sens. La France rejettera à deux reprises la candidature de l’Angleterre à la CEE en 1963 et 1967, parce que ce pays est considéré comme le fer de lance de la politique américaine en Europe. Les rivalités impérialistes, qui concernent chaque Etat européen et de grandes puissances mondiales comme les Etats-Unis, ont fait que l’Europe ne pouvait être qu’un espace essentiellement économique, une zone de libre échange, qui se dotera ultérieurement d’une monnaie unique, l’Euro. Cette politique a permis ainsi aux pays d’Europe de développer une défense plus efficace de leurs économies, dans le cadre d’une concurrence mondiale acharnée. Cependant, la possibilité de construire les Etats-Unis d’Europe a toujours été un mythe. Le capitalisme n’a jamais été en mesure de défaire les nations d’Europe, pour construire une sorte de Super Nation Européenne (Voir l'article "L’élargissement de l ‘Europe"dans la Revue Internationale n°112.)

A partir de l’effondrement du Bloc de l’Est, la donne impérialiste va fondamentalement changer. L’éclatement du Bloc Américain, en pleine période de décomposition de la société capitaliste, va entraîner un développement des tensions où chaque Etat va jouer son propre intérêt, en dehors de toute alliance stable et durable, même l’alliance de l’Angleterre et des Etats-Unis n’échappera pas à cette réalité. L’élargissement de l’Europe vers l’Est qui, économiquement, n’a pas une grande importance, atteste par contre du renforcement des enjeux géostratégiques que représente ce continent pour les rivalités impérialistes, comme l'a déjà illustré la Guerre des Balkans. Créé en 1949, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), alors organisation permettant de structurer la lutte du bloc américain contre le bloc soviétique, va connaître en 2002 un élargissement lourd de signification politique. De 19 membres, l’organisation passe à 26, avec l’entrée de 7 pays appartenant antérieurement au bloc soviétique : après la Hongrie et la Pologne en 1999, suivent la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Un élargissement qui n’a bien sûr aucun sens, si on le comprend comme le renforcement d’une organisation destinée initialement à combattre un bloc qui main-tenant n’existe plus ! De fait le rôle de l’OTAN a évolué. Toujours contrôlé par les Etats-Unis, il fait partie maintenant de l’arsenal de la politique impérialiste des Etats-Unis, en Europe contre la France et l’Allemagne. L’entrée dans l'Union Européenne de ces pays d’Europe de l’Est, peu de temps après leur intégration dans l’OTAN, permet au Herald Tribune d’écrire : "Washington est le grand gagnant de l’élargissement de l’Union Euro-péenne…Selon un officiel allemand l’entrée dans L’Union Euro-péenne de ces pays fondamentalement pro-américain d’Europe centrale et orientale, signifie la fin de toutes tentatives de l’Union de se définir elle même, ainsi que sa politique étrangère et de sécurité, comme alignée contre les Etats-Unis." Pour les mêmes raisons l’Etat américain a tenté d’accélérer le processus d’intégration de la Turquie à l’Europe : ce pays étant pour le moment une base avancée des Etats-Unis au Proche Orient.

Pour sa part, l’impérialisme allemand ne pouvait pas rester sans réagir devant cette offensive en direction de pays considérés comme faisant partie de sa zone historique d’influence.

 C’est depuis quelque temps déjà que l’Allemagne travaille à son rapprochement avec la Turquie et certains pays d’Europe Centrale. La Constitution européenne, défendue très fermement par l’Allemagne, la France et l’Espagne, tout en étant reliée à des préoccupations économiques, se voulait en premier lieu le moyen d’affermir le pouvoir du couple franco-allemand dans cette Europe élargie.

L’Allemagne cherchait ainsi à s’affirmer en Europe de l’est et orientale, ce qui ne pouvait qu'irriter Paris qui n'était pas en mesure de conquérir nulle part une influence équivalente et se trouvait condamnée à un affaiblissement relatif face à son puissant allié. Dans cette zone du monde où s'expriment de la façon la plus concentrée les tensions inter-impérialistes, l’échec de la Constitution ne pouvait que fortement favoriser une période de crise grave et d’accélération brutale de ces mêmes tensions.

L’échec du Sommet de Bruxelles : la crise de l’Union européenne s’amplifie

Pour le Financial Times : "L’heure est bien à la confron-tation." Le président en exercice de l’Union Européenne le luxembourgeois M.Junker ne pouvait que déclarer amèrement le 18 juin dernier, suite à l’échec total du sommet européen : "L’Europe est dans une crise grave." Le budget européen est en panne. Comme le dit Courrier International du 16 juin : "Au final, le Royaume- Uni a estimé que la déclaration soumise par la présidence ne fournissait pas les garanties nécessaires." Puis, citant Tony Blair, qui a riposté aux attaques de la France et de l’Allemagne en matière budgétaire : "Nous devons changer de vitesse pour nous adapter au monde dans lequel nous vivons"…. "C’est un moment de renouveau."

De renouveau, il n’y en aura pas. Par contre, ce qui est vrai et nouveau, c’est que la bourgeoisie en Europe commence à défaire ce qu’elle a eu tant de mal à construire : l’espace économique européen, l’Union Européenne.

En fait de renouveau, nous assistons, en matière économique, à une montée irrationnelle des revendications nationales au détriment du niveau de cohérence atteint jusqu’ici. Comme l’affirme le Financial Times : "A l’instar de l’Allemagne qui ne veut plus être la vache à lait de l’UE, comme ce fut le cas lors du sommet de Berlin de 1999, cette fois ci, les pays qui ont le dessus dans le débat sur le budget européen ne sont pas les plus pauvres, mais ceux qui paient la note. Avec l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni, la France, les Pays-bas et la Suède demandent une réduction du budget qui pourrait s’élever au moins à 800 milliards d’Euro pour la période 2007/2013…" (Cité par Courrier International le 16 juin 2005.) Chacune des principales puissances économique de l’Europe refuse dorénavant de payer pour ce qu’elles considèrent être l’intérêt des autres pays de l’UE. Malgré celle-ci, depuis 10 ans, la concurrence s’est accélérée entre ces divers pays. L’incapacité à se doter d’une gouvernance politique en Europe, sous les effets de la décomposition, du chacun pour soi et donc des antagonismes économiques et politiques entre chaque nation, détermine l’existence et l’ampleur de la crise actuelle dont l’échec du référendum a été un formidable accélérateur. Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, la crise actuelle n’est pas due à l’intransigeance de Tony Blair en matière budgétaire, pas plus qu’à la classe ouvrière qui a voté "Non" au référendum.

Cette crise en Europe correspond à l’incapacité pour la bour-geoisie de faire face à l’approfondissement de la décomposition, à la faillite historique de son propre système. En cédant devant les impératifs économiques immédiats et égoïstes, c’est l’espace économique européen qui est fortement affaibli, la capacité de se donner des règles communes de fonctionnement permettant de s’organiser face à la concurrence économique venant d’Amérique ou d’Asie. Sur un plan économique, tous les pays capitalistes européens, à des degrés divers, seront perdants. Sur le plan impérialiste, la crise en Europe et l’affaiblissement du couple Franco-Allemand ne peut que profiter directement aux Etats-Unis et à l’Angleterre. La classe ouvrière doit se préparer à se confronter à la perspective du développement des tensions impérialistes et à un rythme accéléré de développement de la crise économique. La crise en Europe n’est qu’un pas de plus dans le chaos et la décomposition, dans le développement de l’irrationalité croissante du capitalisme.

Tino

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Crise de l'union européenne: Une manifestation de la décomposition capitaliste

Quelques jours avant le vote, chaque "électeur-citoyen" en France a reçu dans sa boîte à lettres le texte complet du Traité, un pavé tout simplement indigeste et illisible. C’est pourquoi, faisant œuvre de pédagogie et d’esprit démocratique, l’Etat y a joint sous forme de petite brochure le "Projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe" (1). En une dizaine de pages, les axes du Traité y sont exposés simplement. Après cette lecture très instructive, tout électeur était censé pouvoir répondre objectivement, en toute connaissance de cause et donc en toute liberté, à la question référendaire : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ?". OUI ou NON !

L’Union européenne, royaume des tensions impérialistes

Seulement, en réalité, ce texte est un tissu de mensonges. De la première à la dernière ligne, l’Europe y est glorifiée, le poison nationaliste et réformiste distillé.

"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, six nations marquées par l’horreur du conflit et l’expérience de la barbarie, ont décidé d’établir entre elles une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent…" ou encore "Pour une Europe qui soit davantage un pôle de paix et de stabilité dans le monde… " Mensonges ! Les différentes bourgeoisies européennes ne propagent pas la paix mais déchaînent au contraire la guerre partout sur la planète. Faut-il rappeler le déchirement de la Yougoslavie durant lequel la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont soutenu et armé différentes fractions, jouant ainsi chacune leur propre carte ? Sous couvert d’humanitaire, c’est la barbarie et les pogromes qu’elles ont attisés sans remord ni retenue. Et que dire de l’implication meurtrière de la France dans le génocide rwandais d’hier ou dans les massacres ivoiriens d’aujourd’hui ? Ce sont ces champions de la guerre, ces dirigeants dont les mains sont couvertes de sang qui osent parler de paix !

La classe ouvrière ne doit pas se laisser berner, l’Union Européenne n’a jamais eu et n’aura jamais pour but la paix. Tout au contraire, elle est une association de malfaiteurs, un regroupement de requins impérialistes (lire page 3). Cette nature profondément belliciste transpire d’ailleurs par tous les pores de ce Traité : "…le traité donne les moyens d’une politique extérieure active pour défendre nos intérêts face aux autres grandes puissances […]. Il jette les bases d’une coopération plus étroite en matière de défense […]. Une agence européenne de défense coordonnera les efforts d’équipement des armées nationales." Telle était effectivement la véritable raison d’être de cette nouvelle constitution. Il s’agissait, pour la France et l’Allemagne, de mieux se coordonner face aux Etats-Unis dans l’arène impérialiste mondiale. Nous sommes loin, très loin, de la volonté de "créer un espace de paix".

A l’intérieur même de l’Union, les rapports entre nations sont fondés sur la concurrence et la rivalité. "Au sein d’une Union réformée, le traité nous [comprendre la bourgeoisie française] permettra d’agir plus fortement encore, en particulier grâce au renforcement de notre place au Conseil des ministres, qui permettra à la France de peser davantage, avec 12% des voix contre 8% aujourd’hui." L’enjeu de la nouvelle Constitution était effectivement pour la France d’accroître son pouvoir au sein de l’Union.

Toutes les nations d’Europe attaquent la classe ouvrière

La classe ouvrière ressent dans sa chair, surtout depuis le début de ce siècle, une terrible accélération de la dégradation de ses conditions de vie. Partout dans le monde, et notamment en Europe, les attaques économiques pleuvent sur le prolétariat.

Face à cette réalité, la grossièreté des mensonges de la propagande étatiste en est presque ridicule. A en croire la bourgeoisie, l’Union Européenne serait un nouvel El Dorado. "Pour la croissance et l’emploi, des politiques économiques plus actives permettront de tirer le meilleur parti de la monnaie unique, afin d’augmenter le pouvoir d’achat et de stimuler nos exportations." Le meilleur reste à venir : "toutes les politiques européennes prendront désormais en compte les impératifs sociaux, l’emploi, la protection sociale, la lutte contre l’exclusion, l’éducation, la formation, la santé." Et quand y’en a plus, y’en a encore : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de protection sociale." Nous rappellerons simplement qu’au cours de ces dernières années un peu partout en Europe le "pouvoir d’achat" s’est effondré, les prix de l’immobilier se sont envolés, les systèmes de sécurité sociale, d'assurance chômage, de retraite sont progressivement démantelés…  La bourgeoisie partout en Europe nous promet plus de santé… elle ne cesse de réduire le nombre de lits et de personnels hospitaliers ! La bourgeoisie nous promet plus d’éducation… les effectifs de surveillants, conseillers d’orientation, infirmiers scolaires, personnel enseignant etc. fondent comme neige au soleil. La bourgeoisie en Belgique nous promet 200.000 emplois… elle s'acharne à organiser la chasse aux chômeurs. Egalement en Belgique, la bourgeoisie nous promet une meilleure protection sociale… pendant qu'elle se lance dans une attaque de grande envergure sur les retraites par sa note "vieillir activement" du ministre socialiste Van den Bossche formulant 67 propositions sans pareille pour sabrer drastiquement dans les retraites et les revenus des personnes en fin de carrière. Pour être plus conforme à la réalité, la bourgeoisie devrait donc plutôt écrire dans sa Constitution : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de précarité sociale ! "

Il est alors facile de comprendre que l’ensemble de ces attaques n’ont rien à voir avec telle ou telle politique de gauche ou de droite, ‘euro-sociale’ ou ‘euro-libérale’. Elles sont le fruit inévitable d’un système économique en faillite. Voter OUI ou NON n’avait donc aucun sens. C’était un faux choix, une fausse alternative proposée par la bourgeoisie et qui ne reposait que sur la tromperie.

Les nations européennes unies pour la répression ouvrière

Pour être juste, il y a au milieu de la fable que nous conte l’Etat une ou deux lignes sans contre-vérité. Les voici : "Une meilleure coopération entre les services de justice et de police… " et "Contre l’immigration clandestine, une politique commune renforcera les contrôles aux frontières… "

Alors que les nations européennes déchaînent la guerre dans les pays périphériques, elles s’organisent pour chasser l’ouvrier immigré hors de leurs frontières. Ceux qui préfèrent vivre dans la misère, et souvent l’exploitation clandestine, en Europe plutôt que de mourir de faim ou assassinés dans leur pays, ceux-là n'ont pas leur place dans cet "espace de paix, de démocratie et de prospérité (sic !). "

Et sous couvert de lutte anti-terroriste, les différentes nations européennes renforcent l’Etat policier. N’ayons aucun doute, la bourgeoisie n’aura aucune hésitation à employer l’ensemble de ces moyens répressifs contre toute la classe ouvrière quand le moment sera venu.

Le torchon qui fut distribué à chaque électeur en France est donc un amoncellement de mensonges grossiers et de manipulations idéologiques. Drapée des valeurs démocratiques, au nom du droit à l’information, la bourgeoisie a tenté de faire oublier à la classe ouvrière la réalité de son quotidien : une paupérisation croissante, une crise économique profonde et continue. Voilà le vrai visage de la démocratie !

Pawel&Ab / 21.06.05

(1) Toutes les citations sont extraites de cette brochure.

Géographique: 

  • Europe [8]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [7]

Elections en Allemagne: Stratégie électorale contre la classe ouvrière

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Après l’amère défaite subie par le SPD aux élections provinciales du 21 mai en Rhénanie du Nord (NRW), "bastion de la social-démocratie", le chancelier allemand Schröder et le leader du parti Müntefering ont annoncé que les prochaines élections générales auraient lieu à l’automne 2005, c’est-à-dire avec un an d’avance. Les partis d‘opposition chrétiens-démocrates et libéraux ont été unanimes pour saluer la décision de Schröder, déclarant que "chaque jour en moins qui est régi par la coalition des rouges-verts est un bon jour pour le pays". Les fédérations de patrons et les syndicats ont exprimé leur "soulagement" que les "Allemands" aillent eux-mêmes exprimer, dans les urnes, leur soutien ou leur rejet des "douloureuses mais nécessaires réformes économiques". A la Bourse de Francfort, on a parlé d’un "nouvel optimisme" que les élections de l’automne pourraient faire revenir, indépendamment de leur issue politique.

Comment expliquer cet enthousiasme unanime de la classe dominante pour des élections anticipées ? La coalition du SPD avec le parti des Verts a-t-elle si mal géré les intérêts de la bourgeoisie que celle-ci ne peut pas attendre une année de plus pour s’en débarrasser ? Le remplacement du gouverne-ment actuel, qui semble probable, conduira-t-il à un change-ment, par exemple sur la politique économique et sociale, comme l’annonce bruyamment l’opposition actuelle ?

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le chancelier veut de nouvelles élections. L'exercice du pouvoir ne se détermine pas uniquement à partir des grands scrutins nationaux mais aussi à travers certaines élections régionales et municipales.

Le SPD se voit écarté du pouvoir en NRW, dans une province qu’il a jusqu’ici gouvernée sans interruption depuis 39 ans. C’est sa neuvième défaite électorale consécutive. Face à un tel déclin électoral de la social-démocratie, sans équivalent dans l’histoire allemande récente, de nouvelles élections sont le dernier recours du chancelier pour éviter l’apparition de luttes ouvertes pour le pouvoir dans son propre parti. En fait, Schröder voit dans ces élections anticipées sa seule chance de rester en lice. Si les Chrétiens-Démocrates gagnent les prochaines élections provinciales de Rhénanie-Palatinat, ils pourront bloquer la plupart des initiatives législatives du gouvernement fédéral.

De plus, Schröder est assez réaliste pour savoir que ses chances d’être réélu cette fois encore sont faibles, et il est préoccupé de la façon dont il va partir. Ainsi, lorsqu’au début des années 1980, face à l’aggravation du chômage de masse et à la montée d’un fort mécontentement dans la classe ouvrière, le SPD a jugé nécessaire de retourner dans l’opposition, c'est l’aile gauche du parti qui a assumé la tâche de préparer le terrain pour faire passer les attaques anti-ouvrières. La façon dont le chancelier social-démocrate de l’époque, Helmut Schmidt, a été chassé du bureau politique par ses propres "camarades" est restée dans l’histoire avec la marque de la disgrâce. Schröder préférerait, comme son prédécesseur Kohl, être démocratiquement et "honorablement" désavoué par le vote.

Pour l’opposition, il n’est pas non plus difficile de voir pourquoi elle tient à des élections anticipées qui apparaissent particulièrement favorables pour les Chrétiens-Démocrates et les Libéraux. D’abord, l’impopularité du gouvernement de gauche - jusque dans l’électorat traditionnel social-démocrate - leur donne des raisons d’être optimistes. Mais cet optimisme est aussi fondé sur le constat que, ces derniers mois, de puissantes fractions de la bourgeoisie allemande ont poussé au départ du gouvernement de gauche. Ainsi, celles-ci se sont assurées que le parti écologiste, les Verts, et leur figure principale, le ministre des affaires étrangères Fischer, soient discrédités. Cela s’est fait grâce à "l’affaire des visas", attaquant le ministre des affaires étrangères à travers la question d’une remise trop "libérale" de visas, accordée surtout à des Ukrainiens, et qui aurait ouvert les frontières à un "flot de criminels".

Cependant, aujourd’hui, la politique impérialiste n’est pas le facteur déterminant de la décision d’avancer les élections générales, ni du gouvernement qui sortira des élections. Il est à présent clair que "l’affaire des visas" a surtout une dimension électorale. Par exemple, elle permet aux Chrétiens-Démocrates de se présenter comme les protecteurs "vigilants du pays contre les criminels étrangers" et de prendre ainsi des voix à l’extrême droite. Mais surtout, elle contribue grandement à sceller le destin de la coalition rouges-verts, donnant à Schröder la justification nécessaire pour appeler à des élections générales.

Le retour de la question sociale

Comme nous le disions au début de cet article, il est frappant aujourd’hui que non seulement les partis politiques directement concernés, mais toutes les forces principales de la bourgeoisie allemande aient chaudement salué ces élections. Et, alors que le comportement des politiciens s’explique aisément par leur intérêt d’aller au pouvoir, c’est moins évident pour les capitaines d’industrie, les patrons syndicaux, les chefs d’Eglise ou les boursicoteurs. Après tout, le pouvoir de ces élites au sein de l’Etat (sans parler des chefs militaires ou des services secrets qui ne donnent pas leur opinion en public) ne dépend pas de l’existence d’un gouvernement de gauche ou de droite à Berlin. Il est donc évident que l’organisation de nouvelles élections est devenue une affaire au cœur des fractions centrales de la bourgeoisie allemande dans son ensemble, et qu’on ne peut l’expliquer seulement par des calculs politiciens de partis.

La nouvelle situation politique est liée à la situation économique, à l’exacerbation de la crise capitaliste. Ce qui est partiellement en jeu, c'est le maintien ou la reprise de la confiance des investisseurs. La bourgeoisie allemande veut démontrer au monde que les "réformes économiques" (c’est-à-dire les attaques massives contre la classe ouvrière) vont continuer sans ralentir, et même vont s'accélérer. Il n’y aura pas "d’année perdue" ni de "blocage mutuel" des forces politiques jusqu’en 2006.

Mais le simple fait qu’aucun doute ne s’est manifesté sur le fait que le "cours des réformes" se poursuivra - indépendamment de l’issue électorale - nous montre que ce qui est en jeu n’est pas un changement de la politique en cours. Si les rouges-verts finissent par être chassés du pouvoir, ce n’est certainement pas parce que la bourgeoisie est mécontente de leur politique économique, ni parce que l’opposition aurait une alternative à offrir. Ce que les Chrétiens-Démocrates et le FDP ont à proposer n’est que la continuation de ce que le gouvernement Schröder-Fischer a fait pendant sept ans, à savoir ce que chaque gouvernement dans le monde fait aujourd’hui.

Alors, pourquoi toute cette agitation et cette soudaine précipitation ? La bourgeoisie allemande réagit aujourd’hui réellement à un facteur nouveau et significatif de la situation sociale. Ce facteur nouveau n’est pas la crise économique en tant que telle. Cette crise chronique mondiale, en développement incessant, qui est insolvable dans le capitalisme, s’étend et s’approfondit depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est que la question sociale, le problème des conséquences de la crise pour les ouvriers, pour la classe productrice et exploitée, est revenue au centre de la vie de la société. Cette question sociale a été laissée de côté avec les évènements de 1989, lorsque la faillite du stalinisme servait à crédibiliser le mensonge selon lequel le capitalisme avait gagné une victoire finale, cherchant à enterrer définitivement la classe ouvrière. L’apparition des illusions des années 1990 – la nouvelle économie, le boom de la Bourse, la révolution informatique – a contribué à étendre cette écume d’illusions. Mais les souffrances grandissantes de la classe ouvrière, en particulier à travers le développement grandissant du chômage de masse, ont de plus en plus évacué ces illusions. Aujourd’hui, non seulement dans la périphérie du capitalisme, mais au cœur du système, dans les supposés bastions de l’Etat-providence comme l’Allemagne, la France ou l’Italie, de larges couches de la population ouvrière se sentent immédiatement menacées par le chômage et la paupérisation. En Allemagne, le chômage officiel a dépassé le cap des 5 millions. Cette multitude de chômeurs réveille dans les mémoires la crise économique de 1929. Dans ce processus, les couches de la population qui étaient jusqu’ici considérées comme bien payées et hautement qualifiées sont touchées par l’inquiétude. Ainsi, dans les semaines récentes, les médecins hospitaliers d’Allemagne ont défilé dans la rue et le personnel d’Agfa a découvert que la compagnie s’était retrouvée en banqueroute en une nuit. Aux yeux du monde, dans la conscience des prolétaires eux-mêmes, la question sociale est de retour. Cela oblige la classe dominante à réagir.

La signification du chômage de masse

Dans un pays comme l’Allemagne, où une augmentation particulièrement brutale du chômage de masse vient d’avoir lieu, la classe dominante doit essayer d’effacer jusqu’aux impressions naissantes qu’il n’y a pas de solution à ce problème dans le capitalisme. Elle doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour créer le sentiment contraire. Elle doit prétendre qu’il existe de meilleures recettes pour dépasser le problème.

Les nouvelles élections constituent une des réponses de la bourgeoisie au danger que la classe ouvrière reconnaisse, ou même suppose, la banqueroute du système capitaliste. Là se trouve l’essence du travail salarié –qui le distingue radicalement des formes précédentes d’exploitation : les exploités peuvent acquérir des biens pour vivre tant qu’ils peuvent être exploités avec profit. Les travailleurs salariés ne sont pas forcés à travailler par l’usage de la violence, mais sont au contraire obligés de rechercher eux-mêmes leurs exploiteurs pour pouvoir survivre. Il est vrai que la bourgeoisie a appris au cours du 20e siècle, face au chômage de masse de plus en plus permanent, à mettre en place des systèmes d’assurance dirigés par l’Etat, afin d’éviter le développement d'une prise de conscience naissante dans la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, sous la pression de la crise, la bourgeoisie est contrainte de réduire radicalement ces systèmes d’assurance précisément au moment où le chômage est devenu plus massif et plus permanent. Le développement de la crise pousse ainsi les exploités à ouvrir les yeux sur les réalités de la société de classe.

Cependant, il ne faut pas négliger ce fait que, à travers les manœuvres électorales, les exploiteurs ont gagné du temps afin d’attaquer cette conscience naissante dans le prolétariat. Si, contre toute attente, la coalition rouges-verts était réélue, il lui serait au moins possible de revendiquer que la majorité de la population a elle-même "admis" la nécessité de "réformes". Si le gouvernement est désavoué, la bourgeoisie pourra donner une nouvelle chance à des réformes plus "conséquentes" du nouveau gouvernement. Et en même temps, la social-démocratie (le SPD et les syndicats) – de façon plus crédible qu’aujourd’hui en tant que force de gouvernement – pourra revenir au récent "débat sur le capitalisme" lancé par le chef actuel du parti Franz Müntefering, ravivant les illusions sur la possibilité de limiter le chômage grâce à la limitation par l’Etat de ce qui est appelé la "globalisation" (c’est-à-dire une politique autarcique comparable à la période de préparation à la Seconde Guerre mondiale). Et dans le même temps, on peut compter sur l’ex-patron du SPD, Oskar Lafontaine, qui a quitté le SPD afin de créer une nouvelle alliance électorale d’aile gauche avec le PDS (resucée de l’ancien parti stalinien qui avait gouverné l’Allemagne de l’Est) sur une position "anti-globalisation". Cette initiative semble en fait destinée à réduire encore les espoirs de réélection de Schröder.

La démocratie, arme principale du capital

Mais de nouvelles élections signifient, de plus, la mise en œuvre de l’idéologie démocratique contre le développement de la conscience, de la combativité et de la confiance en soi du prolétariat. La bourgeoisie sait que le mécontentement monte parmi les ouvriers, les employés et les chômeurs. Elle est aussi consciente que les ouvriers ont pour le moment des difficultés considérables à rentrer en lutte du fait du manque de sentiment clair d’appartenir à une seule classe, du manque de confiance en leurs propres forces, du sentiment de vulnérabilité face au chantage du chômage.

Ici, la bourgeoisie cherche à faire de ces élections un moyen apparemment plus efficace et plus facile pour que les exploités expriment leur indignation et leur insatisfaction. Au lieu de tenir des meetings de masse, d’aller dans la rue ou de se mettre en grève, on leur propose de voter pour "virer" le gouvernement. C’est ainsi que la démocratie travaille. Le gouvernement, ou un parti particulier, agit en paratonnerre qui déclenche la colère de la population. En permettant à celle-ci de le "punir" de cette façon, une lutte ouvrière indépendante est évitée. Pour ne pas laisser la maturation de l’indignation et la solidarité se développer dans la classe, la bourgeoisie cherche à transformer ces sentiments en une réaction de vengeance aveugle, satisfaite de "faire payer" un coupable. Pour éviter que le prolétariat ne sente sa propre force en tant que classe, la bourgeoisie pousse à atomiser les ouvriers dans les isoloirs, où ils sont réduits à un rôle de citoyens au service de l’Etat.

La bourgeoisie veut nous faire croire que cela servira les intérêts ouvriers de "punir" le SPD ou le gouvernement. Mais la règle de l’alternance démocratique des partis au pouvoir veille à ce que cette "punition" ne porte toutefois pas atteinte aux intérêts de l’Etat. Ainsi, la politique du gouvernement actuel sera continuée par ses successeurs. Pour la classe ouvrière, l’enjeu n’est pas de "punir" telle ou telle fraction ou homme politique, mais d’extirper les racines de sa propre exploitation, d’éradiquer la cause de ses souffrances et du manque de perspective pour l’humanité tout entière. Ce qui est nécessaire n’est pas la lutte contre des moulins à vent, contre de simples représentants ou symptômes du système, mais un combat conscient contre le capitalisme.

D’après Welt Revolution n°130, publication du CCI en Allemagne et en Suisse

Géographique: 

  • Allemagne [12]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [9]

Fête de Lutte Ouvrière 2005: L'extrême gauche sabote la réflexion politique

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Cette année, la grande kermesse annuelle de l’organisation trotskiste Lutte Ouvrière, qui s’est tenue les 14, 15 et 16 mai, dans le parc de son château de Presle en France, était placée sous le signe de la nouveauté. Et des nouveautés il y en a eu. La fête de LO a fait "peau neuve" et le résultat n’est pas passé inaperçu.

LO étouffe la réflexion politique

Alors, "quoi de neuf ?" : cirque ambulant, village dans les arbres, village médiéval (façon Puy du Fou)… mais surtout, clou du spectacle, le village des "pestiférés", ou autrement dit, la cité politique (celle abritant les stands et les forums où d'autres groupes peuvent en principe s'exprimer et qui sert chaque année de vitrine démocratique à l’organisation d’Arlette Laguiller). LO, sans doute soucieuse de prémunir les participants et autres visiteurs de sa fête contre toute contamination a procédé à une véritable mise en quarantaine de la politique, qui n’avait presque plus le droit de cité.

C’est ainsi que la cité politique, traditionnellement située à l’entrée de la fête, un lieu de passage incontournable, s’est vue déportée aux confins de l’endroit dans une forteresse quasi imprenable, tenant sur un mouchoir de poche, pour être remplacée sur l'ancien site par les joutes chevaleresques et les rôtisseries de sire Renault.

Les sympathisants de LO eux-mêmes ne s’y sont pas trompés comme on peut le lire dans certaines réactions sur leur site le "forum des amis de LO" : "l’aspect politique de la fête : j’ai trouvé que la répartition géographique des stands et forums était malvenue, surtout pour les groupes invités [cité politique], placées comme si on voulait les cacher. A mon avis, ça donnait l’impression que l’on voulait mettre de côté le côté politique de la fête…"

Observation juste mais incomplète toutefois. L'isolement et le parcage des discussions politiques dans un ghetto ne sont pas qu’une impression, mais relèvent ici d’une véritable entreprise de sabotage de la réflexion. De ce point de vue, le discours d’Arlette Laguiller, le 16 mai, n’en ressort que plus hypocrite : "nous pensons que le mouvement ouvrier doit être démocratique, accepter et favoriser les débats d’idées dans ses rangs… Que les discussions soient vives, que les idées s’expriment sans contraintes". LO a visiblement une définition très personnelle quant à la manière de "favoriser les débats"… "sans contraintes". En effet, au-delà de l’emplacement ridicule octroyé à la cité politique, qui à ce rythme va se retrouver suspendu dans les arbres, c’est avant tout la discussion et la réflexion politique que LO a cherché à confiner. Les sympathisants trotskistes, là encore, avouent avoir eu beaucoup de peine à localiser les forums de discussions organisés par LO. Pour cause, ils n’étaient pas si nombreux que cela. Et quand ils avaient lieu, c’était pour se dérouler dans des conditions dignes de l’Enfer de Dante, plongés dans le vacarme assourdissant des concerts et du cirque ambulant (d’où l’intérêt qu’il soit ambulant).

Le cordon sanitaire ainsi mis en place n’avait d’autre but que celui de "protéger" les jeunes militants de LO, ses sympathisants, ceux dont elle n’a pas encore fini totalement d'endormir l'esprit critique, et les éléments critiques en recherche de positions politiques présents à sa fête. Les protéger contre quoi ? L'approfondissement et l'élargissement de la maturation de leur questionnement quant à l’avenir de plus en plus cauchemardesque que nous promet le capitalisme et, finalement, la rencontre avec les positions révolutionnaires de la classe ouvrière (1). Celles là même que le CCI, et ses sympathisants, ont défendu, chaque fois que possible, lors de cette fête contre les mensonges déversés par Laguiller & co.

Le "réformisme" radical de LO

Le challenge aura été aussi pour LO d’endiguer les possibles interrogations suscitées par son positionnement dans le camps du "non de gauche" à propos du référendum sur la constitution européenne. On comprend, en effet, que LO soit gênée aux entournures par le fait de se retrouver sur la même ligne que celle de la LCR (organisation soeur du POS Belge), ATTAC, le PC ou une partie du PS, à savoir le camp des réformistes patentés et des partis de gauche qui au gouvernement n’ont jamais hésité à attaquer la classe ouvrière. C'est pourquoi une préoccupation majeure de LO, durant sa fête, a été de mettre une distance entre son "non" et celui de la "gauche réformiste" et antilibérale. C’est ainsi que LO, dans la plupart de ses forums, s’est égosillée à fustiger la rhétorique anti-libérale pour nous marteler que "ce n’est pas le libéralisme mais le capitalisme qu’il faut combattre". Mais derrière cette belle preuve de pseudo-radicalité  dont elle a le secret, LO fait passer, au bout du compte, les mêmes mystifications et sert à la classe ouvrière la même soupe réformiste que les altermondialistes ou les anti-libéraux. C’est la même mixture qui consiste, ni plus ni moins, qu’à dédouaner le capitalisme, faire croire au prolétariat que, si le monde est à feu et à sang, s’il sombre dans toujours plus de chaos et de misère, ce n’est le fait que d’une simple dérive…la dérive néo-libérale dont les responsables sont les patrons bien gras qui font des profits et licencient quand même ou pour reprendre les expressions d’Arlette Laguiller "les grands patrons qui ont un portefeuille à la place du cœur".

Quand ATTAC, organisation phare de l’altermondialisme, nous dit dans sa plateforme que c’est "la mondialisation financière [qui] aggrave l’insécurité économique…" c’est trait pour trait le même discours que tient LO. Ainsi, lors de son forum consacré aux délocalisations, ses militants nous soutenait mordicus que l’économie capitaliste se porte comme un charme et réalise un tas de profit, l'unique problème étant "la dictature des actionnaires".

Dès lors, comme la Fondation Copernic (succursale du PS) qui appelle en votant "non" à la constitution européenne à "remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait à l’envers", LO veut nous faire avaler qu’un autre monde… capitaliste est possible. "… les profits sont en hausse…Mais à quoi leur sert ce profit ? A investir dans des usines ? Dans des machines nouvelles ? A créer des emplois ? Non ! Uniquement à enrichir les actionnaires…" Lutte ouvrière n°1908. Que faut-il en conclure ? Et bien "halte à la dictature des actionnaires", "interdisons les licenciements", "réquisitionnons les entreprises qui font des profits et licencient quand même" et rebâtissons un monde nouveau…à savoir un capitalisme mieux régulé et plus moral où les profits servent à acheter des machines et créer des emplois ! Voilà le salmigondis idéologique que nous sert LO et qui trouve entièrement sa place dans l’agitation anti-libérale pour dévoyer la réflexion des ouvriers alors que l'évolution de la situation les pousse à une critique plus radicale du système.

LO dit ne pas vouloir côtoyer des "antilibéraux" et "d’anciens ministres socialistes comme Emmanuelli et Mélenchon qui ont soutenu le gouvernement Jospin…" pourtant, comme les interventions du CCI, lors de la fête, l’ont largement mis en avant, c’est bien dans ce camp, celui de la gauche du capital, que se situe LO.

C’est dans la même veine que, sur la question de l’Europe, à la manière de ses amis du "non de gauche", LO n’hésite pas à laisser entendre, notamment dans son forum "Leur Europe n’est pas l’Europe des travailleurs", que la construction européenne intéresse les ouvriers. Pour LO, non seulement cette dernière pourrait être plus "sociale" mais aussi représenterait d’emblée un pas vers le socialisme ! Ce que soutenait le militant de LO chargé de la présentation de la position de son organisation : "oui, il y a un intérêt pour les travailleurs à avoir une base économique unifiée parce que cela pose les bases économiques pour la société socialiste". Là encore, l’intervention du CCI a démontré qu’il n’y a rien de plus faux. Certes, c’est le capitalisme qui, en permettant un développement considérable des forces productives dans sa phase ascendante, au 19e siècle, a posé les bases objectives pour la réalisation de la société communiste. Ce que Marx appelait "la grande influence civilisatrice du capital" dans Le Manifeste communiste.

Mais cette période est révolue depuis que s’est ouverte celle de la décadence du capitalisme avec la guerre de 1914.

Ce qu’affirme avec force la IIIe Internationale dans sa plateforme : "une nouvelle époque est née : l’époque de la désagrégation du capitalisme, de son effondrement intérieur. L’époque de la révolution communiste du prolétariat." Depuis lors, le capitalisme n’est plus capable de faire progresser l’humanité mais au contraire fait planer au-dessus de sa tête la menace lancinante de son extermination.

LO, en insufflant l’idée que les ouvriers trouvent des éléments de progrès dans la société capitaliste et plus spécifiquement dans la construction de l’Europe, participe à les enchaîner aux seuls intérêts qui se trouvent ici en jeu, à savoir ceux des différentes bourgeoisies nationales.

Un éternel rabatteur

De même, en jurant que l’Europe est un enjeu pour la classe ouvrière, LO entend bien la rabattre vers les urnes référendaires.

Ainsi, quand LO dit : "Tout en défendant notre politique dans toutes les consultations électorales, nous continuons à affirmer que les changements essentiels pour les travailleurs ne sont jamais sortis des urnes" (allocution d’Arlette Laguiller le 14 mai), elle raconte aussi : "Alors, je dis et je répète à cette constitution nous voterons "non" et nous appelons à voter "non"" (allocution du 16 mai). En somme, le débat sur l’Europe concerne les ouvriers, voter ne changera pas leur condition mais surtout qu’ils votent ! Le secret de cet alambic trotskiste, nous le trouvons dans un autre forum de LO au titre interrogatif : "la classe ouvrière reste t-elle l’outil de la transformation sociale ?" Pour LO (comme pour l’ensemble de la classe dominante d’ailleurs) la réponse ne fait pas de doute, la classe ouvrière est bel et bien la classe révolutionnaire. Et c’est parce que LO a une conscience aiguë de ce rôle historique du prolétariat qu’elle cherche à tout prix à briser cette force en l’atomisant en autant de citoyens isolés et inoffensifs, emprisonnés dans les illusions réformistes et démocratiques de la distillerie électorale : "..il faut une contre offensive générale du monde du travail. Alors camarades, le 29 mai nous appelons à voter non" (allocution du 15 mai).

Alors, quand dans le même discours Laguiller ose dire "…qu’il ne faut pas nous laisser balader de référendum en élection, avec de faux espoirs qui ne peuvent que déboucher sur de nouvelles déceptions", nous ne pouvons que constater l’abîme d’hypocrisie dont est capable LO, elle qui depuis les présidentielles de 1974 est de toutes les élections pour faire la promotion des urnes.

Les interventions du CCI ont eu pour souci de dénoncer les mystifications électoralistes et réformistes colportées par LO contre la classe ouvrière ainsi que de mettre en avant la véritable origine de cette organisation aux antipodes de l’internationalisme et du camp prolétarien. Laguiller racontera évidemment le contraire: "je rappelle que le courant communiste dont nous nous revendiquons affirmait que l’unification de l’Europe était une nécessité à une époque où les hommes de gouvernement, les ancêtres politique de Chirac, désignaient encore l’Allemagne comme l’ennemi héréditaire de la France et que leurs semblables allemands en faisaient autant dans l’autre sens, préparant de part et d’autre ces deux guerres du siècle qui sont devenues des guerres mondiales !" (allocution du 14 mai).

C’est oublier facilement que les ancêtres politiques de Laguiller, le groupe Barta, désignaient pendant la Seconde guerre mondiale l’Allemagne comme "l’ennemi héréditaire" de l’URSS dans son tract Vive l’armée rouge ! du 30 juin 1941 et invitaient les ouvriers à donner leur vie pour la défense de la patrie stalinienne en rejoignant la Résistance : "Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement" (La lutte de classe n°24 du 6/02/1944).

Le preux chevalier révolutionnaire que prétend être LO se révèle en fait un vrai Sancho Pança, serviteur du capital. La compréhension de cette réalité du trotskisme est pour le prolétariat un enjeu crucial pour l’avenir.

Azel / 25.05.05

(1) Voir aussi l'article dans Internationalisme n°319, Le refus de stand au CCI à la bourse du livre alternatif de Gand et d’Utrecht: "Si les organisateurs trouvent notre présence indésirable, c’est parce que des  éléments en recherche d’élargissement et d’approfondissement de leurs visions politiques, s’intéressent aux analyses de la Gauche Communiste, aux questions que nous posons et aux réponses politiques que nous apportons touchant des sujets d’intérêts pour la classe ouvrière et l’avenir de l’humanité. Ce que les organisateurs veulent en réalité, c’est empêcher qu’une confrontation honnête et ouverte des positions politiques ait lieu. Malgré leurs discours (faussement) libertaires, ils préfèrent se fier à leurs voisins staliniens et d’extrême gauche (pro- ou anti-staliniens) plutôt que de voir la Gauche Communiste trouver un écho pour une claire perspective de classe internationaliste."

Courants politiques: 

  • Trotskysme [13]

Réponse au Garas (2): Le syndicalisme de base ou "radical", une arme de la bourgeoisie

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Nous continuons notre réponse[1] aux positions exprimées par le GARAS[2] sur la question du syndicalisme de base ou "radical", en montrant en quoi le syndicalisme, "radical" ou non, a perdu aujourd’hui tout lien avec la lutte de la classe ouvrière pour devenir une arme de la bourgeoisie.

D’après le GARAS, les syndicats jouent un rôle négatif parce que "les bureaucraties syndicales qui ne remettent pas en cause le capitalisme sont contre nous dans cette lutte, ou ne se donnent pas les moyens de tenir le rapport de forces."  Pour le GARAS, avec la crise économique "le syndicalisme réformiste, de concertation sociale, de cogestion avec l’Etat et le patronat n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant.[3]" Bref, ce type de syndicalisme est révolu, il faut maintenant un syndicalisme plus efficace.

Le GARAS se fourvoie complètement en réduisant la critique des syndicats à celle de leur direction bureaucratique. Sa position sur le syndicalisme reflète l’absence de méthode, l’approche a-historique typique de l’anarchisme. La nature de classe d’un type d’organisation doit être examinée d’après son rôle dans les moments où les classes s’affrontent ouvertement. Et là, comme l’établit l’expérience de la classe ouvrière mondiale, il est nécessaire de faire la distinction entre les périodes historiques de l’ascendance du système capitaliste et de sa décadence depuis 1914. Depuis, le syndicalisme sous toutes ses formes, n’est plus une arme pour la classe ouvrière. "Il y a un aspect commun dans le développement ou, plus exactement dans la dégénérescence des organisations syndicales modernes dans le monde entier : c’est leur rapprochement et leur intégration au pouvoir d’Etat. Ce processus est également caractéristique pour les syndicats neutres, sociaux-démocrates, communistes et anarchistes. Ce fait indique que la tendance à s’intégrer à l’Etat n’est pas inhérente à telle ou telle doctrine, mais résulte des conditions sociales communes pour tous les syndicats.[4]"

Les syndicats, organes de la classe ouvrière dans la phase ascendante du capitalisme

Au 19e siècle, les syndicats ont été forgés de haute lutte par le prolétariat et formaient une organisation permanente de la classe destinée à permettre la résistance organisée face au capital. Les marxistes, à cette époque, ont toujours soutenu les syndicats, comme un pas important dans l’effort de la classe ouvrière pour développer sa solidarité, s’unir en vue de se constituer en classe qui défend ses intérêts face à la bourgeoisie. Les luttes du prolétariat s’orientent en vue d’obtenir des réformes durables pour l’amélioration de ses conditions de vie. Celles-ci sont conçues comme moyen de développer l’unité et la conscience de la classe en vue de la préparation à la lutte révolutionnaire pour la destruction de l’Etat bourgeois et de la société qui l’engendre. Les outils que se forge alors le prolétariat, notamment les syndicats, constituent un moyen d’action sur "le terrain de l’ordre social bourgeois" et correspondent à "une simple phase, un simple stade dans la lutte de classe prolétarienne globale dont le but final dépasse aussi bien, et dans la même mesure, la lutte parlementaire et syndicale.[5]" Alors que les anarcho-syndicalistes considèrent les syndicats comme la panacée pour la lutte des classes, et même comme l’organe de la révolution, les marxistes ont constamment souligné les limites du mouvement syndical : "tous ces efforts ne peuvent modifier la loi économique qui règle les salaires en fonction de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Autrement dit : ces associations sont impuissantes contre toutes les grandes causes qui déterminent cette offre et cette demande.[6]" Pour la classe ouvrière, classe exploitée, l’obtention de réformes ne peut pas signifier son affranchissement. Le sens réel de la lutte du prolétariat réside non dans l’aménagement de son exploitation mais dans la lutte pour la destruction de l’exploitation. Les marxistes luttent contre les tendances réformistes dans les syndicats qui tendent à réduire la lutte à la seule lutte économique, négligeant leur rôle politique "d’écoles du communisme" et oubliant la perspective de l’abolition du salariat : "Les syndicats ont envisagé trop exclusivement les luttes immédiates contre le capital. Ils n’ont pas encore compris parfaitement leur force offensive contre le système d’esclavage du salariat contre le mode de production actuel. C’est pourquoi ils se sont tenus trop à l’écart des mouvements sociaux et politiques généraux.[7]"

Le réformisme, mis à profit par la bourgeoisie, forme pour elle un "moyen beaucoup plus efficace que les mesures brutales et stupides[8]" pour entraver le mouvement du prolétariat vers le socialisme : ainsi en France avant 1870 : "les syndicats étaient poursuivis et frappés de sanctions draconiennes. Cependant, peu après que la Commune eut inspiré à la bourgeoisie une peur panique du spectre rouge, un brusque changement s’opéra (…)" ; la bourgeoisie, pour récupérer les syndicats, "commence à encourager le mouvement syndical, à faire pour lui une active propagande[9]" tant il est vrai que la seule lutte que la bourgeoisie craint vraiment est celle contre le caractère de marchandise de la force de travail.

Les syndicats,  instruments de la contre-révolution dans la phase de décadence du capitalisme

Avec l’entrée du système capitaliste dans son époque de décadence (avérée avec l’éclatement de la première guerre mondiale en 1914), qui ne permet plus l’obtention de réformes durables par le prolétariat, se dérobent sous les pieds du syndicalisme les fondements qui permettaient à la classe ouvrière d’en faire une arme contre la bourgeoisie.

L’année 1905 constitue une étape importante. De nouvelles formes de luttes adaptées à l’objectif révolutionnaire, et indiquant l’entrée de la lutte des classes dans une nouvelle phase, apparaissent : la grève de masse qui implique dans la lutte les larges masses du prolétariat et les conseils ouvriers, forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat : "Les soviets des députés ouvriers sont des organes de la lutte directe des masses. Ils ont été créés comme des organes de lutte par la grève. (…) ils sont rapidement devenus des organes de lutte révolutionnaire générale contre le gouvernement. Ils se sont irrésistiblement transformés (…) en organes insurrectionnels.[10]" Au même moment, les syndicats jouent de plus en plus un rôle de frein par rapport à la lutte des classes : en Allemagne "lorsque les mineurs organisèrent des grèves massives en 1889 et 1905, les syndicats ne furent pas à l’origine de ce mouvement. En 1905, ils tentèrent même de forcer les grévistes à une retraite prématurée (…)[11]" Alors que la classe ouvrière cherche à tirer les leçons de cette expérience fondamentale, le congrès des syndicats allemands de Cologne (mai 1905) condamne la grève de masse politique comme moyen pour la lutte des classes et appelle les ouvriers à s’opposer énergiquement à toute tentative faite pour la mettre en pratique. Parallèlement, une véritable haine du communisme se développe au sein des syndicats, dont les dirigeants déclenchent des campagnes de calomnies indignes contre les militants qui rappellent les limites objectives tracées par l’ordre social bourgeois à la lutte syndicale et défendent les buts finaux du mouvement ouvrier. L’enfoncement du système capitaliste dans sa décadence, interdisant de plus en plus nettement l’obtention de réformes durables, entraîne le surgissement du conflit ouvert entre le syndicalisme confiné dans les limites du capitalisme et la classe ouvrière qui, elle, doit regarder au-delà du capitalisme. La bureaucratisation qui submerge de plus en plus les syndicats ne résulte pas d’un problème d’autorité en leur sein, mais de la perte progressive de leur caractère prolétarien par ces organes.

L’antagonisme irréductible avec les intérêts de la classe ouvrière est scellé au cours de la première guerre mondiale, où les syndicats s’intègrent au capitalisme d’état, comme pièce maîtresse du dispositif étatique destiné à pérenniser la soumission du prolétariat aux intérêts de la bourgeoisie. Face à la guerre, les syndicats trahissent l’internationalisme en soutenant la politique d’Union sacrée de défense nationale, participent à embrigader le prolétariat dans le massacre impérialiste en réprimant toute opposition de sa part à celui-ci. Ensuite, face à la vague révolutionnaire des années 1920, ils s’affirment comme le principal rempart de l’Etat capitaliste. "Les syndicats sont employés par les chefs et par la masse de ses membres comme arme contre la Révolution. C’est par leur aide, par leur soutien, par l’action de leurs chefs et en partie aussi par celle de leurs membres que la révolution est assassinée. Les communistes voient leurs propres frères fusillés avec l’aide des syndicats. Les grèves en faveur de la Révolution, sont brisées.[12]" Pour imposer son pouvoir et renverser l’Etat capitaliste, la classe ouvrière ne peut désormais développer sa lutte qu’en dehors et contre les syndicats : syndicalisme et révolution prolétarienne empruntent des voies qui s’excluent complètement.

L’anarcho-syndicalisme :  une impasse pour le prolétariat

Le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme n’ont pas connu un sort différent du syndicalisme en général dans la décadence du capitalisme : celui de se transformer en outil aux mains de l’appareil d’Etat.

Les principes même du syndicalisme révolutionnaire qui prétend "bâtir la nouvelle société dans la coquille de l’ancienne" le condamnent à ne développer son action que comme un réformisme radical, c’est-à-dire à l’intérieur et sous l’emprise des lois du système capitaliste. En défendant l’autogestion, il défend en réalité l’auto exploitation des prolétaires. "Le syndicalisme révolutionnaire revient en fait à prôner la reconduite par les ouvriers de la propriété privée, la propriété privée d’un capitaliste devenant alors la propriété privée d’un groupe d’ouvriers, chaque usine, chaque entreprise, gardant son autonomie par rapport aux autres. Selon cette vision, la transformation à mettre en œuvre est si peu radicale que les mêmes ouvriers continueront à travailler dans les mêmes industries et, nécessairement, dans les mêmes conditions.[13]" Voilà une idéologie mystificatrice idéale pour permettre au capital de maintenir son système sur ses pieds !

Le refus de la politique "corruptrice" par le syndicalisme révolutionnaire et sa conception selon laquelle la lutte du prolétariat pour son émancipation ne peut avoir lieu que sur le terrain économique désarment complètement le prolétariat face aux moments décisifs que forment la guerre et la révolution : "Toutes les questions qui se posent entre 1914 et 1936 sont des questions politiques : quelle est la nature de la guerre qui éclate en 1914, guerre impérialiste ou guerre pour la défense des droits démocratiques contre le militarisme allemand ? Quelle attitude adopter face à la démocratisation des États absolutistes en février 1917 (Russie) et en 1918 (Allemagne) ? Quelle attitude adopter envers l’Etat démocratique en Espagne en 1936, ennemi bourgeois ou allié antifasciste ? Dans tous les cas le syndicalisme révolutionnaire se révèle incapable de répondre, et finit par sombrer dans l’alliance de fait avec la bourgeoisie.[14]"

L’anarcho-syndicalisme, de par sa composante anarchiste fondamentale, concentre à l’extrême les tares et les faiblesses de ce courant. Il s’est développé surtout dans les pays où dominaient les petites entreprises et où subsistaient de nombreuses structures précapitalistes et agraires (Italie, Espagne, France…). Né à l’époque de la 1ère Internationale parmi les artisans horlogers du Jura, l’anarcho-syndicalisme reste fortement attaché à l’idéologie petite-bourgeoise du petit producteur individuel. Si la conception de la lutte ouvrière comme celle de l’action non d’une classe mais d’une minorité agissante, le triomphe du particularisme d’une fraction de la classe au détriment de l’intérêt général de toute la classe, tout comme l’enfermement dans un localisme borné que suppose le fédéralisme, en constituent les principaux stigmates ; c’est cependant l’apolitisme anarchiste d’un "syndicalisme qui se suffit à lui-même" qui le caractérise par-dessus tout.

En France, le développement de l’opportunisme dans le parti socialiste restreignant la lutte ouvrière à la seule lutte parlementaire et conduisant à l’entrée d’un ministre socialiste au gouvernement en 1899-1901 a eu pour effet le renforcement dans le prolétariat de l’emprise des préjugés anarchistes qui voyaient dans la lutte pour des réformes et même dans toute lutte politique la source des dérives réformistes. Face à l’effort de la Seconde Internationale pour surmonter la crise réformiste et construire, en 1905, un parti socialiste unifié la CGT réplique, au nom du rejet de toute "théorie et plans préconçus", par la charte d’Amiens où elle déclare, en 1906, sa totale indépendance vis-à-vis de ce parti.

Le rejet de toute influence politique ne pouvait qu’affaiblir encore un peu plus le prolétariat. En lui interdisant de s’affirmer sur le plan politique, c’est-à-dire en le soumettant davantage à l’idéologie dominante, l’anarcho-syndicalisme condamnait le prolétariat à n’être que le jouet de la bourgeoisie. Finalement, face à la guerre, les principes moraux et les jugements de valeur de l’anarchisme (qui, entre deux maux, opte toujours pour le moindre, en l’occurrence le camp impérialiste le moins "autoritaire") et qui, en définitive, inspirent l’action de l’anarcho-syndicalisme, n’ont fait que rendre plus complet le naufrage de la CGT. En 1914 elle passe avec armes et bagages au soutien à la guerre impérialiste mondiale, contribue à embrigader le prolétariat sur le front et fournit à la République bourgeoise plusieurs de ses ministres pendant la guerre.

La nécessité dans laquelle va se trouver de plus en plus le prolétariat de développer sa lutte va l’amener à faire encore et encore l’expérience du sabotage de ces organes d’Etat que sont les syndicats. La réappropriation non seulement de ce qu’ils sont effectivement, mais aussi que le syndicalisme n’est plus une arme pour la classe ouvrière sera essentielle à terme pour le renforcement de la lutte des classes. Entamer aujourd’hui une telle réflexion engage l’avenir : pour ce faire il est impossible d’accorder sa confiance à des groupes tels que le GARAS qui prétendent apporter une alternative à la lutte des classes en ressortant une énième édition des mystifications pourvoyeuses d’illusions sur les syndicats pour lesquelles le prolétariat a déjà maintes fois payé le prix du sang.

Scott


[1] Voir Internationalisme n° 318. 

[2] GARAS (Groupement d'Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste),  c/o CNT-AIT, BP 31303, 37 013 Tours Cedex 1

[3] Lettre de liaison n°6, p.4 (publication du GARAS)

[4] L. Trotski, Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste, 1940 (Marxists.org).

[5] R. Luxembourg, Grèves de masses, parti & syndicats, Œuvres 1, Maspero, p.162

[6] F. Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, chapitre "mouvements ouvriers"

[7] Résolution du 1er Congrès de l’Association Internationale des Travailleurs, Genève, 1868.

[8] K. Kautsky, Le Programme socialiste, 1892

[9] R. Luxembourg, Introduction à l’économie politique, chapitre 5

[10] Lénine, La dissolution de la Douma et les tâches du prolétariat, 1906

[11] W. Abendroth, Histoire du mouvement ouvrier en Europe, p.62

[12] H. Gorter, Lettre ouverte à Lénine, 1920

[13] Revue Internationale n°118, article "Ce qui distingue le mouvement syndicaliste révolutionnaire".

[14] Idem

Courants politiques: 

  • Le syndicalisme révolutionnaire [14]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La question syndicale [15]

Togo: Derrière les luttes de cliques, les grandes puissances sèment le chaos

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Tout comme l’avait fait le père de l’actuel président des Etats-Unis au moment de la première guerre du golfe, promettant un "nouvel ordre mondial", les grands dirigeants de ce monde, réunis dernièrement à Moscou pour commémorer la capitulation de l’Allemagne, eux aussi, nous annoncent encore et toujours la "paix". Mais tous ces discours ne relèvent que de la propagande et du mensonge !

Les derniers événements violents au Togo, apportent un démenti supplémentaire aux prétendues politiques "de paix" des grandes puissances, en particulier celles qui entretiennent le mythe d’une "Europe pacifique", la France et l'Allemagne.

Il faut se rappeler que l'Allemagne et surtout la France se sont hypocritement présentées comme les chefs de file d'un "camp de la paix" pour s'opposer à la politique américaine lors de la guerre en Irak en 2003, alors qu'elles s'étaient elles-mêmes illustrées comme des fauteurs de guerre tout au long des années 1990. C'est afin de défendre ses propres intérêts aux dépens de la Serbie que  l'Allemagne a favorisé l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et provoqué le déclenchement de la guerre dans la poudrière des Balkans en poussant la Slovénie et surtout la Croatie à proclamer leur indépendance en 1991. La France devait pour sa part assumer un rôle tout aussi  criminel dans la région en couvrant en toute complicité et sous couvert de l'ONU les massacres et les exactions des troupes serbes à l'encontre de la population bosniaque dans le réduit de Srebrenica en 1993. Sur le continent africain, l'impérialisme français a multiplié des menées criminelles tout au long des années 1990 pour chercher à maintenir son influence déclinante et menacée. Après le génocide du Rwanda en 1994, qui avait fait plus de 500 000 morts, où la responsabilité directe de la France a été engagée via l’opération "Turquoise", les massacres à grande échelle dans laquelle l'impérialisme français a été impliqué, se sont développés dans la région des Grands Lacs, en Côte d'Ivoire, au Soudan et un peu partout en Afrique, comme par exemple en 2003, lorsque 60 000 personnes étaient assassinées en Ituri, sous le regard bienveillant des forces françaises au sein de l’ONU.

Aujourd’hui, plus que jamais, dans le cadre d’un monde sinistré, c’est le continent africain, totalement ravagé par la guerre, qui fait les plus grands frais des rapines et des mœurs de tous les gangsters impérialistes où chacun veut maintenir son influence au prix de chocs militaires de plus en plus violents.

C’est au tour du Togo d’être en proie à une forte désta-bilisation, plongeant la population dans la terreur.

La mort du général président Gnassingbé Eyadema, début février dernier, a été l’événement déclencheur d’affron-tements latents entre cliques bourgeoises togolaises près desquelles se sont exprimées directement les convoitises des puissances impérialistes rivales. Parmi elles, la bourgeoisie française a cherché à masquer ses objectifs politiques. Soutenue par des puissances locales (notamment le Ghana, le Burkina et la Libye), elle s’est aventurée à parrainer le fils du président "ami de la France" défunt pour tenter de renforcer sa présence localement. Ainsi, c’est appuyé par l’armée et par Paris que le jeune putschiste a pu ainsi se maintenir après son coup d’état, grâce au simulacre d’élections « démocratiques », pour tenter de contrer l’opposition et répondre formellement aux exigences de l’UA (Union Africaine) et du CEDEAO (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). La victoire de Faure Gnassingbé, reconnue officiellement par une cour constitutionnelle inféodée, correspond bien à un coup de force dans lequel l’armée a joué un rôle central : c’est elle qui a tenu les bureaux de vote et embarqué les urnes à la clôture des bureaux ! Et ce sont ces pratiques, assorties préalablement de pressions sanglantes sur les opposants, que la France a couvert en totalité de son autorité pour imposer son soutien « amical » au nouveau président fraîchement élu et très contesté dans le pays. Une configuration politique qui place néanmoins la bourgeoisie française dans une situation délicate pour résister à ses rivaux.

L’opposition, quant à elle, dont la coalition animée par Akitani Bob avait refusé les résultats des élections gagnées par son adversaire, fait l’objet d’une fermentation politique où les grenouillages ne masquent plus les appuis de l’impérialisme allemand. Si ce dernier a toujours affiché un soutien quasi-officiel à l’opposition Togolaise depuis une quinzaine d’années, c’est de façon maintenant beaucoup plus ouverte en effet qu’il tente désormais d’avancer ses pions. Aujourd’hui, la confrontation est montée d’un cran entre les deux puissances impérialistes que sont la France et l’Allemagne. En fait, le Togo est une des anciennes colonies de l’Allemagne. C’est à partir de 1884 que Gustav Nachtigal, qui avait été nommé consul à Tunis quelques années avant, établit un protectorat allemand sur le Togo, dont les limites seront fixées en 1899. A la suite, les tensions entre les puissances coloniales vont augmenter et s’exacerber. Après la Première Guerre mondiale, c’est le traité de Versailles qui va déclarer que l’Allemagne était « indigne » de posséder des colonies, ce qui va permettre aux vainqueurs français et anglais de s’en emparer. Pour masquer la nouvelle conquête, sous l’autorité de la SDN (1), la France recevra mandat de la plus grande partie du Togo et de celle du Cameroun. Sous mandat de l’ONU en 1946, le Togo deviendra formellement indépendant en 1960, restant dans le "pré carré" de la France, puissance du bloc impérialiste occidental chargée durant la guerre froide du rôle de gendarme en Afrique contre les menées du bloc militaire soviétique. Durant cette période même, comme elle le montre à nouveau de façon plus marquée aujourd’hui, l’Allemagne n’a jamais renoncé à ses prétentions sur le Togo. C’est ce qu’illustre, parmi de nombreux autres exemples, les faits rapportés ici : « Sylvanus Olympio, le premier président du Togo, réputé pro-allemand, invite démonstrativement le Duc Adolph Friedrich zu Mecklenburg, le dernier gouverneur allemand du pays, aux célébrations de l’indépendance en avril 1960. Lorsque trois années plus tard, Olympio projeta de remplacer la monnaie togolaise -le franc CFA- par une nouvelle monnaie orientée sur le deutschemark, il fut assassiné. Dans cette action est impliqué le futur président togolais, Gnassingbé Eyadéma, un ex-officier de la Légion étrangère française. Le camp vassal francophone emportait ainsi provisoirement la décision dans cette lutte d’influence » (2). Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement allemand, qui n’a eut de cesse de solliciter et d’intervenir auprès de l’opposition, le fasse plus librement aujourd’hui, sans les contraintes des blocs militaires : «  En avril 2000, le ministre d’Etat aux Affaires étrangères, Ludger Volmer [estampillé "vert"] reçoit le dirigeant de l’opposition togolais Yawovi Agboyibo qui avait été auparavant libéré de prison sous la pression de l’Allemagne » (2) Actuellement, les faveurs de Berlin vont aussi vers « le dirigeant le plus marquant de l’opposition (…) Gilchrist Olympio, un fils du président Sylvanus Olympio assassiné en 1963. » ! (2)

La prise de position de Berlin et sa politique raniment ainsi les luttes pour l’hégémonie au Togo et dans les pays de l’ouest africain. En retour, ce n’est pas un hasard si l’ambassade d’Allemagne est la cible d’attaques et que l’ancien ministre de l’intérieur, François Esso Boko, qui avait dénoncé le processus électoral, se soit réfugié dans ses locaux. De même, ce n’est pas un hasard non plus si un centre culturel allemand, l’institut Goethe, a été détruit et incendié par des militaires cagoulés et que l’Allemagne ait été obligée de rapatrier ses ressortissants.

Dans ce bras de fer, bien évidemment, les deux ex-puissances coloniales que sont la France et l’Allemagne ne sont pas les seuls protagonistes à grenouiller. Au premier chef, les Etats-Unis, qui ont du faire face au refus de l’assemblée nationale togolaise de toute aide à propos d’une formation pour la tenue des bureaux de votes, se sont empressés de faire pression appelant à « un gouvernement d’union nationale au Togo » ; afin de tenter d’imposer leur autorité impérialiste, tant sur les « vainqueurs » que sur les « vaincus » de ces élections. Plus discrètement et compte tenu du caractère composite de l’opposition, il est certain que l’impérialisme britannique est aussi à l’œuvre dans un Togo perçu comme « une enclave francophone au cœur de l’Afrique occidentale anglophone » (3).

Les premières violences des luttes de cliques, la répression et les poussées impérialistes ont déjà à l’actif le massacre officiel de plus d’une centaine de personnes. A cela, il faut ajouter les milliers de Togolais qui fuient de façon éperdue vers les frontières et le Bénin voisin. L'échec récent de la conférence d'Abuja, "arbitrée" par d'autres Etats africains est venu confirmer l'impasse et le caractère explosif de la situation.

Le regain des tensions impérialistes entre la France et l'Allemagne au Togo par fractions locales interposées, apporte un cinglant démenti à la propagande vantant le couple franco-allemand comme un facteur de paix et de stabilité pour l'Europe et pour le monde.

La réalité se charge de démontrer non seulement qu'il n'y a pas de paix possible dans le capitalisme mais que la défense des intérêts impérialistes de chaque Etat est un puissant accélérateur de chaos et d'instabilité qui entraîne les populations vers de nouveaux massacres dans des zones de plus en plus étendues du monde.

WH / 25.05.05

(1) Société des Nations, ancêtre de l’ONU, qualifiée à juste titre de "repaire de brigands" par Lénine.

(2) Extraits de l’article "Hegemonialkämpfe in Afrika" du 3 mars- sur germanforeignpolicy.com.

(3) A. Chauprade, Géopolitique, coll. Ellipses p. 125.

Géographique: 

  • Afrique [16]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [17]

Internationalisme no.321

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Grève à l'aéroport d'Heathrow: Le seul moyen de se défendre est notre solidarité de classe

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“700 vols annulés, 70 000 passagers pris en otage par une poignée d’irresponsables en pleine période de vacances”, tel a été le message matraqué sans relâche par la presse et tous les médias britanniques à propos de la grève qui a paralysé, du 11 au 14 août, l’aéroport londonien d’Heathrow. A sa façon, la violence et la hargne avec lesquelles la bourgeoisie a condamné les grévistes révèle la portée historique de cette lutte ouvrière. C’est en effet quelques semaines après les attentats de Londres du 7 juillet et alors que la bourgeoisie tentait de relancer l’union nationale à travers sa campagne anti-terroriste, qu’un millier de travailleurs de l’aéroport se sont spontanément mis en grève par solidarité avec les 670 ouvriers de l’entreprise américaine de restauration Gate Gourmet, sous-traitante de British Aiways, dès l’annonce de leur licenciement.

Ce licenciement était déjà le résultat d’une politique cynique et provocatrice de l’entreprise, visant à remplacer les salariés actuels, la plupart d’origine indo-pakistanaise par une main-d’œuvre encore meilleur marché venue des pays de l’Est. Cette grève de solidarité illustre de façon éclatante la remontée de la combativité ouvrière. Ceci est d’autant plus significatif dans un pays où le recul du prolétariat s’est accompagné d’une profonde démoralisation après les défaites sévères qu’il a subies en 1979 et 1984, notamment à travers la grève des mineurs. Cette lutte traduit surtout la véritable nature du prolétariat avec la mise en avant des valeurs les plus essentielles de l’espèce humaine qui sont au cœur des combats ouvriers, telles que la solidarité et le sens de la dignité dans son refus de l’inacceptable face à toute l’infamie de la bourgeoisie.

En même temps, cette reprise de la lutte de classe se confirme à l’échelle internationale en offrant les mêmes caractéristiques que celles d’Heathrow. Après la lutte des ouvriers de Mercedes-Daimler-Chrysler en Allemagne l’an dernier, en Inde courant juillet, à une vingtaine de kilomètres de la capitale New Delhi, ce sont des milliers d’ouvriers de la filiale de Honda qui ont manifesté leur solidarité  envers 30 de leurs camarades licenciés, en passant outre le cadre légal du droit de grève. Ils ont dû se confronter à une très violente répression de la police anti-émeutes. En Argentine vient de se produire une vague de luttes (sur laquelle nous reviendrons ultérieurement) où se manifestent les mêmes tendances vers le développement d’une solidarité ouvrière. Du 8 au 11 août, une grève dans les mines d’or d’Afrique du Sud, bien que restant sous le contrôle syndical du NUM, a été suivie par 130 000 mineurs, constituant le plus grand mouvement de grève du pays depuis 1987. Tous ces événements sont révélateurs des potentialités contenues dans le développement international des luttes ouvrières, qui sont un exemple comme un encouragement pour l’avenir de la lutte de classe.

Les médias – la voix de l’État et de la classe dominante – se sont furieusement déchaînés contre les grévistes de Heathrow. Comment ces ouvriers ont-ils osé faire passer leur solidarité de classe avant les profits de l’entreprise ? Ne savent-ils pas que des choses comme la solidarité ouvrière et la lutte de classe sont dépassées ? Tout cela serait passé de mode depuis les années 70, n’est-ce pas ? Selon un responsable d’un concurrent de British Airways, cité par le Sunday Times du 13 août, »par beaucoup d’aspects, l’aviation reste la dernière industrie non restructurée… Elle ressemble aux docks, aux mines et à l’industrie automobile des années 70". Ces espèces de «dinosaures» ne savent-ils pas que le principe de la société actuelle est «chacun pour soi», et pas «prolétaires de tous les pays, unissez-vous» ?

Il est pourtant étonnant de voir comment cette «nouvelle» philosophie de la liberté individuelle n’empêche pas les patrons d’exiger une obéissance absolue des esclaves salariés. Certaines voix médiatiques, il est vrai, ont durement attaqué les provocations ouvertes de la compagnie Gate Gourmet : alors que les employés de la restauration tenaient une AG pour discuter de la réponse à apporter à la stratégie de la direction visant à les licencier, les vigiles ont bouclé la salle et 600 ouvriers – y compris ceux qui étaient arrêtés pour maladie ou en vacances – ont été licenciés sur-le-champ pour avoir pris part à une réunion non-autorisée, certains d’entre eux étant avertis par mégaphone. Cette réaction n’est sur le fond qu’une expression un peu plus caricaturale de la morgue patronale largement répandue. Celle-ci avait notamment été illustrée par la suppression, par la société Tesco, de l’indemnité pour les trois premiers jours d’arrêt de maladie – d’autres entreprises lorgnant avec intérêt sur cette nouvelle «réforme». Déjà, les magasiniers étaient suivis électroniquement afin de s’assurer qu’aucune seconde du temps de travail ne soit gaspillée pour l’entreprise. Le climat politique actuel – alors que nous sommes tenus d’accepter toutes les tracasseries policières au nom de «l’anti-terrorisme» - n’a fait qu’accroître l’arrogance des patrons.

Ces attaques ne dépendent pas de tel ou tel patron particulièrement «cupide» ou adoptant des méthodes «américaines». La brutalité croissante des attaques contre les conditions ouvrières de vie et de travail est la seule réponse de la classe capitaliste à la crise économique mondiale. Il faut baisser les coûts, augmenter la productivité, tailler dans les retraites, réduire les indemnités-chômage, car toutes les entreprises et tous les pays sont engagés dans une lutte désespérée pour épuiser leurs concurrents sur un marché mondial saturé.

Et face à ces attaques, la solidarité ouvrière est notre seule défense.

Les bagagistes et les autres équipes à Heathrow, qui sont partis en grève dès l’annonce des licenciements massifs, ont montré une parfaite conscience de tout cela. Eux-mêmes avaient subi le même genre d’attaques et ont dû mener des luttes similaires. Le débrayage immédiat a tout de suite montré la force des ouvriers quand ils prennent part à une action déterminée et unie. C’est la seule base sur laquelle contraindre les patrons à réintégrer les ouvriers virés, et cela fera pendant un certain temps hésiter les patrons de l’aéroport de lancer de semblables attaques. Isolés en catégories, les ouvriers sont des proies faciles pour la classe dominante. Au moment où la lutte commence à s’étendre à d’autres ouvriers, il en va tout autrement.

La solidarité de classe : le véritable espoir de l’humanité

Mais il y a une signification bien plus importante de la solidarité ouvrière.

Dans une société qui s’effondre autour de nous, le «chacun pour soi» prend la forme des bombes terroristes, des attaques racistes, du gangstérisme et de la violence permanente sous toutes ses formes. La solidarité des ouvriers au-delà de toute corporation, de toute division religieuse, sexuelle ou nationale apporte le seul antidote à ce système, le seul point de départ pour la création d’une société différente, basée sur les besoins humains et non sur la recherche du profit. Face à un système en train de sombrer dans un état de guerre généralisé et l’auto-destruction, il n’est pas exagéré de dire que la solidarité de classe est le seul véritable espoir de survie pour l’espèce humaine.

Le fait que ce ne soit pas un vain espoir est beaucoup plus clair dès lors qu’on regarde au-delà des frontières de la Grande-Bretagne. Ces deux dernières années, il y a eu un regain de luttes ouvrières après des années de désarroi. Au cours des plus importantes d’entre elles – la lutte des ouvriers français contre les attaques sur les retraites en 2003, celle des ouvriers de l’automobile en Allemagne contre les réductions d’effectifs – la solidarité a été un élément fondamental. Ces mouvements ont confirmé que la classe ouvrière internationale n’a pas disparu et n’est pas défaite.

Naturellement, les médias ont tenté de dissimuler la signification réelle des actions de solidarité de Heathrow. Ils ont commencé par parler des liens de voisinage entre les employés de la restauration, les bagagistes et les autres employés de l’aéroport. C’est vrai qu’ils existent, mais la majorité des employés de la restauration sont d’origine indienne, la plupart des bagagistes sont «blancs». En bref, on a  eu là une authentique solidarité de classe, au-delà de toute division ethnique.

Les informations télévisées ont également essayé de saper la sympathie que les autres ouvriers pouvaient ressentir pour les employés de l’aéroport en étalant les souffrances endurées par les passagers dont les vols ont été empêchés par la grève. C’est vrai que lorsque vous avez passé la plus grande partie de l’année à transpirer au boulot, ce n’est certainement pas une plaisanterie de voir que vos plans de vacances tournent au chaos. Parmi les tâches que tous les ouvriers doivent prendre en main quand ils entrent en lutte, il y a l’explication de leurs actions aux autres ouvriers et à la population en général. Mais ils doivent également résister au chantage hypocrite des médias qui cherchent constamment à faire d’eux les méchants de l’histoire.

Le véritable rôle des syndicats

Si, comme on a pu le voir, la classe dominante ne veut pas que nous voyions notre solidarité de classe, elle cherche aussi à masquer une autre vérité : c’est que la solidarité ouvrière et le syndicalisme ne sont plus la même chose.

Les méthodes utilisées au cours de cette lutte ont été un constant défi aux méthodes syndicales :

- les ouvriers de Gate Gourmet décident de tenir une AG dans leur cantine afin de discuter de la dernière manœuvre de la direction. C’était une AG non-officielle tenue sur le temps de travail. L’authentique idée de tenir des AG pour discuter et prendre des décisions va à l’encontre de la pratique syndicale officielle ;

- l’autre équipe de l’aéroport a également ignoré toute consigne officielle en débrayant sans vote ; et les ouvriers ont encore défié le syndicat en s’engageant dans un conflit «secondaire».

Ce type d’actions est dangereux pour la classe dominante car elles contiennent la menace de la perte par les syndicats du contrôle sur les ouvriers, ceux-ci étant devenus les organes «officiels» (c’est-à-dire reconnus par l’État) de contrôle de la lutte de classe. Et ces derniers temps, nous avons vu une progression continuelle de ce type d’action «sauvage» : un certain nombre de luttes à la Poste ; en même temps que la lutte à Heathrow, des luttes non-officielles chez les chauffeurs de bus d’Edimbourgh et à la fonderie Ford de Leamington Spa.

Dans le cas de Heathrow, le TGWU a réussi à étouffer la situation. Il a dû officiellement dénoncer les grèves sauvages et pousser les ouvriers à reprendre le travail. Mais avec l’aide de groupes «gauchistes» comme le SWP, le T&G a cherché à présenter la lutte comme un mouvement visant à «pousser au cul» les syndicalistes, identifiant la persécution de militants ouvriers – qui a certes été une partie de la stratégie de Gate Gourmet – comme une attaque contre les syndicats. Cela a facilité, pour la base syndicale, l’enfermement de la lutte dans le carcan syndical – beaucoup de membres du syndicat pensant ainsi défendre leurs camarades ouvriers.

Cependant, ce qui fermente sous ces apparences n’est pas une lutte pour «défendre les syndicats», mais des mouvements massifs allant se développant, au sein desquels les ouvriers vont s’affronter à la machine syndicale, leur premier obstacle. Afin de construire la solidarité de classe la plus large possible, au sein de et grâce à la lutte, les ouvriers devront se confronter au besoin de développer leurs propres assemblées générales, ouvertes à tous les ouvriers, et d’élire des comités de grève responsables exclusivement devant l’AG. Les militants ouvriers qui comprennent cette perspective ne resteront pas isolés, mais commenceront à s’assembler pour en discuter pour les luttes futures.

World Revolution/15.08.05

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Le prolétariat face à l'Etat belge (2): La Belgique, "Etat-modèle" pour l'exploitation et le massacre des ouvriers

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Dans Internationalisme n° 319, nous avons montré comment l’Etat et la nation belge qui surgissent en 1830 apparaissent comme une création contre-révolutionnaire et artificielle, mise en place par les grandes puissances de l’époque, comme un cadre étriqué et non progressif, défavorable pour l’industrialisation et l’instauration de rapports sociaux modernes. Cette origine allait peser sur le développement ultérieur de la Belgique au cours du 19e et du début du 20e siècle, malgré la croissance économique qu’elle a connu dans le cadre de l’expansion internationale du capitalisme.

L’établissement dans le sang et la douleur d’un Etat étriqué

Le cadre étriqué de l’entité belge provoque, dès les premières années du jeune Etat, de graves difficultés économiques : les années ’30 et ’40 sont des années de stagnation économique et de paupé-risme au sein de la classe ouvrière qui débouchent en 1847-48, com-me partout en Europe, sur une terrible crise économique. Dans un article intitulé «La Belgique, Etat Modèle» (in La Nouvelle Gazette Rhénane, n° 68, 7.8.1848), K. Marx donne des chiffres éloquents dé-montrant l’ampleur de la crise : en un an (1847-48), on assiste à une diminution de plus du tiers de l’exportation des produits des mines belges et de la métallurgie ainsi qu’à un baisse de 64% en 2 ans (’46-’48) dans l’industrie lainière. Vingt ans de stagnation économique ponctuée par une crise aiguë, voilà comment débute l’histoire de cet Etat artificiel. La fermeture de l’Escaut par les hollandais en 1830 en est l’expression éclatante. La réouverture de cette voie d’eau, essentielle pour le commerce national, ne se fera qu’en ...1863 !

Economiquement en difficulté, la bourgeoisie belge ne s’en sort que par une exploitation particulièrement féroce de la force de travail. Les conditions de vie et de travail du prolétariat belge sont atroces. La journée de travail comportait en moyenne 14h, mais elle pouvait aller jusqu’à 16h. «Même dans ses usines de charbon et de métal, les travailleurs des deux sexes et de tout âge sont consommés avec une liberté totale sans aucune limitation de durée et d’heures de service (...); dans les hauts fourneaux, sur 1.000 également il y a 688 hommes, 149 femmes, 98 garçons et 65 jeunes filles de moins de 26 ans « (K. Marx, Le capital, I, 3ème section, chap. X/VII). Le salaire était très faible pour une exploitation énorme. Rappelons que déjà en 1820, le prolétaire belge ne gagnait que la moitié d’un prolétaire anglais. Pour maintenir cette situation, la répression est brutale et s’organise dès le lendemain de la «révolution belge». Fin 1830-début 1831, face à des émeutes dans le Hainaut, à Anvers, Ypres, Liège, Bruges et Gand, le Courrier Belge annonce clairement la couleur : «Nous nous voyons obligé de décréter l’état de siège dans nos villes (à Gand par ex.) pour nous protéger d’ennemis internes (nous soulignons) qui sont encore plus barbares que les soldats hollandais». La bourgeoisie met rapidement sur pied une force de répression imposante, qui fait de la Belgique pour un bon nombre d’années «le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés. Comme la terre fait sa révolution annuelle, ainsi est-on assuré que le gouvernement belge effectue son massacre annuel d’ouvriers» (K. Marx, Adresse aux ouvriers d’Europe et des Etats-Unis, 1869). Sous le joug de cette exploitation impitoyable et de cette répression brutale, ce n’est qu’ à partir de 1868, dans la foulée du développement de l’impact de la Première Internationale,  que des luttes ouvrières importantes éclateront en Belgique et initieront le difficile combat pour l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi que pour l’organisation de la classe ouvrière.                      

Expansion capitaliste et contradictions internes en Belgique

La deuxième partie du 19e siècle ouvre une période d’expansion du capitalisme belge qui en fait une des premières puissances industrielles d’Europe, la seule même, en Europe, à atteindre un niveau de développement proche de celui de la Grande-Bretagne. Ainsi, si les exportations, qui se montaient à 145 millions de FB en 1836, ne dépassent les 200 millions qu’en 1850, elles doublèrent carrément de 1850 à 1860 et leur progression devait ensuite demeurer rapide. Malgré la sévère dépression économique qui toucha plus particulièrement l’économie belge dans les années ’70 et ’80 après la guerre franco-prussienne de 1870, l’ampleur de l’expansion de la deuxième moitié du siècle peut s’illustrer par les chiffres suivants :

Volume de la production en millions de tonnes :

1850

1900

Hauts fourneaux   11 91
Fabriques de fer     12 84
Aciéries          0 190
Zinc      10 59
Verre    8 65

Relevons encore que les chevaux vapeur utilisés par l’industrie belge augmentent de 50 .000 en 1850 à plus de 700.000 en 1899!

Malgré ce développement économique impressionnant, le caractère étriqué de l’Etat belge continue toutefois à marquer le développement du capitalisme et à empêcher de dépasser les contradictions internes inextricables à tous les niveaux de l’ordre bourgeois même :

-Sur le plan économique, comme la Belgique est une création artificielle, elle n’a pas connu un processus progressif de centralisation nationale à travers les siècles et sa cohésion économique est dès lors également complètement artificielle. Si la texture économique de la Flandre s’oppose à celle de la Wallonie, comme s’il n’existait pas en Belgique de production nationale, c’est que cet antagonisme se retrouve tout au long de l’histoire de ces contrées. Ceci est bien illustré par le fait que l’industrialisation de la Wallonie n’est pas le résultat d’un quelconque développement économique belge mais de l’intégration de la région dans l’espace révolutionnaire français. Mais l’instauration en Belgique d’un Etat artificiel, enserrant le développement capitaliste dans un cadre trop étroit, empêche non seulement d’éliminer les séquelles de l’histoire, elle va encore accentuer la disparité entre les deux régions : en effet, la répression de l’Orangisme (partisans de l’union avec les Pays-Bas) et la fermeture de l’Escaut, par exemple, ont fait fuir de nombreux patrons du textile gantois et des armateurs anversois en Hollande, ce qui accentue encore le retard de la Flandre. Et ce cadre trop étroit va enfin entraver la poursuite de la concentration industrielle en Wallonie : le gouvernement catholique (représen-tant la bourgeoisie foncière, alliée aux petites entreprises) freine-ra pendant plus de 40 ans le développement des Sociétés Anony-mes, instrument essentiel pour le développement du capitalisme industriel. Dès 1830 donc, deux pôles économiques se distin-guent clairement : un capitalisme essentiellement industriel en Wallonie et un capitalisme essentiellement foncier en Flandre. Ce dernier ne commencera à s’industrialiser vraiment que lorsque le premier commence déjà à décliner, c’est-à-dire après la 1ère guerre mondiale.

- sur le plan politique, la classe des propriétaires fonciers, surtout implantée en Flandre (avec son expression politique : le parti catholique) maintient sa puissance puisque, après avoir été chassée du pouvoir en 1789 en France comme en Belgique, elle fut restaurée dans son pouvoir par la contre-révolution de 1815 et cela ne fut pas remis en cause par la révolution de 1830 en Belgique, qui la maintint dans ses positions économiques et politiques. La coupure entre une Flandre catholique et agraire et une Wallonie industrielle et minière est donc d’emblée inscrite dans la structure de l’Etat belge. Cette entrave pèse lourdement sur la bourgeoisie industrielle, obligée de payer d’énormes rentes aux seigneurs modernes de la terre, prélèvements qui freinent d’autant l’accumulation du capital dans 1”industrie ! La fraction wallonne de la bourgeoisie, économiquement dominant et progressive, vivait donc dans l’équivoque la plus lâche et la plus coûteuse avec les propriétaires fonciers dont elle n’avait réussi à éliminer ni le poids économique, ni l’impact politique (le parti catholique gouvernera sans partage, avec quelques interruptions momentanées, jusqu’à la première guerre mondiale). Il fallut attendre que les améliorations incorporées à la terre eussent pris une énorme extension, grâce à l’industria-lisation et à la mécanisation, pour que ces rentiers s’embour-geoisent et se soumettent enfin au capitalisme industriel. Ce mouvement débute à la fin du 19ème siècle et va de pair avec le développement d’une industrie et d’une bourgeoisie flamande.

- sur le plan linguistique, le triomphe d’une langue nationale sur les anciens patois, dialectes ou patois du moyen-âge va généralement de pair avec la propagation de la production capitaliste à l’ensemble de la nation. La question de la langue se résout donc normalement avec la révolution bourgeoise et la création d’un marché et d’une production nationales, accompagnés de 1”instauration de structures administratives et éducatives unitaires. Mais comme l’Etat belge fut imposé comme une entrave au développement des structures produc-tives et sociales plus vastes, et qu’il n’a pu dès lors imposer une centralisation économique et politique, il ne pouvait qu’échouer sur le plan linguistique. Dans le but de soutenir cette centralisation, la bourgeoisie industrielle francophone a tenté d’imposer le français comme seule langue nationale. Ainsi, le gouvernement provisoire décrétait-t-il le 16 novembre 1830 que : «le français sera en Bel-gique la langue officielle». Mais dès 1840, l’opposition se développe dans la petite bourgeoisie flamande ainsi éliminée de l’appareil étatique. Avec le développement d’une bourgeoisie fla-mande à la fin du 19ème siècle, l’opposition se renforce et marque l’échec définitif de l’unification linguistique.

Contradictions internes du capitalisme et développement de la lutte et de l’organisation du prolétariat

Si la bourgeoisie belge n’a pas su profiter de la période d’expansion du capitalisme pour effacer les contradictions issues du cadre artificiel, ces dernières ont également lourdement entravé le développement de la lutte et de l’organisation du prolétariat. Au niveau des conditions de travail et de la lutte tout d’abord, la concurrence féroce entre les ouvriers wallons et les paysans prolétarisés flamands a été exacerbée et exploitée par la bourgeoisie belge pour maintenir les conditions de vie et de travail à un niveau extrêmement bas. Ainsi, l’Anglais Seebohm Rowntree qui mène dans cette période une étude sur la pauvreté en Grande-Bretagne, puis en Belgique est-il horrifié par la situation de la classe ouvrière en Belgique et aucun pays industrialisé n’a exploité aussi longtemps que la Belgique le travail des femmes et des enfants(1).

 Cette situation explique aussi les difficultés de développement du mouvement ouvrier dans ces régions, même après l’impulsion donnée dès 1864 par la première Internationale. Les luttes ont certes fréquemment un caractère explosif et spontané, comme lors de la grande grève de 1886 dans l’ensemble du bassin industriel wallon, mais le climat est souvent plus celui d’une ‘jacquerie industrielle’ - on proteste, mais sans formuler de revendication précise – d’un rejet de la mécanisation, qu’une lutte pour l’amélioration des conditions de travail, et ces explosions sociales  débouchent sur une répression impitoyable. Malgré sa constitution ‘très démocratique’, la bourgeoisie n’hésite pas, par exemple en 1886, à faire tirer sur les masses ouvrières, faisant une trentaine de morts.

Ces difficultés se manifestent aussi sur le plan politique par la prédominance des tendances anarchistes  parmi les travailleurs : l’ « Association Le Peuple » Proudhonienne devient la section belge de la première internationale et en 1872, la section belge sous l’influence de César de Paepe choisit le côté de Bakounine contre Marx. Ces tendances mettent l’accent sur la mise en place de coopératives de producteurs et de consommateurs et manifestent un désintérêt pour la lutte économique (Proudhon rejette l’arme de la grève) ou politique (mépris pour le développement d’organisations centralisées, de la lutte pour le suffrage universel). La constitution d’une organisation politique du prolétariat est donc particulièrement ardue et lorsque le Parti Ouvrier Belge est enfin fondé au niveau national, en 1885, permettant d’offrir un cadre organisé et des perspectives aux luttes ouvrières, il surgit comme fruit de concessions très larges aux tendances anarchistes, coopérativiste et mutuelliste, donc sur des bases peu orientées vers la défense du programme révolutionnaire de la classe ouvrière (il refuse par exemple de déclarer la grève générale en 1886) mais sur une orientation prioritaire réformiste de l’instauration du suffrage universel. Au sein de la deuxième Internationale, il se caractérisera généralement par des position se rapprochant de l’aile droite de celle-ci.

La bourgeoisie belge n’a pas su profiter de la période de développement du capitalisme (l9ème siècle) pour surmonter ses contradictions économiques, politiques et linguistiques. Cet incapacité va peser lourdement lorsque, avec la 1ère guerre mondiale, le capitalisme mondial glissera lentement mais sûrement, dans une situation de crise et de guerre permanente. La décadence générale du capitalisme mettra inexorablement à nu l’absence fondamentale de cohésion de l’Etat belge. Mais elle démontrera aussi une grande habileté de la bourgeoisie à utiliser ces contradictions pour diviser et mystifier la lutte ouvrière n

Jos / 31.08.05

(1)R. Leboutte, J. Puissant, D. Scuto, Un siècle d’histoire industrielle (1873-1973). Belgique, Luxembourg, Pays-Bas. Industrialisation et sociétés, SEDES.

Situations territoriales: 

  • Belgique [3]

Le terrorisme est une arme de guerre de la bourgeoisie

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Pendant trois semaines en juillet, le monde a tremblé face à une vague d’attentats meurtriers d’une fréquence sans précédent, de Londres à Charm El-Cheikh et en Turquie. A ceux-là s’ajoutent les bombes explosant quotidiennement en Irak, en Afghanistan, au Liban ou au Bengladesh.  Les Etats et leurs gouvernements cherchent à nous faire croire qu’ils combattent le terrorisme et qu’ils sont capables de protéger les populations des attentats. Quels mensonges !

 Le terrorisme est une expression de la barbarie guerrière du capitalisme

Les Etats ne combattent pas le terrorisme. Ce sont eux qui le sécrètent et le font prospérer. Ce sont de plus en plus clairement tous les Etats, grands ou petits, qui commanditent, infiltrent, manipulent, utilisent les fractions, groupes et nébuleuses terroristes partout dans le monde pour défendre ou faire valoir leurs sordides intérêts. Le terrorisme est aujourd’hui devenu une arme de plus en plus fréquemment utilisée dans la guerre ouverte ou larvée que se livrent les bourgeoisies du monde entier. Rappelons que Ben Laden et le groupe Al Qaida eux-mêmes ont été formés à l’école américaine de la CIA dans les années 1980 pour organiser la résistance à l’occupation des troupes russes en Afghanistan. Nombre de dirigeants politiques bourgeois aujourd’hui présentés comme respectables, de Begin à Arafat en passant par Gerry Adams, sont d’anciens chefs terroristes.

 Ce phénomène constitue un pur produit du capitalisme pourrissant, une des manifestations les plus criantes de la barbarie de la société capitaliste. L’Etat bourgeois profite des sentiments d’insécurité permanente, de peur et d’impuissance suscités par de tels actes dans les populations pour se présenter comme le seul rempart possible contre la montée du terrorisme. Rien n’est plus faux ! La classe ouvrière ne peut que se sentir directement interpellée, indignée et révoltée par ces attentats parce que souvent, comme à New York en 2001, à Madrid en 2004 ou à Londres cette année, ce sont des prolétaires qui se rendent sur leur lieu de travail qui sont les principales victimes de ces actes barbares. Mais la solidarité envers les victimes de ces attentats de la part de leurs frères de classe face au terrorisme ne passe nullement par l’union nationale avec la bourgeoisie mais au contraire par le refus catégorique de cette union sacrée. L’Etat nous demande de resserrer les rangs autour de sa défense et de la démocratie dans un même élan d’union nationale. On ne peut lui faire aucune confiance pour protéger les populations du terrorisme. Ce sont les gouvernements, en tant que fauteurs de guerre, qui sont responsables de ce déchaînement d’horreurs qu’ils sont bien incapables d’enrayer. Plus la bourgeoisie déclare ouvertement la guerre au terrorisme, plus se multiplient les attentats, plus les grandes puissances se vautrent dans le sang et la boue et précipitent les populations dans un engrenage sans limites de violence, de guerre et de représailles. Les seules mesures concrètes que puissent adopter la bourgeoisie au nom de l’anti-terrorisme, c’est la mise en place des différents plans Vigipirate ou ses équivalents, destinés à faire accepter un brutal renforcement de l’appareil répressif et permettant surtout la multiplication des moyens de contrôle et de surveillance de la population.

A quoi servent les campagnes anti-terroristes de la bourgeoisie ?

Les campagnes anti-terroristes actuelles ont permis de justifier avant tout un renforcement sans précédent de l’appareil répressif. La situation en Grande-Bretagne en constitue une illustration édifiante. L’exemple le plus flagrant  a été l’assassinat d’un jeune Brésilien dans le métro londonien avec l’autorisation donnée à la police de tirer à vue sur tout suspect (voir article page 4). La bourgeoisie anglaise a rapidement compris que la classe ouvrière n’était pas prête à se ranger derrière les intérêts de l’Etat bourgeois au nom de «l’anti-terrorisme». Elle s’est bien gardée d’appeler à des manifestations monstres comme celles organisées en avril 2004 contre le terrorisme dans les rues de Madrid et de toute l’Espagne après les attentats en gare d’Atocha. C’est d’ailleurs probablement elle-même qui a organisé une seconde série «ratée» d’attentats, qui avait tout d’un simulacre, précisément dans le but de relancer le message de la mobilisation nationale et pour mieux faire passer aux yeux des prolétaires les méthodes de quadrillage et de surveillance policière.

Malgré cela, la classe ouvrière a démontré qu’elle ne se laissait pas intimider. La grève d’un millier de salariés à l’aéroport d’Heathrow en Grande-Bretagne en solidarité avec 670 de leurs frères de classe brutalement attaqués et menacés de licenciement à côté d’eux en est une preuve irréfutable . En dépit de la pression policière existante, cette lutte a clairement démontré que ce qui est en jeu pour les prolétaires n’est pas le maintien de l’ordre bourgeois et sa terreur mais la défense de ses intérêts de classe face aux attaques qu’ils subissent. Et c’est justement le développement de ses luttes qui est à l’ordre du jour. Cette reprise des luttes ouvrières face à la mise en œuvre parallèle des moyens policiers montre justement quel est le véritable objectif de tout ce déploiement policier. La préoccupation essentielle de la bourgeoisie n’est nullement la chasse aux terroristes. Elle sait par contre qu’avec l’aggravation de la crise économique mondiale, elle va devoir imposer des attaques de plus en plus féroces au prolétariat et faire face à un développement à l’échelle internationale des luttes de résistance de la classe ouvrière à ces attaques.

La lutte de classe est le seul moyen de combattre la terreur capitaliste

Il n’existe pas de solution-miracle, immédiate, qui permette du jour au lendemain d’empêcher les attentats terroristes, pas plus que la guerre impérialiste de se déchaîner sur la planète. Une seule classe a la possibilité de s’opposer à terme à la montée en puissance du terrorisme, de la guerre et de la barbarie, c’est le prolétariat à travers le développement de ses luttes de résistance aux attaques de la bourgeoisie sur son terrain de classe. Le véritable enjeu qui menace l’ordre bourgeois, c’est qu’à travers le développement de la lutte de classe, la classe ouvrière est amenée à prendre conscience du lien existant entre les attaques qu’elle subit avec la guerre et le terrorisme qui débouche sur la remise en cause du système capitaliste dans son ensemble et sur la nécessité de sa destruction.

Et c’est seulement à travers le renversement du système capitaliste et de ses rapports d’exploitation que la classe ouvrière peut y parvenir. Les méthodes et les moyens d’action du prolétariat qui reposent sur la conscience et la solidarité de classe, sur le caractère collectif, unitaire, internationaliste de ses luttes sont radicalement opposées et antagoniques à ceux du terrorisme.

La classe ouvrière en Grande-Bretagne a démontré la capacité des prolétaires à affirmer leur réponse au chantage de la bourgeoisie à travers leur solidarité sur un terrain de classe face aux licenciements et aux attaques du capitalisme. C’est de cet exemple que les prolétaires de tous les pays doivent s’inspirer. C’est en menant leur combat de classe sur un terrain de résistance et de solidarité face aux attaques économiques qu’ils subissent, qu’ils pourront opposer une alternative et une perspective à l’impasse et à la barbarie guerrière du monde capitaliste qui menace la survie de l’humanité toute entière.

Non à l’union nationale,
oui à la solidarité de classe !

Wim/ 24.08.2005

Questions théoriques: 

  • Terrorisme [19]

Pensions, sécurité sociale, chômage, “Plan Marshall” wallon: L’attaque sur les prépensions n’est qu’un début !

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Derrière le flou et le brouillard, une attaque globale contre les conditions de vie de la classe ouvrière

La classe ouvrière a toutes les raisons d’être inquiète par rapport aux projets de mesures actuelles concernant les retraites, contenues dans le “programme de relance” que le gouvernement Verhofstadt soumet aux “partenaires sociaux”. En effet, ces mesures, qui se caractérisent par le flou et le brouillard, constituent en réalité une attaque d’envergure contre les pensions et contre la sécurité sociale en général.

Il s’agit aussi de masquer un cadre d’attaques plus large, qui va aggraver brutalement les conditions de vie de tous les travailleurs, et pas seulement ceux du secteur privé à qui elles s’adressent directement aujourd’hui. Ce cadre est constitué d’un ensemble de pas moins que 67 mesures en discussion de la ministre ‘socialiste’ Freya Van Den Bossche touchant tous les aspects de la vie économique et sociale des salariés, des ouvriers et des employés tout comme des chômeurs.

Le dernier trimestre de 2005 va donc lourdement compter dans la dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière en Belgique, qui va devoir travailler plus longtemps pour des retraites de plus en plus maigres.

Ceci nécessite évidement une riposte déterminée de la classe ouvrière. Pour y arriver il faut dénoncer les manoeuvres des syndicats avec leurs appels aux journées d’actions qui ne visent qu’à canaliser le mécontentement et à renforcer le sentiment d’impuissance. Une véritable riposte ne peut démarrer qu’en renouant avec une véritable solidarité de classe.

De quoi s’agit-il ? Les prétentions et la réalité 

Pour sauver la sécurité sociale belge, qui, selon la bourgeoisie, est un modèle pour le monde entier, il faut appliquer des réformes profondes. Afin d’y arriver elle vise d’abord et avant tout les retraites. Ainsi l’introduction d’un système de malus pour les pensions avant 65 ans doit permettre de diminuer les pensions de 4% par an pour ceux n’ayant pas 40 ans de carrière. En s’attaquant d’autre part à l’ancienneté et périodes assimilées, le montant des retraites va diminuer également. L’attaque la plus spectaculaire est évidemment celle sur les prépensions. La prépension précédemment était en règle générale accordée à 58 ans après 25 ans de travail salarié et en cas de restructuration à 52 ou 50 ans après 20 ans de travail. Le gouvernement élever l’âge à 60 ans en partant de critères progressifs de la carrière et en tenant compte de l’ancienneté: 36, 38 et 40 ans de carrière. Vande Lanotte le répète dans une interview : “On ne vous éjectera plus de l’emploi à 50 ans. Vous pourrez travailler plus longtemps. Différemment” (Le Soir, 14.09.2005).

La véritable manoeuvre n’est pas de postposer la prépension, mais de transformer celle-ci en grande partie en chômage ouvert. Et si, pour le moment, on ne touche pas encore directement à l’âge des pensions, ce qui doit fortement inquiéter la classe ouvrière, c’est que les caisses se vident également de ce côté-là.

Après “l’Etat social actif” de la précédente coalition “arc-en-ciel”, voilà le nouveau concept livré par Madame Onkelinx : “le vieillissement actif”. Cette formulation, en fait, vise à liquider à terme les prépensions octroyées lors de restructurations et de licenciements collectifs : “Ces prépensions, résultant de licenciements collectifs, provoqués par une fermeture ou une restructuration, c’est la solution classique dont usent les employeurs pour éviter des remous sociaux. Elles sont accordées à 52 ou 54 ans. Parfois à 50... ou même 48 ans. Le gouvernement change de philosophie. On favoriserait la recherche d’un nouvel emploi. On n’offrirait la prépension qu’à ceux qui n’ont pu se reclasser.” (Le Soir, 05.10.2005). Le ministre Vande Lanotte en fait l’aveu : “Mais on doit savoir que si notre taux d’activité baisse, il est exclu de continuer à payer les pensions, les soins de santé. On pourra inventer tous les refinancements de la Sécu qu’on veut, on ne comblera jamais les contributions des travailleurs via leurs cotisations. Je soutiens que le financement alternatif le plus important c’est l’emploi” (Le Soir, 14/09/2005).

Or, les perspectives économiques sont catastrophiques, et la bourgeoisie est consciente du fait que le plein emploi ne reviendra plus. D’où justement les mesures ! Vu le chômage des jeunes, on ne peut pas imaginer que la véritable intention est de maintenir les “vieux” au travail. On vise plutôt à faire sauter la prépension, qui jusqu’à maintenant servait à cacher le chômage et éviter des tensions sociales. Vande Lanotte ajoute : “Il ne faut pas un big bang, mais des réformes progressives”, on sait donc qu’on n’est qu’au début de ces attaques. Ces mesures provoqueraient selon Le Soir du 3 et 4 septembre, et sur base d’une étude de l’ONEM, à terme “un tsunami social”. En effet, les 40 ans de carrière exigés reviendraient à ôter la prépension à 84 % des femmes. Même si l’on fixe la barre à 32 ans de carrière, la mesure prive de prépension un homme sur quatre et une femme sur deux.

Le fait qu’il n’y aurait plus assez d’actifs pour payer, financer les retraites n’est pas fondamentalement dû au vieillissement de la population et à l’allongement de l’espérance de vie. Si la société n’a pas assez  “d’actifs” – du point de vue capitaliste –, ce n’est pas lié à la pyramide des âges car tous les chômeurs, les précaires et autres types d’exclus des rangs des “actifs” ne demanderaient pas mieux que d’être complètement intégrés au monde du travail. La véritable cause de la pénurie de “salariés actifs” c’est la crise et le chômage que le capitalisme engendre et dont il est responsable.

Cela montre le cynisme de la bourgeoisie et le caractère totalement inhumain de son système. Comment faire avec tous ces “vieux salariés” qui visiblement vivent trop longtemps, au goût du capitalisme du moins. Après avoir exploité leur force de travail tout au long de leur vie de salarié et ponctionné leurs salaires - pour les pensions et prépensions, les mutuelles - le capitalisme se plaint encore d’avoir à les nourrir une fois qu’ils ne sont plus productifs !

Un des principaux pans de ce qu’on appelle le “salaire social” est en train de tomber en miettes puisque la chute libre des pensions et prépensions va aboutir à ce qu’une grande majorité de ces dernières descende en dessous du niveau du salaire minimum. Ainsi, il va arriver avec les retraites ce qui est arrivé dans tous les domaines de l’exploitation capitaliste : l’insécurité et la précarité s’installent.

C’est donc bien la crise du capitalisme qui est la source de cette exigence pour la bourgeoisie et qui lui impose de liquider à terme toute une série de composantes fondamentales de ce qu’elle appelle les “acquis sociaux”. Entre-temps, de 2003 à 2005, la bourgeoisie a poursuivi les rationalisations qui ont touché les grosses boîtes comme la Sabena, Philips, Siemens Ford, Opel, Alcatel, de même que les entreprises publiques comme Belgacom, la Poste, la SNCB pour ne citer que les plus importantes.

Parallèlement, dans certains secteurs et entreprises on a poussé et parfois imposé un retour vers les 40 heures, au nom du “sauvetage” des emplois; le chantage à la délocalisation a fait passer, dans certaines entreprises, des  diminutions de salaire et l’abandon de certaines primes légales. Cela n’a pas empêché la croissance d’être nulle  dans le courant du premier trimestre de 2005, et la pression concurrentielle des autres pays sur la foire d’empoigne du marché mondial ne peut que renforcer l’exigence de la bourgeoisie belge de soumettre la classe ouvrière à ses besoins.

C’est la crise qui fait que les caisses se vident, qu’on ne peut plus payer les pensions et prépensions, et c’est donc l’ensemble du système de la sécurité sociale qui est mis en question. En conséquence, le plan de chasse aux chômeurs de Frank Vandenbroucke qui jusqu’à maintenant épargnait les plus de cinquante ans pourrait à son tour  être activé à propos de ces derniers. Les chômeurs âgés de plus de cinquante ans bénéficiant d’un supplément d’allocation ne seraient pas oubliés par ces rapaces; suivant les modalités choisies, les bonus d’allocations  seraient retirés à 19 % des hommes et 29 % des femmes dans le meilleur cas de figure. Dans le pire, le bonus disparaîtrait pour 82 % des hommes et 90 % des femmes.

Le “Plan Marshall”, pour la Wallonie, n’est qu’une autre restructuration car il ne vise qu’à rendre quelques entreprises plus compétitives au détriment de tout le reste et sur le dos des travailleurs à travers de nouvelles mesures d’austérité que viendront aggraver celles déjà en chantier et celles encore à venir dont le fameux “programme de relance”. Tous ces éléments dévoilent que “programmes de relance” ou autres recherches de financements alternatifs ne sont rien d’autre que la recherche d’économies tous azimuts pour effacer le trou de cinq milliards d’euros du budget 2006-2007 et pour abattre des pans entiers de la sécurité sociale. Car, à l’instar de l’Allemagne, de la France, des Pays-Bas et de la plupart de pays européens, la bourgeoisie belge ne peut différer indéfiniment la mise en question de la sécurité sociale et du régime des pensions, afin de réduire d’une façon drastique le prix de la force de travail. Dans ce cadre de crise économique mondiale, les objectifs du gouvernement “pourpre” étaient ouvertement déclarés dès sa constitution en 2004 : l’ouverture de cinq “chantiers” visant à: a) la baisse des charges pour les entreprises, b) la modération salariale, c) la réduction des charges liées au chômage, d) l’augmentation du temps de travail par semaine et le prolongement de la carrière professionnelle, e) le financement alternatif de la sécurité sociale.

Il s’agit donc bien d’une attaque frontale et globale, mais présentée de façon à cacher les véritables conséquences, et présentant avec cynisme les réformes comme “des améliorations” pour la classe ouvrière.

Les syndicats, veulent-ils vraiment empêcher ces attaques? 

La gravité de l’attaque nécessite évidement une riposte déterminée de la classe ouvrière. Pour y arriver il faut dénoncer les manoeuvres des syndicats avec leurs appels à une “vraie concertation”, ou à des journées d’actions bidon qui ne visent qu’à embrouiller la prise de conscience de l’importance des attaques, à canaliser le mécontentement et à renforcer le sentiment d’impuissance.

Ce que la bourgeoisie appelle “la concertation” , représente en fait la division du travail en son sein, entre gouvernement et syndicats. L’astuce consiste à faire croire qu’il y a opposition entre gouvernement et syndicats. Le gouvernement ose dire: “Travaillez plus longtemps, c’est nécessaire. En échange on vous garantit des retraites décentes”; ainsi, il se pose, et en particulier les ministres socialistes en son sein, comme le “garant du maintien de l’essentiel des acquis sociaux”, au prix de“quelques sacrifices superficiels”. Quant aux syndicats, ils dénoncent le fait que c’est le patronat qui a vidé les caisses grâce à la tolérance du gouvernement. Pour les renflouer, dit le gouvernement, il faut alléger les charges patronales pour créer des emplois qui remplissent les caisses de la sécurité sociales. Ainsi, c’est un cercle vicieux, qui, vu le développement de la crise économique, entraîne une spirale irréversible vers la bas.

La baisse des charges pour les entreprises est en bonne voie comme l’avoue Johan Vande Lanotte, ministre de l’économie, dans une interview : “En trois ans on a beaucoup réduit le poids sur les salaires (de 1,5% du PNB). Mais on n’en pas beaucoup parlé… (Le Soir, 14.09.2005). Et pour cause, c’est une bonne partie du salaire différé qui servait au financement de la sécurité sociale qui retombe dans les coffres du patronat. Ce 1,5 % du PNB est donc un véritable hold-up commis dans la masse salariale. C’est cela l’allégement des charges patronales, mais il faut constater qu’il ne produit nullement l’emploi promis, ni pour les jeunes, ni pour les “vieux”.

Pour les syndicats, les “financements alternatifs” ne doivent pas peser sur le coût du travail, mais sur l’épargne, notamment via l’impôt mobilier (15-20% des recettes). C’est-à-dire, ce seront essentiellement les ouvriers qui payeront, mais d’une autre façon, car ce financement ne peut pas peser ni sur les patrons ni sur l’Etat.

Depuis longtemps, on nous dit: “il faut accepter les licenciements pour sauver des emplois.” Aujourd’hui, on ajoute avec autant de cynisme: “Il faut réduire la sécurité sociale pour la sauver.”

Combien d’ouvriers ont pleuré de rage et de honte quand se fut leur tour de rejoindre la file de chômage ? Syndicats et patronat se déclarent d’accord pour constater qu’il existe un problème de retraites. Même s’ils contestent la validité de la réforme du gouvernement, les syndicats partagent dans le fond, et depuis longtemps, l’idée que quelque chose doit être fait pour “sauver le système des retraites”, alors qu’il y aura de plus en plus de retraités et de moins en moins de salariés actifs pour les payer. Rien que la manière qu’ils ont en commun de poser le problème démontre que, sur le fond, ils sont d’accord. En effet, pour les syndicats, il s’agit aussi de demander aux exploités qu’ils prennent en compte les contradictions du système qui les exploite, non pas pour lui porter un coup fatal à travers la lutte, mais bien pour faire en sorte qu’il puisse se perpétuer à travers de nouveaux sacrifices.

La bourgeoisie sait bien que ses syndicats serviront de relais à ces promesses mensongères. Le flou gouvernemental autour des mesures d’austérité, accentué par le brouillard sur les soi-disant “alternatives possibles” syndicales, permet aux syndicats d’occuper le terrain social pour empêcher que le mécontentement ne se transforme en réelle combativité. C’est ainsi qu’ils sabotent aujourd’hui la prise de conscience sur l’ampleur des attaques.

La politique des syndicats consiste à défendre la “concertation pour adoucir les mesures.”, ou comme le président de l’ACV Luc Cortebeek l’exprimait: “Nous continuons les négociations parce qu’ainsi on peut obtenir le maximum pour les salariés.” Le patronat, de son coté, est bien d’accord : “La FEB adoptera une attitude constructive et responsable. Le dossier est trop important”. Si la bourgeoisie rétablissait l’esclavage, les syndicats iraient négocier le poids des chaînes.

Lors des négociations interprofessionnelles de décembre 2004, le sabotage syndical a utilisé un scénario qui a fait amplement ses preuves, car, après de multiples péripéties, rebondissements fréquents, crispations, provocations patronales, grèves de soutien aux négociateurs syndicaux, rejets des accords, le gouvernement décide malgré tout d’appliquer son plan “puisqu’il a été approuvé par une large majorité des employeurs et des employés belges” et la FGTB s’est inclinée, n’ayant fait de l’opposition que dans le but de maintenir sa crédibilité de syndicat combatif. Verhofstadt est alors un premier ministre heureux car “le modèle de concertation sociale a bien fonctionné, dans une période qui n’est pas facile”.

Cette année, on a vu le syndicat chrétien être le premier à faire de la musculation avant les vacances en prévoyant une journée de grève générale pour le 3 octobre. Fin septembre en pleines négociations, la FGTB annonce une grève générale pour le 7 octobre. Puis, la CSC annonce sa propre grève générale à une autre journée; pour ensuite la décommander après “concertation” avec un gouvernement qui a promis quelques miettes pour les pensions qui n’ont plus été indexées depuis des années.

Ces divisions sont du sabotage conscient et prémédité. Ainsi, quand les syndicats des cheminots font front commun, c’est bien pour mieux séparer les cheminots des autres secteurs. Quand les syndicats des hôpitaux bruxellois aussi, en “front syndical unitaire”, font grève pendant une semaine, c’est également séparés des autres secteurs, et en plus, “Cette semaine l’action de grève dans les hôpitaux sera interrompue pour ne pas perturber les actions syndicales nationales, qui auront lieu cette semaine.” (De Standaard, 03.04.2005). Cette manoeuvre a été magistralement précédée par les négociations de l’accord professionnel à La Poste signé par la CGSP au nom du pragmatisme des francophones et rejeté par les autres centrales syndicales en Flandre. Contrairement aux déclarations syndicales, le but n’est pas de faire pression sur le gouvernement ou sur le patronat. C’est un bel exercice de division qui se met en place.

Les manoeuvres visent à diviser la classe ouvrière par syndicats, par secteurs, par régions. Une véritable riposte ne peut démarrer qu’en renouant avec la solidarité entre tous les ouvriers, qu’ils soient au travail ou au chômage.

Renouer avec la solidarité de classe 

Les mesures touchent tous les travailleurs, au-delà de la division en secteurs ou régions, au-delà de la division entre secteur public et privé; elles touchent aussi bien les cheminots, les ouvriers de VW ou de Belgacom que les hospitaliers ou les postiers. Seule une riposte décidée et unitaire peut contrer les attaques.

Or, il est évident que ce n’est pas vers les syndicats que la classe ouvrière doit porter son regard si elle veut efficacement se défendre, mais plutôt vers des manifestations de la solidarité ouvrière telles qu’elles se sont concrétisées à plusieurs reprises ces derniers temps en Europe et tout dernièrement lors de la grève à l’aéroport londonien d’Heathrow où un millier de travailleurs de l’aéroport se sont spontanément mis en grève par solidarité avec les 670 ouvriers de l’entreprise américaine de restauration Gate Gourmet, sous-traitante de British Airways, dès l’annonce de leur licenciement.

En plus des manoeuvres de division, les syndicats s’organisent aussi pour que les ouvriers restent tous dans leur coin individuellement. Dans les luttes, les ouvriers ne peuvent compter que sur eux-mêmes car les syndicats n’ont de cesse de canaliser les luttes dans le cadre du secteur ou l’entreprise et d’isoler les ouvriers pour mieux briser la lutte et les expressions de la solidarité ouvrière, pour empêcher le mécontentement de s’unifier et surtout empêcher la prise de conscience que c’est partout que la classe ouvrière est attaquée. Accepter la logique de gestion du capital, c’est capituler d’emblée, c’est accepter les licenciements car il n’y a plus assez de débouchés à la production capitaliste, c’est accepter la diminution du salaire social (pensions, remboursement des soins,…), pour ne pas affaiblir le capital national face à la concurrence internationale, c’est accepter en fait toute attaque anti-ouvrière.

Les mêmes mesures et les mêmes attaques tendent à s’uniformiser à l’échelle mondiale. Partout le capitalisme enfonce la classe ouvrière dans la même précarité. C’est un puissant révélateur de la faillite irrémédiable du capitalisme. Cela ne peut que renforcer la conscience du prolétariat qu’il n’a aucune amélioration de son sort à attendre de ce système et qu’il n’a pas d’autre choix que de lutter pour son renversement et sa destruction. Oeuvrer dans ce sens, c’est aujourd’hui l’expression la plus élevée de la solidarité prolétarienne.

La seule réponse possible, c’est le développement des luttes sur un terrain de classe. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre, sinon nous subirons toujours plus de sacrifices et d’attaques de la part de la bourgeoisie. Le développement de nos luttes est la seule façon de résister aux attaques toujours plus fortes de la bourgeoisie qui en s’enfonçant dans une crise irréversible, n’a pas d’autre choix que d’exploiter toujours plus les prolétaires et de les jeter dans la misère.

06.10.2005 / Internationalisme

Situations territoriales: 

  • Situation économique en Belgique [20]
  • Situation sociale en Belgique [2]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [21]

Plus de trente ans d'aggravation de la crise économique (1)

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Depuis la fin de la période de reconstruction de l’après Deuxième Guerre mondiale, le monde capitaliste a continué de s’enfoncer lentement mais inexorablement dans sa crise économique.  Dans la première partie de cet article nous allons montrer la réalité de cette évolution jusqu’à la fin du 20ème siècle. La deuxième partie s’attachera plus particulièrement à mettre en évidence que le capitalisme est entré dans une nouvelle phase de récession économique, sans commune mesure quant à sa gravité avec celles qui l’ont précédée.

La bourgeoisie n’est pas à une tromperie près. Au moment où la crise économique s’apprête à connaître à nouveau une brusque accélération, elle tente d’enfermer les ouvriers sur un faux terrain : celui de la lutte contre l’économie libérale et l’économie de marché. C’est cacher consciemment aux ouvriers que le grand ordonnateur de l’économie capitaliste et des attaques contre la classe ouvrière est l’Etat capitaliste lui-même. Dans «les lignes directrices de l’emploi» au sein de la constitution européenne, nous pouvions lire que les Etats doivent réformer «les conditions trop restrictives de la législation en matière d’emploi qui affectent la dynamique du marché du travail» et promouvoir la «diversité des modalités en terme de contrats de travail, notamment en matière de temps de travail.» Le rejet de la constitution ne modifiera pas d’un iota cette politique. Le prolétariat est ainsi appelé à oublier les dernières récessions mais aussi le krach boursier de 2001-2002, et avec cela toutes les attaques massives, la détérioration de ses conditions de vie qui n’ont pas cessé de se développer depuis la réapparition ouverte de la crise économique mondiale à la fin des années 1960 et qui se sont particulièrement accentuées en ce début des années 2000. La classe ouvrière paie un lourd tribut au capitalisme en faillite, sans parler de l’attaque massive sur les retraites et le démantèlement en cours de la Sécurité Sociale. La bourgeoisie, cyniquement, tente ainsi à nouveau de convaincre le prolétariat que s’il accepte de faire des sacrifices supplémentaires, alors ce sera mieux demain, le niveau de vie remontera, le chômage reculera ! Voilà encore des mensonges qui n’ont qu’un seul but, faire en sorte que la classe ouvrière accepte de payer par un accroissement de sa misère et de son exploitation, l’enfoncement catastrophique du capitalisme dans sa propre crise économique.

La crise d’un système

Les récessions de 1967, 1970-71, 1974-75, 1991-93 et 2001-2002 furent tendanciellement plus longues et profondes et cela dans un contexte de déclin constant du taux de croissance moyen de l’économie mondiale. La croissance du PIB mondial a elle aussi suivi la même tendance à la baisse, passant de plus de 4% dans les années 1950 à moins de 1% en ce début des années 2000. Après l’effondrement de l’économie qui a frappé le monde capitaliste à la fin des années 1920 et au début des années 1930 avec son cortège d’explosions de la misère et du chômage ouvrier qui allaient nécessairement en découler, le capitalisme a su tirer un maximum de leçons. Depuis lors, et après la seconde guerre mondiale, le capitalisme allait s’organiser pour tenter d’empêcher un effondrement brusque de son économie. On assiste alors au renforcement du rôle de contrôle de l’Etat sur l’ensemble de l’économie nationale. Le développement partout dans le monde du capitalisme d’Etat, en plus de la fonction économique qui vient d’être assignée, a aussi un rôle dans la militarisation de la société et l’encadrement de la classe ouvrière. Mais comme cela ne suffisait pas pour se rassurer, la bourgeoisie va se doter d’organismes internationaux tels que le COMECOM pour l’ancien bloc de l’Est et le FMI pour le bloc occidental, chargés de veiller à ce qu’il n’y ait pas des secousses trop violentes de l’économie. Dans le même sens, et contrairement à la période d’avant la Deuxième Guerre mondiale, la bourgeoisie va renforcer le rôle des banques centrales. Celles-ci vont être amenées à jouer un rôle direct dans la politique économique à travers leur action sur les taux d’intérêts et la masse monétaire.

Des reprises de moins en moins vigoureuses

Malgré cela, et contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, l’évolution économique s’inscrit lentement mais sûrement dans un déclin. Le capitalisme d’Etat peut certes freiner ce processus, mais il ne peut empêcher son inexorable développement. C’est ainsi que, depuis 1960, les reprises économiques ont toujours été plus limitées et les périodes de récession plus profondes. Le monde capitaliste s’est enfoncé dans sa crise. Par delà leurs particularités, l’Afrique, l’Amérique centrale, l’ancien bloc soviétique et la plus grande partie des pays d’Asie ont plongé dans un chaos économique grandissant. Depuis maintenant quelques années, c’est aux Etats-Unis, au Japon et à l’Europe de connaître directement les effets de la crise. Aux Etats-Unis le taux de croissance par décennies entre 1950-1960 et 1990-99 est passé de 4,11% à 3% et, pour la même période, de 4,72% à 1,74% en Europe (source OCDE). La croissance du PIB mondial par habitant de 1961 à 2003 est quant à elle passée de pratiquement 4% à moins de 1%. Après la période de reconstruction de la Deuxième Guerre mondiale, ce qui a été appelé par la bourgeoisie «les trente glorieuses», la production mondiale a donc progressivement, mais inexorablement repris le chemin de la récession. Si celle-ci a pu être sérieusement freinée dans son développement et entrecoupée de périodes de reprise de plus en plus courtes mais bien réelles, c’est tout simplement que la bourgeoisie mondiale a eu recours à un endettement croissant et à l’utilisation d’un déficit budgétaire toujours plus important. La première puissance mondiale en constitue, sans aucun doute, le plus bel exemple. Elle est ainsi passée d’un budget public excédentaire de 2% en 1950 à un déficit budgétaire approchant aujourd’hui les 4%. C’est ainsi que la dette totale des Etats-Unis, qui a augmenté lentement des années 1950 au début des années 1980, a connu au cours des vingt dernières années une véritable explosion. Celle-ci a carrément doublée, pour évoluer de 15 000 milliards de dollars à plus de 30 000 milliards. Les Etats-Unis sont passés de principal créancier de la planète, au pays le plus endetté. Mais il serait totalement erroné de penser que, malgré les spécificités propres à la première puissance mondiale, cette tendance ne correspond pas à l’évolution globale de l’économie capitaliste. A la fin des années 1990, l’Afrique est arrivée à plus de 200 milliards de dette, le Moyen-orient également, l’Europe de l’est à plus de 400 milliards de dollars, l’Asie et la région Pacifique (y compris la Chine) à plus de 600 milliards de dollars, comme également l’Amérique latine (source Etat du monde 1998). Si nous prenons la production industrielle, la réalité du ralentissement de la croissance économique mondiale depuis la fin de la période de reconstruction, est encore plus marquante.

De 1938 à 1973, soit en 35 ans, la production industrielle des pays développés a augmenté de 288 %. Pendant les 22 années suivantes, sa croissance atteindra seulement 30 % (source OCDE).

Le ralentissement du développement de la production industrielle mondiale apparaît ici très nettement. La classe ouvrière devait nécessairement payer cette réalité. En prenant simplement les cinq pays les plus développés économiquement au monde nous avons une évolution du chômage particulièrement parlante. Celle-ci passe en moyenne de 3,2% de 1948-1952 à 4,9% en 1979-1981, pour aboutir en 1995 à 7,4% (source OCDE). Ces chiffres sont bien entendus ceux de la bourgeoisie, à ce titre ils sous-estiment consciemment cette réalité pour la classe ouvrière. De plus, depuis 1995, le chômage n’a fait que continuer à se développer sur l’ensemble de la planète.

Afin de ralentir son enfoncement dans la crise, la bourgeoisie ne pouvait pas se contenter de se doter d’institutions nouvelles au niveau international, ni d’avoir recours à un endettement faramineux comme nous venons de le voir, afin de maintenir totalement artificiellement en vie un marché solvable en réalité totalement saturé. Encore lui fallait-il tenter de freiner la chute progressive de son taux de profit. Les capitalistes n’investissent jamais que pour tenter d’obtenir un profit toujours plus grand en rapport avec le capital investi. C’est ce qui va déterminer ce fameux taux de profit. De 1960 à 1980 celui-ci a baissé, passant de 20% à 14% également pour l’Europe, pour remonter comme par magie à 20% aux Etats-Unis et à plus de 22% en Europe à la fin des années 1990. Faudrait-il alors que la classe ouvrière croit aux miracles ? Deux facteurs pourraient expliquer cette hausse : l’accroissement de la productivité du tavail ou l’austérité accrue infligée aux ouvriers. Or la productivité du travail a subi une érosion de moitié de sa croissance sur cette période. C’est donc en attaquant les conditions de vie de la classe ouvrière que la bourgeoisie a pu restaurer, pour le moment, son taux de profit. L’évolution de la part salariale, en pourcentage du PIB (produit intérieur brut) en Europe illustre parfaitement cette réalité. Dans les années 1970-1980, celle-ci s’élevait à plus de 76% en Europe et à plus de 79% en France, pour tomber à moins de 66% chez l’une comme chez l’autre. C’est bel et bien l’aggravation de l’exploitation et le développement de la misère en milieu ouvrier qui sont les principales causes de la restauration momentanée du taux de profit dans les années 1990.

C’est dans une deuxième partie que nous illustrerons la descente aux enfers de la phase actuelle de l’aggravation de la crise économique mondiale.

T.

Questions théoriques: 

  • L'économie [1]

Internationalisme no.322

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Conférence de Zimmerwald en septembre 1915: Le combat des révolutionnaires contre la guerre impérialiste

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Il y a 90 ans, au mois de septembre 1915, se tenait à Zimmerwald la première conférence socialiste internationale, à peine plus d’un an après le début de la Première Guerre mondiale. Revenir sur cet événement, ce n’est pas seulement rouvrir une page d’histoire du mouvement ouvrier, mais raviver la mémoire ouvrière sur la signification centrale et toujours valable de cette conférence : la lutte du prolétariat est de façon indéfectible et intrinsèquement liée à une lutte contre son exploitation et contre la guerre pour abattre le capitalisme, et, dans ce cadre, la responsabilité des révolutionnaires est vitale pour orienter cette lutte vers sa perspective révolutionnaire.

La multiplication des conflits guerriers, la propagande guerrière des grandes puissances impérialistes et leurs appétits concurrents et mortifères inondent la planète d’une barbarie toujours plus féroce. C’est en ce sens que "l’esprit" et les enseignements de Zimmerwald sont pour le prolétariat d’une brûlante actualité.

L’entrée en guerre, son impact sur le prolétariat et les organisations ouvrières

Zimmerwald a été la première réaction prolétarienne face au carnage de la première boucherie mondiale, et son écho grandissant a rendu espoir aux millions d’ouvriers submergés par les horreurs sanglantes de la guerre. L’entrée en guerre le 4 août 1914 est une catastrophe sans précédent pour le mouvement ouvrier. En effet, parallèlement à un matraquage idéologique nationaliste intense de la part de la bourgeoisie, l’élément décisif qui va l’entraîner dans cette tuerie ignoble est la félonie des principaux partis ouvriers sociaux-démocrates. Leurs fractions parlementaires votent les crédits de guerre au nom de l’Union Sacrée, poussant les masses ouvrières à s’entretuer pour les intérêts des puissances impérialistes dans une hystérie chauvine des plus abjectes. Les syndicats eux-mêmes déclarent toute grève interdite dès le début de la guerre. Ce qui avait été la fierté de la classe ouvrière, la IIe Internationale, se consume dans les flammes de la guerre mondiale, après le ralliement infâme de ses partis les plus importants, le Parti Socialiste français et surtout le Parti Social-démocrate allemand. Bien que gangrenée par le réformisme et l’opportunisme, la IIe Internationale, sous l’impulsion de ses minorités révolutionnaires, la Gauche allemande et les Bolcheviks notamment s’étaient très tôt prononcés contre les préparatifs guerriers et la menace de guerre. Ainsi, en 1907, au Congrès de Stuttgart, confirmée au Congrès de Bâle en 1912 et jusqu’aux derniers jours de juillet 1914, elle s’était élevée contre la propagande guerrière et les visées militaristes de la classe dominante. Ainsi plusieurs décennies de travail et d’effort sont anéanties d’un seul coup. Mais, restée fidèle et intransigeante sur le principe de l’internationalisme prolétarien, la minorité révolutionnaire ayant combattu des années durant l’opportunisme au sein de la IIe Internationale et de ses partis, va résister et mener le combat :

- en Allemagne, le groupe "Die Internationale" constitué de fait en août 1914 autour de Luxembourg et Liebknecht, les "Lichtsrahlen", la gauche de Brême ;

- en Russie et dans l’émigration, les Bolcheviks ;

- en Hollande le Parti Tribuniste de Gorter et Pannekoek ;

- en France, une partie du syndicalisme révolutionnaire autour de Rosmer et Monatte ;

- en Pologne, le SDKPIL, etc.

Un autre courant, hésitant, centriste, va également se développer, oscillant entre une attitude d’appel à la révolution et une position pacifiste (les Mencheviks, le groupe de Martov, le Parti Socialiste italien), et dont certains vont chercher à renouer avec les traîtres social-chauvins. C’est donc progressivement dans la confrontation que le mouvement révolutionnaire va initier la lutte contre la guerre impérialiste, préparer les conditions de la scission inévitable au sein des partis socialistes et la formation d’une nouvelle Internationale.

La conférence de Zimmerwald

La tâche primordiale de l’heure est donc de favoriser le regroupement international des révolutionnaires, et aussitôt des contacts sont pris entre les différents internationalistes ayant rompu avec le social-patriotisme. La lutte contre la guerre est impulsée, en Allemagne en tout premier lieu, où le 2 décembre, Liebknecht est le seul à voter ouvertement contre les crédits de guerre, imité dans les mois qui suivent par d’autres députés. L’activité de la classe ouvrière contre la guerre se développe, à la base des partis ouvriers mais aussi dans les usines et dans la rue. La réalité hideuse de la guerre avec son hécatombe de morts, de mutilés sur le front, le développement de la misère à l’arrière, vont dessiller les yeux de plus en plus d’ouvriers et les sortir des brumes de l’ivresse nationaliste. En Allemagne, dès mars 1915, se produit la première manifestation contre la guerre de femmes mobilisées dans la production d’armement. En octobre, des affrontements sanglants entre la police et des manifestants ont lieu. En novembre de la même année, près de 15 000 personnes défilent là encore contre la guerre à Berlin. Des mouvements de la classe apparaissent aussi dans d’autres pays, en Autriche, en Grande-Bretagne, en France. Cette renaissance de la lutte de classe, alliée à l’activité des révolutionnaires qui, dans des conditions très dangereuses, distribuent du matériel de propagande contre la guerre, va accélérer la tenue de la Conférence de Zimmerwald (près de Berne) où, du 5 au 8 septembre 1915, 37 délégués de 12 pays européens se réunissent. Cette Conférence va symboliser le réveil du prolétariat international, jusqu’alors traumatisé par le choc de la guerre et être une étape décisive sur le chemin menant à la révolution russe et la fondation de la IIIe Internationale. Le Manifeste qui en sort est le fruit d’un compromis entre les différentes tendances. En effet, les Centristes se prononcent pour mettre fin à la guerre dans une optique pacifiste mais sans faire référence à la nécessité de la révolution ; ils s’opposent durement à la Gauche, représentée par le groupe "Die Internationale", les ISD et les Bolcheviks, qui fait du lien entre guerre et révolution la question centrale. Lénine critique très fermement ce ton pacifiste et l’absence des moyens pour combattre la guerre qui transparaît dans le Manifeste : "Le mot d’ordre de la paix n’a par lui-même absolument rien de révolutionnaire. Il ne prend un caractère révolutionnaire qu’à partir du moment où il s’adjoint à notre argumentation pour une tactique révolutionnaire, quand il s’accompagne d’un appel à la révolution, d’une protestation révolutionnaire contre le gouvernement du pays dont on est citoyen, contre les impérialistes de la patrie à laquelle on appartient." (1) En d’autres termes, le seul mot d’ordre de l’époque impérialiste est: "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile". Malgré ces faiblesses, la Gauche, sans abandonner les critiques, considère ce Manifeste "comme un pas en avant, vers la lutte réelle avec l’opportunisme, vers la rupture et la scission" (1) Ce Manifeste de Zimmerwald va cependant connaître un énorme retentissement dans la classe ouvrière et parmi les soldats. Avec la poursuite d’une forte reprise de la lutte de classe internationale, la lutte sans concession de la gauche pour opérer un clivage dans les rangs centristes, la deuxième Conférence internationale à Kienthal en mars 1916, s’orienta nettement plus à gauche et marqua une nette rupture avec la phraséologie pacifiste.

L’élargissement considérable de la lutte de classe pendant l’année 1917 en Allemagne, en Italie et surtout l’éclatement de la Révolution russe, premier pas vers la révolution mondiale, allaient rendre caduc le mouvement de Zimmerwald qui avait épuisé toutes ses potentialités. Désormais la seule perspective était la création de la nouvelle Internationale qui, tenant compte de la lente maturation de la conscience révolutionnaire, la formation de partis communistes conséquents et l’attente du surgissement d’une révolution en Allemagne, allait se faire un an et demi plus tard en 1919.

Ainsi, malgré ses faiblesses, le Mouvement de Zimmerwald a eu une importance décisive dans l’histoire du mouvement révolutionnaire : symbole de l’internationalisme prolétarien, étendard du prolétariat dans sa lutte contre la guerre et pour la révolution. Il a véritablement représenté un pont entre la IIe et la IIIe Internationale.

Les enseignements pour aujourd'hui

Une des grandes leçons de Zimmerwald, toujours valable pour notre époque d’exacerbation inouïe des tensions et conflits impérialistes, doit être la réaffirmation de l’importance de la question de la guerre pour le prolétariat. Au même titre que son combat contre l’exploitation, le combat contre la guerre, contre les menées guerrières de la bourgeoisie, est partie intégrante de sa lutte de classe. L’histoire du mouvement ouvrier démontre que la classe ouvrière a toujours considéré la guerre comme une calamité dont elle est systématiquement la première victime. La guerre n’est pas un phénomène aberrant dans le capitalisme et d’autant plus dans sa période de décadence. Elle fait partie de son fonctionnement et est devenue un aspect permanent de son mode de vie. L’illusion réformiste d’un capitalisme possible sans guerre est mortelle pour le prolétariat. Engluées dans leurs contradictions, dans une crise économique qui n’a pas d’issue du fait de la saturation des marchés solvables au niveau mondial, les différentes fractions nationales de la bourgeoise ne peuvent que s’entredéchirer pour conserver leur part de gâteau, s’approprier celle des autres ou gagner des positions stratégiques nécessaires à leur domination. C’est en ce sens que prétendre qu’on peut lutter pour une amélioration de ses conditions de vie ou pour la paix en soi, SANS TOUCHER AUX FONDEMENTS DU POUVOIR CAPITALISTE, est une mystification, une impossibilité. Sans perspective de lutte massive politique, révolutionnaire de la classe ouvrière, il n’y a pas de véritable lutte contre la guerre capitaliste. Le pacifisme est une idéologie réactionnaire utilisée pour canaliser le mécontentement et la révolte du prolétariat provoqués par la guerre afin de le réduire à l’impuissance. De même, pour les prolétaires, tomber dans le piège de la défense de la démocratie bourgeoise en faisant cause commune avec ses exploiteurs en adhérant aux campagnes bellicistes de la classe dominante, c’est se soumettre pieds et poings liés à toujours plus de barbarie, à la dynamique guerrière du capitalisme en décomposition qui, de guerre "locale" en guerre "locale" finira par mettre en péril la survie même de l’humanité. La lutte de la classe ouvrière pour ses intérêts propres, en vue du renversement de cette société pour le communisme est la seule lutte possible contre la guerre.

SB

(1) Lénine, Contre le Courant, tome 1.

Conscience et organisation: 

  • Le mouvement de Zimmerwald [22]

Questions théoriques: 

  • Guerre [23]

Le prolétariat face à l'état belge (3): Une bourgeoisie experte en mystifications, malgré ses tensions internes

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Dans Internationalisme 319 et 321, nous avons montré que l’Etat belge était une création contre-révolutionnaire et artificielle, mise en place par les grandes puissances de l'époque, comme un cadre étriqué et non progressif, défavorable pour l'industrialisation et l'instauration de rapports sociaux modernes. A travers une exploitation féroce du prolétariat, la bourgeoisie belge a cependant réalisé une expansion économique et impérialiste impressionnante à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, qui a fait de la Belgique un des capitalismes les plus développés et puissants. Toutefois, la bourgeoisie ne sut pas profiter de la période d’expansion du capitalisme pour effacer les contradictions économiques, politiques et linguistiques qui découlaient de la création artificielle de son Etat. Cette incapacité va se ressentir de plus en plus ouvertement lorsque, avec la 1ère guerre mondiale, le capitalisme mondial glisse lentement mais sûrement, dans une situation de crise et de guerre permanente.

Les tensions entre fractions régionales, produit de la constitution artificielle de l’Etat belge

L’entrée en décadence du capitalisme met inexorablement à nu le manque inhérent de cohésion de la ‘nation belge’ et tend à exacerber de plus en plus les contradictions au sein de la bourgeoisie. Cela s’exprime de façon éclatante au cours même de la première guerre mondiale où une fraction de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie flamande fait alliance avec l’impérialisme allemand, par le fait qu’elle estime toute perspective de défense de ses intérêts bloquée au sein de l’Etat belge par la bourgeoisie francophone dominante.

Dans la période entre les deux guerres mondiales, le centre de gravité de l’économie belge glisse de plus en plus vers la région flamande : la stagnation de la production industrielle wallonne s'amorce, alors que la Flandre profite de la position stratégique du port d'Anvers et des nouvelles mines du Limbourg, exploitées sur le mode de la grande dimension et selon une technologie avancée, et connaît un développement économique réel. Même la crise de 1930 altère peu la progression du processus d'industrialisation de la Flandre, tandis qu'en Wallonie, l'emploi industriel stagne suite à la rationalisation importante du secteur sidérurgique entre 1930-1939. Sur le plan politique par contre, le blocage au niveau du contrôle de l’Etat reste entier, ce qui provoque dans les années ’30 une poussée au sein de la bourgeoisie et petite-bourgeoisie flamande d’un courant contestataire, voire séparatiste, qui s’exprime par la montée en puissance du VNV (‘Union nationale Flamande’) ‘autonomiste’ et du Verdinaso ‘pan-néerlandais’.

Après la seconde guerre mondiale, dans la période de développement d’après-guerre, le déclin de l'industrie wallonne s'amplifie tandis que le développement de la Flandre s'accentue encore, favorisé par l'afflux massif de capitaux étrangers dans le secteur du pétrole, de la pétrochimie (60% s'installera à Anvers), de l’automobile et de l'électronique. Au niveau politique, une lutte d’influence s'engage alors pour de bon au sein de l’appareil politique traditionnel entre l'ancienne bourgeoisie francophone et la nouvelle bourgeoisie flamande qui veut traduire son pouvoir économique par un poids correspondant dans l'appareil étatique.

L’apparition de la nouvelle crise du capitalisme à la fin des années ‘60/ début des années ’70 exacerbe encore les contradictions : les formations politiques traditionnelles de la bourgeoisie (Sociaux-chrétiens, socialistes, libéraux) éclatent toutes en partis flamands et francophones tandis qu’apparaissent sur l’échiquier politique une floraison de partis ‘régionalistes’, comme la ‘Volksunie’ en Flandre, le ‘Rassemblement wallon’ en Wallonie ou le ‘Front des Francophones’ à Bruxelles. La bourgeoisie s’engage alors dans une interminable ‘fédéralisation’ de l’Etat visant à essayer de trouver un fragile équilibre entre ses fractions régionales.

L’extension de la décomposition et du ‘chacun pour soi’ dans le monde à la fin du 20e siècle rend la recherche et l’imposition de ces équilibres de plus en plus illusoire et incertaine, rend les tensions et les contradictions encore plus explosives : "La Wallonie meurt parce que la Flandre accapare tous les investissements" affirme la bourgeoisie francophone en chœur. "Si nous subissons la crise, c'est parce qu’on nous fait payer pour ce gouffre à millions qu’est l'industrie wallonne non rentable’’ rétorque sa consoeur flamande. Et si la bourgeoisie a essayé d’éliminer les partis régionalistes en les faisant absorber par les partis traditionnels, cela lui est revenu à la figure tel un boomerang puisque cela n’a eu comme résultat qu’une déstabilisation de ces mêmes partis traditionnels et la forte expansion d’un parti ouvertement séparatiste, le Vlaams Blok (Belang) qui monte en puissance depuis les années ‘90.

Si les poussées centrifuges et les tensions communautaires expriment bien la malformation congénitale de la bourgeoisie belge, liée à la constitution de son Etat, cela ne signifie pas qu’elle serait une bourgeoisie impuissante et faible envers la classe ouvrière, bien au contraire. Il s’agit d’une bourgeoisie économiquement forte, rompue, de par l’exiguïté du territoire national, à la guerre de concurrence internationale et extrêmement expérimentée dans le combat contre son ennemi mortel, le prolétariat.

La bourgeoisie utilise ses propres faiblesses contre la classe ouvrière

Depuis le début du 20e siècle, la bourgeoisie belge s’est montrée particulièrement experte dans l’utilisation de toute la gamme des mystifications démocratiques contre les travailleurs. Mais de plus, elle a aussi amplement démontré sa maîtrise à utiliser ses tensions internes contre la classe ouvrière. L’exploitation systématique de celles-ci est une constante de la politique anti-ouvrière de la bourgeoisie belge depuis la première guerre mondiale et en particulier depuis la reprise de la lutte de classe à la fin des années ’60, et ceci sur plusieurs plans :

- La politique de ‘transfert de pouvoir aux régions’ sert tout d’abord de légitimation à la mise en place de restructurations dans l’industrie et l’administration, comme le démontre encore de façon caricaturale le récent ‘Plan Marshall pour la Wallonie’ du gouvernement régional wallon. Depuis les années ’70, la réduction des budgets et des effectifs sous le couvert d’une ‘meilleure efficacité est une caractéristique des administrations ‘régionalisées’, tels l’enseignement, les travaux publics, les transports en commun, le personnel communal ou le chômage. Quant aux industries déficitaires, telles la sidérurgie en Wallonie ou les chantiers navals en Flandre, elles ont été rationalisées et fermées au nom du dynamisme régional qui ne peut s’encombrer de ‘canards boiteux’.

- Les confrontations communautaires et régionales sont en outre savamment montées en épingle et dramatisées pour camoufler les attaques contre la classe ouvrière. Un parfait symbole de cela est le fait que la résurgence des luttes ouvrières en 1968 va de pair en Belgique avec une crise communautaire aiguë (scission de l’Université de Louvain) et cela deviendra une constante dans la politique d’austérité de la bourgeoisie. Ainsi, tout au long des années ‘90, le processus de fédéralisation de l’Etat a occupé la une des médias au moment même où des mesures d’austérité extrêmement dures étaient prises pour restreindre de manière drastique le déficit budgétaire de l’Etat. Les menaces verbales de séparatisme auxquelles répondent des professions de foi unitaristes sont accentuées pour polariser l’attention de la population, surtout évidemment des travailleurs, et pour les détourner des vrais enjeux.

- Un battage médiatique constant est développé pour mobiliser les travailleurs derrière les intérêts de ‘leur’ communauté linguistique et tout est fait pour instiller une concurrence entre régions. En 1918-19 déjà, l’impact de la vague révolutionnaire parmi les ouvriers flamands contre l’horreur des massacres guerriers était contrée par les discours sur les “soldats flamands envoyés au carnage par des officiers francophones dont ils ne comprenaient pas les ordres”. Et aujourd’hui, les médias bourgeois martèlent à longueur de journée que “la Flandre ne veut plus payer pour l’acier wallon déficitaire”,  que “la Wallonie n’a rien à voir avec les chantiers navals flamands sans avenir”, “que l’enseignement serait plus performant en Flandre”, que “les chômeurs seraient moins sanctionnés en Wallonie”, etc. La Belgique n’est pas – nous l’avons vu – le fruit d'un long processus de maturation historique, économique et social, comme par exemple la France ou Allemagne. Elle ne pourra dès lors pas développer les mêmes mystifications nationalistes d'une ‘nation indépendante et solidaire, forte et unitaire’. Mais la bourgeoisie belge utilise habilement ses propres limites pour entraver la prise de conscience du prolétariat. La mystification ‘sous-nationaliste’ du ‘pouvoir régional’ est donc inhérente à des nations comme la Belgique tout comme celle de ‘l'effort national’ l'est pour des nations plus ‘cohérentes’. Elles visent fondamentalement à obtenir le même résultat : mobiliser les ouvriers derrière leur bourgeoisie (nationale ou régionale), dresser ainsi les ouvriers wallons contre leurs frères de classe flamands ou vice versa et leur faire accepter l'inéluctabilité de la crise, des sacrifices, de la guerre.

- Le poison ‘régionaliste’ est enfin une arme systématiquement utilisée par la bourgeoisie pour diviser et isoler les luttes ouvrières qui surgissent. Il s’agit là d’un barrage crucial qui pèse depuis les années 1930 sur le développement du combat des travailleurs : les luttes insurrectionnelles de 1932 ont été limitées à la Wallonie (essentiellement Charleroi et le Borinage) ; lors de la grève générale de ’60-’61, les socialistes et les syndicalistes wallons exploitèrent la mystification du fédéralisme pour diviser la lutte ouvrière et la dévoyer vers une impasse ; le nationalisme flamand a joué un rôle non négligeable dans les grèves sauvages des mineurs limbourgeois en 1966 et en 1970 ; l’arme régionaliste fut encore un puissant instrument pour contenir et désamorcer les combats contre la fermeture des mines, d’abord en Wallonie, puis en Flandre, de la sidérurgie wallonne et des chantiers navals flamands.

La mystification régionaliste ‘sous-nationaliste’ essaie de cacher à la classe ouvrière que c'est une crise mondiale généralisée qui tue l'industrie wallonne et qui détruit l'industrie flamande, que c'est le capitalisme dans son entièreté qui est en crise et qui doit être mis en question. Et la bourgeoisie utilise habilement les distorsions de son état et ses propres contradictions pour entraver tout développement de la conscience parmi les travailleurs de cette réalité, pour désamorcer leur combativité et pour essayer de les lier à ‘leur’ bourgeoisie régionale pour la ‘défense de leur région’. Ce n'est pas un hasard si ce sont ses agents parmi les travailleurs, les socialistes, qui sont les plus ardents propagandistes de la défense de ‘sa’ région et appellent au "sens des responsabilités" des travailleurs" pour sauver la Wallonie, en collaboration avec les autres ‘citoyens’, si ce sont les dirigeants syndicalistes les plus "à gauche" en Wallonie qui défendent la "fédéralisation" et si des voix s'élèvent dans les syndicats en Flandre (surtout dans les secteurs déjà fortement touchés par la crise : textile, alimentation, meuble) pour une collaboration plus "positive" avec le patronat flamand et pour "le maintien de l'argent flamand en Flandre".

Face à cela, les travailleurs doivent prendre en exemple les grèves massives dans le secteur public en ’83 et surtout la vague de grèves ouvrières d’avril-juin 1986, dont une des forces avait justement été la nette tendance à dépasser l’enfermement régionaliste et à refuser la voie sans issue du régionalisme et la fausse opposition entre ouvriers wallons et ouvriers flamands. Le sauvetage d’une nation ou d’une région est l’objectif de la bourgeoisie, pas le nôtre. C'est leurs structures, leurs institutions, leurs privilèges qu'ils essaient de sauver. Aujourd'hui la crise est générale, mondiale et elle conduit la bourgeoisie en droite ligne à un cycle infernal de guerres, de destruction et de chaos, si nous n'imposerons pas notre solution : le pouvoir international de la classe ouvrière pour bâtir une société enfin au service de l'homme. Et ce n'est qu'unis, en brisant les barrières régionales et nationales, que nous y parviendrons.

Jos

Situations territoriales: 

  • Belgique [3]

Permanence du CCI à Nantes: Pourquoi la classe ouvrière a-t-elle besoin des organisations révolutionnaires ?

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Comme nos lecteurs le savent, le CCI tient régulièrement des réunions publiques et des permanences. Les débats vivants qui s’y déroulent portent sur des thèmes divers et variés, en lien avec les questionnements d’actualité ou plus historiques qui touchent le combat de la classe ouvrière. Lors de notre permanence du 11 juin dernier à Nantes, l’un des participants a présenté un tract (co-rédigé avec de jeunes éléments critiques) et qu’il a diffusé à Rennes pour dénoncer la campagne idéologique et le référendum sur la constitution européenne. Cette démarche s’inscrit pleinement dans l’effort du prolétariat pour développer son combat de classe.

Voici quelques extraits de ce tract : "(…) L’histoire de l’Europe, ce n’est pas autre chose que l’histoire du capital et de ses répugnantes créatures, les Etats-Nations. Ce n’est que la réalisation, rendue nécessaire par la dynamique mondiale du capitalisme, d’un cartel d’Etats, pour la défense, commune jusqu’à un certain point, de leurs impérialismes respectifs, et pour la répression, trop divisée encore, de la frayeur partagée : le prolétariat et les quelques fractions encore remuantes de celui-ci, qu’il s’agirait de réduire au calme silence de la démocratie.

Cette unification fallacieuse sous la coupe réglée d’une poignée d’Etats dominants, cette mise en commun des moyens de nuire, on nous la présente comme la plus désirable réalisation de l’ère démocratique, et comme la justification toujours à venir de nos souffrances présentes.

Quant à nous, habitués à discerner, sous les traits charmants de la sage et heureuse démocratie, le visage hideux du capital et de sa sanglante dictature, nous affirmons : "de même que la France, cette vieille sorcière édentée, nous est de tout temps étrangère, de même la charogne Europe, trouvera toujours en nous des ennemis mortels, rêvant au jour de sa chute dans les basses-fosses de l’histoire. Contre les nations et les super nations, berceaux pourris du capital, contre l’idéologie démocratique moisie et rongée aux vers, notre patrie, c’est l’Internationale prolétarienne, c’est l’Internationale qui mettra à sac tous les palais, toutes les capitales du vieux monde (…) On nous propose un référendum sur une pompeuse Constitution européenne dont nous nous torchons le cul. Crachons d’abord sur ces pauvres nigauds et les parfaites ordures qui ont décidé, les uns, de respecter tout l’écoeurant "débat démocratique" orchestré par les autres" (…) Nous ne devons la très relative bonhomie de nos bons et loyaux Etats démocratiques qu’à l’absence temporaire du prolétariat révolutionnaire sur le champ de bataille de l’histoire (mais rassurez-vous, la vieille Taupe creuse toujours, et un jour paiera son travail de sape).

En démocratie, les décisions prises ne s’appliquent que si la réalité l’exige : c’est la nécessité du mouvement de l’histoire qui tranche, et non les pathétiques assemblées et les gentils référendums. Dites "oui" dites "non" : rien ne changera sinon que vous aurez participé une fois de plus au cirque électoral et consolidé ainsi la mascarade démocratique, que nous vomissons.

Pour que crèvent enfin toutes les sanglantes baudruches nationales et supranationales et leurs marionnettes étatiques ! A bas la France ! A bas l’Europe ! Vive le prolétariat ! Vive la révolution !". Et le tract est signé "Des communistes".

L’initiative et le contenu d’un tel tract ont été particulièrement salués par le CCI et les participants. Il s’agit en effet d’un effort réfléchi et conscient d’une minorité de la classe ouvrière pour dénoncer la démocratie bourgeoise et le battage médiatique de la classe dominante. Ceci est d’autant plus à souligner que la démocratie est le véritable cœur de l’idéologie de la classe dominante, un des piliers majeurs du système capitaliste. Le contexte de très forte intensité de la campagne de mystification démocratique – vantant les institutions, la "construction européenne", faisant croire que l’avenir de chaque prolétaire était conditionné par un simple bulletin de vote - rendait d’autant plus courageux le fait d’exprimer à la fois son indignation et le fruit d’une réflexion pour dénoncer cette propagande d’Etat. Plusieurs interventions ont aussi mis en exergue l’attaque de la bourgeoisie sur la conscience du prolétariat et les dangers que représente l’idéologie démocratique très justement dénoncée. La discussion a donc bien mis en évidence que la réflexion développée dans le tract représente une force politique pour sortir de la gangue du poison démocratique et nationaliste. Et il est clair que cette dynamique positive va dans le sens de la clarification, en permettant aux camarades qui en ont eu l’initiative, de tenter d’approcher les positions révolutionnaires de la Gauche communiste et de se les réapproprier.

L’effort du tract est aussi positivement significatif de la période actuelle, de la réalité du développement d’une maturation souterraine au sein de la classe ouvrière. Il est la traduction d’un autre phénomène corollaire, d’une qualité plus particulière : celui de l’apparition d’une réflexion dans la jeunesse sur la réalité barbare du capitalisme et la nécessité de trouver une perspective autre que le "no future" et les miasmes de la décomposition sociale.

Bien entendu, le désir inévitable que "cela bouge tout de suite", en dehors d’un cadre organisationnel et structuré, s’est manifestée dans le tract par une réaction de révolte devant "les pauvres nigauds" qui ont "respecté tout l’écoeurant débat démocratique". Ce rejet immédiatiste a été critiqué à des degrés divers par certains participants. Mais en fait, cette réaction de révolte envers "ceux qui gobent la propagande bourgeoise" peut apparaître légitime de la part d’éléments qui expriment une impatience et une révolte devant le fait que les ouvriers aillent voter pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie. La discussion a également montré qu’une telle attitude traduit des concessions à l’idéologie anarchisante, ce qui tend bien plus à désarmer ces camarades face à l’anarchisme ambiant entretenu par la bourgeoisie et dont une des composantes idéologique classique est la culpabilisation (des "nigauds"). Il s’agit là aussi du poids idéologique de visions individualistes de la lutte de classe qui pousse à faire en sorte de rejeter certaines parties de la classe ouvrière, perçues comme "moins claires", voire à les mépriser. Mais ce produit idéologique a été en même temps rapidement combattu, puisqu’un des rédacteurs présent a précisé que ce tract avait été écrit "pour faire réagir". Dans le mouvement ouvrier, les révolutionnaires ont toujours œuvré dans le sens de faire réagir la classe ouvrière, mais jamais en l’insultant, ni en traitant les ouvriers mystifiés par l’idéologie bourgeoise d’imbéciles. Une des tâches principales des révolutionnaires est bien plus de dénoncer les pièges de l’idéologie bourgeoise et d’expliquer patiemment et inlassablement à la classe ouvrière les dangers qui la guettent si elle adhère aux mensonges électoraux de la classe dominante. L’attitude consistant à stigmatiser "les nigauds" qui vont voter ne peut que braquer des éléments en recherche ou qui ont des doutes. Elle entrave la réelle réflexion en les rejetant d’emblée dans le camp de ceux qui se "font avoir" mais sans donner de réponse claire et réellement critique.

La discussion, dans ce sens, a montré la nécessité de débattre fraternellement pour faire avancer la réflexion. Et c’est bien cette démarche qui a été engagée par le camarade qui est venu pour défendre un texte émanant d’éléments combatifs, en s’inscrivant très positivement dans la discussion.

En quoi l’organisation est-elle nécessaire ?

Le camarade est ainsi intervenu dans le débat pour répondre, développer son point de vue et justement exposer ses désaccords: "Notre tract n’a pas pour but d’éclairer, mais il a été rédigé contre le consensus et pour faire réagir (…) j’ai une vision différente du CCI sur la question de l’organisation et du militantisme. Le CCI n’est certainement pas d’accord avec notre analyse sur ce plan, qu’il qualifierait de conseilliste. Nous ne sommes pas révolutionnaires sans les masses qui font la révolution. L’organisation est faite pour répondre à une tâche et des nécessités précises. En dehors de la période révolutionnaire, elle n’a pas son utilité et dans ce cadre est amenée à se bureaucratiser. Pourquoi avoir besoin d’une organisation ? Les meetings, les tracts etc. peuvent très bien se faire sans elle. (…). Marx et Engels ont été des théoriciens et des interprètes du mouvement social. Entre 1852 et 1864, il n’y avait pas d’organisation et les idées de Marx n’ont pas dégénéré. Ma critique porte sur le fait que les organisations dégénèrent quand leur rôle est terminé (…) Le CCI intervient dans la classe ouvrière, le CCI veut bien discuter. Bien ! Mais je ne suis pas sûr qu’en faisant des réunions publiques cela développe une influence. Il n’y a pas forcément des prolétaires qui viennent ou convaincus. J’ai l’impression que cela n’apporte rien de discuter par rapport à un texte (NDLR : le camarade fait allusion à nos textes introductifs lors des réunions publiques). On n’a pas besoin d’un cours ! (…) je ne nie pas la nécessité d’une organisation, mais seulement en période révolutionnaire"

Selon le point de vue développé ici par le camarade, l’organisation ne se réduirait qu’à un aspect immédiatement utilitaire et limité à la période révolutionnaire. Mais surtout, elle présenterait un danger après la révolution. On retrouve, comme le reconnaît d’ailleurs lui-même le camarade, la vieille antienne conseilliste qui, derrière une vague considération sur "l’utilité éventuelle" de l’organisation, la conçoit a priori comme une sorte de menace, une "machine à corrompre", un "instrument" aux mains de "leaders". En fin de compte, il apparaît bien de ce fait que le camarade n’est pas convaincu de l’utilité d’une organisation, y compris d’ailleurs pour la "période de la révolution". Pour lui, la classe ouvrière est parfaitement capable de s’organiser elle-même, et nous sommes d’accord là-dessus. Mais nous touchons ici au nœud de la problématique du camarade qui voit aussi dans le parti un danger potentiel permanent pour la classe ouvrière. Pour lui, le parti ne peut inévitablement que confisquer au prolétariat le contrôle de sa lutte et en conséquence est un ennemi à terme du développement de son combat et ne peut que s’identifier pleinement à la prise du pouvoir au sein de l’Etat.

D’où provient l’organisation ? Des masses elles-mêmes ? Quelle serait alors sa tâche et par rapport à quelles nécessités ?

Le camarade passe en réalité à côté de ces questions essentielles, ce qui renforce sa propension à assimiler confusément le parti à l’Etat et donc à ne voir avant tout dans le parti qu’un "danger". Comme un fatum, la dynamique de "bureaucratisation", selon la terminologie conseilliste, devient alors inévitable de ce point de vue. Or, il n’y a au contraire aucune fatalité et la vie d’une organisation n’est qu’un combat permanent dont l’issue n’est pas écrite à l’avance. Il doit être clair que le parti n’a pas pour rôle de prendre le pouvoir, même "au nom de la classe" et qu’il reste toujours un organe d’orientation politique qui, loin de s’identifier à l’Etat, lui est étranger. Cela avant, pendant et après la révolution, y compris donc dans une période post-insurrectionnelle. Il reste en cela une sécrétion de la classe ouvrière et de son combat historique. Seule une défaite du courant marxiste et une victoire de l’opportunisme, c'est-à-dire la pénétration de l’idéologie dominante en son sein, représente un danger potentiel qui peut être effectivement mortel. Mais cela n’infirme pas qu’à tous moments, il est vital pour les minorités les plus conscientes d’être organisées, pour être facteur actif dans le combat pour participer activement et efficacement à accélérer l’homogénéisation de la conscience dans la classe.

L’expérience du mouvement ouvrier

En réalité, ce qui peut paraître difficile à comprendre, c’est que le mouvement ouvrier doit accomplir des tâches organisationnelles en permanence, y compris lorsque les grandes masses paraissent totalement absentes de la scène de l’histoire ou lorsqu’elles sont défaites. S’il est vrai que les partis prolétariens surgissent en lien avec la montée des luttes de la classe ouvrière, se développent ensuite et disparaissent dans les phases contre-révolutionnaires, comme ce fût le cas formellement pour la Ligue en 1852, cela ne signifie pas pour autant une disparition totale de l’activité organisée.

De ce point de vue, entre 1852 et 1864, Marx n’était pas un "individu isolé" qui s’est "retiré pour ses études", un "penseur" ou "philosophe génial" comme se plait à le présenter la bourgeoisie, mais est resté au contraire un vrai militant communiste : "Marx n’a pas dissout autoritairement la Ligue en 1850, pas plus que l’AIT en 1872. Il a simplement expliqué que les révolutionnaires doivent se préparer à affronter la prochaine désagrégations de ces partis, en s’organisant pour maintenir même en leur absence le fil rouge de l’activité communiste" (Revue Internationale n°64 : "Le rapport fraction-Parti dans la théorie marxiste"). Les individus isolés, a contrario, ne peuvent avoir aucun champ réel d’action et le mouvement conscient de la classe ne peut jamais se réduire à la réflexion d’une somme d’individus éparpillés. Durant cette période de reflux de la lutte de classe, Marx et Engels ont au contraire toujours manifesté le souci de maintenir des liens organisés et de publier une presse révolutionnaire. Par l’expérience historique de la classe, Marx et Engels ont su préciser ainsi davantage à ce moment les contours de la notion de parti en faisant ce qu’on pourrait appeler un travail de "fraction" avant la lettre : "le processus de maturation et de définition du concept de fraction trouve donc son origine (mais pas sa conclusion) dans ce premier réseau de camarades qui avaient survécu à la dissolution de la Ligue des Communiste" (idem).

L’exemple de la Gauche italienne dans les années 1930, repris dans la discussion, constitue un démenti significatif à l’idée selon laquelle les organisations seraient inutiles en dehors de mouvements révolutionnaires. En effet, mené dans les conditions les plus terribles du stalinisme triomphant, les travaux de la Gauche italienne ont été des plus féconds sur différents plans théoriques, notamment organisationnels. Sans ce travail de fraction et donc d’organisation, notamment mené par Bilan, il n’y aurait pas aujourd’hui d’expression organisée aussi élaborée de la gauche communiste que le CCI ! Nous pouvons aussi ajouter plus simplement qu’avec le raisonnement du camarade appliqué à la phase ascendante du capitalisme, où la révolution n’est pas encore possible du fait de l’immaturité des conditions historiques, où le prolétariat se constitue en classe, on en viendrait rapidement à jeter aux orties les combats organisationnels de Marx et d’Engels, de Rosa Luxemburg et de Lénine ! Comme l’a affirmé justement un participant : "(…) L’organisation n’est pas seulement présente à des moments historiques particuliers. Il existe un rapport social qui fait que l’organisation est là pour lutter contre l’idéologie dominante. L’organisation est une nécessité pour pouvoir faire face à la pression de l’idéologie bourgeoise qui est permanente. Il s’agit d’un facteur fondamental qui s’exerce en profondeur et en étendue."

C'est justement à travers la discussion politique la plus large et la plus étendue et à travers la reconnaissance que les organisations révolutionnaires représentent son intérêt que le prolétariat sera le mieux à même de se renforcer politiquement et de se confronter à la bourgeoisie.

Le patient travail de regroupement international va de pair avec la construction de l’organisation du prolétariat. Le souci de la continuité pour transmettre un patrimoine politique à une nouvelle génération de militants est aujourd’hui indispensable pour préparer le futur parti et le prochain assaut révolutionnaire. Si les conditions du surgissement du parti sont liées à la lutte de classe, ce dernier n’en est pas un produit mécanique qui apparaît ex nihilo. Il doit surtout son existence à la clarté et la détermination, au combat de l’avant-garde révolutionnaire. Comme l’a montré la révolution russe, le parti bolchevik s’est construit bien avant la révolution, permettant une intervention féconde qui a préparé l’effervescence dans les meetings, les grèves et manifestations, dans les conseils ouvriers. Ceci, afin de remplir une fonction irremplaçable, celle de catalyser le processus de maturation de la conscience prolétarienne vers la victoire. Aujourd’hui, alors que l’impasse du capitalisme en crise pousse à nouveau le prolétariat à poursuivre et développer son combat, la tâche des révolutionnaires est d’œuvrer au travail de regroupement, à l’unité des énergies révolutionnaires en vue de la construction du futur parti mondial. De ce point de vue, nous ne pouvons partager la vision du camarade qui voit dans nos réunions et dans l’élaboration d’une démarche politique un "cours" qui ne lui "apporte rien". Contrairement à cette vision qui ferait du CCI une sorte de "professeur" et les participants des "élèves passifs" qui devraient ingurgiter des "leçons" formatées, nous affirmons que le prolétariat n’adopte pas ce type de démarches "pédagogiques" étrangères au marxisme. Tout au contraire, les réunions, encore une fois, sont des lieux de débats qui doivent permettre une confrontation politique en vue d’une clarification pour les besoins du combat. Elles participent du processus de prise de conscience nécessaire pour lutter contre la pression idéologique de la bourgeoisie, développer la lutte et préparer le futur.

 WH / 20.8.05

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [24]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • L'organisation révolutionnaire [25]

Plus de trente ans d'aggravation de la crise économique (2)

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Dans la première partie de cet article, paru dans le numéro précédent de Internationalisme, nous avons montré l’évolution de la crise économique du capitalisme depuis la fin des années 1960 suite à la période de reconstruction de l’après Deuxième Guerre mondiale. Dans cette deuxième partie nous allons nous attacher à démontrer que le monde capitaliste s ‘enfonce dorénavant dans une nouvelle récession mondiale, que la bourgeoisie se voit obligé de faire payer toujours plus fortement à la classe ouvrière.

Le capitalisme mondial confronté à une nouvelle accélération de sa crise

Face à cette dégradation de l ‘économie capitaliste, la bourgeoisie, au début des années 2000, a voulu de nouveau nous faire croire à une nouvelle phase d’expansion économique, notamment aux Etats-Unis mais également en Chine et en Inde. Pour ce qui concerne ces pays d’Asie et devant la propagande éhontée de la bourgeoisie, nous reviendrons plus en détail sur cette question dans un prochain article du journal.

 Pour ce qui concerne les Etats-Unis, première puissance économique du monde, il n’est pas difficile de montrer la vacuité des mensonges bourgeois en la matière ! Sans un déficit public dont l’ampleur et la rapidité de l’augmentation font peur à la bourgeoisie elle-même, l’économie américaine connaîtrait sans aucun doute la récession.

 Mais quels sont donc les autres facteurs présidant à cette "fameuse reprise" américaine ?

 La première raison est le soutien massif développé par l’administration américaine à la consommation des ménages. Cette politique est due à une spectaculaire baisse des impôts des classes aisées et moyennes, au prix d’une accélération de la dégradation du budget fédéral.

En deuxième lieu, la baisse des taux d’intérêts passant de 6,5% début 2001 à 1% début 2004, a propulsé ainsi en avant l’endettement des ménages.

Enfin, une ponction toujours plus grande de l’épargne, qui fond comme neige au soleil, passant de plus de 12% en 1980 à un petit 2% en ce début des années 2000.

La baisse spectaculaire des taux d’intérêts et la ponction phénoménale de l’épargne se sont donc traduits par un endettement massif des ménages aux Etats-Unis.

L’état américain a notamment soutenu ainsi totalement artificiellement le marché immobilier et le marché de l’automobile. La bourgeoisie américaine a poussé les ménages, quelque fois même avec des prêts à taux zéro, à acheter leur propre habitation, ce qui a été la source d’emprunts records. Depuis 1977, l’endettement hypothécaire américain a augmenté de 94% pour atteindre 7,4 milliards de dollars. Depuis 1977, les crédits bancaires destinés à l’acquisition d’immeubles se sont accrus de 200%. Depuis 1988 les prix des immeubles ont plus que doublés. En moyenne, aux Etats-Unis, la dette hypothécaire correspond pour une famille de 4 personnes à un endettement moyen de quelques 120 000 dollars. L’augmentation à la hausse accélérée des prix de l’immobilier s’est ainsi traduit également par une spéculation effrénée dans ce secteur. Tant que les taux d’intérêts restaient bas, proche de zéro, l’endettement des ménages pouvaient être supportable. Mais avec la hausse des taux d’intérêts qui s’amorce et l’élévation de la dette qui en résulte c’est la ruine pure et simple qui attend une très grande quantité des ménages américains.

Et pour finir, les Etats-Unis, grâce à cette politique des taux d’intérêts extrêmement bas, mènent sans vergogne une politique de dévaluation compétitive du dollar leur permettant de reporter sur le reste du monde les effets les plus marquants de l’aggravation de la crise économique. Devant la gravité actuelle de celle-ci, chaque bourgeoisie se lance dans une guerre commerciale sans merci.

Le prolétariat en Europe et en France n’a pu qu’en faire l’amère expérience avec le développement massif des licenciements et le démantèlement de "l’Etat providence" (remboursement de soins, bradage des retraites…) Mais ce qui est encore plus significatif, c’est que malgré l’ampleur sans précédent des moyens adoptés, cette reprise aura été extrêmement brève. La nouvelle récession et le retour de l’inflation ne laissent aucun répit à la bourgeoisie. Déjà la récession s’annonce et l’inflation fait sa réapparition. Le Groupe Financier Banque TD qui se veut particulièrement rassurant annonce pourtant un ralentissement de la croissance mondiale : "Le PIB mondial réel ralentira probablement de 4,8% en 2004 à 4,2% en 2005 et à 3,9% en 2006… En fait la croissance américaine devrait ralentir de 4,4% en 2004 à 3,8% en 2005, puis à 3,2% en 2006, tandis qu’en Chine on prévoit que le taux de croissance oscillera entre 8% et 8,5%…par rapport au plus 9% de 2004." Cependant ces prévisions apparaissent, là encore de la part des experts bourgeois, sous-estimer la réalité, ce qui n’empêche celle-ci de prévoir des jours sombres pour l’économie capitaliste, contredisant ainsi ouvertement les campagnes idéologiques de la bourgeoisie.

Le 22 février dernier, de nouveaux troubles importants sont apparus sur les marchés financiers, indiquant encore une fois les conditions désastreuses dans lequel se trouve le système financier international. Le 24 février le principal éditorial du New York Times mettait en avant : "La liquidation du dollar mardi n’a pas provoqué d’effondrement. Mais elle en a sans aucun doute donnée un avant goût (…) L’épisode de mardi à ses origines dans les déséquilibres structurels américains…" Quant au Washington Post, au cours du même mois, il écrivait : "L’horloge continue d’avancer nous rapprochant du désastre. Une superstructure financière délabrée se fait secouer par une nouvelle crise de l’énergie, l’agitation du dollar et des finances américaines hors de contrôle." Il y a encore peu, le dollar s’échangeait à 1,32 contre 1 euro. Cette perspective de baisse du dollar semblait s’imposer. Cependant, la crise secouant actuellement l’espace économique européen a bousculé momentanément la donne. Le 3 juin dernier l’euro atteignait son plus bas niveau depuis huit mois, en lien avec une brusque ruée sur le dollar.

 La bourgeoisie se retrouve confrontée à des turbulences monétaires de plus en plus graves, lui interdisant toute vision à moyen terme. A cela il faut ajouter, qu’au cours des dernières années, le dollar était principalement soutenu par le Japon, l’Arabie Saoudite et la Chine. On sait que, depuis 2 ans, les saoudiens détournent leurs investissements des Etats-Unis, vers d’autres régions du monde. Aujourd’hui, la Chine montre qu’elle arrive également dans ce domaine à un point insupportable pour son économie. Le porte parole du ministère des affaires étrangères Ain Gang a déclaré à Pékin en avril : "Si un pays est incapable de soutenir ces déficits avec une épargne interne, il ne peut dépendre de l’épargne d’un autre pays". En terme clair, à son tour la Chine, n’est plus en mesure de financer l’énorme déficit américain. Les banques centrales asiatiques, japonaises et chinoises inondées d’avoirs en dollar, avec des banques au bord de la faillite ne pourront plus en absorber davantage. Les plus grands détenteurs de reconnaissance de dettes de l’Etat américain sont les banques centrales d’Asie et de la région du Pacifique. A elles seules, celles du Japon et de la Chine possèdent des obligations d’Etats américains se chiffrant à plus de 1 milliard de dollars. La Chine écoule une grande partie de sa production sur le marché intérieur américain. Elle est alors payé en dollars, qu’elle utilise en partie pour acheter des bons du trésor américain, finançant ainsi le déficit colossal des Etats-Unis. Cette politique permet en retour à Pékin d’ouvrir chaque jour de nouvelles usines de biens exportables avec l’aval des Etats-Unis, sur le marché américain. Cependant l’économie chinoise est subventionnée par le déficit budgétaire et le déficit d’Etat. Celui-ci ne cesse de se creuser atteignant comme aux Etats-Unis une zone de haute turbulence. Il était d’un peu plus de 100 milliards de yuans en 1987, il est aujourd’hui de près de 500 milliards. Déficit qui est financé essentiellement par le système bancaire chinois, qui se retrouve ainsi noyé de créances plus que douteuses. L’instabilité croissante du dollar fait aujourd’hui courir un risque majeur au système financier international.

Pour la majorité des pays, posséder des dollars, n’a de sens que dans la mesure où il s'agit de la principale monnaie du commerce mondial. C’est bien cette fonction qui est mise en danger par son effondrement toujours possible. Malgré, la reprise actuelle du dollar face à l’affaiblissement de l’euro, le niveau faramineux d’endettement de l’économie américaine ne peut que pousser, dans la période à venir, à nouveau le dollar à la baisse. Face à cette réalité, le danger vient de la nécessité pour de nombreux pays de diversifier leur avoir en devises fortes. La flambée du cours des matières premières, qui le 8 mars à partir de l’indice CRB ( Commodity research bureau) qui couvre 17 des plus importantes matières premières a atteint son plus haut niveau depuis 24 ans. Il n’y a pas que le pétrole qui grimpe même si le baril qui était de 10 dollars il y a 6 ans a franchi celui des 55 dollars aujourd’hui. La spéculation toujours aussi présente, y compris en formant une bulle immobilière maintenant toute proche de l’implosion et l’état catastrophique du système monétaire international ont poussé l’or a battre un niveau historique de 440 dollars l’once. Deux jours plus tard l’ancien premier ministre australien, Paul Keating, déclarait : "Qu’il fallait se préparer à un krach catastrophique du dollar et à une explosion de panique."

Malgré la pression à la baisse sur les prix par une politique de régression salariale, partout cet endettement généralisé fait ressurgir conjointement avec la récession, le spectre de l’inflation. La pression excessivement forte à la baisse sur la masse salariale, induisant une tendance à la baisse des prix, n’est ainsi plus en mesure de freiner durablement les tendances inflationnistes. Tous les pays industrialisés d’Europe, d’Asie et d’Amérique elle-même connaissent à nouveau des tensions inflationnistes. La réduction de la masse monétaire qui en découle inéluctablement sera un facteur actif supplémentaire dans la récession qui se profile à nouveau. La bourgeoisie est ainsi elle même obligée de prendre des mesures qui vont ralentir l’économie, alors que la récession est pourtant à nouveau déjà présente. Avec en 2003 une dette équivalente à 58% du PIB et un taux de 60% de la croissance attribuable aux dépenses militaires, la récession américaine qui s’approche donne ainsi le ton pour l’ensemble de l’ économie mondiale. L’affaiblissement de la cohérence économique atteinte dans l’Espace Européen, notamment en matière monétaire, se traduira dans ce contexte international par une entrée encore plus forte dans la récession. Les turbulences que va connaître le système financier international ne manqueront pas également d’avoir des conséquences encore difficilement mesurables sur la dégradation de l’économie capitaliste.

Une récession plus profonde que les précédentes

Alors que la très courte reprise économique de ce début des années 2000 s’est traduite par une accélération massive du chômage et de la paupérisation de la classe ouvrière, nous pouvons alors imaginer l’ampleur de l’attaque que le capitalisme tentera d’infliger au prolétariat. Un des symboles de cette fameuse reprise qui vient de s’écouler est peut-être la faillite virtuelle des deux plus grands constructeurs automobiles mondiaux : Général Motors et Ford. Devant une telle détérioration de l’économie capitaliste, un tel développement de l’exploitation ouvrière, plus que jamais le prolétariat ne doit pas se tromper d’ennemi. Celui-ci n’est pas le libéralisme ou la libre concurrence, ou le patronat, pas plus que ce qui est appelé mondialisation. C’est le capitalisme aujourd’hui en faillite, la classe bourgeoise et son état qui sont les seuls véritables ennemis de la classe ouvrière et de l’humanité tout entière. D’ores et déjà, nous pouvons affirmer que la nouvelle récession sera beaucoup plus profonde que toutes celles qui ont existé depuis la fin de la période de reconstruction. Mais le prolétariat ne doit pas se décourager devant cette perspective. Si la crise économique s’accélère et avec elle les attaques contre la classe ouvrière, celles-ci se développent au moment ou le prolétariat à travers la remontée de sa confiance en lui-même, retrouve le chemin des luttes et du développement de sa solidarité et de sa conscience de classe. Cette situation est riche et pleine de potentialité pour la lutte de classe.

Tino

Questions théoriques: 

  • L'économie [1]

Tsunami, cyclones, tremblements de terre: Derrière l'aide humanitaire, les rivalités impérialistes

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Depuis quelques années, les catastrophes naturelles ne cessent de se multiplier. Bien pire encore, les conséquences humaines de ces drames gigantesques prennent des proportions toujours plus grandes. Pourtant, l’attitude des bourgeoisies nationales varient fortement d’une catastrophe à l’autre. L’ignominie de la bourgeoisie se manifeste chaque fois qu’il est question de "secours" à apporter aux populations sinistrées. Il suffit de voir comment après chaque catastrophe, celles-ci sont utilisées directement à des fins impérialistes.

Les ONG, au service de l'impérialisme

Au mois de décembre, l’année dernière, le tsunami ravageait l’Asie du sud. Ce raz de marée devait faire plus de 500 000 morts, touchant l’Indonésie, Sumatra, la Thaïlande et l’Inde. Les médias bourgeois pouvaient partout verser leurs larmes de crocodiles et en appeler à la mobilisation générale des secours, la préoccupation des principaux Etats capitalistes étaient en vérité ailleurs. Dans cette région du monde où les tensions entre nations sont fortes, notamment entre l’Inde et le Pakistan, toutes les grandes puissances impérialistes ont tenté de se positionner au mieux de leurs intérêts en avançant à peine cachées derrière leurs ONG respectives. Ainsi, face à la totale inefficacité sur le terrain des aides humanitaires, même les journalistes sont obligés d’avouer que "Le climat de concurrence dans lequel opèrent les organisations non gouvernementales et les agences des Nations Unies forme une autre explication. Quatre études récentes en arrivent indépendamment à des conclusions similaires : la manne financière, que représente l’aide humanitaire internationale, a entraîné une ruée plutôt inconvenante vers les ressources de donateurs, souvent au détriment des populations affectées par des catastrophes et des situations d’urgence et à celui donc de l’intégrité des organisations… Celles-ci sont souvent guidées par les priorités de leur donateur, qui allouent les fonds de manière à favoriser leurs intérêts nationaux" (souligné par nous, Le Monde Diplomatique du 17 octobre). Bien pire encore, "l’absence de coordination et la multiplicité des initiatives des différentes ONG ont engendré des phénomènes de rivalités et de double emploi ou d’aides inadaptées" (Libération du 20 octobre). La réalité ne peut pas être plus cyniquement exprimée. Cette concurrence inter-impérialiste dont les ONG sont le fer de lance se traduit ainsi dans les faits par un gaspillage, voire une stérilisation de toute une partie des misérables moyens des secours octroyés par les Etats ou même provenant des dons des particuliers indignés par autant de souffrance humaine.

Des régions sinistrées abandonnées à leur sort

L’intérêt réel que porte le capitalisme à la vie humaine, ses motivations en matière de politique "humanitaire" se montrent dans toute leur clarté et cruauté lorsque des catastrophes touchent des zones géographiques qui n’ont pas d’intérêts géostratégiques majeurs. Quelques mois seulement avant que le Tsunami ne frappe en Asie du sud-est, de terribles inondations ont ravagé Haïti et Saint-Domingue. Il y a eu des milliers de morts et pratiquement aucun moyen de secours, aucune publicité, aucune campagne médiatique de "solidarité" envers les populations sinistrées (qui n'a été, lors du tsunami, qu'un gigantesque racket à l'échelle planétaire). La même constatation s’impose pour ce qui est de l’Amazonie qui connaît depuis 4 ans la plus terrible sécheresse de son histoire et dont la population est tout simplement abandonnée à son triste sort. Ou encore, au cours du mois de septembre, la tempête Stan a frappé de plein fouet le Guatemala, mais aussi le Salvador, le Nicaragua et le sud-est du Mexique. des milliers de morts et des dizaines de milliers de sinistrés ont été dénombrés. A titre d’exemple, le dimanche 9 octobre, les informations télévisées ne sont restées que quelques secondes sur ce qu’elles ont nommé un fait divers : une coulée de boue dans un village reculé du Guatemala. Cette brève d’info recouvrait en réalité un carnage abominable. Les 1400 habitants de ce village ont péri. Tous y sont passés, hommes, femmes et enfants, noyés, étouffés ou écrasés sous les glissements de terrains ou les pluies torrentielles.

Face à cette nouvelle tragédie, Washington a promis très "généreusement" d’envoyer six hélicoptères pour faciliter les évacuations. La majeure partie des ONG, les principales puissances impérialistes du monde se sont totalement désintéressées de ce drame humain, laissant cette région du monde sombrer dans l’indifférence, la souffrance et les épidémies.

L’humanitaire au service de la propagande chauvine et anti-américaine

Lorsqu’il y a quelques semaines seulement, le cyclone Katrina a frappé massivement la Nouvelle-Orléans et plus généralement le sud-est des Etats-Unis, l’attitude des bourgeoisies a été radicalement différente. L’indifférence a été remplacée par une sur-médiatisation. A la télévision, dans les journaux, à tout moment de la journée étaient montrées des images de populations pauvres, prises au piège, sans ressource, sans abri, sans secours et encadrées par les soldats américains l’arme au poing. Tout cela n’avait rien d’innocent. Il s’agissait pour les principales bourgeoisies nationales rivales de montrer l’inhumanité, l’indifférence et l’incapacité des Etats-Unis de protéger leur propre population, eux qui par ailleurs déploient des moyens militaires faramineux pour bombarder les populations d'Irak et de l'Afghanistan. La campagne idéologique anti-américaine s’est exprimée pleinement, permettant alors à des puissances impérialistes comme la France ou l’Allemagne de faire savoir qu’elles étaient prêtes à venir au secours de l’Etat américain défaillant. Même Condolezza Rice a été amenée à tempérer les propos de l’administration américaine et du président Bush qui avaient immédiatement et vivement réagi à ces propositions : "Dans un interview à la chaîne ABC, Bush a d’abord déclaré "Nous apprécions l’aide, mais nous allons nous en sortir nous-mêmes". Puis le président américain a précisé :"Nous ne leur avons pas demandé de nous aider".

L’utilisation cynique de cette catastrophe par les principales puissances rivales des Etats-Unis a momentanément porté ses fruits en montrant aux yeux du monde entier l’incurie de la première puissance mondiale face à la détresse de sa propre population.

Après la catastrophe naturelle au Cachemire, la ruée de l’impérialisme mondial

Sur ce terrain, le développement des tensions inter-impérialistes n’allait connaître aucun répit. Dès le mois d’octobre, un nouveau tremblement de terre allait toucher la région du Cachemire indien et pakistanais. Dix jours après ce séisme, le nombre de victimes ne cesse encore de croître, dépassant pourtant déjà les 50 000 morts. Comme lors du tsunami, les ONG de tous horizons se sont précipitées pour proposer leur aide, et derrières elles, toutes les grandes puissances ont manifesté leur volonté de participer activement aux secours. Pour quel résultat ?

"Je ne pense pas que beaucoup de gens puissent survivre dans ce froid […]. Nous avons vu apparaître ces derniers jours des cas de diarrhée, de fièvre, des infections respiratoires" (Docteur Bilal cité par Courrier International du 16 octobre).

Dans cette région du Cachemire, l’odeur de mort et de putréfaction prend à la gorge, et les survivants errent en quête d’abri affluant des montagnes.

Plusieurs semaines après cette gigantesque catastrophe, la réalité des secours mis en œuvre sur le terrain est donc pratiquement insignifiante. Cette zone du monde est d’une très grande importance géostratégique et impérialiste en tant que point cardinal entre l’Europe, l’Asie et la Russie. Ainsi, depuis des années, cette région est le théâtre des rivalités guerrières entre l’Inde et le Pakistan. Le contraste est absolument saisissant entre les moyens logistiques armés déployés dans cette région du monde et le dénuement extrême des populations. En fait, ces moyens militaires ne peuvent en aucun cas être mis à la disposition des secours. En effet, "la source d’approvisionnement en hélicoptères la plus proche est l’Inde, mais les relations sont tendues entre les deux pays qui se disputent la souveraineté du Cachemire". Le président pakistanais Pervez Musharraf a dit "qu’il accepterait les hélicoptères indiens, à condition qu’ils arrivent sans équipages" (Libération du 22 octobre). Mais plus clair et inhumain encore, celui-ci a défendu ses positions en ces termes "il y a des plans de défense militaires, il y a là-bas des déploiements militaires, partout, comme du côté indien. Nous ne voulons pas que les militaires viennent ici, pas du tout". Si le président Pervez Musharraf réagit ainsi, c’est qu’il sait très bien que derrière ces propositions humanitaires se cache en réalité une tentative d’avancée guerrière. Mais les rivalités impérialistes concernant l’Inde et le Pakistan impliquent aussi directement l’ensemble des grandes puissance impérialistes : Etats-Unis, Chine, France, Allemagne, Angleterre… aucune grande puissance ne peut se désintéresser de cette région du monde. Pour preuve, "L’OTAN a décidé l’envoi de 500 à 1000 hommes dans le nord du Pakistan, mais sera en revanche incapable de répondre à l’appel des Nations Unies à la création d’un vaste pont aérien pour rompre l’isolement des centaines de milliers de sinistrés menacés par le froid et la faim" (Libération du 22 octobre). Si les instances internationales, OTAN et ONU, sont ainsi incapables de coordonner le moindre effort en matière de secours, c’est tout simplement parce que leur vocation n'a rien d'humanitaire. Elles ne sont qu'un lieu de confrontations impérialistes entre ces mêmes grandes puissances.

Seule la révolution communiste peut sauver l’humanité de sa destruction

Les dégâts occasionnés par les catastrophes dites naturelles au cours des années 90 ont été trois fois plus importants que durant la décennie précédente et quinze fois plus que dans les années 50. Si de plus en plus de zones géographiques et de populations sont détruites par les conséquences de ces catastrophes, il doit être clair aux yeux du prolétariat que ce terrain n’intéresse la bourgeoisie que dans la mesure où elle peut y exploiter ouvertement ses intérêts impérialistes et nationaux. Dans les zones sinistrées qui ne sont pas laissées à l’abandon, parce qu’elles représentent un enjeu géostratégique, l’intervention dite humanitaire est de fait un facteur d’aggravation de la situation sur place, accentuant désordre, pagaille et chaos.

La fuite en avant du capitalisme dans ces tensions inter-impérialistes participe directement à l’aggravation de la barbarie humaine résultant de ces catastrophes. La classe ouvrière est la seule classe capable de renverser le capitalisme et de mettre un terme à ce processus suicidaire en instaurant la société communiste qui abolira à tout jamais les rapports d'exploitation et de profit qui engendrent ces horreurs.

Tino / 22.10.05

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [17]

Tract du CCI Seule la solidarité entre les travailleurs dans la lutte peut repousser les attaques !

  • 3276 reads

Pacte pour l’emploi qui généralise la flexibilité, assainissement de la Sécu, Plan Marshall wallon, dégraissage de la fonction publique, rationalisations dans les entreprises privées, … Après la signature du dernier-né des plans d’attaque contre les conditions de vie des travailleurs, le “contrat de solidarité entre les générations”, concocté par les ministres PS/SPa et libéraux et avalisé par deux syndicats, des milliers d’ouvriers se sont mis en grève et sont descendus dans la rue pour crier leur colère : NON au chômage ! NON à l’allongement du nombre d’années requis ! NON au report de l’âge minimal pour les préretraites ! En un mot : Ras-le-bol de la spirale infernale d’austérité et de sacrifices, ras-le-bol de la “solidarité” avec un système capitaliste qui nous propose de plus en plus clairement comme seule perspective : crève-toi d’abord au travail et crève tout court ensuite !

Les multiples débrayages spontanés ainsi que la volonté de manifester ensemble dans la rue le mécontentement et la colère montrent que la véritable solidarité ouvrière est à l’opposé de celle que veut nous imposer la bourgeoisie et qui se résume à faire payer la crise du système capitaliste par les travailleurs.

Le pacte entre générations révèle la faillite du capitalisme et de son "Etat social"

Le “pacte entre générations” appelle “les vieux” à travailler plus longtemps par “solidarité” avec “les jeunes” car, nous explique-t-on la main sur le coeur, l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement de la population menaceraient d’entraîner les caisses de retraite vers la faillite et hypothèqueraient de la sorte le futur de la jeunesse. Il y a quelques années encore, la bourgeoisie nous affirmait avec la même hypocrisie qu’il fallait travailler moins pour donner des emplois aux jeunes. Le cynisme de la bourgeoisie est sans bornes !Ce qu’elle tente de cacher ainsi, c’est que cette nécessité absolue de s’attaquer aux retraites et préretraites des salariés découle de l’ampleur du chômage, qui lui-même est le produit de la crise: il est évident que lorsque le chômage explose et que des dizaines de milliers d’emplois sont supprimés, l’assiette des cotisants se trouve singulièrement rétrécie et le système des retraites s’effondre.

Face à sa crise, la bourgeoisie cherche à réduire toujours plus drastiquement la part des dépenses improductives comme le sont, de son point de vue, les retraites, les allocations chômage ou l’assurance maladie. Son objectif majeur avec le “contrat entre générations” est donc bien d’allonger la vie active afin de réduire au maximum le montant des pensions à payer.

La question des retraites anticipées ne révèle donc pas un “manque de solidarité” entre travailleurs mais bien plus fondamentalement la faillite du capitalisme et de son “Etat social”, qui n’est plus capable d’intégrer la population dans le salariat, qui rejette les masses croissantes de chômeurs dans la misère et poursuit le démantèlement du régime des pensions (rappelons nous que la bourgeoisie avait déjà rallongé de cinq années l’obtention de la pension pour les travailleuses !).

Aggravation de la crise et développement des attaques : tous les travailleurs sont visés

Ces attaques ne sont limitées ni à tel ou tel type de gouvernement ni à tel ou tel pays. En France ou en Autriche en 2003, en Allemagne et en Hollande en 2004, en Grande-Bretagne aujourd’hui, des mesures similaires ont été appliquées ou sont en voie de l’être. La crise s’aggrave et la bourgeoisie doit cogner de plus en plus fort. Dès lors, la remise en cause du régime des préretraites n’est que le début d’une nouvelle série d’attaques massives et frontales en préparation.

Pendant des années, la bourgeoisie a essayé démasquer l’ampleur du phénomène du chômage. Elle a employé tour à tour la manipulation des statistiques en éliminant toute une série de catégories, ainsi que le système des pré-pensions afin d’éviter le développement du mécontentement social. Mais aujourd’hui, avec la crise économique qui s’aggrave, elle ne peut plus utiliser ces expédients, c’est pourquoi elle a mis en place une chasse aux chômeurs visant à les exclure du bénéfice de leurs allocations et commence maintenant à remettre en cause le système des prépensions. Après une dure vie de labeur, les travailleurs n’ont plus aucunes certitudes d’obtenir une retraite bien méritée.

Les patrons avaient même très souvent utilisé l’argument de la possibilité des pré-pensions pour plus facilement faire accepter des sacrifices sur le plan des salaires ou de la flexibilité et, les ouvriers, contraints et forcés, les avaient subis en sachant qu’une retraite anticipée était quasi certaine. Aujourd’hui la bourgeoisie n’a plus que du sang et des larmes à nous promettre : d’abord pour les ouvriers au travail, pressurés de plus en plus pour des salaires de misère, ensuite pour les ouvriers au chômage, qui voient leurs allocations diminuer et se voient exclus en masse, et enfin pour les futurs pensionnés qui atteindront ce seuil de plus en plus difficilement et sans certitude d’une pension décente.

Cette agression concerne donc tous les salariés et requiert une riposte déterminée afin d’arrêter la continuelle paupérisation et dégradation des conditions de travail que veut nous imposer la bourgeoisie. Et notre riposte d’aujourd’hui doit s’inscrire dans un combat plus général contre un système qui n’a plus rien à nous offrir si ce n’est que plus de souffrances et de misères.

Gouvernement et syndicats magouillent pour faire passer les mesures

Même Verhofstadt qui, jusqu’il y a peu, prétendait que “tout va bien en Belgique” est obligé de reconnaître la réalité de la récession. La bourgeoisie arrive de moins en moins à masquer la gravité de la crise et n’a d’autre choix que d’aller toujours plus loin dans ses attaques anti-ouvrières. Son souci principal est aujourd’hui: comment faire passer les attaques ? Comment désamorcer l’inévitable colère ouvrière ? Depuis des mois, elle a répandu un énorme brouillard afin de déboussoler la classe ouvrière. Dans des négociations interminables, gouvernement, patronat et syndicats ont déplacé des points et des virgules, fait des déclarations musclées, annonçant le pire pour, après négociation, trouver un “texte de compromis honorable pour tous”.

Le gouvernement comptait faire passer son “contrat” sans trop de réactions incontrôlées, s’appuyant sur ses fidèles serviteurs – les syndicats – pour étouffer et canaliser toute contestation. Ceux-ci ont d’abord organisé la division des travailleurs par un astucieux partage des tâches : le 7 octobre, la FGTB lançait une grève générale, tandis que la CSC menait une vaste campagne médiatique sur les “dix bonnes raisons de ne pas faire grève”. De toute façon, la FGTB prenait soin d’éviter les rassemblements ou les manifestations empêchant ainsi les ouvriers des différents secteurs de se rencontrer, de sentir qu’ils représentent une même force et surtout d’entamer un début de réflexion sur la gravité de la situation.

Si aujourd’hui tous les syndicats appellent à la grève générale et à la manifestation nationale … à la veille d’un long week-end, c’est pour récupérer la colère ouvrière et l’orienter vers un soutien aux organisations syndicales pour négocier “un meilleur pacte entre générations”, c’est-à-dire faire passer l’essentiel des mesures avec quelques adaptations superficielles. Aussi, il ne faut pas se laisser prendre par les discours musclés actuels des syndicats, aidés qu’ils sont en cela par les déclarations provocatrices des ministres ou du patronat et par le refus affiché du gouvernement de renégocier l’accord. Le rôle des syndicats – comme des ministres socialistes d’ailleurs, qui prétendent imposer ces mesures pour sauvegarder “le meilleur système de protection sociale du monde” – consiste à faire accepter la logique de gestion du capital, de défense de l’Etat bourgeois, qui implique d’accepter d’emblée les licenciements, la diminution du salaire social, pour ne pas affaiblir le capital national face à la concurrence internationale.

Seule la solidarité dans la lutte entre tous les travailleurs peut imposer un rapport de force en notre faveur

L’enjeu ne se réduit donc pas à la question des préretraites. Les mesures gouvernementales représentent une attaque contre toute la classe ouvrière: les vieux comme les jeunes, les actifs comme les chômeurs, les travailleurs de toutes les régions et toutes les communautés. Face aux attaques, il n’y a pas d’autres alternatives que de lutter pour défendre ses conditions de vie et de travail. Et l’actualité sociale montre que le prolétariat est bien vivant et qu’il n’a pas d’autre choix que de développer son combat partout dans le monde. C’est déjà ce qu’ont montré, face à des attaques du même ordre, les travailleurs de la fonction publique en France et en Autriche en 2003, les manifestations en Allemagne ou encore les trois cent mille manifestants contre les plans du gouvernement Balkenende aux Pays-Bas en 2004. Les ouvriers savent très bien qu’ils doivent imposer un rapport de force en leur faveur et que les négociations syndicales ne servent qu’à avaliser les mesures scélérates et confirmer les défaites. Ce n’est que dans la lutte que la classe ouvrière peut faire reculer la bourgeoisie.

Contre les discours syndicaux affirmant que “cela ne concerne pas un tel et un tel”, contre le régionalisme et le sectorialisme, contre le dévoiement des luttes par les syndicats vers la capitulation par rapport aux mesures de la bourgeoisie, les travailleurs doivent mettre en avant la solidarité entre eux, la recherche de l’unité, la mise en avant de l’intérêt général contre la mise en avant par les syndicats des spécificités. Cette solidarité de classe s’exprime avec de plus en plus de vigueur en Europe ces derniers temps, dépassant les divisions syndicales et sectorielles :

– à Daimler-Benz en 2004 en Allemagne, les travailleurs des autres sièges de l’entreprise se sont mis en grève en solidarité avec un siège qu’on voulait fermer ;

– à Heathrow en Grande-Bretagne récemment, un millier de travailleurs de l’aéroport se sont mis spontanément en grève par solidarité avec les 670 ouvriers de l’entreprise de restauration dès l’annonce de leur licenciement ;

– aux Etats-Unis, lors de la grève de 18 500 mécaniciens de Boeing, les ouvriers ont refusé tout net la manoeuvre de division entre “nouveaux” et “anciens”, jeunes et vieux. Ils se sont également opposés à une tentative de la direction au cours de la négociation d’opposer les intérêts des ouvriers entre eux avec la proposition d’introduire des mesures différentes entre 3 grandes usines de production.

La crise contraint toutes les bourgeoisies nationales à prendre les mêmes mesures plus brutalement, plus massivement. L’uniformisation de ces attaques au niveau mondial, révèle les contradictions du système, la faillite du capitalisme et son impasse historique. Elle doit stimuler l’émergence chez les travailleurs d’un questionnement sur les perspectives d’avenir réelles pour la société qu’offre la bourgeoisie.

OUI à la solidarité de classe dans la lutte contre les attaques !

OUI au combat pour la construction d’une société basée sur les besoins humains et non pas sur le profit !

Internationalisme, 27.10.05

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Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [2]

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