L’insurrection de Dublin en 1916 et la question nationale

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Il y a cent ans, à Pâques 1916, une poignée de nationalistes irlandais s'emparait de positions stratégiques dans le centre de Dublin et déclarait l'indépendance de l'Irlande vis-à-vis de l'empire britannique et la création d'une République d'Irlande. Ils réussirent à tenir quelques jours avant d'être écrasés par les forces armées britanniques, qui n'ont pas hésité à bombarder la ville en utilisant les canons de la marine. Parmi ceux qui furent exécutés sommairement après la défaite de l'Insurrection de Pâques, il y avait le grand révolutionnaire James Connolly, l'un des leaders les plus connus de la classe ouvrière en Irlande qui avait fait participer sa milice ouvrière dans la révolte aux côtés des volontaires irlandais nationalistes.

Tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle, le soutien à la cause de l'indépendance nationale irlandaise et polonaise avait été une donnée du mouvement ouvrier européen. La tragédie de l'Irlande et la croyance de Marx dans la nécessité de l'indépendance irlandaise ont été utilisées maintes et maintes fois pour justifier le soutien à un certain nombre de mouvements de "libération nationale" contre les puissances impérialistes aussi bien anciennes que nouvelles. Mais le déclenchement de la guerre mondiale en 1914 devait consacrer la prise en compte de changements de la situation mondiale invalidant les anciennes positions. Comme nos prédécesseurs de la Gauche communiste de France le posent : "Seule l'action basée sur les données les plus récentes, en continuel enrichissement, est révolutionnaire. Par contre, l'action faite sur la base d'une vérité d'hier, mais déjà, périmée aujourd'hui, est stérile, nuisible et réactionnaire1

Lorsque James Connolly fut exécuté, Sean O’Casey 2 déclara que le mouvement ouvrier avait perdu un dirigeant et que le nationalisme irlandais avait gagné un martyr.

Comment cela a-t-il pu arriver ? Comment un internationaliste convaincu et inébranlable comme Connolly a-t-il pu remettre son sort entre les mains du patriotisme ? Nous n’examinerons pas ici l’évolution de son attitude en 1914 : ce sujet est traité dans un article publié dans World Revolution en 1976 3 , qui est toujours valable. Nous ne chercherons pas non plus à démontrer sa profonde hostilité envers le nationalisme interclassiste : les paroles mêmes de Connolly, reproduites dans un article de notre s site,4 sont suffisamment claires. Ici notre objectif est plutôt d’examiner la pensée de Connolly dans le contexte du socialisme international de son époque et la manière dont a évolué l’attitude du mouvement ouvrier sur "la question nationale" entre la vague de soulèvements qui a balayé l’Europe en 1848 et l’éclatement de la Première Guerre mondiale en 1914.

Les événements de 1848 – comme Marx allait le montrer plus tard - avaient une double nature. D’une part, c’était des mouvements nationaux démocratiques ayant pour objectif d’unifier des "nations" morcelée en une multitude de petits fiefs et royaumes à demi féodaux : c’était le cas en particulier de l’Allemagne et de l’Italie. D’autre part, ces événements virent, à Paris en particulier, la naissance du prolétariat industriel qui apparaissait pour la première fois sur la scène de l’histoire en tant que force politique indépendante 5. Il n’est donc pas surprenant que 1848 ait posé la question de l’attitude que la classe ouvrière devait adopter sur la question nationale.

C’est en 1848 que parut Le Manifeste communiste où était exposé clairement et sans équivoque le principe internationaliste comme fondement du mouvement ouvrier : "Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu'ils n'ont pas. (…) Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! "

Tel est donc le principe général : les ouvriers ne peuvent être divisés par des intérêts nationaux, ils doivent s’unir au-delà des frontières : "[L’] action commune [du prolétariat], dans les pays civilisés tout au moins, est une des premières conditions de son émancipation" (Ibid.) Mais comment mettre en pratique ce principe ? Dans l’Europe du milieu du 19e siècle, il était clair pour Marx et Engels que pour être à même de prendre le pouvoir, le prolétariat devait d’abord devenir une force politique et sociale majeure et que cela dépendait du développement des rapports sociaux capitalistes. Ce développement requérait le renversement de l’aristocratie féodale, la destruction des particularismes féodaux et l’unification de "grandes nations historiques" (cette expression est d'Engels) en vue de créer le vaste marché intérieur dont le capitalisme avait besoin pour se développer et, ce faisant, de développer le nombre, la force et l’organisation de la classe ouvrière.

Pour Marx et Engels, et en général pour le mouvement ouvrier à l'époque, l’unité nationale, la suppression des privilèges féodaux et le développement de l’industrie ne pouvaient avoir lieu qu'à travers un mouvement démocratique : la liberté de la presse, l’accès à l’éducation, le droit d’association – ce sont des revendications démocratiques, dans le cadre de l’État-nation et qui sont impossibles en dehors de lui. Dans quelle mesure ces conditions étaient nécessaires, cela est discutable. Après tout, le développement industriel du 19ème siècle ne se limite pas aux démocraties comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis. Les régimes autocratiques comme la Russie tsariste ou le Japon sous la Restauration Meiji ont également connu un progrès industriel surprenant au cours de la même époque. Cela dit, le développement de la Russie et du Japon est demeuré essentiellement dépendant de celui des pays démocratiques les plus avancés, et il est significatif que le régime réactionnaire autocratique prussien Junker qui dominait l'Allemagne ait été contraint de respecter un certain nombre de libertés démocratiques.

Ces revendications démocratiques servaient également l'intérêt de la classe ouvrière et étaient importantes pour elle. Comme le dit Engels, elles donnent à la classe ouvrière "un espace" pour respirer et se développer. La liberté d'association a facilité l'organisation contre l'exploitation capitaliste. La liberté de la presse a facilité la possibilité pour les travailleurs de s'informer, de se préparer politiquement et culturellement pour la prise du pouvoir. Parce qu’il n’était pas encore prêt à faire sa propre révolution, le mouvement ouvrier partageait alors les buts immédiats d’autres classes et il existait une forte tendance à identifier la cause du prolétariat, à celle du progrès, de l’unité nationale et du combat pour la démocratie. Voici un extrait d’une intervention de Marx en 1848 lors d’un meeting à Bruxelles qui célébrait le deuxième anniversaire du soulèvement de Cracovie (Pologne) : "La révolution de Cracovie a donné un exemple glorieux à toute l’Europe en identifiant la cause de la nationalité à la cause de la démocratie et à l’affranchissement de la classe opprimée (…) Elle trouve la confirmation de ses principes en Irlande où le parti étroitement national est descendu dans la tombe avec O’Connell et où le nouveau parti national est avant tout réformateur et démocratique6

Cependant, la lutte pour l’unité et l’indépendance nationales n’était aucunement considérée comme un principe universel. Ainsi Engels écrivait en 1860 dans The Commonwealth : "Ce droit à l’indépendance politique des grandes subdivisions nationales d’Europe, reconnu par la démocratie européenne, ne pouvait qu’être également reconnu par la classe ouvrière en particulier. En fait, ce n’était rien de plus que reconnaître dans d’autres grandes communautés nationales ayant une grande vitalité le même droit à une existence nationale distincte que les travailleurs de chaque pays réclamaient pour eux-mêmes. Mais cette reconnaissance, et la sympathie vis-à-vis de ces aspirations nationales, se restreignaient aux grandes nations d’Europe, historiquement bien définies ; il y avait l’Italie, la Pologne, l’Allemagne, la Hongrie7. Engels continue : "Il n’y a pas de pays d’Europe où il n’y ait pas différentes nationalités sous le même gouvernement. Les Celtes des Highlands et les Gallois se différencient sans aucun doute par la nationalité des Anglais, mais il n’est venu à l’idée de personne de désigner comme nations ces restes de peuples disparus depuis longtemps, pas plus que les habitants celtiques de la Bretagne en France". Engels établit clairement une différence entre "le droit à l’existence nationale des peuples historiques d’Europe" et celle des "nombreux petits vestiges de peuples qui, après avoir joué un rôle sur la scène de l'histoire pendant une période plus ou moins longue, ont finalement été absorbés par les nations puissantes dont la plus grande vitalité leur a permis de surmonter les plus grands obstacles."

L'Irlande était-elle un cas particulier ?

Le rejet d'un principe national s'appliquant à toutes les nationalités amène naturellement à se poser la question suivante : en quoi l'Irlande est-elle est un cas particulier ? Pourquoi Marx et Engels n'ont-ils pas défendu l'idée que l'Irlande soit simplement absorbée par la Grande-Bretagne comme condition de son développement industriel ?

Car il ne fait pas de doute que, à leurs yeux, l'Irlande constituait un "cas particulier" d'une signification particulière. À un moment donné, Marx alla jusqu'à défendre que l'Irlande fût la clé de la révolution en Angleterre tout comme l'Angleterre était la clé de la révolution en Europe.

Il existait deux raisons à cela. D'abord, Marx était convaincu que la spoliation brutale de la paysannerie irlandaise par les propriétaires terriens anglais "absents" 8 constituait l'un des principaux facteurs qui maintenaient en place la classe aristocratique réactionnaire et barrait la voie du progrès démocratique et économique.

L'autre raison, et sans doute la plus importante, était le facteur moral. La domination par l'Angleterre d'une Irlande réticente et le traitement des Irlandais, en particulier des ouvriers irlandais, comme une sous-classe esclave, n'étaient pas seulement injustes et offensants, cela corrompait moralement les ouvriers anglais eux-mêmes. Comment la classe ouvrière anglaise pourrait-elle se soulever contre l'ordre existant si elle restait complice de sa propre classe dominante dans l'oppression nationale des Irlandais ? Tel était le raisonnement de Marx. De plus, tant que les Irlandais étaient privés de leur dignité nationale, il ne manquerait jamais de prolétaires irlandais prêts à s'engager au service de l'armée anglaise et à participer à l'écrasement des révoltes des ouvriers anglais – comme Connolly allait le montrer plus tard.

Cette insistance sur l'indépendance irlandaise s'étendit à la Première Internationale – comme Engels le défendit en 1872 : "Lorsque les membres de l'Internationale appartenant à une nation conquérante demandent à ceux appartenant à une nation opprimée, non seulement dans le passé, mais encore dans le présent, d'oublier leur situation et leur nationalité spécifiques, d' "effacer toutes les oppositions nationales", etc., ils ne font pas preuve d'internationalisme. Ils défendent tout simplement l'assujettissement des opprimés en tentant de justifier et de perpétuer la domination du conquérant sous le voile de l'internationalisme. En l'occurrence, cela ne ferait que renforcer l'opinion, déjà trop largement répandue parmi les ouvriers anglais, selon laquelle, par rapport aux Irlandais, ils sont des êtres supérieurs et représentent une sorte d'aristocratie, comme les blancs des États esclavagistes américains se figuraient l'être par rapport aux noirs.

Dans un cas comme celui des Irlandais, le véritable internationalisme doit nécessairement se fonder sur une organisation nationale autonome : les Irlandais, tout comme les autres nationalités opprimées, ne peuvent entrer dans l'Association ouvrière internationale qu'à égalité avec les membres de la nation conquérante et en protestant contre cette oppression. En conséquence, les sections irlandaises n'ont pas seulement le droit mais encore le devoir de déclarer dans les préambules à leurs statuts que leur première et plus urgente tâche, en tant qu'Irlandais, est de conquérir leur propre indépendance nationale.9

Pour l'essentiel, c'est la même logique qui amena Lénine à insister pour que le programme du Parti bolchevique inclue le droit des nations à l'auto-détermination : c'était la seule voie, de son point de vue, pour que le rejet par le Parti du "chauvinisme grand-russe" soit rendu explicite et sans équivoque – l'équivalent parmi les ouvriers de Russie des sentiments de supériorité des ouvriers anglais envers les Irlandais.

L'unité nationale au sein de frontières nationales définies, la démocratie, le progrès et les intérêts de la classe ouvrière : tout cela était considéré alors comme évoluant dans la même direction. Même Marx – qu'on ne peut pas soupçonner de fantasmes sentimentaux – a envisagé, peut-être dans des moments d'optimisme imprudent, la possibilité que les ouvriers prennent le pouvoir par la voie électorale dans des pays comme la Grande-Bretagne, la Hollande ou les États-Unis. Mais à aucun moment l'unité nationale ni, en fait, la démocratie n'ont été considérées comme le but final  elles étaient des principes simplement contingents sur le chemin du but : "Les ouvriers n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"

Le problème de tels principes contingents est qu'ils peuvent être figés en principes abstraits et invariants tels qu'ils n'expriment plus la dynamique d'avancée d'un réel développement historique mais, au contraire, tirent en arrière ou pire, se transforment activement en obstacles. Ceci, comme nous allons le voir, est ce qui est arrivé à la perspective du mouvement socialiste sur la question nationale à la fin du 19e siècle. Mais d'abord, arrêtons-nous brièvement sur la façon dont Connolly exprimait concrètement les idées dominantes de la Deuxième Internationale.

Bien qu'il ait passé quelques années aux États-Unis où il avait rejoint les IWW 10, Connolly est resté avant tout un socialiste irlandais. Il épousa les méthodes du syndicalisme industriel, contre le syndicalisme étroit des corporations, se joignit à Jim Larkin pour construire le Irish Transport & General Workers Union (ITGWU) et joua un rôle clé dans la grande grève et le lock-out de Dublin en 1913. Mais même à cette époque, aux États-Unis, Connolly fut successivement membre du Socialist Labor Party de Daniel De Leon et du Socialist Party of America et il est juste de dire qu'il consacra sa vie à construire une organisation politique socialiste en Irlande. Il aurait probablement envisagé cette organisation comme étant marxiste si mettre une étiquette théorique sur une organisation l'avait intéressé. Il est certain que son Irish Socialist Republican Party 11 était reconnu en tant que délégation irlandaise de plein droit lors du Congrès de 1900 de la Deuxième Internationale. Mais on n'a quasiment aucune information à partir des écrits de Connolly sur le fait qu'il ait connu ou pris part aux débats de l'Internationale, sur la question nationale en particulier : c'est d'autant plus étonnant qu'il s'était appliqué à apprendre à lire l'allemand assez couramment.

Connolly croyait que le socialisme ne pourrait pour ainsi dire que grandir sur un terrain national. En fait, sa grande étude Labour in Irish History est partiellement dédiée à montrer que le socialisme émerge naturellement des conditions irlandaises ; il souligne en particulier les écrits de William Thompson dans les années 1820 qu'il considère, à juste titre dans une certaine mesure, comme l'un des précurseurs de Marx dans l'identification du travail comme étant la source du capital et du profit.12

Il n'est donc pas surprenant de voir Connolly défendre dans un article de 1909 dans The Irish Nation intitulé "Sinn Fein, socialism and the nation" le rapprochement entre "les membres du Sinn Fein qui sympathisent avec le socialisme" et "les socialistes qui réalisent que le mouvement socialiste doit s'appuyer sur les conditions historiques et actuelles du pays dans lequel ils agissent et en tirer son inspiration, et ne se perdent pas simplement dans un 'internationalisme' abstrait (qui n'a aucun rapport avec le véritable internationalisme du mouvement socialiste)." Dans le même article, Connolly s'oppose aux socialistes qui "observant que ceux qui parlent le plus fort sur "l'Irlande comme nation" sont souvent ceux qui broient sans pitié les pauvres, s'emportent le plus fort contre le nationalisme et, tout en s'opposant à l'oppression en tous temps, s'opposent aussi aux révoltes nationales pour l'indépendance nationale" ainsi qu'à ceux qui "principalement recrutés parmi les ouvriers des villes du Nord-Est en Ulster, ont été sevré de la domination des capitalistes et des propriétaires terriens Tory et de l'Ordre d'Orange, par les idées socialistes et la lutte des classes, mais à qui le nationalisme irlandais ne leur offre rien d'autre qu'un drapeau vert alors que le English Independent Labour Party a offert des mesures pratiques pour les soulager de l'oppression capitaliste… et qui donc vont naturellement là où ils imaginent qu'ils connaîtront un soulagement." (traduit par nous)

Identifier la classe ouvrière avec la nation pouvait, de façon plausible, prétendre se revendiquer de Marx et Engels. Après tout, on peut lire dans Le Manifeste que : "Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par-là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot." Et on trouve la même idée dans les écrits de Kautsky de 1887 : "Comme pour les libertés bourgeoises, les prolétaires doivent prendre fait et cause pour l'unité et l'indépendance de leur nation face aux éléments réactionnaires, particularistes, comme face aux éventuelles attaques de l'extérieur. (…) Dans l'Empire romain décadent, les antagonismes sociaux s'étaient tant accrus et le processus de décomposition de la nation romaine, si l'on peut la désigner comme telle, était devenu si intolérable que nombreux étaient ceux à qui l'ennemi du pays, le barbare germanique, apparaissait comme un sauveur. On n'en est pas encore là à présent, du moins dans les États nationaux. Et nous ne croyons pas non plus qu'on en arrive là du côté du prolétariat. Certes, l'antagonisme entre bourgeoisie et prolétariat ne cesse de croître mais simultanément le prolétariat est de plus en plus le noyau de la nation, par le nombre, l'intelligence, et les intérêts du prolétariat et ceux de la nation ne cessent de converger davantage. Une politique hostile à la nation serait donc pur suicide de la part du prolétariat."13

Rétrospectivement, il est facile de voir la trahison de 1914 – la défense de la "culture" allemande contre la barbarie tsariste – derrière cette identification de la nation et du prolétariat. Mais la rétrospective ne peut être d'aucun secours dans le moment présent et le fait est que le mouvement marxiste à la fin du 19e siècle a en grande partie échoué dans la réévaluation de son point de vue sur la question nationale face à la réalité changeante.

Pendant quarante ans, le mouvement socialiste n'a pas vraiment mis en question l'hypothèse optimiste du Manifeste selon laquelle "Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l'uniformité de la production industrielle et les conditions d'existence qu'ils entraînent". À un certain niveau cela était vrai - nous allons y revenir - puisque dans les années 1890 la "question nationale" allait se trouver au premier plan de la scène politique comme jamais auparavant, précisément en raison de l'expansion phénoménale des rapports sociaux capitalistes et de la production industrielle. Avec le développement des conditions modernes de production, de nouvelles bourgeoisies nationales avec les aspirations nationales modernes apparaissaient en Europe centrale et orientale. Le débat qui en résultait sur la question nationale a pris une nouvelle importance, surtout pour la social-démocratie russe à l'égard de la Pologne et de l'Empire austro-hongrois, à l'égard des aspirations nationales des Tchèques et une multitude de peuples slaves plus petits.

La critique de l'État-nation par Luxemburg

Au cours des trente dernières années du 19e siècle, la façon dont se posait la question nationale devait donc changer.

D'abord, comme Luxemburg l'a démontré dans La question nationale et l'autonomie 14, une fois que la classe bourgeoise a conquis son marché intérieur, elle doit nécessairement devenir un État impérialiste conquérant. Plus encore, dans la phase impérialiste du capitalisme, tous les États sont contraints de chercher par des moyens impérialistes à se faire une place sur le marché mondial. Répondant au postulat de Kautsky d'un capitalisme évoluant vers un "super-État" unique, Luxemburg écrit : "Le 'meilleur' État national n'est qu'une abstraction qu'on peut facilement décrire et définir théoriquement mais qui ne correspond pas à la réalité (…). Le développement du grand État qui constitue la caractéristique saillante de l'époque moderne et qui s'impose par les progrès du capitalisme condamne d'emblée toute la masse des mini et micro nationalités à la faiblesse politique". 15 "Affirmer qu'un État-nation indépendant est, après tout, la meilleur garantie de l'existence et du développement nationaux suppose de manier une conception de l'État-nation comme s'il s'agissait d'un concept parfaitement abstrait. Considéré uniquement du point de vue national, comme manifestation et incarnation de la liberté et de l'indépendance, l'État-nation n'est qu'un résidu de l'idéologie décadente de la petite bourgeoisie d'Allemagne, d'Italie, de Hongrie – de tout l'Europe centrale dans la première moitié du 19e siècle. C'est un slogan appartenant à la panoplie du libéralisme bourgeois décati 16 (…) "Les États-nations, même sous la forme de républiques ne sont pas le produit ou l'expression de la "volonté du peuple" comme l'affirme la phraséologie de la théorie libérale et le répète celle de l'anarchisme. Les États-nations sont aujourd'hui les mêmes outils et formes de pouvoir de classe que l'étaient les États précédent, non nationaux et, comme eux, ils aspirent à la conquête. Les États-nations ont les mêmes tendances à la conquête, belliqueuses, oppressives – en d'autres termes des tendances à devenir "non-nationaux". C'est pourquoi se développent constamment parmi les États nationaux des querelles et des conflits d'intérêt et même si aujourd'hui, par miracle, tous les États devenaient nationaux ils offriraient dès le lendemain la même image de guerre, de conquête et d'oppression17

Pour les petites nationalités, cela voulait inévitablement dire que la seule "indépendance" nationale possible était de se détacher de l'orbite d'un État impérialiste plus puissant et s'attacher à un autre. Nulle part ceci ne s'est plus clairement illustré que dans les négociations que les Irish Volunteers (précurseurs de l'IRA) ont mené avec l'impérialisme allemand par l'intermédiaire de l'organisation irlandaise aux États-Unis, Clan na Gael, avec Roger Casement qui agit comme ambassadeur auprès de l'Allemagne18. Casement semblait penser que 50 000 troupes allemandes étaient nécessaires pour un soulèvement victorieux, mais c'était évidemment hors de question sans une victoire allemande décisive sur mer. La tentative de débarquer une cargaison de fusils en provenance d'Allemagne à temps pour le soulèvement de 1916 se termina en fiasco mais elle est restée une accusation accablante de la préparation du nationalisme irlandais pour participer à la guerre impérialiste.

Abandonnant l'analyse marxiste de classe sur la guerre impérialiste comme produit du capitalisme quelles que soient les nations, Connolly abandonna également la position de l'indépendance de la classe ouvrière vis-à-vis des capitalistes. On peut voir jusqu'où il est allé dans cette direction à travers la naïveté coupable de sa description idyllique d'une "Allemagne pacifique" combinée avec une attaque à moitié raciste contre les ouvriers anglais "à moitié éduqués" : "Basant ses efforts industriels sur une classe ouvrière éduquée, [la nation allemande] est parvenue dans les ateliers à des résultats auxquels la classe ouvrière d'Angleterre à demi éduquée ne pourrait qu'aspirer. Cette classe ouvrière anglaise entraînée à une servilité d'esclave envers les méthodes empiriques et sous des directeurs mariés à des processus traditionnels se voyant graduellement surclassés par un nouveau rival au service duquel ont été enrôlés les scientifiques les plus instruits coopérant avec les ouvriers les plus éduqués (…). Il était déterminé que, puisque l'Allemagne ne pouvait pas être battue économiquement dans une juste concurrence, elle devait l'être injustement en organisant contre elle une conspiration militaire et navale (…) Cela voulait dire en appeler aux forces des puissances barbares afin d'écraser et d'entraver le développement des puissances industrielles pacifiques.19 On se demande ce que les dizaines de milliers d'Africains massacrés lors du soulèvement de Herero en 190420, ou encore les habitants de Tsingtao annexé l'arme au poing par l'Allemagne en 1898 auraient pensé des "puissances pacifiques" de l'industrie allemande.

Non seulement les "États nationaux" tendent inévitablement à devenir des États impérialistes et conquérants comme le démontre Luxemburg, ils deviennent également moins "nationaux" comme résultat du développement industriel et de l'émigration de la force de travail de la campagne dans les nouvelles villes industrielles. Dans le cas de la Pologne, en 1900, non seulement le "Royaume de Pologne" (c'est-à-dire la partie de la Pologne qui avait été incorporée au 18e siècle dans l'Empire russe) s'industrialisait rapidement, mais également les régions ethniquement polonaises sous domination allemande21 (la Haute Silésie) et austro-hongroise (Silésie de Cieszyn). De plus, les régions industrielles étaient moins polonaises du point de vue ethnique : les ouvriers de la grande ville d'industrie textile de Lodz étaient principalement d'origine polonaise, allemande et juive avec quelques autres nationalités incluant l'Angleterre et la France. En Haute Silésie, les ouvriers étaient allemands, polonais, danois, ukrainiens, etc. Lorsque Marx appelait à l'indépendance nationale de la Pologne comme rempart contre l'absolutisme tsariste, il n'existait quasiment pas de classe ouvrière polonaise ; désormais, l'attitude des socialistes polonais envers la nation polonaise était devenue une question aigüe et mena à une scission entre le Parti socialiste polonais (Polska Partia Socjalistyczna ou PPS) à droite et la Social-Démocratie du Royaume de Pologne et de Lituanie (SDKPiL) à gauche.

Pour le PPS, l'indépendance polonaise signifiait la séparation de la Pologne d'avec la Russie mais, aussi, l'unification des parties de la Pologne historique alors sous domination allemande ou autrichienne, où les ouvriers polonais travaillaient côte à côte avec les allemands (et d'autres nationalités). En effet, le PPS considérait que la révolution prolétarienne dépendait de la "solution" de la "question nationale" – ce qui ne pouvait, comme le disait Luxemburg, que mener à la division au sein de la classe ouvrière organisée en Allemagne et en Autriche-Hongrie. Au mieux, ce serait un dévoiement, au pire une destruction de l'unité ouvrière.

Pour Luxemburg et pour le SDKPiL, au contraire, toute résolution de la question nationale dépendait de la prise du pouvoir par la classe ouvrière internationale.22 Le seul moyen pour les ouvriers de s'opposer à l'oppression nationale était de rejoindre les rangs de la social-démocratie internationale :en mettant fin à toute oppression, la social-démocratie mettrait également fin à l'oppression nationale : "Non seulement [le Congrès de Londres de 1896] a clairement posé la question polonaise sur le même plan que la situation de tous les peuples opprimés, il a en même temps appelé les ouvriers de tous ces peuples à rejoindre les rangs du socialisme international comme seul remède à l'oppression nationale, plutôt que de tenter ici et là la restauration d'États capitalistes indépendants dans plusieurs pays : c'est la seule façon d'accélérer l'introduction d'un système socialiste qui, en abolissant les oppressions de classe, supprimera toutes les formes d'oppression une fois pour toutes, y compris sous leurs formes nationales."

Quand Luxemburg a entrepris de s'opposer au nationalisme polonais du PPS au sein de la Deuxième Internationale, elle était tout à fait consciente de s'en prendre à une "vache sacrée" du mouvement socialiste et démocratique : "Le socialisme polonais occupe – ou, en tous cas, a occupé – une place unique dans ses rapports avec le socialisme international, une position qui remonte directement à la question nationale polonaise."23 Mais comme elle l'a dit et démontré très clairement, défendre à la lettre en 1890 le soutien apporté par Marx) l'indépendance de la Pologne en 1848, ce n'était pas seulement refuser de reconnaître que la réalité sociale a changé mais c'est aussi transformer le marxisme lui-même, faire d'une méthode vivante d'investigation de la réalité un dogme quasi- religieux desséché.

En fait, Luxemburg est allée plus loin que cela et considérait que Marx et Engels avaient traité la question polonaise essentiellement comme un problème de "politique étrangère" pour la démocratie révolutionnaire et le mouvement ouvrier : "Même au premier coup d'œil, ce point de vue [c’est-à-dire la position de Marx sur la Pologne] révèle un manque éblouissant de relation interne avec la théorie sociale du marxisme. En ne réussissant pas à analyser la Pologne et la Russie comme des sociétés de classe avec leurs contradictions économiques et politiques en leur sein, en les regardant non du point de vue du développement historique mais comme si elles connaissaient des conditions fixes, absolues en tant qu'unités indifférenciées et homogènes, ce point de vue va à l'encontre de l'essence même du marxisme." C'est comme si la Pologne - et bien sûr la Russie aussi - pouvait en quelque sorte être considérée comme “externe” au capitalisme.

Le développement des rapports sociaux capitalistes a eu essentiellement le même effet en Irlande qu'en Pologne. Bien que l’Irlande ait été avant tout un pays d'émigration, la classe ouvrière irlandaise n'était aucunement homogène : au contraire, la région ayant l'industrie la plus développée était Belfast (l'industrie textile et les chantiers navals Harland and Wolff) où les ouvriers étaient issus de la population celte catholique, qui parlait parfois le gaëlique, et des descendants des Protestants, des Ecossais et des Anglais qui avaient été "établis" en Irlande (grâce à la déportation violente de la population d'origine) par Oliver Cromwell et ses successeurs. Et cette classe ouvrière avait déjà commencé à montrer la voie de la seule solution possible à la "question nationale" en Irlande, en unifiant ses rangs dans les grèves massives à Belfast en 1907. Les ouvriers irlandais étaient présents dans toutes les régions industrielles majeures de Grande-Bretagne, en particulier autour de Glasgow et de Liverpool.

La question morale que Marx avait posée – le problème du sentiment de supériorité des ouvriers anglais envers les Irlandais – ne se limitait plus à l'Irlande et aux Irlandais : le besoin constant du capital d'absorber plus de force de travail entrainait des migrations massives des économies agricoles vers les régions nouvellement industrialisées, tandis que l'expansion de la colonisation européenne amenait les ouvriers européens à entrer en contact avec les Asiatiques, les Africains, les Indiens… sur toute la planète. Nulle part l'immigration n'était plus importante que dans la puissance capitaliste constituée par les États-Unis qui connaissaient non seulement un énorme afflux d'ouvriers en provenance de toute l'Europe, mais aussi de la force de travail bon marché en provenance du Japon et de la Chine et, évidemment, la migration des ouvriers noirs des champs de coton du Sud arriéré vers les nouveaux centres industriels du Nord : le legs de l'esclavage et des préjugés racistes constituent encore "une plaie ouvert" (pour utiliser une expression de Luxemburg) en Amérique aujourd'hui. Inévitablement, ces vagues de migration apportèrent avec elles les préjugés, les incompréhensions, le rejet… toute la dégradation morale que Marx et Engels avaient notée dans la classe ouvrière anglaise se reproduisit encore et encore. Plus la migration mélange les populations d'origine différente, inévitablement l'idée "d'indépendance nationale" comme solution au préjugé devenait de plus en plus absurde. D'autant plus que parmi les facteurs qui sous-tendent tous ces préjugés, il en existe un, universel et bien plus ancien que tout préjugé national, qui traverse le cœur de la classe ouvrière : la supposition irréfléchie de la supériorité des hommes sur les femmes. Marx et Engels avaient identifié là un problème réel, un problème crucial même. S'il devait ne pas être résolu, il affaiblirait mortellement la lutte d'une classe dont les seules armes sont son organisation et sa solidarité de classe. Mais il pourrait et ne pourra être résolu qu'à travers l'expérience du travail et de la vie ensemble, à travers la solidarité mutuelle imposée par les exigences de la lutte de classe.

Qu'est-ce qui a amené James Connolly à finir sa vie en se trouvant dans une contradiction aussi flagrante avec l'internationalisme qu'il avait toujours défendu ? Mis à part les faiblesses inhérentes à sa vision de la question nationale qu'il partageait avec la majorité de la Deuxième Internationale, il est aussi possible – bien qu'il s'agisse de pure spéculation de notre part – que sa confiance dans la classe ouvrière ait été brisée par deux défaites majeures : celle de la grève de Dublin de 1913 et l'échec abject des syndicats britanniques à donner à l'ITGWU le soutien adéquat et, par-dessus tout, actif ; et la désintégration de l'Internationale elle-même face au test de la Première Guerre mondiale. Si tel a été le cas, nous pouvons seulement dire que Connolly a tiré des conclusions fausses. L'échec de la grève de Dublin, produit de l'isolement des ouvriers irlandais, a montré non pas que les ouvriers irlandais devaient chercher le salut dans la nation irlandaise mais, au contraire, que les limites de la petite Irlande ne pouvaient plus contenir la bataille entre le capital et le travail qui se menait maintenant sur une scène bien plus vaste ; et la révolution russe, un an seulement après l'écrasement du soulèvement de Pâques, devait montrer que la révolution ouvrière, non l'insurrection nationale, était le seul espoir de mettre fin à la guerre impérialiste et à la misère de la domination capitaliste.

Jens, avril 2016


2 Sean O’Casey était écrivain et un des plus grands dramaturges de la langue anglaise au 20e siècle. Né dans une famille pauvre protestante de Dublin, il rejoint d’abord la Ligue Gaélique en 1906 avant d’adhérer au mouvement ouvrier. Il est un des fondateurs de l'Irish Citizen Army mais rompt avec Connolly en refusant tout soutien au nationalisme irlandais. Cf. notre article Sean O’Casey et le soulèvement nationaliste irlandais de Pâques en 1916

3 Republié dans World Revolution 373 et sur notre site en anglais.

5Tout du moins en Europe continentale. En fait, le prolétariat était déjà apparu en tant que tel en Grande-Bretagne d’abord avec le mouvement Luddite, puis le mouvement chartiste.

8 Un des facteurs de l’arriération de la société irlandaise était le fait qu’une grande partie du territoire appartenait à des seigneurs rentiers anglais qui n’avaient cure d'entretenir les exploitations agricoles et encore moins d'investir dans celles-ci, mais se préoccupaient uniquement d'empocher la rente la plus élevée possible.

10  Industrial Workers of the World, syndicaliste révolutionnaire.

11 Connolly est l'un des fondateurs de l'ISRP en 1896. Bien qu'il n'ait probablement jamais compté plus de 80 membres, il eut de l'influence dans la politique socialiste irlandaise par la suite, défendant le principe d'une république d'Irlande avec le Sinn Fein. Le parti vécut jusqu'en 1904 et publia la Workers'Republic.

12 "Si nous devions tenter d'évaluer ce qu'ont apporté Thompson et Marx, nous ne leur ferions pas justice en les opposant, ni en faisant l'apologie de Thompson en vue de rabaisser Marx, comme certains Critiques de Marx sur le continent ont cherché à la faire. Au contraire, nous devons dire que les positions respectives de ce génie irlandais et de Marx peuvent être comparées aux relations historiques entre les évolutionnistes pré-darwiniens et Darwin ; de même que Darwin a systématisé toutes les théories de ses prédécesseurs et a passé sa vie à accumuler les faits pour établir son point de vue et le leur, de même Marx a découvert la véritable ligne de la pensée économique déjà indiquée et a utilisé son génie, sa connaissance et sa recherche encyclopédiques pour l'établir sur des fondements inébranlables. Thompson a balayé les fictions économiques maintenues par les économistes orthodoxes et acceptées par les Utopistes selon lesquelles le profit venait de l'échange et a déclaré qu'il venait de la soumission du travail et de l'appropriation qui en résultait, par les capitalistes et les propriétaires terriens, des fruits du travail des autres. (…) Toute la théorie de la guerre de classe n'est qu'une déduction de ce principe. Mais, bien que Thompson ait reconnu cette guerre de classe comme un fait, il ne l'a pas considérée comme un facteur, comme le facteur de l'évolution de la société vers la liberté. C'est ce qu'a fait Marx et, à notre avis, là réside sa gloire principale et suprême." Labour in Irish History, traduit de l'anglais par nous.

Marx citait toujours scrupuleusement ses sources et accordait du crédit aux penseurs l’ayant précédé. Il cite en effet le travail de Thompson dans le premier tome du Capital, dans le chapitre sur "La division du travail et la manufacture".

13 Die moderne Nationalität, Neue Zeit V, 1887, traduit in Les marxistes et la question nationale, Ed. L'Harmattan, p.125

14  Edition Le temps des cerises

15 La question nationale et l'autonomie. Chapitre "Le droit des nations à l'autodéterminaton". P 40.

16 La question nationale et l'autonomie. Chapitre l'Etat-Nation et le prolétariat. P. 75

17 Idem. P. 77.

18 Voir Ireland since the Famine par FSL Lyons, Fontana Press, pp 340,350

19 Extrait d'un article intitulé "La guerre à la nation allemande" paru dans le journal The Irish Worker. Traduit par nous.

20 Aujourd'hui en Namibie, alors appelé le Damaraland. Un témoin oculaire a rapporté une défaite des Hereros : "J'étais présent quand les Hereros furent battus lors d'une bataille près de Waterberg. Après la bataille, tous les hommes, les femmes et les enfants qui sont tombés entre les mains des Allemands, blessés ou non, ont été mis à morts sans merci. Puis les Allemands ont poursuivi ceux qui restaient et tous ceux qu'ils ont rencontrés sur leur chemin ou dans les prés ont été abattus. La masse des hommes Hereros n'avait pas d'armes et était incapable d'offrir une résistance quelconque. Ils tentaient seulement de partir avec leur bétail." Le haut commandement allemand était tout-à-fait conscient des atrocités et les approuvait.

21 Luxemburg était elle-même très demandée par le SPD allemand comme l'un de ses rares, et certainement meilleurs, orateurs et agitateurs en langue polonaise.

22 Il faudrait peut-être souligner - même si cela dépasse le cadre de cette courte étude - qu'il y avait beaucoup de désaccords et d'incertitudes sur ce qui est identifié sous le terme "nation". Était-ce la langue (comme Kautsky le soutenait), ou était-ce une "identité culturelle" plus vaguement définie comme le pensait Otto Bauer? La question reste valable - et ouverte - à ce jour.

23 Cette citation et celles qui suivent sont tirées de la Préface écrite par Luxembourg à La question polonaise et le mouvement socialiste : celle-ci était un recueil de documents du Congrès de Londres de la 2e Internationale de 1896, où Luxembourg s’opposa avec succès à la tentative du PPS de faire de l’indépendance et de l’unification polonaise, une revendication concrète et immédiate de l’Internationale.

 

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