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Quelques jours avant le vote, chaque "électeur-citoyen" a reçu dans sa boîte à lettres le texte complet du Traité, un pavé tout simplement indigeste et illisible. C’est pourquoi, faisant œuvre de pédagogie et d’esprit démocratique, l’Etat y a joint sous forme de petite brochure le "Projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe"1. En une dizaine de pages, les axes du Traité y sont exposés simplement. Après cette lecture très instructive, tout électeur était censé pouvoir répondre objectivement, en toute connaissance de cause et donc en toute liberté, à la question référendaire : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ?". OUI ou NON !
L’Union européenne, royaume des tensions impérialistes
Seulement, en réalité, ce texte est un tissu de mensonges. De la première à la dernière ligne, l’Europe y est glorifiée, le poison nationaliste et réformiste distillé.
"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, six nations marquées par l’horreur du conflit et l’expérience de la barbarie, ont décidé d’établir entre elles une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent…" ou encore "Pour une Europe qui soit davantage un pôle de paix et de stabilité dans le monde… " Mensonges ! Les différentes bourgeoisies européennes ne propagent pas la paix mais déchaînent au contraire la guerre partout sur la planète. Faut-il rappeler le déchirement de la Yougoslavie durant lequel la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont soutenu et armé différentes fractions, jouant ainsi chacune leur propre carte ? Sous couvert d’humanitaire, c’est la barbarie et les pogromes qu’elles ont attisés sans remord ni retenue. Et que dire de l’implication meurtrière de la France dans le génocide rwandais d’hier ou dans les massacres ivoiriens d’aujourd’hui ? Ce sont ces champions de la guerre, ces dirigeants dont les mains sont couvertes de sang qui osent parler de paix !
La classe ouvrière ne doit pas se laisser berner, l’Union Européenne n’a jamais eu et n’aura jamais pour but la paix. Tout au contraire, elle est une association de malfaiteurs, un regroupement de requins impérialistes (lire page 3). Cette nature profondément belliciste transpire d’ailleurs par tous les pores de ce Traité : "…le traité donne les moyens d’une politique extérieure active pour défendre nos intérêts face aux autres grandes puissances […]. Il jette les bases d’une coopération plus étroite en matière de défense […]. Une agence européenne de défense coordonnera les efforts d’équipement des armées nationales." Telle était effectivement la véritable raison d’être de cette nouvelle constitution. Il s’agissait, pour la France et l’Allemagne, de mieux se coordonner face aux Etats-Unis dans l’arène impérialiste mondiale. Nous sommes loin, très loin, de la volonté de "créer un espace de paix".
A l’intérieur même de l’Union, les rapports entre nations sont fondés sur la concurrence et la rivalité. "Au sein d’une Union réformée, le traité nous [comprendre la bourgeoisie française] permettra d’agir plus fortement encore, en particulier grâce au renforcement de notre place au Conseil des ministres, qui permettra à la France de peser davantage, avec 12% des voix contre 8% aujourd’hui." L’enjeu de la nouvelle Constitution était effectivement pour la France d’accroître son pouvoir au sein de l’Union.
Toutes les nations d’Europe attaquent la classe ouvrière
La classe ouvrière ressent dans sa chair, surtout depuis le début de ce siècle, une terrible accélération de la dégradation de ses conditions de vie. Partout dans le monde, et notamment en Europe, les attaques économiques pleuvent sur le prolétariat.
Face à cette réalité, la grossièreté des mensonges de la propagande étatiste en est presque ridicule. A en croire la bourgeoisie, l’Union Européenne serait un nouvel El Dorado. "Pour la croissance et l’emploi, des politiques économiques plus actives permettront de tirer le meilleur parti de la monnaie unique, afin d’augmenter le pouvoir d’achat et de stimuler nos exportations." Le meilleur reste à venir : "toutes les politiques européennes prendront désormais en compte les impératifs sociaux, l’emploi, la protection sociale, la lutte contre l’exclusion, l’éducation, la formation, la santé." Et quand y’en a plus, y’en a encore : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de protection sociale." Nous rappellerons simplement qu’au cours de ces dernières années le "pouvoir d’achat" s’est effondré, les prix de l’immobilier se sont envolés, les systèmes de sécurité sociale, d'assurance chômage, de retraite sont progressivement démantelés… Et la France fait partie des pays à la pointe de ces réformes anti-ouvrières. La bourgeoisie nous promet plus de santé… elle ne cesse de réduire le nombre de lits et de personnels hospitaliers ! La bourgeoisie nous promet plus d’éducation… les effectifs de surveillants, conseillers d’orientation, infirmiers scolaires, personnel enseignant etc. fondent comme neige au soleil. Pour être plus conforme à la réalité, la bourgeoisie devrait donc plutôt écrire dans sa Constitution : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de précarité sociale ! "
Il est alors facile de comprendre que l’ensemble de ces attaques n’ont rien à voir avec telle ou telle politique de gauche ou de droite, ‘euro-sociale’ ou ‘euro-libérale’. Elles sont le fruit inévitable d’un système économique en faillite. Voter OUI ou NON n’avait donc aucun sens. C’était un faux choix, une fausse alternative proposée par la bourgeoisie et qui ne reposait que sur la tromperie.
Les nations européennes unies pour la répression ouvrière
Pour être juste, il y a au milieu de la fable que nous conte l’Etat une ou deux lignes sans contre-vérité. Les voici : "Une meilleure coopération entre les services de justice et de police… " et "Contre l’immigration clandestine, une politique commune renforcera les contrôles aux frontières… "
Alors que les nations européennes déchaînent la guerre dans les pays périphériques, elles s’organisent pour chasser l’ouvrier immigré hors de leurs frontières. Ceux qui préfèrent vivre dans la misère, et souvent l’exploitation clandestine, en Europe plutôt que de mourir de faim ou assassinés dans leur pays, ceux-là n'ont pas leur place dans cet "espace de paix, de démocratie et de prospérité (sic !). "
Et sous couvert de lutte anti-terroriste, les différentes nations européennes renforcent l’Etat policier. N’ayons aucun doute, la bourgeoisie n’aura aucune hésitation à employer l’ensemble de ces moyens répressifs contre la classe ouvrière quand le moment sera venu.
Le torchon qui fut distribué à chaque électeur est donc un amoncellement de mensonges grossiers et de manipulations idéologiques. Drapée des valeurs démocratiques, au nom du droit à l’information, la bourgeoisie a tenté de faire oublier à la classe ouvrière la réalité de son quotidien : une paupérisation croissante, une crise économique profonde et continue. Voilà le vrai visage de la démocratie !
Pawel (21 juin)
1 Toutes les citations sont extraites de cette brochure.