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Depuis le début des révoltes sociales dans les pays arabes, la presse chinoise est extrêmement discrète sur les événements. Tout au plus sont-ils présentés comme l’œuvre de l’impérialisme américain, sans écho envisageable en Chine.
Une colère croissante au sein du prolétariat
Mais au-delà du discours de façade des autorités chinoises, c’est bien une contagion à laquelle s’attend la bourgeoisie mondiale dans ce pays, comme le montre cet article de presse de janvier 2011 : “Une étude du CNRS dans le Sud de la Chine montre une combativité nouvelle qui pourrait déboucher sur une grève générale. […] Depuis un an, on voit se multiplier les conflits du travail. De ce fait, les salaires montent. Les journaux ont même fait état de plusieurs conflits, dans des entreprises taïwanaises ou japonaises, lesquels se sont soldés par de très conséquentes hausses de salaires. Le mouvement est tellement fort que de plus en plus d’observateurs parlent de la possibilité d’une grève générale en Chine du Sud. [...] les conditions sont réunies pour un printemps ouvrier en Chine du Sud, explosif ou rampant, mouvement qui a déjà commencé ; tout porte à penser qu’il va se développer dans les mois qui viennent” (1).
Et le sud de la Chine n’est pas la seule région à connaître des conflits sociaux. Après les grèves massives de mai à juillet 2010 (2), qui se sont principalement soldées par des augmentations de salaire allant de 20 à 70 % selon l’endroit (3), des mouvements sporadiques de moindre ampleur continuent à toucher la moitié est du pays, là où la classe ouvrière est la plus concentrée, et concernent un grand nombre de secteurs : usines de batteries (Huizhou), d’électronique (Longhua, Foshan, Shenzhen), de textiles (Wuhan), chantiers de construction (Shanghai, Zunhua, Wuzhou, Canton), transports en commun (Shenzhen), éducation (Shenzhen), assainissement (Canton), chômeurs (Emeishan). Et ce qui caractérise ces mouvements, qui mobilisent parfois plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’ouvriers, c’est à la fois leur caractère spontané et leurs principales revendications, dans lesquelles chaque prolétaire peut se reconnaître au-delà de son lieu de travail ou de son secteur : hausse des salaires, paiement des heures supplémentaires et des arriérés de salaire, paiement des indemnités de licenciement et de maladie professionnelle, meilleures conditions de travail, lutte contre les licenciements et le chômage, protestation contre la répression patronale et étatique…
L’éventail de la réaction bourgeoise : des forces de répression...
Même si les revendications ouvrières sont parfois en grande partie satisfaites, notamment dans les entreprises étrangères, c’est loin d’être une généralité et cela ne se passe pas sans heurts : une répression féroce est à l’œuvre.
D’un côté, il y a la répression de l’État stalinien. Si habituellement il s’agit de matraquages suivis d’arrestations, en janvier la police n’a pas hésité à tirer à balle réelle sur une manifestation d’une centaine d’ouvriers protestant contre leur salaire misérable, faisant plusieurs blessés (4).
De l’autre, il y a la répression patronale. Outre les classiques menaces de licenciement envers les grévistes, il est aussi fait usage de nervis issus des couches déclassées, du lumpenprolétariat, transportés par dizaines voire par centaines au devant des ouvriers, parfois armés de couteaux et de tubes métalliques, et se vantant pour certains d’être payés 50 $ par jour pour casser du gréviste ; bien évidemment, la police n’est jamais présente sur les lieux au moment même de ces exactions, qui font à chaque fois de nombreux blessés (5).
… aux forces d’encadrement syndical
Mais la répression brutale est insuffisante pour venir à bout du mécontentement ouvrier ; il est nécessaire pour la bourgeoisie d’avoir également recours à son principal outil de sabotage des luttes : le syndicalisme.
Le syndicat unique lié au Parti “communiste” chinois au pouvoir, la Fédération des Syndicats de toute la Chine (ACFTU) (6), est aujourd’hui fortement discrédité. “En effet, en cas de grève, le syndicat n’hésite pas à prendre l’initiative pour renvoyer des salariés grévistes, ou embaucher des non-grévistes. [...] Il n’est pas rare que le syndicat envoie des milices pour taper sur les grévistes” (7). De plus, “les leaders syndicaux sont désignés par le Parti communiste, payés par les entreprises dans lesquelles ils officient, et pour beaucoup sont des membres du Parti communiste, voire des comités de direction des entreprises dont ils sont censés défendre les travailleurs. Par exemple, à l’usine Honda de Foshan, touchée par un mouvement de grève en mai, les représentants syndicaux étaient le directeur de l’usine et d’autres cadres dirigeants.” Cette situation rend indispensable de redorer le blason syndical et d’accroître son influence, en profitant des illusions sur le syndicalisme toujours présentes chez les ouvriers. D’une part, “il est prévu de changer le mode de rémunération des leaders syndicaux, et de permettre leur élection par la base des travailleurs. Les leaders syndicaux pourraient donc bientôt être payés directement par l’ACFTU, et choisis par les travailleurs dans un processus de “gestion démocratique” des syndicats au niveau local” (8). D’autre part, l’ACFTU était jusque l’année dernière très peu implantée dans les entreprises privées, chinoises ou étrangères, et ne syndiquait quasiment pas d’ouvriers migrants, pour la plupart de jeunes prolétaires arrivés des campagnes chinoises, subissant les salaires les plus bas et les conditions de travail les plus difficiles, et qui font preuve d’une grande combativité dans les luttes ; l’extension de la présence de l’ACFTU dans ces directions est ainsi devenue une priorité pour la bourgeoisie chinoise (9).
Le soutien des bourgeoisies des pays centraux
Pour réussir dans cette entreprise de renforcement de l’appareil d’encadrement, quoi de mieux que de s’adresser aux champions toutes catégories du sabotage syndical : les bourgeoisies des pays centraux du capitalisme. En témoigne cette tournée aux États-Unis d’une délégation de dirigeants de l’ACFTU partis rencontrer leurs homologues américains afin “d’améliorer leurs relations” (10), ou encore ces “séances d’échanges entre syndicalistes chinois et français” (11).
La bourgeoisie mondiale n’a en effet aucun intérêt au développement de la lutte de classe dans quelque partie du monde que ce soit, et pour contrer celle-ci elle est toujours capable de passer outre ses rivalités économiques et impérialistes. Pour la combattre, le prolétariat devra lui opposer sa solidarité de classe internationale.
DM (21 avril)
2) Voir notre article : “Une vague de grèves parcourt la Chine”, Révolution internationale no 415.
3) www.clb.org.hk/en/node/100813.
5) http ://chinastrikes.crowdmap.com/reports/view/59 et http ://chinastrikes.crowdmap.com/reports/view/57
6) “All-China Federation of Trade Unions” en anglais de Hong-Kong.
9) www.clb.org.hk/en/node/101029.
10) www.clb.org.hk/en/node/100837.
11) http ://dndf.org/ ?p=8835. Ainsi, après avoir envisagé d’apporter le concours de sa police pour venir à bout des révoltes sociales en Tunisie, la France envoie ses syndicats en Chine afin de prévenir de telles révoltes. Décidément, le savoir-faire français en la matière s’exporte bien.