Attentats à Moscou : le Caucase au coeur des enjeux impérialistes

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Le 29 mars, entre 6 heures et 7 heures du matin, deux attentats-suicides ont eu lieu coup sur coup dans le métro de Moscou, faisant plus de 30 morts et près d’une trentaine de blessés dont on ne sait combien resteront estropiés ou avec de graves séquelles de tous ordres pour le restant de leur vie. Tous ces gens se rendaient au travail et, une fois de plus, c’est la classe ouvrière qui a payé le prix fort du terrorisme aussi aveugle que stupide, comme la plupart des attentats que Moscou a connu depuis 1999 et qui ont fait 500 morts.

Les dernières attaques ont été revendiquées par “l’émir du Caucase”, Dokou Oumarov, qui a déclaré qu’elles étaient une “action de vengeance au carnage” effectué sur des habitants tchétchènes et ingouches par les forces russes près du village d’Archty en Ingouchie le 11 février dernier. Cette petite république connaît en effet une forte répression de l’armée russe, moindre que celle vécue en Tchétchénie mais en progression, car elle a fait 260 morts en 2009.

Bien sûr, les “grands” de ce monde se sont élevés pour stigmatiser ces attaques et exprimer leur “solidarité” avec la Russie. Obama se déclarait prêt “à coopérer avec la Russie pour aider à traduire en justice” les responsables, tandis que Sarkozy condamnait ces attentats “odieux” et “lâches”. Quant à l’État russe, sa réaction a été plus vive : “La politique de la répression de la terreur et de la lutte contre le terrorisme va se poursuivre. Nous allons poursuivre les opérations contre les terroristes sans compromis et jusqu’au bout.”, disait Medvedev, tandis que Poutine assurait une fois de plus : “Les terroristes seront anéantis”.

La lutte contre le terrorisme : un alibi contre la population

Tous ces hypocrites peuvent multiplier les déclarations les plus indignées, le terrorisme n’en reste pas moins un instrument entre leurs mains, dont ils se servent au moins de deux façons : pour justifier leurs exactions guerrières et renforcer les armes de répression contre la population.

Ainsi, en Russie, dans ce pays pourtant doté historiquement d’un arsenal répressif impressionnant, la bourgeoisie a répondu à chaque acte de terreur par la création de lois pour accentuer le contrôle de la population et de la classe ouvrière. Après les attentats de 1999, le maire de Moscou renforçait les mesures d’enregistrement des Russes présents temporairement dans la ville, exigeant un nouvel enregistrement après trois jours de présence. En octobre 2002, une loi interdisait aux médias de donner des informations sur les opérations antiterroristes (comme en Tchétchénie). Après l’attentat de 2003, une loi était promulguée, instituant des sortes de comités publics de délation habilités à rapporter à la police trois fois par mois toutes sortes de “troubles”.

Depuis les attentats de février 2004, une nouvelle loi permet d’arrêter et de retenir sans preuve jusqu’à 30 jours toute personne soupçonnée d’accointances avec des terroristes ou des extrémistes. Puis la même année, c’est l’introduction d’un “état d’urgence” pouvant être justifié par des opérations antiterroristes où la population voit ses droits restreints.

Avec les attentats de cette année, le gouvernement russe prévoit le relevé d’empreintes de toute la population de la Fédération de Russie, les contrôles renforcés sur l’Internet, la mise en place de caméras dans tous les transports et des mesures pour faciliter l’arrestation des “complices de terroristes”.

La bourgeoisie sait bien que cet arsenal répressif, à l’instar des plans Vigipirate en France ou d’autres ailleurs, n’est pas destiné à empêcher les terroristes d’agir. Que faire par exemple contre des kamikazes fanatisés, hommes ou femmes ? Leur prendre les empreintes digitales ou les filmer dans les transports ? Quant à leurs complices, quand ils en ont, c’est bien plus du côté des instances étatiques qu’il faut chercher que dans la population. Tous les services secrets des Etats dans le monde le savent.

Ceux qui sont visés, ce sont les ouvriers, qui manifestent et manifesteront toujours plus fort dans l’avenir leur mécontentement devant les conditions de misère capitalistes.

Le Caucase, une poudrière impérialiste

Cependant, si la bourgeoisie russe utilise “son” terrorisme pour ses besoins répressifs, comme ses consœurs européennes et américaine, elle le fait aussi pour les besoins de sa politique guerrière dans le Caucase. Cette région est le théâtre d’une offensive de la Russie depuis le début des années 1990 et la dislocation de l’URSS (voir nos différents articles sur les guerres en Tchétchénie, etc.). Les deux guerres menées en Tchétchénie depuis 1992 par Moscou avaient eu pour objectif de mater la rébellion tchétchène, mais aussi de tenter de s’assurer le contrôle de cette zone truffée de minorités ethniques, pas moins d’une quinzaine, cherchant toutes peu ou prou à exiger leur indépendance, et, ce qui n’arrange rien, subdivisées en six catégories religieuses distinctes. La naissance des États sécessionnistes d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie dès 1991 aura été une des premières pierres lancées dans le jardin de l’ex-URSS. Mais l’enjeu principal que représente le Caucase, cette ligne de division entre l’Europe et l’Asie, ne consiste pas seulement pour la Russie à affirmer sa présence dans cette région comme son contrôle sur la mer Noire, mais en plus et surtout de contrer la mainmise américaine. Ainsi, depuis 1991, la Géorgie se trouve au centre du conflit américano-russe pour le contrôle de la région caucasienne. Les différents conflits avec l’Ossétie du Sud et avec l’Abkhazie, qui faisaient initialement partie du territoire géorgien, marquent cette lutte et ces tensions permanentes entre les États-Unis et la Russie. Sa position stratégique au cœur du Caucase en a fait une clef du contrôle militaire russe sur la région ainsi qu’un lieu de transit obligé des relations transcaucasiennes. L’Ossétie du Sud et aussi la Géorgie sont situées au cœur de la région stratégique du Caucase, point de passage d’importants oléoducs et lieu de tensions entre les influences russe et occidentale. Lors de l’offensive catastrophique d’août 2008 menée par le président géorgien Saakhachvili, l’État russe avait montré sa détermination à ne rien lâcher et même à mettre le feu aux poudres si nécessaire. Poutine n’avait-il pas dit qu’une “nouvelle guerre froide” ne lui faisait pas peur ?

Ces derniers attentats de Moscou, après 5 ans “d’accalmie”, ne surviennent pas par hasard, et quels qu’en soient les commanditaires, il est clair qu’ils sont l’émanation et la manifestation, directe ou indirecte, d’une aggravation des tensions guerrières dans le Caucase, avec une Russie qui y défendra coûte que coûte ses prérogatives.

Une fois encore, ce sont les populations qui vont en payer le tribut.

Wilma (28 avril)

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