En Algérie, le prolétariat exprime sa colère

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

Durant le mois de janvier, de multiples grèves et manifestations de rue se sont développées en Algérie1. Consciente du « mauvais exemple » et de la réflexion que cela pouvait engendrer dans une partie du prolétariat, les ouvriers immigrés ne pouvant que se sentir liés à ces expériences, la bourgeoisie s’est bien gardée de médiatiser l’affaire !

Les manifestations de chômeurs à Annaba (Est algérien), de mal-logés un peu partout, les grèves ouvrières à Oran, Mostaganem, Constantine, et surtout dans la banlieue industrielle d’Alger, qui a été en proie à une agitation très importante, voilà l’objet du black-out. Suite à l’accélération brutale de la crise économique, avec l’inflation et la chute du pouvoir d’achat, les attaques diverses, la classe ouvrière qui avait été affaiblie ces dernières années a de nouveau relevé la tête ! Une montée de colère dans bon nombre de régions et de quartiers urbains, une grogne s’est généralisée, en particulier au cœur du secteur industriel. C’est principalement la zone de Rouiba (banlieue industrielle à l’est d’Alger) avec plus de 50 000 travailleurs, qui a été localement sous les feux de la rampe. Personne n’a oublié là-bas que c’est dans ce chaudron en ébullition qu’avait démarré en 1988 la « révolte de la semoule »2. Mais contrairement à cette dernière, qui avait été la rébellion d’une population affamée, celle de couches non-exploiteuses, nous avons assisté cette fois-ci à une mobilisation plus spécifique du prolétariat, avec ses propres revendications, celles qui appartiennent depuis toujours au mouvement ouvrier : la lutte pour les salaires, pour la défense des retraites, contre les licenciements…

Les travailleurs de la SNVI (société nationale des véhicules industriels, ex-SONACOM) ont été les premiers à se lancer dans la bataille. Le gouvernement avait décidé fin 2009 de supprimer la possibilité pour ces salariés de partir en retraite anticipée (mesure en vigueur depuis 1998). En réponse, la grève a rapidement fait tâche d’huile, touchant les entreprises du secteur public comme celles du privé, comptabilisant plus de 10 000 grévistes. Des salariés de Mobsco, Cameg, Hydroaménagement, ENAD, Baticim et d’autres entreprises se sont donc joints à la lutte, par solidarité avec leurs frères de classe. Les ouvriers se sont par la suite affrontés avec d’importantes forces de police anti-émeutes dans le centre-ville, où les syndicats les avaient entraînés3.

Parallèlement à ces luttes dans la capitale, sur fond de révoltes incessantes et tumultueuses de jeunes privés d’emploi, ce sont également les 7 200 ouvriers du complexe sidérurgique d’Arcelor Mittal d’El Hadjar, situé à Annaba (600 km à l’Est d’Alger), qui se sont mis en grève contre la fermeture programmée de la cokerie et la suppression de 320 postes. Face au durcissement de cette grève « générale illimitée » et à la détermination des ouvriers, la direction déposait une plainte pour suspendre cette grève qu’elle jugeait « illégale ». Là encore, le syndicat UGTA a été un précieux auxiliaire pour le sabotage du mouvement, appelant les ouvriers à reprendre le travail et à accepter pour argent comptant la promesse de la direction d’investir pour « réhabiliter la cokerie ». La réalité, c’est que la restructuration est inévitable et l’idée de réhabilitation de la poudre aux yeux. Cela, le syndicat ne pouvait pas le dire !

Toute cette effervescence sociale en Algérie ces derniers temps montre à la fois la combativité grandissante dans certaines régions du globe et le potentiel du prolétariat mondial.

WH (23 janvier)

 

1) 1Nos sources proviennent de différents sites Internet : https://www.rencontre12.eu/spip.php?article11934, www.mico.over-blog.org, https://www.afrik.com/?pagename=redirection&type=article&numero=18531 et d’informations provenant du journal El Watan.

2)  Révolte qui avait éclaté en réaction à une brutale augmentation du prix des denrées de base. Cette révolte, réprimée par l'armée, fit plus de 500 morts (voir RI n° 314).

3)  Suite à ces évènements, qui survenaient après le nouvel accord tripartite (gouvernement-patronat-syndicat) qui avait entériné cette nouvelle série d’attaques, le patron de l’UGTA était traité de « vendu » !

Géographique: 

Récent et en cours: