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Au soir du 5 mai, l'immense "Ouf !" de soulagement poussé
par les médias (ces simples trois lettres étaient par
exemple le titre qui barrait la "une" de l'édition
du lundi 6 mai du journal Libération) clôturait le faux
suspense entretenu pendant les quinze jours entre les deux tours des
élections présidentielles françaises par toute
la bourgeoisie, y compris à l'échelle internationale.
A entendre les commentaires unanimes sur cette élection, la
France l'avait échappé belle, grâce à ce
"sursaut national" qui consacrait la réélection
de Chirac avec 82 % des suffrages exprimés. Le résultat
ne faisait pourtant aucun doute, surtout après l'énorme
battage médiatique anti-Le Pen. Un quasi-plébiscite, un
score inédit que même un De Gaulle à son apogée
n'aurait pu rêver d'atteindre !
Toute la bourgeoisie avait ainsi utilisé à fond le coup
de théâtre, la surprise (réelle !) des résultats
du premier tour pour organiser une gigantesque campagne de mobilisation
contre le "danger fasciste", pour "sauver la république
et la démocratie". Bref, il s'agissait à tout prix
de prendre partie et de se prononcer "pour ou contre Le Pen",
un fameux filon en agitant une fois de plus un personnage qui, au sein
de la bourgeoisie, joue à merveille le rôle d'épouvantail
qui lui a été octroyé depuis les années
1980. Dans quel but ? Un seul et unique : ramener au maximum l'électorat
vers les urnes.
Rien n'illustre mieux l'objectif de cette campagne que le détournement
et la récupération du vieux slogan de mai 1968 "élections
: piège à cons" devenu dans la bouche des médias
bourgeois : "abstention : piège à cons".
Ce "Ouf !" signifie que la bourgeoisie est globalement parvenue
à ses fins : entraîner massivement dans le piège
électoral, alors que pendant toute la période précédant
le premier tour, la campagne électorale s'était déroulée
sans aucun débat politique, dans un climat général
d'indifférence et d'ennui.
Aujourd'hui, à la veille d'une nouvelle échéance
électorale, les législatives, et cinq semaines après
le dénouement de la précédente, à quoi assiste-t-on
? A l'agitation d'un nouveau débat politique, dramatisé
à souhait et présenté comme un choix crucial qui
se retrouve placé au coeur de cette nouvelle campagne électorale
: pour ou contre la cohabitation. Chacun est invité à
prendre parti et à se ranger derrière tel ou tel argument.
Pour les uns, il faut une alternance du pouvoir sinon une nouvelle cohabitation
entraînerait une paralysie des décisions de l'appareil
politique. Mais cela alimenterait aussi le discrédit des grands
partis démocratiques et continuerait à faire le jeu de
Le Pen en lui apportant de nouveaux partisans pour les prochaines échéances
électorales de 2007.
Pour les autres, "il ne faut pas laisser les mains libres à
la droite pendant 5 ans". Surtout, voter pour un gouvernement de
gauche offrirait une légitime revanche aux frustrations de "ce
peuple de gauche" qu'on a persuadé de voter Chirac pour
faire barrage à Le Pen et au FN, "peuple de gauche"
qui s'est rendu aux urnes pour voter du bout des gants, en se bouchant
le nez, voire en prenant des anti-vomitifs. Même si le thème
de la cohabitation a beaucoup moins d'impact émotionnel que le
danger de l'extrême droite, l'objectif de la bourgeoisie reste
fondamentalement le même : tout ce ramdam ne vise toujours qu'à
attirer au maximum la population dans la mascarade électorale.
La classe ouvrière n'a rien à faire dans ce cirque électoral,
contrairement à ce qu'affirment les LCR, LO et autres PT qui
ne font qu'entretenir les pires illusions à ce sujet pour enfermer
les prolétaires sur le terrain bourgeois. C'est un leurre. Les
prolétaires n'ont rien à attendre des élections,
rien à gagner en tombant dans ce piège des isoloirs.
Au contraire, en poussant chaque ouvrier à s'exprimer comme citoyen,
individuellement, de façon la plus atomisée possible,
il s'agit toujours de la même manoeuvre de la bourgeoisie qui
tente de faire obstacle à la prise de conscience que seule la
lutte organisée et collective pour la défense de ses conditions
de vie sur un terrain de classe ouvre au prolétariat une autre
perspective que l'exploitation capitaliste. Les élections font
partie de la vie de la bourgeoisie au service exclusif de ses intérêts
de classe, où l'alibi des "élections démocratiques"
ne fait que masquer la dictature du capital. Pour les ouvriers, elles
ne sont qu'une mystification pure et simple.
Peu importe le résultat des élections il ne changera
rien pour la classe ouvrière, quelle que soit l'équipe
gouvernementale qui sera mise en place, quelle que soit son étiquette
politique.
C'est d'ailleurs, dès aujourd'hui, une évidence avec le
gouvernement "de transition" Raffarin qui, sous couvert de
s'être "mis immédiatement au travail avec de nouvelles
claires priorités", n'apporte aucune rupture par rapport
à la précédente équipe ministérielle.
Les soi-disant nouvelles mesures qu'il a adoptées sont en réalité
en parfaite continuité avec le gouvernement Jospin.
Ainsi, quand on examine de près "la priorité des priorités", les mesures sur la sécurité, on s'aperçoit que le Conseil de Sécurité Intérieure, qui a été présenté comme une innovation, avait été créé sous Mitterrand en 1988, par son premier ministre Rocard et en 1997, c'est Jospin qui l'avait réactivé. De même, la police de proximité dont le zélé Zébulon Sarkozy fait la promotion en payant de sa personne sur le terrain pour escorter les virées nocturnes de sa flicaille avait été mise sur le terrain par Chevènement en 1997 et, en 1999, Jospin avait déjà prévu le déploiement des gardes mobiles et des CRS dans les banlieues.
Autre opération publicitaire du tout-sécuritaire Sarkozy
: les "groupes opérationnels de soutien". Ces fameuses
brigades d'intervention associant aux forces de police, des fonctionnaires
de justice, des douanes et des impôts existaient déjà
sur des opérations ponctuelles. Leur systématisation a
été mise en place il y a plus de trois mois par le précédent
ministre de l'Intérieur du PS Vaillant, lors de sa "réforme
de la police", en pleine campagne sur "l'insécurité
des banlieues" afin de lutter contre la délinquance juvénile,
les trafics de drogue et autres commerces illicites dans les cités.
Quant au gadget des "flash-ball", qu'a-t-il de plus "scandaleux"
que les balles réelles utilisées lors des multiples "bavures"
qui ont émaillé périodiquement l'action de la police
du gouvernement "socialiste" ?
Que va changer pour les ouvriers la nomination d'un grand patron privé
au ministère des Finances alors que les plans de licenciements
ne cessent de tomber depuis des années ? Que va changer un autre
gouvernement alors qu'avant même ce changement, malgré
le traficotage des chiffres du chômage et la multiplication des
emplois précaires par 10 en 5 ans, le chômage officiel
était reparti à la hausse de 0,8 % en mars (17 700 chômeurs
supplémentaires en un mois), faisant passer le taux de chômage
chez les jeunes entre 18 et 25 ans à 17,5 %, alors qu'également
le nombre de personnes vivant en dessous du SMIC atteignait 8 millions
dans le pays ? Une fois de plus, les promesses électorales de
baisses d'impôts, même si elles sont tenues, ne peuvent
toucher que les hauts revenus dans la logique implacable du système.
Avant même les élections, la hausse officielle du coût
de la vie augmentait de 0,4 à 0,5 % chaque mois depuis le début
de l'année. Avant même les élections, le principe
de l'allongement de la durée des cotisations pour les retraites
dans la fonction publique avait été décidé
conjointement par Jospin et Chirac au sommet de Barcelone. Le déficit
de l'UNEDIC ayant été rendu public, c'est à une
nouvelle attaque à la fois contre les prolétaires réduits
au chômage et contre les salariés qu'il faut s'attendre
pour combler ce déficit.
Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes, les prolétaires
devront faire face à une multiplication des attaques et devront
subir l'intensification de la même exploitation capitaliste. La
seule réponse possible pour la classe ouvrière, c'est
de développer ses luttes contre le système capitaliste,
contre l'Etat bourgeois, contre tous les gouvernements de droite comme
de gauche qui n'ont qu'un seul programme à lui proposer : toujours
plus de misère, de chômage et d'exploitation.