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A la remorque de l'étranger
La situation économique en France ne fait qu'empirer chaque jour. Les exhortations à "produire, produire, produire" prônées par tous les partis et hommes politiques de la bourgeoisie et, en tout premier lieu, le parti stalinien et la CGT ont eu pour résultat incontestable une aggravation certaine de l'exploitation des ouvriers ; mais, par contre, elles n'ont pas apporté un redressement, tant soit peu substantiel, de la situation économique de la France. À part quelques rares branches de la production, comme les mines de charbon, où une pression particulièrement concentrée sur les ouvriers et l'emploi massif des prisonniers allemands transformés en esclaves ont permis d'élever l'indice de la production et de l'approcher de celui de 1938, l'ensemble de la production se maintient aux environs de la moitié de la production d'avant-guerre.
Toutes les mesures financières de conversion, de dévaluation, de stabilisation, d'inflation, de déflation préconisées et appliquées par Pleven, A. Philip et Schuman, tous les plans et mesures économiques de Mendès-France à Marcel Paul, les nationalisations, les subventions d'État aux industries d'intérêt national et la contrôle des prix n'ont pu insuffler vie à l'industrie nationale fortement ébranlée.
La cause ne réside évidemment pas dans le slogan stalinien sur la mauvaise volonté des "trusts" et patronat "vichyssois" désirant saboter la reconstruction nationale. Il est à peine nécessaire d'insister sur l'ineptie d'un tel argument uniquement destiné à duper les ouvriers, à les inciter à se montrer plus patriotes, plus soucieux des intérêts "nationaux" de la France afin d'accepter chaque jour plus de sacrifices pour la reconstruction, à consentir de travailler et produire davantage pour des salaires de plus en plus réduits.
La cause de la situation critique de l'économie française réside dans la situation générale historique de décadence de l'ensemble du système capitaliste ! Dans l'ébranlement général de l'économie mondiale à la suite de l'entrée du système capitaliste dans la période de décadence et de crise permanente, l'effondrement du capitalisme français a été d'autant plus profond que ses positions économiques et politiques offraient une résistance moindre.
La France, comme la plupart des pays d'Europe, est sortie de la deuxième guerre impérialiste mondiale économiquement ruinée et reléguée au second plan. Son relèvement est donc encore plus étroitement soumis et conditionné par la perspective générale de l'économie mondiale. Cette perspective – loin de présenter des possibilités de reprise de l'activité économique, d'une sortie de la crise – n'accuse que son aggravation. Dans ces conditions aucune tendance d'une réelle reprise économique ne peut exister en France. Tout au plus certaines améliorations, limitées à certaines branches de l'industrie, peuvent se produire en correspondance avec les besoins de la politique extérieure, militaire, stratégique et économique dans la ligne générale de la préparation de la troisième guerre dans des pays impérialistes dominant le monde, et plus précisément les États-Unis.
Tous ceux qui parlent d'un commencement de relèvement économique de la France, dans la mesure où ce ne sont pas des déclarations intéressées destinées à nourrir les masses avec des illusions et des promesses d'un avenir meilleur pour mieux leur faire accepter leur situation présente, font leur démonstration sur la base de la comparaison avec la situation de 1944. Mais une telle comparaison ne peut donner une indication valable sur la tendance réelle de la production française. 1944 ne présente pas un point faible, un moment économiquement bas mais un point mort dans la production bouleversée et totalement arrêtée par la situation militaire et politique particulière. De ce fait, la situation de 1944 ne peut aucunement servir de point de repère. On ne peut sérieusement se faire une idée qu'en se plaçant par rapport à l'année 1938 qui se situe déjà, elle-même, sur une courbe générale de déclin économique. Dans ce laps de temps de 8 années, la puissance économique de la France a été engloutie dans le gouffre de la guerre. A l'encontre des grandes puissances anglo-saxonnes qui ont été amenées par la guerre à renforcer et développer leur puissance productive, la France a vu la sienne pillée à leur profit et, pour la moitié, détruite. Ce qui est resté de l'appareil productif est en grande partie usé et appelé d'urgence à être renouvelé.
Pour retrouver le niveau de la production de 1938 –même en admettant que la France retrouve ses marchés extérieurs et sources de matières premières passés entre les mains de l'Angleterre et de l'Amérique qui ne sont pas prêtes de les abandonner– la France a besoin de reconstituer ses moyens de production et de circulation dans une proportion de 70%. Un tel effort de reconstruction, le capitalisme français n'est pas en mesure de l'accomplir, démuni comme il est de moyens de paiement. Seule l'aide de l'étranger, c'est-à-dire de l'Amérique, par des crédits massifs et à longs termes, peut renflouer l'économie française. La France se trouve ainsi à la merci de la politique extérieure des États-Unis qui, comme on s'en doute, n'a rien d'un philanthrope.
Les accords de Washington, si laborieusement et péniblement obtenus, il y a quelques mois, par Léon Blum, n'avaient rien de très réjouissants pour le capitalisme français, ce qui explique que, malgré le battage du gouvernement Gouin, on n'a pu susciter un grand enthousiasme autour de ces accords. En fait, des centaines de millions consentis par les États-Unis la France ne verra pas grand-chose, ces accords consistant essentiellement à faire passer les dettes de guerre dans la rubrique des crédits. Dans les marchés de ce genre où l'Amérique débourse peu de chose en réalité, la France n'obtient guère de moyens efficaces pouvant lui servir pour reconstruire son appareil de production. Mais telle est la situation en France que, certainement sans enthousiasme, elle doit se considérer encore satisfaite et consentir "de plein gré" à des concessions sur le plan de la politique internationale. Cela se retrouve dans l'attitude de la France dans la Conférence de la Paix et dans les conférences des Quatre où elle appuie plus ou moins ouvertement la politique de l'Amérique.
Le capitalisme français ne se fait pas grande illusion sur les possibilités d'un redressement économique sérieux. Cela ne veut pas dire qu'il abandonne toute lutte pour maintenir et renforcer ses positions et accroître ses sources de profit. Bien au contraire. Il tend à saisir chaque occasion qui se présente pour exercer le chantage et mettre à profit les frictions qui surgissent entre les Grands sur l'échiquier international pour s'emparer de quelques menus profits. C'est ainsi que la France obtient une rectification de frontières aux dépens de l'Italie et s'emploie à piller au maximum dans sa zone d'occupation en Allemagne.
La situation économique intérieure
Plus se rétrécit, pour le capitalisme français, le champ d'exploitation et de pillage à l'extérieur, plus férocement il se rabat sur l'exploitation des masses travailleuses à l'intérieur.
Pour rien au monde un capitalisme ne peut renoncer à ses profits. Handicapé sur un plan, il cherche compensation sur un autre. L'exploitation des travailleurs, la diminution de leur standard de vie s'accroissent dans la même mesure que le capitalisme se heurte par ailleurs à des difficultés. La grande "bataille de la production" et toutes les "batailles" particulières, celle du charbon, de l'électricité, du rail, etc., etc., n'ont rien d'autre en vue que de compenser le capitalisme français de perte de profit sur le marché mondial par une surexploitation du prolétariat.
Aucun parti ne pouvait mieux faciliter cette tâche à la bourgeoisie française que le parti stalinien. Ce parti qui, par sa politique extérieure, est un prolongement des intérêts impérialistes de l'État russe et, de ce fait, suscite plutôt la méfiance d'une grande partie de la bourgeoisie française, est non seulement toléré par elle mais on lui laisse volontiers une partie de la direction de l'État, car la bourgeoisie trouve en lui l'élément le plus apte à faire accepter par les ouvriers leur surexploitation sans trop de secousses.
La direction stalinienne de la CGT reproduit, avec le dynamisme et le cynisme dont elle a coutume, les formules et la pratique qui ont fait leur preuve en Russie où ils ont produit des miracles entre les mains de l'État. L'intérêt et le profit du capitalisme français se trouvent fort bien assurés par les formules de "batailles de la production", "l'émulation dans la reconstruction", "prime au rendement", "champion de record de production" et tant d'autres formules du pire stakhanovisme.
Intensification du travail, blocage des salaires, prolongation de la semaine du travail, diminution des rations, augmentation des prix, rien décidément n'a été négligé pour assurer les profits aux capitalistes.
Et tandis que la marge des bénéfices est assurée au patronat, les salaires réels des ouvriers et des fonctionnaires diminuent d'une façon régulière et constante. D'une façon générale les conditions de vie, si elle n'accuse pas une franche aggravation par rapport aux années de guerre, parviennent péniblement à se maintenir à ce niveau. Les rations alimentaires de première nécessité, le pain, la viande, les matières grasses, le vin, les légumes secs, le lait sont exactement les mêmes que dans les pires années de la guerre. Et si certains articles, comme les fruits et les œufs, se trouvent abondamment sur le marché, cela ne signifie pas qu'ils sont à la disposition des ouvriers. Comme sur le plan du marché du travail où l'ouvrier est "librement" contraint de vendre sa force de travail, sur le marché de la consommation, il est absolument libre de… regarder les produits destinés à la consommation de la bourgeoisie, "librement" forcé de ne pas y toucher. La politique de consommation est celle du double marché. D'une part le marché rationné, le marché pour les ouvriers qui doit assurer aux masses le minimum vital et sur la base duquel sont calculés les salaires, d'autre part le marché pour la bourgeoisie, le marché libre. La croisade contre le marché noir que réclament tous les partis n'a pas en vue de répartir plus équitablement les denrées entre tous les habitants mais uniquement de faciliter la vente des marchandises pour les producteurs et l'acquisition pour les consommateurs bourgeois. À ce titre le système du marché noir présente des inconvénients certains et, dans la mesure du possible, la bourgeoisie tend à y remédier en créant le marché libre, c'est-à-dire en contrôlant et en légalisant le marché noir.
La part attribuée aux masses ouvrières dans la consommation générale ne se trouve nullement augmentée. Le syndicat des bouchers en apporte la preuve en constatant que, dans les premières semaines de l'application du système Farge –vente libre de la viande au prix fort, après les 150 gr réglementaires–, 30% des consommateurs dans les quartiers ouvriers de Paris n'avaient même pas acheté leur simple ration. Ce qui est valable pour la viande l'est aussi pour tous les articles du marché dit "libre".
La bourgeoisie parvient à supprimer ainsi en partie les intermédiaires qui s'enrichissaient à ses dépens et à assurer plus normalement son ravitaillement. La lutte contre le marché noir ne représente dans ces conditions aucunement une lutte pouvant intéresser la classe ouvrière. Il ne lui appartient pas d'organiser le marché de la bourgeoisie qui, "noir" ou "libre", n'a pour résultat que la baisse du standard de vie des masses laborieuses.
Mécontentement et grèves
Le coût de la vie n'a cessé de s'élever depuis la "libération". Après avoir réussi, avec l'aide de la CGT, à assurer, par la politique de blocage des salaires, une forte avance des prix, la bourgeoisie pouvait très tranquillement accepter de prendre en considération la revendication de réajustement des salaires. Toute la bourgeoisie, de droite à gauche, devenait soudainement très compréhensive envers la condition ouvrière et admettait la légitimité d'une augmentation des salaires, d'autant mieux que cette augmentation devait être étudiée pour son application dans le cadre général de la production et des prix. Aucune divergence là-dessus avec la CGT également très compréhensive des intérêts de la production nationale.
Pendant que se réunissaient les délégués du patronat, de la CGT et de l'État pour l'étude du réajustement des salaires, pendant qu'on discutait sur les 15, 16 ou 25%, les prix prenaient un nouvel envol et annulaient d'avance toute valeur à un réajustement des salaires à venir ; cela n'empêche pas, au contraire, une fois les salaires augmentés et sous ce prétexte, une nouvelle hausse des prix. Ainsi les statistiques des prix accusent du 15 août au 15 septembre une hausse de 26% ; et De Menthon propose, après étude en vue de la baisse de certains articles industriels, une nouvelle hausse générale, évidemment justifiée, qui ne serait qu'une première étape, d'autres devant suivre et à un rythme accéléré.
La hausse des prix n'est pas due à la volonté d'un patronat insatiable, voulant s'assurer des surprofits, mais correspond à une nécessité vitale pour le capitalisme français. Handicapé sur le marché international par une concurrence anglo-américaine, le capitalisme français ne peut se défendre par une augmentation de la productivité pour laquelle les moyens techniques lui font complètement défaut. Il ne lui reste d'autre moyen que de diminuer les frais de production, qu'en diminuant le chapitre des salaires. La hausse des prix à l'intérieur signifie la baisse des salaires et la possibilité – par l'office d'import-export – d'assurer la vente de ses marchandises indispensables pour pouvoir payer à l'étranger les matières premières et les machines qui sont indispensables pour le fonctionnement, même au ralenti, de la production nationale. La limitation extrême de ses importations - dont la nature, la masse et le prix de vente font l'objet d'un contrôle sévère de la part de l'État – permet au capitalisme français de s'assurer la domination du marché intérieur.
Dans la hausse des prix, il ne s'agit donc pas tant pour le capitalisme d'obtenir des surprofits mais de garantir ses profits courants. Placé dans des conditions extrêmement défavorables par rapport à ses concurrents sur le marché mondial, il ne lui reste pas d'autre moyen que la poursuite d'une politique de réduction des conditions de vie des masses laborieuses.
Une telle situation ne peut manquer d'alimenter le mécontentement qui est général et forcément plus sensible chez ceux qui vivent de leur salaire et de leur traitement. Mais on doit constater que le mécontentement, loin de conduire à un débordement généralisé, ne s'est exprimé jusqu'à présent que dans des manifestations isolées et sporadiques et très souvent confuses.
Pour que les masses puissent entreprendre une action positive de classe, il ne suffit pas qu'elles éprouvent un sentiment d'insatisfaction mais elles doivent prendre conscience des causes profondes, historiques de l'état de choses actuel. Elles doivent passer du plan étroit de la revendication économique à celui de la lutte sociale et politique. Or ce n'est justement pas le cas ; et le mécontentement des masses peut, dans ces conditions, devenir précisément un moyen de manœuvres politiques entre les mains des divers partis du capitalisme contre les intérêts des ouvriers.
Nous avons vu plusieurs grèves, ou autres mouvements, éclater et apparemment, si on juge par les masses numériques, on serait tenté de conclure à leur développement. En réalité nous assistons à une édulcoration très nette de leur nature de classe. Les premiers mouvements, tels ceux des mineurs du Nord, des manifestations ouvrières de Nantes et de Lyon, furent des réactions spontanées de classe. A ce type, se rattachent la grève récente des cheminots de Dijon et les manifestations de Brest et de Cherbourg.
Ces mouvements sont caractérisés d'abord par le fait que, tout en présentant des revendications purement économiques d'augmentation des salaires et parfois même des revendications confuses et réactionnaires comme une meilleure épuration, ils posent cependant, avant tout, des revendications sociales comme le ravitaillement, une meilleure répartition des denrées alimentaires, revendications dirigées directement contre l'appareil gouvernemental. En second lieu, ces mouvements sont des explosions spontanées, des grèves sauvages en dehors des cadres syndicaux. Elles se produisent sur le plan local, effaçant toute barrière professionnelle et groupant tous les ouvriers sans distinction, y compris les ouvriers chômeurs, dans une action commune. En troisième lieu, elles sont animées par une plus haute combativité, passant à l'action directe pour s'emparer des vivres et du charbon.
Tout autre apparaissent les larges mouvements de grèves récentes. Elles ont perdu leur caractère spontané, sauvage. Ces grèves sont ordonnées, dirigées, bien encadrées. Elles sont déclenchées et surtout arrêtées avec discipline. Elles sont exclusivement économiques, corporatives, tenues dans le cadre syndical et conduites par des dirigeants syndicaux connus et respectés par les autorités gouvernementales. Elles touchent surtout l'employé, fonctionnaire, ceux rétribués au mois dans des fonctions qui leur garantissent une stabilité et une retraite. Même, comme c'est souvent le cas, ces travailleurs ont des salaires inférieurs à ceux des ouvriers de l'industrie, ils ne présentent cependant pas la masse combative du prolétariat mais bien plutôt une couche sociale périphérique avec des fortes tendances idéologiques petites-bourgeoises.
Il est absolument impossible de présenter ces mouvements comme le signe d'une radicalisation des masses, comme une prise de conscience plus avancée. Le fait que ce soit justement des couches de travailleurs et de fonctionnaires qui déclenchent des mouvements, alors que la grande masse des ouvriers d'usine reste passive, est déjà en soi très significatif. Dans le meilleur des cas nous avons à faire à des mouvements typiquement réformistes. Mais il y a encore autre chose dans ces mouvements : c'est leur exploitation par des partis politiques bourgeois, leur canalisation vers des objectifs qui n'ont rien à faire avec la lutte ouvrière et dans le but duquel ils furent en grande partie fomentés.
Nous avons, dans le dernier numéro de "Internationalisme", mis en lumière cet aspect de la grève des postiers, là où tous les groupes révolutionnaires ne voulaient voir qu'une action de classe anti-syndicale, révolutionnaire et tout et tout. C'est son caractère anti-stalinien qui aveuglait les militants et c'est justement son caractère essentiellement anti-stalinien qui aurait dû les rendre plus méfiants et ouvrir leurs yeux sur le fond de la manœuvre socialiste. Aujourd'hui la grève des fonctionnaires fait apparaître encore plus nettement cet aspect des grandes grèves actuelles en France.
Cela n'enlève rien au fait que l'attitude des staliniens et de la CGT est celle des briseurs de grève. Mais cela ne fait pas des socialistes, pris soudain d'un amour pour les ouvriers et pour les grèves, des défenseurs des intérêts des ouvriers. Cela doit surtout nous inciter à voir que le mécontentement des masses peut très bien être un élément d'exploitation dans l'intérêt du capitalisme.
Les positions occupées respectivement par les staliniens et les socialistes, les premiers contre les grèves et les seconds pour, ne relève pas d'une attitude générale par rapport aux luttes ouvrières mais de leurs positions particulières contingentes qu'ils occupent dans la situation politique présente en France.
En Belgique par exemple, nous avons pu voir une situation renversée où les socialistes, à la tête du gouvernement, brisaient implacablement les grèves tandis que les staliniens soutenaient les grèves et même en étaient les initiateurs. En Amérique nous voyons également les staliniens dans la CIO pousser à la grève. En Angleterre ils prennent l'initiative d'un mouvement "squatter", celui de faire occuper par les sans-abris et les chômeurs des locaux libres. Un renversement de la situation en France verra probablement les staliniens reprendre une allure "révolutionnaire" à la tête des mouvements de grève.
Dans la lutte fondamentale entre le prolétariat et le capitalisme, les staliniens et les socialistes sont également du côté du dernier, contre le premier ; mais dans une situation contingente, en l'absence d'une menace directe pour le régime, leur comportement est dicté d'après les intérêts fondamentaux des deux grands blocs impérialistes luttant pour l'hégémonie mondiale.
Les révolutionnaires qui ne tiennent pas compte de cela et se contentent de dénoncer le stalinisme dans son comportement du moment, sans expliquer plus à fond les raisons de ce comportement, font une double erreur. D'une part leurs attaques sont concentrées forcément uniquement contre le stalinisme sans pouvoir atteindre les socialistes, et d'autre part toutes leurs dénonciations contre le stalinisme se trouveraient sans aucune portée quand, pour des raisons de politique internationale, le stalinisme se trouverait dans l'opposition et reprendrait la tête des "luttes" ouvrières. Il est à craindre que non seulement les ouvriers accorderont alors plus que jamais leur confiance au stalinisme mais encore que les militants révolutionnaires soient profondément surpris. Dans les deux temps, on aura toujours facilité la démagogie d'un des deux partis et permis le renforcement de son influence sur les ouvriers.
Il est hors de doute que le mécontentement des masses puisse encore s'approfondir mais il es peu certain qu'il donne naissance à une issue révolutionnaire. Dans l'état actuel d'absence de conscience de classe et du cours vers la guerre, il est le plus probable que le mécontentement soit habilement utilisé en faveur d'un des deux blocs antagonistes et en vue de la préparation de la prochaine guerre, sous la forme immédiate de luttes d'influence entre le parti stalinien et le parti socialiste. Cette manœuvre s'est déjà largement faite jour dans les récents mouvements de grève en France.
La vie politique
La vie politique française est on ne peut plus confuse. Une suite d'élections, de référendums, de coups de théâtre, de partis qui dénoncent comme la pire des catastrophes ce qu'eux-mêmes ont proposé ou préparé pendant des mois, des volte-face ahurissantes, des sorties et des discours surprenants, des claquements de portes retentissants. Un gouvernement des Trois grands partis dont les ministres passent le meilleur de leur temps à faire des crocs en jambe à leurs collègues et à faire chaque dimanche des discours contre la politique gouvernementale des deux autres partis.
En apparence il semblerait que toute la vie politique est dominée par le souci d'élaborer la nouvelle constitution qui doit servir de fondement à la IV° République. Il n'en est rien. Les débats autour de la malheureuse constitution, les propositions, les amendements et tractations sont tellement obscurs que personne, même parmi les constituants, ne comprend quoi que ce soit ; et la très grande majorité de la population se désintéresse complètement.
On a pu voir les MRP introduire en fait une seconde chambre, ce contre quoi ils luttaient avec acharnement il y a quelques mois, et les radicaux d'expliquer qu'ils ont entendu leur position sur l'école laïque (leur cheval de bataille) dans le sens de la pleine liberté de l'enseignement et de rappeler que le Parti Radical socialiste est avant tout un parti de gouvernement, à comprendre que le Parti Radical est prêt à prendre sa place dans une future combinaison ministérielle.
Au fond, toute cette confusion ne fait que traduire la situation chaotique réelle dans laquelle se trouve la France au sortir de la guerre, avec son économie bouleversée, déséquilibrée, à laquelle le capitalisme ne voit aucun remède durable et à laquelle il s'adapte tant bien que mal avec une politique de palliatifs à la courte semaine. On peut évidemment distinguer entre les éléments plus conservateurs, plus attachés à la forme périmée du capitalisme privé, qui sont représentés par les partis de "droite" PRL et Radicaux, et les partis qui présentent la tendance nouvelle du capitalisme d'État, qui sont le "gauche", les staliniens, socialistes et le MRP. Cependant, ce n'est qu'une délimitation secondaire ; celle qui prédomine est le choix entre les deux blocs impérialistes au sein de qui la France est forcée de s'incorporer.
La période d'indépendance nationale, tout comme le libéralisme économique, est désormais dépassée. Avec elle, est passée également la possibilité d'une politique étroite de l'intérêt nationale. La nation capitaliste a fait place au système du bloc impérialiste groupant plusieurs pays sous la direction d'une grande puissance luttant pour l'hégémonie mondiale. Le capitalisme national s'aliène nécessairement une partie de sa liberté et de ses intérêts ; mais ses intérêts fondamentaux ne peuvent être sauvegardés que dans le cadre du bloc. Le patriotisme national s'élargit pour se fondre dans un patriotisme de bloc dans lequel la nation s'englobe.
La défaite du bloc germano-japonais ne laisse subsister que deux grands blocs, le russe et l'américain, dont l'antagonisme va en s'exacerbant pour une lutte à mort et la destruction de l'un par l'autre. Aucun pays n'est libre de rester à l'écart, leur liberté ne consiste que dans leur intégration volontaire ou forcée dans l'un des blocs. La France de De Gaulle croyait un moment pouvoir jouer entre les deux. Ce fut le romantisme de la "Grandeur traditionnelle de la France" que tout le monde a fini par rejeter pour son manque de réalisme et de sérieux.
Ce qui domine le fond de la vie politique en France n'est pas la lutte entre la "droite" et la "gauche", sur telle réforme ou tel paragraphe de la Constitution mais essentiellement l'orientation de la politique de la France.
La campagne du référendum pour la nouvelle constitution parrainée par les trois grands brouillera peut-être momentanément la vision de l'opposition fondamentale en la couvrant par une division artificielle et secondaire opposant le bloc gouvernemental à celui de l'opposition. La lutte contre la dictature des partis d'un côté, et la lutte contre l'aspiration à la dictature personnelle de l'autre, est une vaste fumisterie propice à la bataille électorale. De Gaulle s'est expliqué clairement en réclamant la possibilité, pour le chef de l'État, de constituer un gouvernement souverain hors de la France au cas où cela serait rendu nécessaire par une nouvelle occupation du pays. De Gaulle voit venir la guerre, il redoute une nouvelle invasion de la France et il n'a pas hésité à indiquer le nouvel envahisseur probable dans cette multitude d'esclaves sous la domination d'un gouvernement tout puissant. De Gaulle prend position contre le bloc russe moins souple, plus brutal ; il reproche violemment aux partis anti-russes, MRP et socialiste, de continuer, pour des raisons de "tactique", à composer avec les partisans du bloc russe, les staliniens. Qu'il ait raison ou tort dans sa politique brutale et cassante, il a situé la vraie ligne de démarcation, celle qui passe entre les staliniens et tous les autres partis, et qui n'est que le prolongement en France de la ligne de démarcation internationale entre les deux blocs impérialistes.
Le parti stalinien
Des trois partis du bloc gouvernemental, le parti stalinien est indiscutablement le plus attaqué, le plus redouté, non seulement par l'opposition mais également par ses partenaires au gouvernement. En même temps, dans les conditions présentes, aucune combinaison gouvernementale n'est possible sans sa participation active, d'où la nécessité de concession et de compromission à son égard de la part des autres partis. Cette situation ambivalente est due au fait que le parti stalinien représente à lui seul la tendance du bloc russe en opposition à tous les autres partis.
Dans la mesure où les intérêts du capitalisme français se trouvaient en conflit avec la domination anglo-américaine – affaire de la Syrie, en Indochine et même en Afrique du Nord -, une tendance pro-russe ne pouvait manquer de se développer en France. Le parti stalinien apparaissait comme le meilleur défenseur des intérêts nationaux contre la convoitise impérialiste anglo-américaine. On doit cependant constater que, depuis le pacte De Gaulle-Staline, les penchants pro-russes sont devenus plus tièdes et la gratitude envers "la grande nation amie" n'est plus de mode, même chez Herriot. La bourgeoisie française est trop réaliste pour comprendre la nécessité pour elle de se soumettre aux États-Unis. Le soutien moral et les promesses russes ne pèsent pas lourd devant la puissance économique des États-Unis. Et la majorité du capitalisme français hésite de moins en moins dans le choix à faire. De là l'isolement du parti stalinien représentant, dans une France anglo-américaine, la cinquième colonne russe.
Mais le parti stalinien, en plus de toute la fraction pro-russe de la bourgeoisie, groupe des centaines de mille d'ouvriers. Il domine la grande organisation syndicale où sont emprisonnés près de 5 millions d'ouvriers. Ce parti exerce indiscutablement une influence prépondérante sur les masses travailleuses. C'est sa force avec laquelle les autres partis doivent compter et sont obligés de composer.
Pour le moment, tant que la situation internationale le permet, il est préférable que le parti stalinien participe au pouvoir d'autant plus qu'aucune concession de fond sur la politique extérieure ne lui est faite ; et cela encore malgré l'incapacité et l'incompétence évidentes de ses représentants à la gestion des affaires de l'État dans le clan anti-russe, c'est-à-dire la majorité de la bourgeoisie, des divergences s'élèvent sur l'opportunité des compromissions. La majorité de ce clan, plus souple et plus manœuvrière, les socialistes et le MRP optent pour cette tactique.
De son côté, le parti stalinien, dans l'intérêt général du capitalisme et dans l'intérêt particulier du bloc russe, trouve aussi son avantage, pour le moment tout au moins, de participer au gouvernement. Il ne faut pas négliger non plus d'autre part que le parti stalinien a tout une clique de bureaucrates, qui ont vite pris le goût des fauteuils ministériels, qu'il doit satisfaire.
Quelle que soit l'évolution ultérieure et la lutte violente de "guerre civile" entre les divers partis de la bourgeoisie, les contingences de la situation présente permettent et nécessitent la présence du parti stalinien au gouvernement et son utilisation dans la politique intérieure face aux masses travailleuses.
Cela ne signifie pas que la confiance des masses dans le parti stalinien exprimerait une radicalisation inconsciente de ces masses et qu'en se servant du parti stalinien la bourgeoisie use ses derniers atouts. La confiance des masses dans le parti stalinien n'exprime que le degré de la destruction de leur conscience de classe, le ravage fait par l'idéologie nationaliste dont elles sont imprégnées. C'est cela la base de leur confiance dans le parti stalinien en qui elles voient le champion de l'intérêt national. Le parti stalinien ne présente pas un dernier atout mais le moyen pour le moment le plus efficace de domination des masses au même titre que le Labour Party l'est en Angleterre et les socialistes en Italie.
En le disant nous ne voulons pas diminuer l'importance que présente le parti stalinien en tant qu'arme de la bourgeoisie pour mieux dominer les masses. Cela est absolument vrai mais cela ne permet nullement d'en déduire que la bourgeoisie a recours aux staliniens parce qu'il y a radicalisation des masses. Ce schéma banal et vulgaire se base sur un raisonnement absurde : la radicalisation des masses est démontrée par le recours au stalinisme et le recours au stalinisme est expliqué par la radicalisation des masses. Une démonstration de l'un par l'autre, en cercle fermé, peut se continuer ainsi à l'infini sans apporter aucun élément d'analyse sérieux. Si ce schéma de recours au stalinisme - se produisant parce qu'il y a radicalisation des masses et en vue de la contenir - était vrai, il s'en suivrait que tout débordement, par les masses, des cadres staliniens ou tout dégagement des masses de l'emprise stalinienne signifierait automatiquement une orientation des masses vers la révolution. Or, cela n'est nullement prouvé puisque nous assistons à des manifestations de masse d'ouvriers se dégageant du stalinisme mais continuant à évoluer sur un plan capitaliste au bénéfice d'autres formations idéologiques et politiques de la bourgeoisie comme les socialistes et les syndicalistes réformistes.
Le "Gauchisme" du parti socialiste
Le parti stalinien se trouve dans une situation assez particulière. En opposition avec l'orientation générale de la majorité de la bourgeoisie, il ne peut être utilisé ni dans la direction de la politique extérieure ni dans la direction militaire (quoique l'intérêt militaire d'un pays satellite perde énormément de son importance) ni dans la police intérieure (ministère de l'Intérieur) et des colonies (ministère des colonies). D'autre part, son incompétence flagrante empêche de lui confier la direction des finances et de l'économie nationale. Aussi, il est placé là où il peut le mieux être utilisé : à la production industrielle, au travail, à tous les postes où il s'agit d'obtenir des ouvriers le maximum de rendement, et de leur faire accepter le maximum de sacrifices.
Ces postes occupés par les hommes du parti stalinien le rendent particulièrement vulnérable. Dans les conflits du travail c'est au stalinisme qu'incombe la tâche ingrate de s'opposer aux ouvriers et, dans l'accomplissement de cette tâche, ils se discréditent. Cette situation difficile est largement mise à profit par les autres partis et en premier lieu par le parti "frère" socialiste.
Le parti socialiste est le grand parti de la bourgeoisie, le pivot de sa stabilité et son représentant le plus solide sur le plan international.
Blum se plaignait de l'ingratitude de la bourgeoisie, cela n'est que partiellement vrai. Dans les heures difficiles et décisives, c'est encore au parti socialiste qu'il faudra avoir recours et sa position, quelque peu ébranlée à l'intérieur par les staliniens, est d'autant plus forte sur le plan international.
Seuls les chefs politiques de second ordre, les Daniel Mayer, pouvaient être effrayés par la défaite relative aux élections de mai 1946. Pour des hommes comme Blum cette défaite fut salutaire car elle a permis au parti socialiste de se retirer sur des positions moins avancées tout en assurant le triomphe de l'essentiel de sa politique.
Avant mai 1946, les socialistes assumaient la plus lourde charge, s'exposant sans cesse à l'impopularité comme l'a fait un peu trop bêtement Félix Gouin. Continuellement bousculé par les campagnes de démagogie stalinienne et la pression du MRP, il n'a su résister ni à l'un ni à l'autre et se traînait à la remorque des deux. Les élections de mai l'ont fort heureusement libéré. Et même s'il n'a pas encore remonté le courant, même si cela ne se traduit pas encore aux prochaines élections, dans l'ensemble sa position est bien plus solide aujourd'hui qu'elle n'a été il y a quelques mois.
C'est contre le PCF que le" PS a à livrer la plus dure bataille. D'abord parce que le PCF présente, pour des raisons internationales, l'antagoniste principal et deuxièmement parce qu'il est le concurrent le plus direct (au niveau) de sa clientèle électorale.
On a fait beaucoup de bruit autour du dernier Congrès socialiste où tout le monde voulait voir des failles dans l'unité de ce parti et peut-être même des scissions éventuelles. Pourtant les divergences qui se sont faites jour n'étaient pas de nature à faire éclater ce parti. On voulait voir dans la tendance Guy Mollet une opposition communisante, voire une nouvelle tendance Zyromsky en quelque sorte. Rien de plus faux. La tendance Guy Mollet, qui a triomphé au Congrès et qui dirige actuellement le PS, s'est chargée de dissiper immédiatement tout soupçon de ce genre. Son premier acte au nom du nouveau comité directeur fut de dissoudre le Comité permanent d'entente social(ist)e et communiste. Dans sa lettre au PCF, Guy Mollet justifie cette décision en déclarant que, désormais, seul le comité directeur sera habilité pour traiter des ententes sur des actions communes, qui d'ailleurs ne peuvent être que des exceptions et non une pratique permanente. Sur le problème de l'unité organisationnelle tant agité par les staliniens, la lettre précise qu'une telle unité n'est pas à envisager pour le moment vu les divergences graves qui opposent les deux partis.
Nous ne nous trouvons donc pas devant une tendance au rapprochement mais, au contraire, devant un raidissement du PS contre le stalinisme. Les interventions de Capocci, secrétaire de la Fédération des syndicats des employés, son élection pour la première fois au comité directeur sont un indice qui ne peut tromper. On sait que Capocci mène une lutte violente dans la CGT contre la majorité stalinienne. Il est devenu le centre de la résistance anti-stalinienne. Les récentes grèves des postiers, des fonctionnaires lui ont donné l'occasion de porter des accusations les plus violentes contre eux. Son élection au Comité directeur ainsi que l'orientation donnée par le congrès vers un travail dans les usines (formation du groupe socialiste d'usine) prouvent que le PS est décidé à disputer âprement aux staliniens leur clientèle ouvrière.
On commettra encore une erreur en attribuant la victoire de la "gauche" à une pression de la base ouvrière. Il est à peine nécessaire de dire que la dispute doctrinale entre les "marxistes" et l'humaniste Blum était d'une pauvreté telle qu'elle ne présentait aucun intérêt et personne ne l'a prise au sérieux. Ce n'est certainement pas à cette dispute qu'on doit le vote contre le rapport moral.
Blum était dans le vrai quand il expliquait cette révolte par un mécontentement des militants contre la politique zigzagante, pleine d'hésitations du Comité directeur sortant. Ce que les militants socialistes demandaient, ce n'était pas une politique plus à gauche mais une politique plus indépendante, moins ballotante, plus virile en un mot. Et effectivement il semble que, dans la mesure du possible, le PS a déjà commencé à appliquer cette nouvelle politique. Les grèves des postiers, des fonctionnaires ont été amplement exploitées par le PS contre l'attitude particulièrement écœurante des staliniens, en attendant une autre occasion pour pouvoir se délimiter sur sa droite, du MRP.
Le monolithisme qui réussit si bien aux staliniens n'a jamais existé dans le PS. Le pluralisme des tendances est peut-être une faiblesse et lui enlève du dynamisme mais, par ailleurs, ce pluralisme fait la force du PS, le rend plus stable et plus solide. Les diverses tendances, aussi bien celles de "masses", de "libertés" que celle de droite, jouent le rôle de rabatteurs postés à des points différents. Pas plus que la droite, la "gauche" ne présente une expression une expression de la "base ouvrière", car au fond il n'y a pas de différence entre l'une et l'autre. la résolution finale sur la politique générale adoptée à l'unanimité du congrès en est la meilleure preuve.
Signalons à titre de curiosité le nombre de plus en plus grand d'anciens communistes et trotskistes qui jouent maintenant un rôle de premier plan dans la SFIO. Nous connaissions, avant la guerre, le cas de M. Paz, ancien membre du CC du PC et leader d'un groupe trotskiste pendant les premières années de l'Opposition de gauche. Cette fois nous avons (à faire) à Ferrat, Rimbert, Barré (député), à Rous qui était quelque chose comme secrétaire de l'Internationale trotskiste, et bien d'autres encore.
Enfin, M. Pivert – qui avait quelques velléités, avant la guerre, à jouer au chef révolutionnaire – a été réintégré au PS. Vraiment le congrès ne pouvait faire moins en donnant un certificat de bonne conduite nationale et socialiste à celui qui écrivit la fameuse lettre à De Gaulle. Ainsi, M. Pivert reprend une place qu'il n'aurait jamais dû quitter, et c'est justice.
Ainsi le PS sort non pas affaibli mais renforcé de son dernier congrès ; et si nous devions le caractériser dans une formule brève, nous dirions que le Parti Socialiste reste plus que jamais l'axe de la vie politique française et le pivot des futurs gouvernements.
Marco