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Depuis l'automne dernier, un énorme battage, organisé conjointement par le gouvernement et les syndicats, relayé par tous les médias, vante "la nécessité d’une deuxième loi sur les 35 heures venant affiner le cadre d'orientation trop général de la première" et promet même de corriger ses "insuffisances" ou ses "imperfections" dont "certains patrons ont pu profiter pour détourner la loi et pour faire signer de mauvais accords".
Et en juillet dernier, le gouvernement "dévoilait" les grandes lignes de son fameux projet pour la deuxième loi.
La relance de la campagne sur les 35 heures : un écran de fumée...
Aujourd'hui, cette seconde loi se retrouve à son tour sous le feu nourri de critiques "de gauche". C'est tout d'abord la "gauche de la gauche"- et en particulier la LCR- qui, dans son rôle de contestataire de service, ne trouve rien de mieux, pour protester contre cette deuxième loi gouvernementale, prétendant que reculer la mise en place des 35 heures, c'est "faire de nouvelles concessions au patronat". Elle s'empresse de mettre en avant comme revendication "ouvrière" : "Imposons les 35 heures tout de suite" (titre à la "une" de Rouge du 1er juillet). Les Verts, le PC et les syndicats lui ont emboîté le pas pour faire gober l'idée que le recul de la date "butoir"- fixée initialement au 1er janvier 2000- d'un an pour les entreprises de plus de 20 salariés, de deux ans pour les autres, traduit "un recul du gouvernement face au patronat".
Tout cela n'est que de la poudre aux yeux et une vaste entreprise de mystification. Cette seconde loi permet avant tout de relancer le très gros mensonge servi depuis près de deux ans visant à présenter la loi sur les 35 heures comme une grande mesure sociale au service de la classe ouvrière. Car, en fait, lorsque les trotskistes, les Verts, le PC comme les organisations syndicales poussent encore les ouvriers à "se mobiliser pour les 35 heures", en critiquant le gouvernement pour sa lenteur à les mettre en place, cela vient cautionner la fable et permet de renforcer l'illusion que le gouvernement lui-même essaie d'entretenir au maximum chez les ouvriers : les persuader que la loi Aubry serait une mesure "sociale" et qu'elle va contre les intérêts des patrons. Bref, il s'agit de continuer à faire croire, tout comme lors de la première loi, que notre bon et brave gouvernement de gauche si totalement dévoué à ses "préoccupations sociales" se serait laissé abuser en vrai Guignol "à l'insu de son plein gré" par de "méchants patrons". Dans ses tentatives pour continuer à mystifier les prolétaires avec cette deuxième loi, le gouvernement ne saurait trouver meilleurs alliés.
... qui tente de masquer une attaque anti-ouvrière massive
La réalité est toute autre. Pour la plupart des accords passés et qui ont déjà directement concerné plus d'un million et demi de salariés, la mise en place des 35 heures s'est en fait traduite par de violentes attaques portées à la classe ouvrière dans tous les domaines.
La prétendue "réduction du temps de travail" a partout permis l'introduction de la flexibilité, assortie d'une annualisation du temps de travail. Les implications directes ont été une dégradation générale des conditions de travail et une intensification de l'exploitation. Cela s'est concrétisé par une généralisation du travail 6 jours sur 7, c'est-à-dire contraindre à travailler le samedi ou le dimanche, en particulier dans la métallurgie, le secteur agro-alimentaire, les grands magasins, dans les banques ou les assurances. Cela a signifié également la suppression des pauses traditionnelles, le raccourcissement des temps de repas et l'augmentation de la productivité dans les usines, les horaires d'embauche uniquement fixés au gré des "besoins de l'entreprise", etc.
Quant au principal "argument social" des 35 heures : la lutte contre le chômage et la création d'emplois dans les entreprises, il est parfaitement "bidon". Largement développé par voie d'affiches publicitaires : "grâce aux 35 heures, on a des emplois et du temps libre, et chez vous ?", il se réduit à une vulgaire escroquerie. Si, aujourd'hui, le gouvernement se targue d'avoir "créé ou préservé plus de 100 000 emplois en un an" dans le cadre de la nouvelle loi, il suffit pour alimenter le chiffre de cet amalgame indistinct entre emplois "créés" ou "préservés" d'exercer un chantage aux licenciements contre les ouvriers pour leur faire accepter tel ou tel accord de flexibilité, en rajoutant ça et là quelques CDD, postes d'intérimaire ou autres emplois précaires. Quant à la pseudo-disposition de davantage de "temps libre" pour la "vie familiale" ou les "loisirs”, au vu de l’aggravation terrible des conditions d'exploitation déjà évoquées, c'est vraiment prendre les ouvriers pour des imbéciles.
Cependant, la principale attaque contenue dans la deuxième loi sur les 35 heures, c'est qu'elle permet d'étendre le blocage des salaires à toute la classe ouvrière. En effet, pour les uns, les accords déjà signés servent directement de justification à un blocage, quand ce n'est pas, dans plusieurs cas (comme dans certaines unités d'EDF-GDF ou encore dans nombre de PME), à une baisse- des salaires. Pour les autres, c'est la perspective du "passage aux 35 heures" qui sert à justifier la décision immédiatement applicable du gel des salaires. Au bout du compte, accord ou pas, ce sont bien tous les prolétaires qui voient leurs salaires bloqués au nom des 35 heures.
Mais le gouvernement parvient ici à masquer cette attaque avec un raffinement maximum : la majoration des heures supplémentaires comprises entre 35 et 39 heures, prévue dans le cadre de la deuxième loi, au lieu de revenir au salarié qui les effectue serait taxée par l'État et reversée à un "fonds de pension", conformément aux déclarations de Martine Aubry : "Pour l'an 2000, la majoration de 10% pourrait être versée à un fonds, dont nous débattrons la destination avec les partenaires sociaux". C'est-à-dire que le salarié en fera les frais : les heures supplémentaires ne lui seront payées que comme des heures "normales", la "majoration" au lieu de lui revenir de droit comme dans le passé, ira dans la poche de l'État. Et finalement, ce qui paraît se solder, de prime abord, comme une sorte "d'opération blanche" est bel et bien payé par les prolétaires dans le cadre d'un blocage généralisé de leurs salaires.
Même si la deuxième loi prend l'apparence de "retarder" la mise en place des 35 heures, il n’en est rien.
La meilleure preuve, c'est que, contrairement à ce que racontent les tenants de la "gauche de la gauche", le gouvernement ne lève nullement le pied de l'accélérateur. Tout au contraire. 11 fait tout pour que se multiplient des signatures d'accords aussi pourris que les précédents et pousse surtout à ce que de tels accords pourris se développent dans les principaux services publics (Air France, EGF-GDF, SNCF, RATP, La Poste, France Télécom, etc.). Malgré ses dénégations, le gouvernement est le principal instigateur de cette attaque.
Le but de la manœuvre
Pourquoi la bourgeoisie déploie-t-elle tous ces efforts pour déguiser ainsi la réalité ? Parce que les 35 heures sont une attaque qui touche massivement et frontalement toute la classe ouvrière, dans tous les secteurs et de la même façon. Cependant, l'ensemble de la bourgeoisie fait en sorte qu'elle n'apparaisse pas ainsi, mais comme autant d'attaques particulières touchant les salariés paquet par paquet, liées à tel ou tel site, telle ou telle entreprise, tel ou tel secteur ou tel ou tel patron. Cela correspond à une gigantesque manœuvre politique pleinement voulue, calculée, programmée par le gouvernement de gauche et appliquée avec la complicité générale du patronat et des syndicats. Le but recherché par cette vaste mise en scène est précisément d'empêcher la classe ouvrière de prendre conscience qu'il s'agit partout de la même attaque afin de diviser, de saucissonner la riposte des prolétaires et de les isoler chacun dans leur coin et dans le cadre de leur entreprise le plus longtemps possible.
CB (6 août)