Tremblement de terre en Turquie : la catastrophe, c'est le capitalisme

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Le tremblement de terre qui vient de tuer ou blesser des milliers de personnes en Turquie, parmi les plus pauvres et démunies, est la manifestation criante de la vulnérabilité croissante de la société face aux catastrophes dites naturelles et aussi de l'impuissance croissante des Etats à réagir face aux conséquences immédiates des sinistres.

Les promoteurs et l'État sont à juste titre l'objet de la vindicte populaire en Turquie à cause de leurs responsabilités écrasantes dans l'ampleur des ravages occasionnés dans la population par le séisme. En effet, les ruines des immeubles qui se sont effondrés comme des châteaux de cartes montrent à l'évidence que "les constructeurs, pour augmenter leurs bénéfices, utilisent des matériaux bon marché et rognent sur la qualité et la quantité de ciment nécessaire à la consolidation des bâtiments" (Le Monde du 19 août). De plus, c'est un fait reconnu de tous, l'absence ou la paralysie des pouvoirs publics pour porter secours aux victimes est venue alourdir un bilan déjà meurtrier.

Dans ces conditions, les médias turcs n'avaient d'autre solution que de se faire l'écho de la colère dans la population suscitée par ce qui était ressenti comme une nouvelle injustice sociale. Aller contre cette colère ou même l'ignorer n'auraient fait que l'alimenter. Quant à nos grandes démocraties, si elles se sont également fait les porte-paroles indignés de la protestation contre l'incurie des pouvoirs publics turcs, c'est pour mieux y opposer et exhiber l'efficacité et la prétendue générosité de l'aide internationale à laquelle elles auraient contribué sans compter. En réalité, le sinistre en Turquie et l'incurie des pouvoirs publics de ce pays ont constitué pour les différentes puissances une opportunité pour tenter d'y développer ou renforcer leur influence. C'est la raison pour laquelle, comme l'illustrent des témoignages de membres d'ONG ("organisations non gouvernementales"), on a assisté à une véritable ruée des secours internationaux dont les équipes ont joué des coudes pour s'imposer sur le terrain.

On a ainsi vu les Etats-Unis et l'Allemagne, concurrents directs pour le contrôle de la Turquie, se précipiter pour être les premiers à offrir leur soutien logistique au régime d'Ankara. Une fois encore, c'est le prétexte "humanitaire" qui sert cyniquement de masque à la bourgeoisie pour travestir ses visées impérialistes. Il n'y a pas si longtemps encore, dans ses commentaires sur les catastrophes naturelles et leurs conséquences, la bourgeoisie se limitait fondamentalement à invoquer l'incurie de boucs émissaires ou la fatalité. Elle se risque aujourd'hui à des explications faisant intervenir de façon centrale des problèmes de société. Ainsi, Kofi Annan déclarait le 5 juillet à Genève que "les catastrophes naturelles ne sont peut-être pas aussi naturelles que ça". Il devient effectivement difficile de dissimuler la vraie cause du problème quand, en cette fin de siècle, des moyens technologiques et scientifiques inégalés dans l'histoire de l'humanité seraient à même de lui épargner l'essentiel des conséquences de phénomènes tels que tremblements de terre, inondations, etc. qui n'ont pourtant jamais été aussi dévastateurs[1]. Ce qu'amène en fait cette "prise de conscience" subite de la bourgeoisie, ce n'est ni plus, ni moins que le mensonge selon lequel il serait possible d'améliorer la situation sur ce plan au sein du capitalisme : "Ce qu'il faut faire, nous le savons. Il reste maintenant à mobiliser la volonté politique" (Kofi Annan, ibid.). La seule politique à même d'en finir avec ces calamités, et toutes les autres dont le capitalisme en crise est à l'origine, les famines, la généralisation de la guerre et du chaos, l'empoisonnement de notre alimentation, la pollution de la planète, c'est justement, messieurs de la bourgeoisie, le renversement de ce système d'exploitation dont la seule finalité est le profit.

B (26 août)

 

[1] Dans notre presse, voir notamment les articles "Mensonges et vérités de l'écologie : c'est le capitalisme qui pollue la terre" (Revue Internationale n°63, 4e trim. 1990) et "Inondations en Chine : une catastrophe naturelle ?" (RI n° 282, sept. 1998).

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"catastrophes"