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Iran, Nicaragua, c'est par milliers de morts, que les régimes en place doivent leur maintien au pouvoir. Voilà l'image idyllique que le capitalisme nous donne de lui aujourd'hui. Pour la bourgeoisie "démocratique”, "progressiste” ou "libérale”, tout cela est "de la faute" des régimes "pourris" et "sanguinaires” du Shah ou du dictateur Somoza. Hypocrisie ! Les lamentations actuelles de cette bourgeoisie ne nous feront pas oublier qu'elle partage, avec les secteurs de droite, "fascistes” et autres, l’entière responsabilité des plus grands crimes de ce siècle ; des 20 millions de morts de la 1ère guerre mondiale, des 50 millions de morts de la 2nde, de tous les massacres qui l'ont suivie et surtout qu'elle a toujours été en première ligne quand il s'agit de déchaîner la répression contre la classe ouvrière. Aujourd'hui, dans ces deux pays, ce n'est pas le prolétariat qui occupe le devant de la scène. L'immense mécontentement de presque toutes les couches de la population, violemment heurtées par la crise mondiale du capitalisme, et où domine la petite-bourgeoisie agricole et urbaine, en est d'autant mieux utilisé, soit au service des secteurs les plus anachroniques de la classe dominante comme en Iran, soit au service de la bourgeoisie "démocratique” comme au Nicaragua. De ce fait, la domination bourgeoise n'est nullement remise en cause par ces "mouvements populaires", mais la sauvagerie avec laquelle ils sont réprimés permet de se faire une idée de ce que la classe capitaliste, toutes fractions réunies, est capable de faire quand son système est réellement menacé par la seule classe qui puisse l’abattre : le prolétariat.
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IRAN
Trois jours avant la répression qui s'est abattue sur les manifestations pacifiques des habitants des taudis en Iran, toute la presse bourgeoise parlait de "libéralisation", s'attardait sur la description idyllique de la foule qui lançait des gerbes de fleurs sur l'armée et la police. Puis, ce fut la tuerie. L'armée tirait à vue. Les soldats qui refusaient d'exécuter, mitraillés aussi. 5000 morts, ce jour-là. Un mouvement qui rassemblait 500 000 personnes dans une même colère s'est fait écraser comme des agneaux dans une boucherie.
C'est ainsi que répond la bourgeoisie lorsque la situation est bloquée, et que les Carter, les Schmidt, les Giscard ou les Hua Kuo Feng ne peuvent admettre que soient mis en péril les milliards investis en Iran, pays clé de la situation stratégique de la guerre entre les blocs.
Mais si les remous actuels en Iran sont certes l'expression de rivalités intestines qui agitent le clan du shah, l'église ou l'opposition pro-russe, alimentées par des rivalités de plus grande ampleur, celles des blocs occidental et russe, la foule mystifiée qui s'est jetée dans la rue, n'était pas avant tout animée de la foi dans Allah ou de la volonté que l'Iran s'islamise. Ce qui l' a jetée là, c'est la misère profonde dans laquelle est maintenue la majorité de la population, pour qui la survie est un problème quotidien, et qui n'a rien à perdre, parce qu'elle ne possède rien, si ce n'est sa vie, et encore si peu.
Cette foule qui s'est fait livrer pieds et poings liés à la répression, endormie par les appels au pacifisme d'une opposition qui craignait d'être débordée par sa masse de manœuvre, ce n'est pas encore la classe ouvrière. Les grands centres industriels, ceux qui se sont soulevés en grève l'année dernière, sont restés muets, à part le simulacre de "grève de solidarité" de 24 heures orchestrée par l'opposition. La classe qui seule porte la possibilité de la véritable libération de l'humanité, celle qui seule a la force de s'organiser et de s'armer contre le capitalisme pourrissant, commence à peine à s'affirmer sur la scène internationale. Aussi longs que soient ses préparatifs, ce n'est que dans un mouvement international de la classe ouvrière que se trouve le bout du tunnel pour le tiers-monde. En l'absence de cette force, les mouvements du lumpen prolétariat sont condamnés à se faire embrigader par des "ayatollahs", des PC ou autres prometteurs de miroirs aux alouettes, et à se faire massacrer.
Si le mouvement auquel s'est heurté l'État iranien n'était pas encore celui de son ennemi mortel, sa réaction fut par contre celle à laquelle TOUTE bourgeoisie a recours face à la colère des exploités, quand les phrases creuses ne suffisent plus.
Pour accréditer la possible mise en place d'une soi-disant libéralisation au nom du camp des droits de l'homme, la bourgeoisie occidentale tente de masquer sous le folklore des grands sorciers ayatollahs les véritables causes de la situation, tentant de justifier la tuerie par le caractère "réactionnaire" du mouvement. Les proclamations américaines du début de l'été ne déclaraient-elles pas que "le shah partage les conceptions occidentales des droits de l'homme"? Nous n'en doutons pas. La bourgeoisie a par-delà ses frontières et ses divisions, la même conception des droits de ceux qu'elle exploite. Et les professions de foi de la gauche en France qui implore une "véritable libéralisation" ne font pas plus illusion que les autres. Depuis le sang des ouvriers allemands sur les mains de la social- démocratie en 1920 jusqu'aux massacres en chaînes dans les pays sous-développés actuellement, la chaîne est longue des forfaits perpétrés par la classe bourgeoise lorsqu'elle se trouve face à l'impasse, à l'opposition de ceux qui n'ont rien à perdre.
La signification de ces derniers massacres est double:
- elle est d'abord un signe que le lumpen prolétariat des pays du tiers monde est prêt à la lutte à mort contre le capital, même s'il se trompe en identifiant aujourd'hui le système qui entretient sa misère à la seule personne du Shah;
- elle est surtout un avertissement de ce qui attend la classe ouvrière si elle se laisse prendre aux prêches pacifistes des fractions bourgeoises qui tentent de l'utiliser, et de ce que sera la réaction des États bourgeois à sa lutte, quelle que soit la fraction, de droite ou de gauche, qui se trouve à la tête de l'État bourgeois.
D.N.
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AMERIQUE LATINE
Au Nicaragua, un régime aux abois déchaîne aujourd'hui une des répressions les plus féroces que l'Amérique Latine ait connu depuis le putsch de Pinochet au Chili en 1973. C'est là une image que le capitalisme, tous secteurs confondus, ne manquera pas de présenter de plus en plus fréquemment à mesure que sa crise mortelle ira en s'aggravant. Mais le dégoût que les atrocités de la soldatesque aux ordres de Somoza ne peut manquer de provoquer, ne doit pas faire oublier au prolétariat où sont ses intérêts véritables, s'il ne veut pas se laisser entraîner dans une lutte qui n'est pas la sienne, où il n'a rien à gagner et tout à perdre.
La "lutte du peuple" n'est pas notre lutte
Pour ceux à qui il suffit qu'une lutte soit violente pour qu'elle soit révolutionnaire, comme "Libération" par exemple, il faut sans doute saluer la "lutte du peuple de Matagalpa" par exemple, où "les étudiants, les lycéens, les commerçants, les paysans, les employés... se sont soulevés comme un seul homme" (journal du 5 août).
Pour nous, pour le prolétariat mondial, cette énumération est avant tout significative que cette lutte n'est pas la nôtre, même si des prolétaires en sont les premières victimes.
En effet, cette lutte, si elle s'appuie sur le mécontentement de toute une série de couches sociales violemment touchées par la crise mondiale du capitalisme, ne peut que servir des intérêts qui n'ont rien à voir, ni avec ceux de la classe ouvrière, ni même avec ceux des autres couches qui sont descendues dans la rue. D'emblée, elle s'est placée sur un terrain parfaitement bourgeois, celui des "droits démocratiques", du "renversement de la dictature fasciste". Et cela d'autant plus facilement que ces différentes couches, autres que le prolétariat, n'ont aucun avenir, ni immédiat, ni encore moins historique. Aucun avenir pour les étudiants et les lycéens destinés à devenir techniciens ou cadres, mais pour quoi faire ? dans un pays où l'industrialisation est à son plus faible degré de développement.
Aucun avenir pour les paysans qui peuvent difficilement vivre de ce qu'il qu'ils produisent : bananes, café, canne à sucre... et plus difficilement encore payer leurs impôts.
Aucun avenir pour les commerçants qui peuvent difficilement vendre quelque chose, à une population dont 80% vit dans les bidonvilles et dont 40% est au chômage.
Aucun avenir pour les quelques milliers d'employés dont la perspective se situe de plus en plus entre l'austérité et le chômage.
Aucun avenir non plus pour les syndicats patronaux de plus en plus écrasés par le poids de la concurrence mondiale.
Et alors, dans ces circonstances, comment la population, le "peuple nicaraguayen", va-t-elle payer les impôts demandés par la famille Somoza ? Et comment la famille Somoza va-t-elle rembourser ses dettes vis-à-vis des USA et négocier le prêt de 40 millions de dollars avec le FMI ?
Il n'y a plus alors aucune difficulté à comprendre pourquoi la population du Nicaragua s'est, en quelque sorte, mise en grève générale, et à quel degré de décomposition de la bourgeoisie cela correspond.
La lutte du "peuple nicaraguayen", c'est donc la lutte de toutes les forces politiques opposées à la famille Somoza : jamais, très certainement, "un front élargi d'opposition" n'a été aussi élargi puisqu'il va des conservateurs aux sandinistes favorables à la guérilla, qu'il comprend à la fois les milieux d'affaires, l'Église, et tous les amateurs de "respect des droits de 1'homme".
Jamais, non plus, une opposition à un gouvernement en place n'a reçu une telle approbation de tous côtés, et bien au-delà du pays concerné lui-même. En effet, derrière le "front élargi d'opposition", et à des degrés divers, il y a bon nombre de pays d'Amérique Latine qui n'ont pas intérêt à voir se développer une zone "d'instabilité sociale" à leurs frontières : c'est le cas du Venezuela notamment, qui a tout récemment prêté son armée au Costa-Rica pour protéger ses frontières, et qui demande de plus en plus fortement l'aide des USA. La réaction des USA semble encore un peu hésitante mais, elle vise avant tout à installer au Nicaragua, comme ailleurs, un régime capable de garantir un minimum de "paix sociale" pour tenter de "rentabiliser" l'aide qu'il peut lui apporter. Le tout, bien sûr, sous la couverture de "respect des droits de 1'homme".
Et toute l'opposition à Somoza se veut respectueuse des "droits démocratiques" du "peuple nicaraguayen" ; il n'est qu'à entendre les syndicats patronaux eux-mêmes : "l'installation d'un régime démocratique susceptible d'introduire des réformes sociales, politiques et économiques visant à l'amélioration des conditions de vie du peuple du Nicaragua". Voilà le contenu de la lutte du "peuple nicaraguayen", exprimé tout crûment par ceux-là mêmes qui exploitent tous les jours des milliers de travailleurs et d'ouvriers agricoles.
La lutte du "peuple nicaraguayen", c'est donc, avant tout, celle de toutes les fractions de la bourgeoisie qui demandent à pouvoir exploiter en paix les travailleurs, et une aide consistante du bloc. Et en suivant l'étendard de la bourgeoisie, cette lutte ne pouvait avoir qu'une issue : le massacre.
Et ce n'est pas parce que des travailleurs ou des chômeurs en ont été les victimes que cette lutte est notre lutte. Toujours les ouvriers ont fait les frais des règlements de compte entre fractions locales ou nationales de la bourgeoisie : les deux guerres mondiales en sont l'expression la plus criante. Et le massacre au Nicaragua n'est donc rien d'autre qu'un moment de la barbarie.
Notre lutte, si ce n'est pas celle d'un "peuple nicaraguayen", c'est celle de tout un prolétariat qui se bat à l'échelle d'un continent entier, et qui tente de lutter en tant que classe autonome. Bien sûr, dans ce cas, les journaux ne signalent les luttes du prolétariat que par quelques entrefilets. C'est bien là l'expression de cette "liberté de presse" qui n'a rien à envier, du point de vue de l'hypocrisie, au "respect des droits de l'homme" de Carter ; et cette politique est bien celle de toutes les fractions de la bourgeoisie qui s'entendent pour saluer la lutte des "peuples d'Amérique Latine" : comprendre, "il n'y a pas de lutte de classe en Amérique Latine". Et pourtant, cette lutte existe, et depuis plusieurs années. Et celle-ci, c'est notre lutte.
La lutte du prolétariat est notre lutte
Notre lutte, c'est celle des mineurs de Chuquicamata, hier contre Allende, aujourd'hui contre Pinochet. C'est celle des travailleurs péruviens dont nous parlions dans le dernier numéro de RI : 40.000 mineurs en grève pendant 31 jours, demandant 25% d'augmentation de salaires et qui ont repris le travail en ayant tout obtenu, du moins pour un temps : la non-application du décret anti-grève, une loi sur la stabilité de l'emploi, la garantie qu'il n'y aurait pas de représailles. La bourgeoisie péruvienne n'a pu, bien sûr, accorder ces revendications qu'en pensant les récupérer le plus tôt possible
Elle n'a, de toutes façons, pas le choix. Mais la classe ouvrière a donné bien des preuves de sa combativité, elle n'a pas hésité à refuser l'accord préalablement signé entre les syndicats et le patronat au cours de la dernière grève. Elle a tout un passé de luttes : les mineurs de Cobiza en 71, les pêcheurs de Chimbote et les mineurs de Cuamone en 73, les mineurs de Centromin Peru en août74, les métallurgistes en septembre74, les mineurs encore en décembre74, les prolétaires de Lima en février75, ceux d'Arequipa en juillet75, les mineurs, les métallurgistes, les employés des banques et de la presse en janvier 76, A tous ceux qui rechercheraient encore une classe ouvrière au Pérou, la voilà, et la liste de son action est suffisamment parlante.
Notre lutte, c'est aussi celle des métallurgistes de Sao Paulo, au Brésil, en mai78. La grève, commencée par les ouvriers de la métallurgie, s'est poursuivie dans la sidérurgie, les constructions mécaniques, les industries textiles. En mai, finalement, 100.000 ouvriers sont en grève illégale pour des augmentations de salaires. Mais, là encore, le patronat est de plus en plus tenté par les méthodes "occidentales": "les dirigeants d'entreprises" estiment qu'une reconnaissance du droit de grève et l'octroi d'un rôle plus important aux syndicats permettraient de circonscrire des conflits sociaux qui, dans les circonstances actuelles, se transforment en autant de "grèves sauvages" ("Le Monde" du 31 mai). Saluons au passage "Le Monde" pour ces quelques lignes qui en disent long sur son objectivité.
En septembre, le mouvement de grève a repris parmi les employés de banque, les métallurgistes du grand complexe de Joao-Montevade, portant à plus de 150.000 le nombre des grévistes. Mais, il faut croire que le vœu du "Monde" n'a pas été satisfait et que les techniques de mystifications syndicales ne sont pas encore au point au Brésil.
Notre lutte, c'est aussi celle des ouvriers de Renault-Argentine en octobre77 : 23 ouvriers sont encore portés "disparus", 140 ont été licenciés.
C'est aussi celle des enseignants de Colombie, des employés de l'aéroport, des banques, des ouvriers du bâtiment il n'y a pas si longtemps, et tous en lutte pour des augmentations de salaires ou des non-versements de primes.
C'est encore celle des mêmes ouvriers de la sucrerie Aztra à Guayaquil, en Equateur, qui, en octobre77, avaient été si violemment réprimés et qui se sont à nouveau remis en grève le 8 août.
Les faits se suffisent à eux-mêmes : la classe ouvrière existe en Amérique Latine et, bien plus, elle se bat, et pas seulement en suivant les syndicats. La bourgeoisie a bien compris qu'il s'agissait des mêmes luttes que dans les pays dits développés , elle qui a commencé par réprimer d'abord violemment toute grève, à interdire le droit de grève, et qui, maintenant, ne se sert plus seulement de la gauche et des gauchistes pour justifier la répression, mais de plus en plus pour demander des "droits démocratiques".
Elle se bat le plus souvent pour des augmentations de salaires, elle se bat contre l'austérité, le chômage, la misère, pas pour obtenir de quelconques "droits démocratiques". Et les préparatifs de la bourgeoisie à un affrontement plus généralisé n'atténuent en rien la force du prolétariat sur tout un continent.
Elle se bat seule, contre la bourgeoisie toute entière. Sa lutte est notre lutte, son ennemi est le même, il est mondial : c'est la bourgeoisie. Là encore plus qu'ailleurs, le prolétariat n’a plus rien à perdre que ses chaînes.
N.M.