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Récemment a été publiée la revue "Alarme", organe du "Ferment Ouvrier Révolutionnaire"[1]. Cette revue continue en français le travail initié par "Alarma" en espagnol depuis plus de 10 ans. Ce groupe, à travers la personne de son inspirateur G. Munis, est issu d'une scission du trotskysme. Réfugiés au Mexique, des membres de l'ex-section espagnole de la IVème Internationale allaient défendre une position internationaliste pendant la guerre en dénonçant le caractère impérialiste dans les deux camps de ce nouvel holocauste. En s'opposant à la "défense de l‘URSS" des trotskystes, concrétisée par leur participation dans les fronts de résistance, le groupe de Munis rompait de fait avec la IVème Internationale, rupture qui fut officialisée par leur scission en 1948.
C'est grâce à cette scission que le groupe du Mexique put se réapproprier les positions de classe les plus fondamentales : affirmation de la décadence du capitalisme, rejet des luttes de libération nationale, caractérisation de l'URSS, de la Chine, etc., comme capitalistes (cf. "Pour un second Manifeste Communiste) ; dénonciation des syndicats comme organes du capitalisme ("Les syndicats contre la révolution" de Munis et B. Péret). Positions aujourd'hui défendues par le FOR.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir l'intervention des camarades du "Fomento Obrero Revolucionario" s'élargir avec la publication en français de leur numéro 1 d'"Alarme". Cette parution est un signe que la crise, loin de démoraliser le prolétariat et ses éléments d'avant-garde, est au contraire un terrain favorable où la vieille taupe de la révolution vient creuser avec ardeur. L'existence même d'"Alarme" constitue une preuve vivante que la position défendue par "Alarma" il y a quelques années selon laquelle, comme en 29, la crise générale du capitalisme allait plonger dans la résignation et désespoir le prolétariat, ne s'est heureusement pas vérifiée. Le développement de la lutte de classe à l'échelle internationale depuis 68, même si son cours demeure encore hésitant, traduit le cours historique actuel de la tendance générale à la révolution prolétarienne, comme point d'aboutissement de tout un processus d'explosions ouvrières de plus en plus généralisées. Cette alternative prolétarienne, face à l'autre alternative, celle capitaliste de la guerre généralisée, se traduit par un surgissement d'éléments neufs, qui, au prix d'immenses difficultés, se réapproprient peu à peu, les positions révolutionnaires du passé.
Faire face à ses responsabilités de révolutionnaires dans la classe, faire un travail de clarification théorique, mener une confrontation politique dans le milieu révolutionnaire en vue d'un regroupement des forces que le prolétariat sécrète toujours plus est une tâche immense, qui implique une intervention renforcée, un organe d'intervention. Nous saluons dans "Alarme" cette tentative de concrétiser une intervention politique avec des articles vivants d'actualité (Indochine, Italie, grève des mineurs aux USA, etc.) ou de fond (contre les nationalisations) qui viennent actualiser les positions révolutionnaires.
Nous devons faire ici néanmoins quelques remarques d'ordre théorique, qui, bien entendu, n'épuisent pas une discussion plus systématique avec ces camarades. Plusieurs points, dans la présentation du FOR, nous semblent manquer de clarté :
Il est affirmé qu'"il y a 40 ans s'achevait la contre-révolution", et que l'Espagne en 36-37 fut l'ultime point d'aboutissement de la vague révolutionnaire commencée en 17. Parler de "révolution espagnole", alors que le Front Populaire, la mobilisation sur le front de la guerre civile fut un sommet de la contre-révolution, ouvrant le cours à la guerre impérialiste mondiale, c'est ne pas tirer toutes les leçons de la contre-révolution officialisée par l'adoption par l’IC du "socialisme en un seul pays". La Gauche italienne, a travers "Bilan", a été une des seules en mesure, à l'époque, de dénoncer l'écrasement du prolétariat mondial qui se préparait à travers l'embrigadement dans la "lutte anti-fasciste", puis l'écrasement des ouvriers de Barcelone en 1937. "Alarme" qui affirme que "le bordiguisme en arrive à nier la révolution espagnole du fait de l'absence d'organisation révolutionnaire forte" ne comprend donc toujours pas qu'il n'y ait pas une "révolution espagnole" mais bien une contre-révolution espagnole, expression de la contre-révolution mondiale qui réduisit à néant la magnifique combativité du prolétariat espagnol en juillet 36. Et enfin, pourquoi la prétendue révolution espagnole a été une période non d'organisation du prolétariat en conseils, mais d'atomisation dans les tranchées, non de surgissement d'un parti mais de débandade généralisée dans le milieu révolutionnaire. " "Alarme" ne l'explique pas, ne tente pas de soumettre au crible de la critique, -sans préjugés ni idées reçues-cette vieille position erronée du FOR.
Alors que le "Second Manifeste Communiste" définissait le courant trotskyste comme "réformiste", "Alarme" affirme clairement qu'il est contre-révolutionnaire. C'est un pas en avant incontestable. Mieux vaut tard que jamais, après toute une période où le FOR eut quelques "atomes crochus" vers LO pour laquelle il avait plutôt un "préjugé favorable". Il nous semble cependant que cette dénonciation du trotskysme ne va pas jusqu'à la racine du mal. Affirmer que Trotsky considérait ses positions sur l'URSS comme "provisoires", différencier en quelque sorte les "disciples" du "maître", c'est escamoter purement et simplement la responsabilité du créateur de la IVème Internationale dans la trahison de cette dernière lors de la 2ème guerre mondiale : de la "défense de l'URSS" du "programme de transition" au soutien du camp démocratique "contre le fascisme" dans "Défense du marxisme", au salut enthousiaste de l'arrivée de l'armée rouge en Finlande et dans les pays baltes, Trotsky n'a fait que préparer et couvrir le passage progressif du "trotskysme" à la bourgeoisie. Cette réticence à reconnaître la validité de l'analyse de la Gauche italienne par rapport au trotskysme, cette vague nostalgie de la "section espagnole" de la IVème Internationale, autant de confusions du passé que le FOR actuel arrive encore mal à surmonter.
La caractérisation de la période actuelle manque de clarté. Sommes-nous en période de cours vers la révolution? Ou bien alors de cours vers la guerre ? La présentation du FOR garde là-dessus un silence gênant. Le titre d’"Alarme" donné à l’organe du FOR ne contribue pas à dissiper ce silence : s'agit-il de sonner l'alarme face à une prochaine guerre mondiale? "Alarme" est, pour un groupe révolutionnaire Se développant en période de montée de la lutte de classe, un titre bien... alarmiste.
L'ensemble de ces critiques faites rapidement à la jeune publication en français du FOR, ne sont pas bien entendu des critiques pour la critique.
Elles se veulent un encouragement à une discussion de plus en plus profonde et large, sans sectarisme, au sein du milieu révolutionnaire international, à une confrontation publique et résolue de leurs positions avec d'autres groupes politiques, comme ils ont commencé de le faire.
Que cette confrontation, vitale pour le mouvement révolutionnaire, soit possible, les conférences internationales à Oslo ou à Milan l'ont montré.
[1] "Alarme", C/o -"Parallèles", 47, rue St Honoré, 75001 Paris.