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Depuis plusieurs mois, notre journal RI a publié toute une série d’articles de dénonciation de la campagne mensongère de la bourgeoisie visant à faire croire au prolétariat que l’effondrement des régimes staliniens a signé la faillite historique du communisme. Tous ces articles visaient à combattre énergiquement l’idée suivant laquelle il existerait une continuité entre la révolution prolétarienne d’Octobre 1917 en Russie et le stalinisme qui en fut son bourreau le plus sanguinaire.
Ce combat que les révolutionnaires doivent mener à l’heure actuelle pour contrer cette gigantesque offensive idéologique de la bourgeoisie se situe dans la continuité de la lutte implacable qu’ont menée, dès la fin des années 20, les groupes de la Gauche communiste (dont nous nous réclamons) contre la dégénérescence de la 3ème Internationale et contre le stalinisme. C’est cette lutte acharnée de cette génération de révolutionnaires (et notamment du groupe "Internationalisme” dont est issu le CCI) pour le maintien et le développement des positions de classe que le présent article se propose de rappeler.
La défaite de la première vague révolutionnaire mondiale de 1917-23 provoqua l’isolement et l’effondrement de la révolution en Russie. Mais la liquidation de cette dernière eut comme principal agent l’Etat russe lui-même et, absorbé par celui-ci, le parti bolchevik dégénérescent[1].
Le stalinisme, expression de cette réaction capitaliste, fut le bourreau du prolétariat mais le plus perfide de sa trahison fut la falsification complète qu’il fit des principes et des positions ayant permis au prolétariat de faire la révolution. En transformant ces derniers en une idéologie réactionnaire, le "marxisme-léninisme"[2], le stalinisme aida puissamment la contre-révolution à enchaîner le prolétariat mondial derrière des drapeaux qui ne sont pas les siens : défense de la "démocratie", soutien inconditionnel à la Russie "soviétique", lutte pour les nationalisations présentées comme du "socialisme". Un tel embrigadement du prolétariat provoqua d’énormes défaites : accession d’Hitler au pouvoir en 1933, massacre des ouvriers en Autriche en 1934, "Front populaire" en France en 1936 qui instaura l’économie de guerre, massacre du prolétariat en Espagne en 1936-39 avec comme aboutissement la gigantesque boucherie de la seconde guerre mondiale.
LE COMBAT DE LA GAUCHE COMMUNISTE
Cependant, de même que les ouvriers résistèrent héroïquement à l’écrasement de leurs tentatives révolutionnaires, la dégénérescence de l’internationale Communiste ne resta pas sans réponse : contre celle-ci, se dressèrent les fractions de la Gauche communiste qui défendirent énergiquement les principes abandonnés par l’IC et, en même temps, les développèrent pour répondre, d’une part, aux problèmes que posait l’évolution historique (crise mortelle et décadence du capitalisme, lutte pour la révolution prolétarienne) et, d’autre part, aux questions auxquelles l’IC n’avait pas apporté de réponse claire (les questions syndicale, parlementaire, Nationale...).
Ainsi, la Gauche communiste surgit comme une réponse de classe au stalinisme. Les organisations politiques du prolétariat courent toujours le danger de dégénérer et de tomber dans le camp capitaliste (c’est ce qui arriva d’abord aux partis socialistes, puis aux partis communistes) mais, en leur sein, se développe toujours un courant de gauche qui maintient en vie les principes de classe, les élève à un niveau supérieur et mène fermement le combat pour la continuité et l’avancée des intérêts historiques du prolétariat.
"Ce fut elle (la Gauche) qui assura la continuité entre la 1ère et la 2ème Internationale à travers le courant marxiste, en opposition aux courants proudhonien, bakouniniste, blanquiste, et autres corporativistes. Entre la 2ème et la 3ème Internationale, c’est encore la gauche, celle qui mena le combat tout d’abord contre les tendances réformistes, ensuite contre les "social-patriotes", qui assura la continuité pendant la 1ère guerre mondiale en formant l’internationale communiste. De la 3ème Internationale, c’est encore la gauche, la 'gauche communiste’, et en particulier les gauches italienne et allemande, qui ont repris et développé les acquis révolutionnaires foulés au pied par la contre-révolution social-démocrate et stalinienne". (Revue Internationale n°50, "La continuité des organisations politiques du prolétariat".
La position de la Gauche communiste est radicalement différente de celle de l’"Opposition de Gauche” (trotskiste) qui combattit le stalinisme sans aucune position de principe et considérant comme valides les positions adoptées par l’IC stalinisée, ce qui ne fit que favoriser plus encore sa dégénérescence (Front Unique avec la social-démocratie, participation aux syndicats et aux parlements, défense des luttes de "libération nationale" et surtout, défense de la nature "socialiste" de l’URSS).
LES POSITIONS FONDAMENTALES DE LA GAUCHE COMMUNISTE
Les groupes de la Gauche communiste surgirent dès 1920 dans différents pays (Russie, Allemagne, Italie, Hollande, Grande-Bretagne, Belgique...). Ils n’atteignirent pas tous le même niveau de clarté et de cohérence et la majorité d’entre eux ne put résister à la terrible contre-révolution capitaliste. Ils disparurent victimes de l’action conjuguée de la répression des staliniens et des fascistes, de la démoralisation et de la confusion ambiantes. Dans les années 30, seuls les groupes les plus cohérents réussirent à se maintenir et parmi eux la Gauche communiste d’Italie fut la plus claire et conséquente. Le groupe "Internationalisme" (1945-52), issu de cette dernière, parvint à une synthèse critique et cohérente du travail, très dispersé, des différents groupes de la Gauche communiste[3] (3) :
1) la nature de l’URSS : l’Etat russe n’avait rien de prolétarien ni de "socialiste", il n’exprimait aucune continuité avec la Révolution d’Octobre 1917, mais en était, au contraire, son bourreau ;
L’URSS était un pays aussi capitaliste que les USA ou la Grande-Bretagne exprimant, de façon caricaturale la tendance universelle au capitalisme d’Etat (nationalisation totale de l’économie) ;
2) la décadence du capitalisme : le système institué en URSS n’était en rien un nouveau mode de production ni une forme plus "progressiste" du capitalisme mais, au contraire, une expression de la décadence historique du capitalisme condamné à une spirale infernale de crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise... à chaque fois plus mortelle.
Ainsi, pour "Internationalisme", le capitalisme "libéral" de l’ouest et le capitalisme d’étatisation extrême de l’est constituent les deux facettes d’un même système décadent que le prolétariat devra détruire d’un côté comme de l’autre ;
3) la "démocratie" et le capitalisme "libéral" : "Internationalisme" était clair sur le fait que l’alternative ne se situait pas entre "démocratie" et fascisme, ou entre "démocratie" et totalitarisme stalinien, mais entre barbarie capitaliste et révolution communiste mondiale, c’est-à-dire entre l’Etat capitaliste, qu’il soit totalitaire ou “démocratique”, et la dictature mondiale des conseils ouvriers instaurant le pouvoir direct et collectif des masses ouvrières.
"Internationalisme" clarifia que le capitalisme "libéral” d’Occident était une forme plus efficace et plus subtile du capitalisme d’Etat. La plus grande partie de la production était canalisée vers l’économie de guerre mais avec une plus grande flexibilité, utilisant le marché "libre" grâce à toutes sortes de manipulations (fiscales, monétaires, à travers le crédit) ;
4) l’autonomie du prolétariat, la lutte pour la révolution communiste : à partir de toutes ces positions, "Internationalisme" en déduisait que le capitalisme ne pouvait plus offrir d’améliorations réelles et durables des conditions de vie du prolétariat. La tâche de ce dernier était la lutte pour la révolution communiste. Ses nécessaires luttes de résistance contre l’exploitation ne pouvaient plus se situer dans le cadre de l’obtention de réformes politiques et économiques au sein du capitalisme (comme c’était le cas du temps de la Deuxième Internationale où de tels objectifs étaient valables dans la mesure où ils étaient conçus comme une étape historique nécessaire et non comme fin ultime au combat de la classe ouvrière), mais dans la perspective d’une offensive révolutionnaire pour la destruction du capitalisme dans tous les pays et l’instauration du communisme à l’échelle mondiale, devait garder à tous moments son autonomie de classe sans laquelle il se verrait utilisé comme jouet des différentes bandes capitalistes en conflit et soumis à l’exploitation la plus féroce et aux répressions les plus brutales.
De la même façon, les voies syndicales et parlementaires, en l’enchaînant au capitalisme, le réduisaient encore et toujours à l’impuissance, à la division et à la défaite.
Le prolétariat devait nécessairement s’affirmer, y compris dans ses luttes immédiates, sur le terrain de la lutte directe de masse, de sa solidarité et de son unité de classe, de la défense intransigeante de ses revendications contre l’intérêt du capital national.
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Les vingt dernières années de reprise internationale de la lutte de classe ont confirmé de façon éclatante la validité des positions de la Gauche communiste : les ouvriers désertent le terrain électoral, se détournent de plus en plus des syndicats, expriment leur méfiance et même leur hostilité à l’égard des partis "socialistes” et "communistes", croient de moins en moins aux mensonges "démocratiques" et aux prétendues "réformes sociales", ne sont pas prêts à "mourir pour la patrie" dans la guerre impérialiste ni à se sacrifier pour sauver l’économie nationale.
Bien que cette tendance du prolétariat à se dégager de l’emprise de l’idéologie bourgeoise soit nécessaire, elle n’est pas suffisante. Les luttes ouvrières ne peuvent en rester au niveau actuel, essentiellement défensif et économique, elles doivent assumer l’aspect politique-révolutionnaire que contient cette résistance intransigeante à l’exploitation capitaliste et s’unifier dans tous les pays pour passer de la défensive à l’offensive.
Pour ce faire, les positions de la gauche communiste sont le nécessaire point de départ. Expression de la lutte historique du prolétariat, sa réappropriation par les masses ouvrières est la condition indispensable pour que son combat puisse apporter une solution révolutionnaire à la crise sans issue du capitalisme mondial.
Adalen (traduit de "Accion Proletaria" n°88, organe du CCI en Espagne)
[1] Voir les articles "Octobre 1917 : début de la révolution prolétarienne" (Revue Internationale n° 12 et 13) et "Leçons de Kronstadt" ainsi que "La dégénérescence de la révolution russe" (Revue Internationale n°3)
[2] cf. RI n° 191, l’article "Le stalinisme est la négation du communisme".
[3] Nous avons publié plusieurs textes d’"Internationalisme" dans la Revue Internationale n° 21, 25, 27, 28, 30, 33, 36, 37 et 59. Nous recommandons également à nos lecteurs notre brochure "Histoire de gauche communiste d’Italie" ainsi que celle à paraître, "Histoire de la gauche communiste germano-hollandaise”.