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Depuis quelques années et dans de nombreux pays, face au discrédit croissant des politiciens et des partis politiques traditionnels, surgissent au moment des élections, comme pour l’actuelle campagne présidentielle, des personnalités au profil d’outsider, non encartées dans un parti politique. Comme sortis du chapeau d’un magicien, ces derniers prennent généralement leur envol en surfant sur une popularité soudaine, entretenue et gonflée par les médias, les réseaux sociaux et par leurs discours politiques atypiques.
Le phénomène Zemmour en France et sa popularité soudaine s’inscrivent dans cette tendance qui est propre à une situation où l’accélération de la décomposition du capitalisme favorise l’émergence de ce type de personnalité populiste. Au-delà du contexte et des différences importantes, ce fut le cas d’un Trump aux États-Unis, d’un Bolsonaro au Brésil ou d’un Boris Johnson en Grande-Bretagne : des personnalités perturbant totalement l’équilibre du jeu politique classique.
Échaudée par l’expérience de sa lutte obligée contre le populisme, la bourgeoisie française ne reste pas sans réagir. D’ailleurs, bien avant la lancée de Zemmour, la bourgeoisie en France était préoccupée par le danger que représentait depuis longtemps le Rassemblement national de Marine Le Pen. Si ce polémiste raciste a pu décoller dans les sondages, cela signifie que ce substrat propre au populisme n’a toujours pas disparu en France et qu’il est parfaitement enkysté.
Pour expliquer cette ascension, outre le contexte de décomposition et son talent d’orateur, il faut mentionner aussi quelque chose qui est totalement absent chez les autres candidats : sa conviction ! À l’inverse de la logique des jeux politiciens, des faux semblants et de la langue de bois, du formatage de communiquant laissant transparaître, pour seule motivation, la défense de leurs petits intérêts, Zemmour tranche par ses convictions, croit profondément en ses âneries et n’hésite pas à user d’un langage totalement décomplexé : « Je me fous de la diabolisation » dit-il assez souvent.
Cependant, aussi convaincu soit-il, Zemmour n’aurait certainement pas pu être propulsé de la sorte sans un puissant levier médiatique. À qui profite donc cette ascension si soudaine ? Incontestablement, poser la question est presque déjà apporter une réponse : au futur candidat Macron ! En effet, la première victime de cette ascension est le RN de Marine Le Pen, adversaire potentiel au deuxième tour du futur candidat Macron, meurtri par la défaite de 2017 et usé par une « normalisation » rendant son électorat de plus en plus déçu et sceptique. Un tel torpillage du RN arrange donc tout le reste de la bourgeoisie bien décidée à se débarrasser du danger que représente ce parti populiste.
Mais une telle situation, pour autant, ne profite nullement au parti Les Républicains (LR), lui aussi adversaire de Macron. Au contraire, cette formation en miettes est siphonnée, elle aussi, par Zemmour : bon nombre de ses membres étant séduits et rassurés par sa vision libérale de l’économie et sa capacité à surfer sur les thèmes populaires. Même si on ne sait pas encore si Zemmour va pouvoir se déclarer candidat, tout cela arrange donc parfaitement le camp de Macron, appuyé majoritairement par les fractions bourgeoises dominantes et par les grands médias.
Omniprésent sur la chaîne Cnews de Bolloré et invité en permanence sur différents plateaux de télévision, apparaissant régulièrement à la Une des grands quotidiens et dans les émissions de radio, Zemmour est parfaitement instrumentalisé contre les adversaires de la présidence sortante, encore une fois, principalement contre Marine Le Pen qui était déjà en perte de vitesse et contestée dans ses propres rangs.
Plus « présentable », faisant référence à l’histoire, Zemmour sait donc attirer à la fois les plus radicaux des milieux d’extrême-droite et les moins regardants de la droite classique, grâce à un savant habillage de ses discours, usant des thèmes les plus répugnants contre les immigrés, avec des propos ouvertement xénophobes, contre les musulmans qu’il érige en boucs émissaires, ses diatribes aux relents ouvertement pétainistes mais toujours drapés d’une apparence de culture et d’histoire, et bien sûr son nationalisme ! (1)
Quelle que soit l’issue de la trajectoire de Zemmour, ce dernier permet déjà de saboter le RN et met davantage en difficulté les candidats concurrents du parti LR opposés à Macron. C’est à ce prix, jouant avec le feu de ce nouveau candidat potentiel, pour les intérêts d’un jeu politique qu’elle a de plus en plus de mal à maîtriser, que la bourgeoisie française et son président en viennent à faire la promotion dans l’espace public, directement ou indirectement, de discours aussi répugnants et irrationnels. De telles pratiques, banalisées, en disent long sur la dynamique putride du capitalisme en décomposition et sur le cynisme des politiciens de tous poils, à commencer par ceux qui se situent naturellement à la tête de l’État. La bourgeoisie est une classe prête à tout pour garantir son ordre politique et assurer la bonne marche de ses affaires, pour ses propres intérêts de classe, avec les conditions permettant de gérer au mieux l’exploitation capitaliste.
WH, 4 novembre 2021
1 ) Les discours de Zemmour sont du pain béni pour les gauchistes et l’ensemble de la gauche du capital en mal d’existence.