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Pour les populistes britanniques et partisans du Brexit, les rêves nostalgiques d’un Empire qui couvrait un quart de la surface du globe terrestre et où le soleil ne se couchait jamais, se transforment en cauchemars. Et la campagne sur la « Global Britain » ne pourra pas l’empêcher.
En 2021, le paysage géopolitique a fondamentalement changé pour le Royaume-Uni. La Grande-Bretagne a perdu en grande partie son statut de puissance mondiale. Ses relations avec le continent, sa position au sein de l’OTAN et ses liens avec le Commonwealth sont tous remis en question. La relation particulière avec les États-Unis donnait au moins au Royaume-Uni un rôle influent en tant qu’intermédiaire entre Washington et Bruxelles. En se coupant de l’Europe, le Royaume-Uni s’est tiré une balle dans le pied : « Nous ne sommes plus un pont irremplaçable entre l’Europe et l’Amérique. Nous sommes désormais moins pertinents pour l’un comme pour l’autre » (John Major). Lors des négociations relatives au Brexit, le Royaume-Uni a agi en partant du principe qu’il occupait une place équivalente aux autres puissances internationales sur la scène mondiale. Mais le Brexit a confirmé que la bourgeoisie britannique se berçait d’illusions. Depuis la conclusion des négociations, elle évolue désormais dans un monde dominé par les États-Unis, la Chine et l’Union européenne (UE), un monde où elle se trouve à présent isolée.
Dans les conditions géopolitiques actuelles, le Royaume-Uni devra rétablir ses relations politiques avec les principaux pays du monde. Il devra se frayer un chemin jusqu’à la table diplomatique, surtout depuis que l’administration américaine commence à redynamiser ses relations avec l’OTAN, l’ONU et d’autres organisations multilatérales.
En mars, le gouvernement britannique a lancé sa stratégie pour une « Global Britain in a competitive age ». (1) Ce projet expose les nouvelles ambitions britanniques en matière d’opportunités commerciales et de voies d’influence mondiale. Mais cette version remise à neuf de la « Revue intégrée de sécurité, de défense, d’aide au développement et de politique étrangère » de 2015 ne va pas résoudre les problèmes fondamentaux du Royaume-Uni après sa sortie de l’UE.
Tensions et fractures internes au Royaume-Uni
Le déclin de sa position sur la scène internationale a également alimenté des conflits croissants au sein même du Royaume-Uni, notamment avec les gouvernements régionaux d’Écosse et d’Irlande du Nord.
Le référendum sur le Brexit de 2016 « a donné une énorme impulsion au nationalisme écossais ». (2) Depuis, les appels à l’indépendance écossaise se renforcent d’année en année. Au début de l’année 2021, 54 % des Écossais étaient favorables à une Écosse indépendante, soit 8 % de plus qu’en 2014. De récents sondages d’opinion dans les principaux États membres de l’UE montrent que le soutien à une Écosse indépendante et membre de l’UE augmente.
Au cours de la dernière décennie, les forces en Irlande du Nord qui cherchent à se détacher du Royaume-Uni se sont renforcées. Le protocole nord-irlandais (3) n’a fait que jeter de l’huile sur le feu, en isolant davantage l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni. Les tensions croissantes dans les six comtés (4) « menacent l’intégrité de l’État britannique lui-même ». (5) La fragmentation nationale pourrait devenir une réalité. Entre-temps, l’administration américaine a averti Johnson de ne pas violer le protocole nord-irlandais et de respecter l’accord du Vendredi saint (6) : la frontière ouverte entre le Nord et le Sud doit être protégée.
Au sein de l’establishment politique londonien, la tension monte également, au point que des ministres en concurrence, des conseillers politiques sont engagés dans une sordide guerre d’influence. Au cours des deux derniers mois, dans une atmosphère de doute, de jalousie et de suspicion, les accusations entre Johnson, Hancock et Cummings (7) ont volé dans tous les sens. La dernière expression de ces conflits a été le pilonnage du gouvernement par Dominic Cummings dans « une campagne massive sur les réseaux sociaux ». (8)
Classe contre classe
Ces tensions et ces fractures croissantes au sein du Royaume-Uni et les luttes qui en découlent entre factions bourgeoises présentent de grands dangers pour la classe ouvrière. Elles mettent les travailleurs face à « une perspective de désorientation ». (9) Mais ils doivent résister à la pression de soutenir l’une ou l’autre des cliques bourgeoises. La capacité des travailleurs à résister à de telles pressions ne peut être réalisée que lorsqu’ils luttent « en tant que classe antagoniste au capital ». (10) La seule perspective est de lutter sur un terrain de classe.
Au cours des derniers mois, les ouvriers du Royaume-Uni et d’ailleurs ont démontré qu’ils possèdent encore cette capacité, comme l’a montré une récente grève sauvage de 30 à 40 ouvriers sur le chantier de l’entrepôt Amazon de Gateshead. Les travailleurs y ont protesté pendant deux jours contre leur licenciement brutal. La persévérance et la solidarité de la classe ouvrière ont porté leurs fruits, puisque tous les travailleurs licenciés ont été réintégrés le troisième jour de la grève.
La même capacité a été démontrée le 3 juillet lorsque des dizaines de marches ont eu lieu à travers la Grande-Bretagne pour protester contre la proposition du gouvernement de n’augmenter que de 1 % les salaires des travailleurs du NHS (11), ce qui a été largement décrié par les travailleurs de la santé.
Ces luttes de petite envergure ne sont peut-être pas spectaculaires, mais elles sont les graines de l’autonomie future de la classe ouvrière contre le capital.
WR, section du CCI au Royaume-Uni 4 juillet 2021
1 « La Grande-Bretagne globale dans une ère de compétition » est le titre du rapport remis par le gouvernement britannique en mars 2021, censé présenter la nouvelle doctrine impérialiste du Royaume-Uni (Note du traducteur).
2 Cf. « Royaume-Uni : Le populisme accélère le chacun pour soi et les divisions au sein de la société », World revolution n° 389 (Été 2021).
3 Difficilement négocié avec l’UE et censé officiellement empêcher le retour d’une frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (Note du traducteur).
4 Il existe 32 comtés traditionnels en Irlande : 26 comtés appartiennent à la République d’Irlande et les six autres, qui n’ont aujourd’hui plus de réalité administrative, forment l’Irlande du Nord (Note du traducteur).
5 Ibid.
6 Cet accord a été signé en 1998 mettant fin à trois décennies de conflits entre nationalistes et unionistes d’Irlande du Nord (Note du traducteur).
7 Matt Hancock, ministre de la santé, a dû récemment présenter sa démission après une affaire de mœurs et de conflit d’intérêt. Dominic Cummings est un ancien conseiller politique que Johnson a limogé en novembre 2020 dans le cadre de lutte d’influence au sein du gouvernement. Depuis, Cummings est entré en conflit avec Johnson et multiplie les accusations.(Note du traducteur).
8 Cf. « Cummings “revelations”: Bourgeois vendettas and the distortion of science », World revolution n° 389 (Été 2021).
9 Cf. « Royaume-Uni : Le populisme accélère le chacun pour soi et les divisions au sein de la société », World revolution n° 389 (Été 2021).
10 Ibid.
11 Le National Health Service est le système de la santé publique du Royaume-Uni. (Note du traducteur).