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La puissance de frappe militaire d’Israël pour répondre au Hamas et ses bombardements soi-disant ciblés sur la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza, ont fait réagir des centaines de milliers de personnes dans le monde dans des manifestations massives dénonçant encore une fois le déluge de feu de l’État « colonialiste oppresseur » hébreu sur des « masses palestiniennes opprimées ». Ces manifestations se sont déroulées dans la plupart des pays européens, aux États-Unis comme au Canada mais aussi en Turquie, en Tunisie, en Libye et même en Irak, comme au Bangladesh, au Kenya, en Jordanie ou encore au Japon.
Cette mobilisation exprime clairement une indignation face à la barbarie. Mais elle est manipulée de la manière la plus éhontée par la bourgeoisie dans des manifestations qui appellent à une fausse solidarité sur un terrain qui n’est pas le terrain prolétarien internationaliste mais celui du nationalisme bourgeois qui alimente toutes les confrontations impérialistes.
La solidarité prolétarienne ne passe pas par la défense d’un camp bourgeois !
Pour l’ensemble des gouvernements occidentaux, États-Unis en tête, même si la dénonciation ampoulée de la guerre ou des bombardements est clamée à l’envi, appelant Israël à la « retenue », la défense de l’État d’Israël reste une constante face au Hamas et ses roquettes frappant à l’aveugle le territoire israélien. Ce sont comme toujours les mêmes larmes de crocodile face aux atrocités d’un conflit qui dure depuis la création de l’État d’Israël en 1948 et ses multiples confrontations ayant coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, particulièrement dans les territoires palestiniens.
Pour l’ensemble des forces de gauche ayant appelé aux manifestations partout dans le monde, le « Non au massacre ! » est surtout l’occasion, encore une fois, d’un appel à soutenir la « juste cause palestinienne contre les exactions israéliennes » ! En clair, derrière cette « détermination » à dénoncer la guerre, partout dans le monde, toute la gauche et l’extrême gauche appellent les exploités à rejoindre un camp, celui du nationalisme palestinien, contre l’oppression des masses palestiniennes par l’impérialisme hébreu. Ce terrain est celui du capital, celui de la confrontation entre puissances impérialistes : israélienne, palestinienne, européenne, iranienne, américaine… Toutes ces confrontations, issues des coulisses de la diplomatie ou d’offensives militaires, n’ont fait qu’entraîner les prolétaires palestiniens comme israéliens à payer le prix du sang au Moloch impérialiste.
Le Hamas, une organisation bourgeoise…
Qu’Israël soit une puissance bourgeoise guerrière de premier plan, sans états d’âme dans sa domination de territoires occupés depuis des décennies, méprisant et provoquant en permanence une population palestinienne sous le joug, c’est, hélas, une évidence. En imposant une colonisation systématique et expulsant sans vergogne des familles palestiniennes, comme tout dernièrement à Jérusalem-Est, ce qui a mis le feu aux poudres, ou en Cisjordanie, l’État hébreu fait encore une fois la démonstration de sa barbarie criminelle et de sa politique sans scrupule vis-à-vis des Palestiniens comme vis-à-vis de ses propres ressortissants arabes israéliens.
Mais qu’en est-il des factions bourgeoises palestiniennes de l’OLP, du Fatah, du Hezbollah ou du Hamas ? Qu’en est-il de la foire d’empoigne entre ces différentes factions pour regagner une légitimité politique et se présenter comme l’interlocuteur incontournable avec lequel Israël doit traiter ? Les experts bourgeois les plus policés constatent eux-mêmes que la stratégie du Hamas consistant à tirer des roquettes sur Israël, alimentant ainsi la riposte de Tsahal, est clairement une tactique en vue de discussions et négociations avec Israël pour des intérêts vulgairement impérialistes.
… tout comme les organisations gauchistes !
Mais pour l’extrême gauche du capital, les trotskistes de Lutte Ouvrière (LO) par exemple, l’analyse est beaucoup plus spécieuse. Ainsi, même si LO, usant comme toujours d’un langage faussement radical, affirme que « les dirigeants israéliens et palestiniens conduisent leurs peuples dans une impasse sanglante, avec la complicité des puissances impérialistes », elle s’empresse, pour amener à justifier insidieusement à soutenir un camp (le plus « faible » face au plus « fort »), d’ajouter cette perfidie : « Renvoyer les deux camps dos à dos, alors qu’un État prétendument démocratique et surarmé s’acharne à détruire un territoire déjà dévasté, c’est accepter la loi du plus fort. Et c’est surtout tourner le dos à la révolte mille fois légitime des Palestiniens ! […] Si les Palestiniens ont pour ennemi l’État israélien, ils ont le Hamas pour adversaire ».
Les organisations libertaires ne sont pas en reste et en rajoutent une couche. Pour l’Organisation Communiste Libertaire (OCL), « Face au déchaînement de violence orchestré par un régime israélien en pleine crise politique, porté par un Netanyahou à bout de souffle et prêt à sacrifier les Palestiniens pour assurer sa pérennité au pouvoir, les condamnations timorées (ou pire, les déclarations renvoyant Israéliens et Palestiniens dos à dos) ne suffisent pas. Le droit international doit être appliqué ». On ne saurait être plus clair !
Ce genre de pirouettes appelant au « droit international », terrain du panier de crabes bourgeois par excellence, considérant l’un des camps barbares comme « ennemi » et l’autre comme « adversaire » ou même « ami », sont l’expression même de leur contribution ouverte à la défense d’un camp impérialiste contre un autre, un appel à la confrontation sur le terrain bourgeois le plus pourri qui soit. Cette logique nationaliste de tous les partis gauchistes ne s’exprime pas seulement dans leurs appels à une fausse solidarité lors des manifestations, elle se poursuit en appelant carrément la classe ouvrière à lutter, faire grève, « exiger ensemble la fin de l’impérialisme et le droit à l’auto-détermination des Palestiniens », c’est-à-dire détourner l’arme de la lutte contre la classe ouvrière elle-même. On a ainsi pu voir les dockers italiens du port de Livourne refuser l’embarquement d’un bateau chargé d’armes et explosifs à destination d’Israël.
Si cette action peut paraître relever de ce que la classe ouvrière devrait faire face à la guerre, en réalité les syndicats et la gauche ont entièrement piloté cette action dans le but avoué de soutenir la « cause palestinienne ». (1)
Les prolétaires n’ont pas de patrie !
L’idéologie nationaliste est l’antithèse même du terrain prolétarien, de la défense intransigeante de l’internationalisme faisant valoir la solidarité de tous les exploités du monde entier. Ce fut exactement la même logique lorsque la social-démocratie trahit la classe ouvrière en 1914 : rejet de l’internationalisme prolétarien et appel chauvin à la participation du prolétariat à la Première Guerre mondiale contre « le militarisme allemand » pour les uns, ou « l’autocratie russe » pour les autres. Le XXe siècle a ainsi été un siècle des guerres les plus atroces de l’histoire humaine. Jamais aucune d’entre elles n’a servi les intérêts des ouvriers. Toujours, ces derniers ont été appelés à se faire tuer par millions pour les intérêts de leurs exploiteurs, au nom de la défense de « la patrie », de « la civilisation », de « la démocratie », voire de « la patrie socialiste » (comme certains présentaient l’URSS de Staline et du goulag).
Depuis lors, tous les trotskistes et anarchistes officiels ont persisté et signé : lors de la guerre d’Espagne, de la Seconde Guerre mondiale, lors de la guerre d’Algérie, du Vietnam, et bien d’autres encore… En l’occurrence, lors des multiples conflits qui ont ravagé le Moyen-Orient depuis plus de 50 ans, ils ont appelé systématiquement les prolétaires à se battre pour la « satisfaction de l’ensemble des droits nationaux et démocratiques des Palestiniens » et permettre une « solution juste » au conflit ! Comme si la décomposition du monde capitaliste, son chaos grandissant tous les jours, sa barbarie guerrière à tous les niveaux, le militarisme grandissant des grandes puissances et des seconds couteaux régionaux, tous impérialistes, pouvaient déboucher sur une « solution juste » ! Dans cette région du monde rongée par la guerre depuis des décennies, comme dans chaque épisode guerrier partout dans le monde, il ne peut y avoir de solution dans le cadre du capitalisme !
Où se trouvent donc les intérêts de la classe ouvrière, celle en Israël, juive ou arabe, celle en Palestine, celle des autres pays du monde ? Les ouvriers juifs exploités en Israël par des patrons juifs, les ouvriers palestiniens exploités par des patrons juifs ou arabes vivent les mêmes conditions de travail et ont chacun le même ennemi : le capitalisme. Tout comme les ouvriers du monde entier !
Face à la folie guerrière subie depuis des décennies par les ouvriers israéliens et palestiniens, le prolétariat des « grandes démocraties » ne doit prendre le parti d’aucun camp contre un autre. La meilleure solidarité qu’ils puissent leur apporter ne consiste certainement pas à encourager leurs illusions nationalistes mais à développer le combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres. Face au chaos grandissant à l’heure actuelle dans tout le Proche-Orient, la classe ouvrière ne pourra conquérir la paix qu’en renversant le capitalisme à travers la lutte internationale du prolétariat.
Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent vous entraîner vos exploiteurs : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Alfred, 7 juin 2021
1) Solidarité Ouvrière internationaliste (14 mai 2021).