Les “divisions” syndicales : une stratégie pour encadrer et saboter les luttes ouvrières

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La bourgeoisie se prépare aujourd'hui à une nouvelle offensive contre la classe ouvrière en France. Cette accentuation de 1'attaque capitaliste qui s'annonce pour 1985 avec ses charrettes de licenciements (travestis en "plans de formation", "flexibilité de 1 ’emploi", etc.), ce sont les syndicats qui sont chargés de nous la faire avaler comme ils 1 'ont fait en 84, partout où la crise a imposé ses "dégraissages". C'est dans cette perspective qu'on a vu, ces derniers temps, toutes les fractions du capital faire valoir de prétendues querelles intestines au sein de 1'appareil syndical (notamment entre CGT, CFDT et FO), chaque centrale se renvoyant la balle pour faire porter sur les autres la responsabilité de "compromis avec le gouvernement et le patronat". Cette tactique n'est pas nouvelle : il s'agit du classique partage des tâches entre les fractions bourgeoises chargées d'encadrer la classe ouvrière. Cependant,' il est devenu urgent pour la bourgeoisie, face à une situation sociale de plus en plus explosive, de renforcer son dispositif anti-ouvrier afin d'occuper tout le terrain social, de colmater les brèches dans lesquelles menace de plus en plus de s'engouffrer la combativité ouvrière.

A l'avant-garde de cette stratégie anti-ouvrière, on a déjà vu la CGT prendre les devants dans tous les mouvements de grève depuis que le PCF a quitté le gouvernement, que ce soit pour prendre le pouls du mécontentement des ouvriers ou pour endiguer tout risque de débordement. Sous la pression croissante de la lutte de classe, non seulement il lui faut renforcer de plus en plus son langage d'opposition au gouvernement, mais il lui faut aussi se démarquer des autres syndicats accusés de "faire le jeu du patronat". En boudant les "négociations" sur la flexibilité de l'emploi, la CGT prétend ne pas manger de ce pain-là. En réalité, il s'agit pour la CGT de gagner du temps, de retrouver un certain crédit (après 3 ans de compromission du PCF au gouvernement) dans les rangs ouvriers en faisant figure de syndicat "pur et dur". Aujourd'hui, la CGT fait semblant, une fois de plus, de défendre les intérêts des ouvriers en clamant son "refus catégorique" du plan de licenciement à Renault ("L'accord-cadre de Renault, tel quel, est une hypocrisie", dixit Krasucki) alors qu'il y a 2 mois, elle donnait son aval au plan Hanon présenté comme une "grande victoire des travailleurs". Aujourd'hui, Krasucki taxe d' "escroquerie" le plan de formation mis en place pour les 1905 licenciés de Citroën ("Nous ne nous laisserons pas avoir comme à Citroën", Krasucki) alors qu'il y a 6 mois, c'est la CGT qui a permis de faire passer ces mêmes licenciements ! La véritable "hypocrisie", la pire des "escroqueries», c’est celle des manœuvres anti-ouvrières de la CGT !

"Il y a quelques mois, la CGT acceptait n'importe quoi. Dès lors que les communistes ont quitté le gouvernement la CGT radicalise son langage à l'image du parti communiste dont elle est le prolongement." (A. Bergeron, répliquant à Krasucki au cours des négociations sur la "flexibilité de l'emploi"). Il est des vérités qui ne servent qu'à justifier les mensonges les plus crapuleux. Le discours de FO consiste -en disputant à la CGT une auréole de syndicat "non corrompu"- à se présenter comme la seule véritable organisation de défense des ouvriers de par son "autonomie" vis-à-vis des partis politiques (en réalité, cette pseudo "indépendance" ne fait que masquer les ouvertures de FO à tous les partis bourgeois, du RPR au PCI trotskyste ). En mettant en avant son prétendu "apolitisme", FO ne vise en fait qu'un seul objectif : exploiter la désillusion des ouvriers sur les partis politiques, récupérer tous les déçus de la gauche dans le giron d'un syndicalisme "pur", canaliser la combativité ouvrière dans une voie gestionnaire afin d'endiguer tout risque d'explosion sociale.

Et pour mener à bien cette sale besogne, FO n'hésite plus désormais à prendre ses distances vis-à-vis du gouvernement. L'heure étant au "durcissement", on a pu entendre Bergeron déclarer au 15ème Congrès de FO : "Nous ne ferons plus aucune concession de quelque nature que ce soit. Et s'il y a rupture, nous poserons le problème devant l'opinion publique." Il faut dire que nous ne sommes pas prêts d'oublier toutes les réductions des allocations-chômage à 1'initiative de Bergeron

(patron de 1'UNEDIC) depuis novembre 82!

Dans cette stratégie globale de radicalisation du discours syndical, la CFDT n'est pas en reste. Contrainte, sous la poussée des luttes ouvrières, de suivre la même trajectoire d'opposition que ses consœurs CGT et FO, force lui est de reconnaître -malgré ses liens avec le PS- qu'elle a "mis trop d'espoir dans les effets d'une nationalisation ou dans les choix d'un gouvernement" (E. Maire). Mais ce qui permet surtout à la CFDT de tenir la route dans sa démarche oppositionnelle c'est sa relative "souplesse", sa capacité à intégrer, à côté des fractions les plus modérées, des fractions particulièrement radicales tels les anarcho-syndicalistes. C'est ainsi que le partage des tâches à travers la "division* entre syndicats, on le retrouve également au sein-même de chaque syndicat. S'appuyant sur de pseudo-antagonismes entre base et sommet, ce clivage doit permettre de redorer le blason du syndicalisme grâce au développement du syndicalisme "de base" qui s'est particulièrement manifesté ces derniers temps à travers la contestation gauchiste :

  • au sein de la CFDT, avec la publication d'un tract du groupe "Pancho Villa" critiquant la "bureaucratie" syndicale et proposant comme seule alternative... "une autre démarche syndicale" destinée en réalité à enfermer les ouvriers dans l'idéologie syndicaliste, à les empêcher de prendre en main leur propre lutte en dehors et contre les syndicats;
  • au congrès de FO où on a vu la base gauchiste déclarer devant le refus de. Bergeron de faire écho aux revendications d'une grève nationale interprofessionnelle : "Fabius et Gattaz sont unis dans une nouvelle croisade contre la classe ouvrière!...). Si cette politique devait se poursuivre, nous devrions décréter la mobilisation générale." (M. Rocton, sympathisant du PCI trotskystes).

Toute cette réorganisation de l'appareil d'encadrement du prolétariat ne doit pas nous masquer la vocation anti-ouvrière des syndicats. Aujourd'hui comme hier :

  • les syndicats prennent le devant des luttes pour mieux briser la combativité des ouvriers. C'est ainsi que la CGT, après avoir lancé le mot d'ordre de grève générale dans les mines de Lorraine, vient d'appeler à la reprise du travail "pour ne pas tomber dans la provocation et l'aventurisme." (sic!) :
  • les syndicats ne défendent qu'un seul intérêt, celui de l'économie nationale. C'est ainsi que B. Drillon, responsable CFDT, déclarait dernièrement -."Nous reconnaissons les sureffectifs." et E. 'Maire : "La CFDT revendique le droit au travail à temps partiel"... c'est-à-dire à la planification des licenciements ! ;
  • les syndicats sont les défenseurs de l'ordre bourgeois dans les rangs ouvriers. C'est ainsi que Bergeron décrétera au Congrès de FO : "On ne parviendra jamais à une société sans contradiction, ou alors ce serait une société totalitaire."

Voilà ce que dissimule en fait le langage "oppositionnel" des syndicats; leur opposition active au développement actuel des luttes ouvrières.

Avril

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