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Face à la publication de notre article : “Qui est qui dans Nuevo Curso ?”, qui dénonce le fricotage de l’individu nommé Gaizka avec de hauts fonctionnaires et des institutions de l’État bourgeois, ce personnage a jusqu’à présent gardé un silence absolu. No comment… Le silence est sa réponse. Nous avons du mal à croire qu’il n’ait pas entendu ce que nous disons, puisque ses amis ont immédiatement pris sa défense. (1) Mais ni les uns ni les autres n’ont apporté un seul démenti aux faits que nous exposons : rien de rien, zéro.
Ce silence est une confirmation criante de la carrière de Gaizka, celle d’un arriviste et d’un aventurier. Ils ne disent rien parce qu’il n’y a rien à dire.
Ce silence est une réaction bien connue qui ne peut que corroborer le bien-fondé de notre accusation. À cet égard Paul Frölich (2) cite une anecdote édifiante dans son autobiographie sur le comportement d’un des rédacteurs de la presse : “Il avait un instinct pour le comportement tactique. Une fois, j’ai été très surpris qu’il ne réponde pas aux attaques répétées portées contre lui par un autre journal du parti : ‘C’est très simple, avait-il déclaré. J’avais tort sur une question importante et maintenant, je les laisse aboyer jusqu’à ce qu’ils deviennent aphones et que l’histoire soit oubliée. Jusque-là, je reste sourd’.” (3)
Cependant, chaque fois que des révolutionnaires ont été accusés d’être des agents provocateurs ou de collaborer avec la bourgeoisie, ou simplement soupçonnés de comportement indigne, ils ont consacré toutes leurs énergies à le nier. Marx a passé un an à préparer un livre entier en réponse aux accusations de Herr Vogt selon lesquelles il était un agent infiltré. (4) De même, un peu plus tard avec Engels, comme on peut le voir dans leur correspondance, (5) il a participé à tous les combats nécessaires contre les tentatives de discréditer l’AIT et eux-mêmes. Bebel a été accusé d’avoir volé de l’argent dans la caisse de l’Association générale des travailleurs allemands (ADAV) et n’a eu de cesse de se battre jusqu’à ce qu’il ait pu démontrer la fausseté de ces accusations. Trotsky, complètement isolé et harcelé par Staline, a rassemblé encore assez de forces pour profiter du peu de terrain qui lui restait et convoquer la Commission Dewey (6) pour sa défense, etc.
Mais au contraire, les vrais aventuriers et provocateurs ont toujours tout fait pour s’éclipser ou se terrer afin de tenter de passer entre les mailles du filet de la vérité.
Un silence assourdissant
Bakounine, par exemple, face à la circulaire interne de l’AIT sur “Les prétendues scissions dans l’Internationale”, a reconnu, sous l’apparence d’un ton scandalisé, qu’il n’a pu faire autrement que d’y opposer… un silence prolongé : “Pendant deux ans et demi, nous avons enduré en silence cette agression immonde. Nos calomniateurs ont d’abord commencé par de vagues accusations, mêlées de lâches réticences et d’insinuations venimeuses, mais en même temps si stupides que, faute d’autres raisons de se taire, le mauvais goût mêlé au mépris qu’elles avaient provoqué dans ma retraite aurait suffi à expliquer et légitimer mon silence”. (7)
C’est en vain que l’on peut chercher dans ce courrier la recherche d’un argument, qui brille par son absence. Cependant, Bakounine avait annoncé qu’il convoquerait un jury d’honneur et qu’il rédigerait un article avant le congrès de La Haye en 1872 : “D’autre part, je me suis toujours réservé le droit de convoquer tous mes calomniateurs devant un jury d’honneur, ce que le prochain Congrès ne me refusera sans doute pas… Il faut rétablir la vérité, en contribuant autant que possible à la démolition du tissu de mensonges construit par Marx et ses acolytes, tel sera le but d’une communication que j’entends publier avant la réunion du Congrès”.
Il va sans dire qu’il n’a jamais convoqué ce jury d’honneur, ni écrit le moindre article là-dessus. Au contraire, en apprenant la publication du rapport sur l’Alliance de la démocratie socialiste par l’Association internationale des travailleurs, (8) ce qu’il écrit dans une lettre du 25 septembre 1873 au Journal de Genève (en plus d’insultes contre Marx, traité à la fois de “communiste, allemand et juif”) est une capitulation : “J’avoue que tout cela m’a profondément bouleversé dans la vie publique. J’en ai assez de tout cela. Après avoir passé toute ma vie à me battre, je suis fatigué. J’ai plus de soixante ans et un problème cardiaque qui s’aggrave avec l’âge et rend mon existence de plus en plus difficile. Que d’autres jeunes se mettent au travail pour prendre la relève. Quant à moi, je ne ressens plus la force, ni peut-être la confiance, de pousser partout ce rocher de Sisyphe contre la réaction triomphante. Je me retire donc du combat, et ne demande à mes chers contemporains qu’une seule chose : l’oubli”. (9) Bakounine déploie ici aussi une autre des stratégies classiques des aventuriers, qui consiste à se présenter comme une malheureuse victime lorsque son comportement personnel est démasqué.
De la même façon, lorsque Schweitzer (10) a été accusé d’avoir volé et détourné l’argent de la caisse d’entraide aux travailleurs malades qui ne pouvaient pas continuer à travailler, pour le dépenser en champagne et en “amuse-gueules”, contrairement à Bebel, il n’a jamais été capable de se défendre : “Schweitzer a été publiquement accusé plus d’une fois de cette action ignominieuse, mais il n’a jamais osé se défendre”. (11)
De plus, lorsque Bebel et Wilhelm Liebnechkt l’ont dénoncé comme agent du gouvernement au congrès de Barmen-Elberfeld (province de Wuppertal), lui, qui était assis sur la même scène juste derrière eux, n’a pas prononcé un mot, laissant ses acolytes proférer des insultes et des menaces : “Nos discours contenaient un résumé de toutes les accusations que nous avions portées contre Schweitzer. Il y a eu plusieurs interruptions violentes, surtout lorsque nous l’avons accusé d’être un agent du gouvernement ; mais j’ai refusé de retirer quoi que ce soit… Schweitzer, qui était assis derrière nous lorsque nous avons parlé, n’a pas prononcé une seule parole. Nous sommes partis aussitôt protégés par certains délégués contre les assauts des défenseurs fanatiques de Schweitzer, au milieu d’une tempête d’imprécations et d’insultes comme “laquais !”, “traîtres !”, “coquins !”, etc. À la porte, nous avons retrouvé nos amis qui nous ont escortés sous leur protection jusqu’à ce que nous arrivions à l’hôtel en toute sécurité”. (12)
On peut encore citer l’exemple historique de Parvus, accusé par Gorki d’avoir extorqué de l’argent sur les recettes de sa pièce de théâtre Les Bas-fonds en Allemagne, dénoncé comme aventurier et social-patriote par Trotsky, (13) qui avait été son ami, rejeté par Rosa Luxemburg, Clara Zetkin et Leo Jogiches, pour avoir essayé de se vendre à l’impérialisme allemand, et que Lénine a empêché de retourner à Petrograd après la révolution, parce qu’il avait “les mains sales” ; et qui n’a jamais pris la peine de se défendre contre toutes ces accusations, laissant à d’autres (Radek, en particulier) le soin de le défendre dans le milieu des exilés en Suisse.
Et on pourrait continuer : Lassalle, Azev…, etc. ont tous essayé de faire oublier les accusations portées contre eux en dressant un mur de silence, de disparaître ou, comme Parvus, de faire semblant de rien.
Mais il n’est pas nécessaire de remonter si loin. En 2005, nous avons pu voir comment le “citoyen B”, qui s’est proclamé “à l’unanimité” (puisqu’il ne s’agissait que de lui) “Cercle des communistes internationalistes” d’Argentine se mettant au service de la FICCI (14) (aujourd’hui : Groupe international de la gauche communiste – GIGC) pour dénigrer le CCI, mais a déserté le forum dès que nous avons dénoncé son imposture. (15)
Il y a aussi d’autres exemples de silence assourdissant lorsque le CCI a dénoncé des aventuriers dans ses rangs. Tel fut le cas de la découverte des manigances et de la sanction du militant connu sous le nom de Simon, (16) à laquelle il répondit par un silence obstiné qui provoqua même une “Résolution sur le silence du camarade Simon”, qui disait : “Depuis que le camarade Simon s’est retiré de la vie du CCI à la fin du mois d’août 1994, il n’a jamais accédé à la demande de l’organisation de faire connaître par écrit les désaccords qu’il avait avec ses analyses et ses prises de position, ce qui, selon lui, a motivé en partie son retrait… Ce silence de Simon est d’autant plus inadmissible qu’il avait des désaccords fondamentaux avec les deux résolutions adoptées par la réunion élargie du Secrétariat international le 3 décembre 1994”.
Mais ce silence obstiné des aventuriers et des éléments troubles lorsqu’ils sont pris en flagrant délit n’est pas seulement une confirmation des accusations portées contre eux ou une manière de tenter de se faire oublier, c’est aussi une stratégie pour que d’autres prennent leur défense à leur place.
Les amis de Gaizka et compagnie
Si Gaizka n’a pas ouvert la bouche depuis que nous avons publié notre mise en accusation, ses amis n’ont pas perdu de temps pour prendre sa défense. C’est ainsi que le GIGC a publié quatre jours plus tard une déclaration : “Nouvelle attaque du CCI contre le camp prolétarien international. Nous ne sommes pas surpris qu’un groupe de parasites au comportement de gangsters et de voyous vienne prendre la défense d’un aventurier. Il a déjà fait la même chose en 2005 en prenant la cause du citoyen argentin B. Peut-être devrions-nous commencer à penser que le GIGC a des pouvoirs prémonitoires puisqu’il a publié et distribué un communiqué du “Círculo” d’Argentine, avant que le citoyen B ne le publie sur son site web. Le malheur de l’affaire est qu’à l’époque, le GIGC (alors FICCI) avait dupé le BIPR (17) (maintenant TCI) qui, bien que discrètement, sans prendre directement la parole, avait publié les communiqués de la FICCI et du “citoyen B” dénigrant le CCI en encourageant ainsi les comportements indignes de la part de ces deux larrons.
Bien entendu, le GIGC n’apporte dans son communiqué aucun démenti de ce que nous dénonçons dans notre article, à l’exception de la déclaration selon laquelle “ils n’ont rien remarqué” : “nous devons souligner qu’à ce jour, nous n’avons constaté aucune provocation, manœuvre, dénigrement, calomnie ou rumeur, lancée par les membres de Nuevo Curso, même à titre individuel, ni aucune politique de destruction contre d’autres groupes ou militants révolutionnaires”. Déclaration sur laquelle nous ne nous arrêterons même pas une seconde.
En réalité, l’objectif du communiqué est uniquement d’attaquer le CCI, car ce serait lui “qui a développé ces pratiques sous le couvert de sa théorie de la décomposition et du parasitisme et qui y revient maintenant”. D’autre part, le CCI tomberait “dans le domaine pourri de la personnalisation des questions politiques”.
Le site Pantópolis du Docteur Bourrinet (18) a immédiatement reproduit l’article précédé d’une introduction qui concurrence et même dépasse le GIGC en propos haineux contre le CCI.
L’autre groupe qui a condamné notre déclaration sur Gaizka est le GCCF, (19) qui a déclaré (20) : “nous ne pouvons que condamner cet assemblage scandaleux et immoral de ragots personnalisés et complètement en dehors d’un terrain politique”. (21)
En bref, deux récriminations : 1) que ce n’est pas Gaizka, mais le CCI qui se comporterait de manière indigne du prolétariat, ferait preuve de dénigrement et de provocation ; 2) que dans notre dénonciation, les questions politiques sont remplacées par des questions personnelles.
Ce n’est pas la première fois que, face à la rigueur dans la défense du milieu prolétarien et à la dénonciation de comportements indignes, les organisations révolutionnaires sont attaquées avec des calomnies sur leur “autoritarisme” et leurs “manœuvres”, comme si elles employaient les mêmes moyens que les aventuriers et les provocateurs découverts. Ce fut le cas à l’AIT : “Consciente du danger historique que les leçons tirées par la 1re Internationale représentaient pour ses propres intérêts de classe, la bourgeoisie, en réponse aux révélations du Congrès de La Haye, fit tout ce qui était en son pouvoir pour discréditer cet effort. La presse et les politiciens bourgeois déclarèrent que le combat contre le bakouninisme n’était pas une lutte pour des principes mais une lutte sordide pour le pouvoir au sein de l’Internationale. Ainsi, Marx était censé avoir éliminé son rival Bakounine au travers d’une campagne de mensonges. En d’autres termes, la bourgeoisie essaya de convaincre la classe ouvrière que ses organisations utilisaient les mêmes méthodes fonctionnaient exactement de la même manière que celles des exploiteurs et donc n’étaient pas meilleures. Le fait qu’une grande majorité de l’Internationale appuya Marx fut rabaissé au ‘triomphe de l’esprit de l’autoritarisme’ dans ses rangs et à la prétendue tendance à la paranoïa de ses membres à voir des ennemis de l’Association cachés partout. Les bakouninistes et les lassalliens firent même courir des rumeurs selon lesquelles Marx était un agent de Bismarck”. (22)
Bakounine lui-même n’a pas hésité à présenter la lutte de l’Internationale pour la défense de ses statuts et de son fonctionnement contre l’esprit sectaire et ses intrigues comme une “lutte entre sectes” : ainsi, dans Lettre aux frères d’Éspagne, Bakounine se plaint que la résolution de la Conférence de Londres (1872) contre les sociétés secrètes n’a en fait été adoptée par l’Internationale que “pour ouvrir la voie à leur propre conspiration pour la société secrète qui existe depuis 1848 sous la direction de Marx, qui a été fondée par Marx, Engels et Wolff maintenant décédé, et qui n’est rien d’autre qu’une société quasiment exclusivement allemande de communistes autoritaires. […] Il faut reconnaître que la lutte qui s’est engagée dans l’Internationale n’est rien d’autre qu’une lutte entre deux sociétés secrètes”. (23)
Dans la vision du monde d’éléments comme Bakounine, le GIGC ou Gaizka, il n’y a pas de place pour l’honnêteté, les principes d’organisation ou la morale prolétarienne ; ils ne font que projeter sur les autres leur propre façon de se comporter. Comme le dit la sagesse populaire, “le voleur croit que chacun agit comme lui”.
Cependant, “ce qui est plus grave et beaucoup plus dangereux, c’est que de telles infamies trouvent un certain écho dans les rangs du milieu révolutionnaire lui-même. Ce fut le cas, par exemple, dans la biographie de Marx par Franz Mehring. Dans ce livre, Mehring, qui appartenait à l’aile gauche combative de la Deuxième Internationale, déclare que la brochure du Congrès de La Haye contre l’Alliance était ‘impardonnable’ et ‘indigne de l’Internationale’. Dans son livre, Mehring défend non seulement Bakounine, mais aussi Lassalle et Schweitzer, contre les “accusations de Marx et des marxistes”. (24)
Le discrédit qu’a jeté Mehring sur la lutte marxiste contre le bakouninisme et le lassallisme a eu des effets dévastateurs sur le mouvement ouvrier dans les décennies suivantes, car il a non seulement conduit à une certaine réhabilitation d’aventuriers politiques comme Bakounine et Lassalle, mais il a surtout permis à l’aile opportuniste de la social-démocratie d’avant 1914 d’effacer les leçons des grandes luttes pour la défense de l’organisation révolutionnaire des années 1860 et 1870. Ce fut un facteur décisif dans la stratégie opportuniste visant à isoler les bolcheviks dans la Deuxième Internationale, alors qu’en fait leur lutte contre le menchevisme appartient à la meilleure tradition de la classe ouvrière. La Troisième Internationale a également souffert de l’héritage de Mehring. Ainsi, en 1921, un article de Stoecker (“Sur le bakouninisme”), également basé sur les critiques de Mehring à l’égard de Marx, a justifié les aspects plus dangereux et aventureux de la soi-disant Action de mars 1921 du KPD (parti communiste allemand) en Allemagne. (25) Le fait que le BIPR se soit laissé entraîner derrière la FICCI et le “citoyen B” en 2005 a également donné des ailes au parasitisme, rendant plus difficile la lutte contre celui-ci et sa dénonciation dans le milieu prolétarien.
Mais venons-en à la deuxième accusation, celle de la personnalisation des questions politiques. Pour commencer, notre accusation n’était pas basée sur la diffusion d’histoires sur la vie privée, mais sur la mise en lumière d’un comportement politique public, qui est largement documenté. Ce que nous avons exposé sur Gaizka sont des faits qui appartiennent à la sphère de l’activité publique des politiciens bourgeois, et donc ils devraient être soigneusement pris en compte par les militants communistes. Que faisait dans le domaine de la Gauche communiste un individu qui avait fréquenté à plusieurs reprises les cercles politiques de haut niveau de l’État bourgeois ?
Maintenant, en second lieu, il y a des faits “privés” (intrigues, manœuvres, contacts secrets, relations obscures, etc.) qui doivent être connus afin de comprendre et de pouvoir dénoncer les actions destructrices contre le prolétariat ou contre les organisations révolutionnaires. Les dénoncer n’a rien à voir avec des ragots.
Plutôt que d’y répondre nous-mêmes, nous laisserons Engels le faire. Dans l’un des nombreux articles que Marx et lui-même ont dû écrire pour défendre l’AIT, accusée par toute la presse bourgeoise, par les agents provocateurs et les partisans de Bakounine. Interrogé par des militants eux-mêmes indécis, Engels répond à un article de Pyotr Lavrov (26) dans son journal Vpered (En Avant !)27, qui remettait en cause le rapport de la commission du Congrès de La Haye sur “L’Alliance de la démocratie socialiste et l’AIT” (28) parce que ce ne serait qu’une “féroce querelle sur des questions purement personnelles et privées avec des informations qui ne peuvent provenir que de ragots”.
Voici ce qu’il répondait : “La principale accusation [contre le rapport sur l’Alliance], cependant, est que le rapport est rempli de questions personnelles dont la véracité ne pourrait pas être établie par les auteurs, car ils ne pouvaient les recueillir que par des ragots. Il ne nous est pas dit comment ‘l’ami Pierre’ (29) sait qu’une organisation comme l’Internationale, dont les organes officiels sont répartis dans le monde entier, ne pourrait recueillir les faits que par des commérages. Sa déclaration est en tout cas extrêmement faite à la légère. Les faits en question sont étayés par des preuves authentiques et les personnes concernées ont pris soin de ne pas y répondre.
Mais ‘l’ami Pierre’ est d’avis que les questions sur la vie privée, comme les lettres personnelles, sont sacrées et ne devraient pas être publiées dans les débats politiques. Accepter la validité de cet argument en quelques termes que ce soit revient à rendre impossible d’écrire sur l’histoire. Donc, si l’on décrit l’histoire d’une bande de gangsters comme l’Alliance, dans lequel on trouve bon nombre d’escrocs, d’aventuriers, de voleurs, d’espions de la police, de fraudeurs et de lâches, ainsi que sur ceux qui ont été abusés par eux, faut-il falsifier cette histoire en dissimulant sciemment les vilenies individuelles de ces Messieurs comme des ‘affaires privées’ ?
Cependant, lorsque le rédacteur de Vpered décrit le rapport comme une compilation maladroite de questions essentiellement privées, il commet un acte difficile à caractériser. Quiconque peut écrire une telle chose soit n’a pas du tout lu le rapport en question, soit est trop borné ou trop partial pour le comprendre, soit il écrit délibérément quelque chose qu’il sait être faux. Personne ne peut lire ‘Un complot contre l’internationale’ sans être convaincu que les questions privées intercalées en sont la partie la plus significative, qu’elles sont des illustrations pour donner une image plus détaillée des personnages impliqués, et qu’elles ne pourraient être supprimées sans remettre en cause le point principal du rapport. L’organisation d’une société secrète dans le seul but est de soumettre le mouvement ouvrier en Europe à la dictature cachée de quelques aventuriers, les infamies commises dans ce but, notamment par Necthaiev en Russie – c’est le thème central du rapport, et maintenir que tout tourne uniquement autour de questions privées est pour le moins irresponsable”. (30)
Conclusion
Le silence aigri de Gaizka est une confirmation de sa collaboration avec l’État bourgeois que nous dénonçons. Son activité au service des libéraux puis du PSOE, (31) ses contacts avec la Gauche communiste et sa disparition lors de l’enquête sur les aspects problématiques de son comportement pour un militant communiste, (32) constituent la trajectoire d’un aventurier.
L’aspiration d’un groupe formé autour de cet élément à être considéré comme faisant partie de la Gauche communiste, si elle devait se réaliser même occasionnellement, signifierait l’introduction d’un cheval de Troie dont le but ne pourrait pas être autre que de déformer et de saper l’héritage de la tradition prolétarienne et ses principes programmatiques et organisationnels représentés par les organisations de la Gauche communiste. Et ce, même indépendamment de l’honnêteté des autres membres du groupe Gaizka qui peuvent être trompés.
Dans ce sens, et toutes proportions gardées, tout comme Bakounine, comme le dit Engels, voulait imposer sa dictature à l’Internationale, qui regroupait le mouvement ouvrier en Europe, Gaizka veut être, également en se cachant sous la couverture d’un groupe (Nuevo Curso) où il peut y avoir également des éléments éventuellement dupés, comme une référence de la Gauche communiste, surtout pour de jeunes éléments en recherche de positions politiques prolétariennes. Mais son prétendu lien avec la Gauche communiste ne peut que semer la confusion avec les positions de cette dernière en faisant passer les principes et les méthodes aventureuses de la gauche bourgeoise ou du stalinisme pour des positions de la Gauche communiste.
Dans cette entreprise criminelle, Gaizka a le soutien organisé du groupe de parasites et de voyous du GIGC, qui le présente précisément comme un champion du regroupement ; mais il bénéficie aussi du consentement tacite d’autres groupes du milieu prolétarien qui restent muets face à leurs initiatives.
CCI, 11 avril 2020
1 Nous nous référons ici au Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC) et au site web de Monsieur Bourrinet : Pantópolis. Nous y reviendront par la suite.
2 Membre de la Gauche de Brême pendant les luttes révolutionnaires en Allemagne. Il fut aussi le délégué envoyé par les Communistes Internationalistes d’Allemagne (IKD) au Congrès de fondation du Parti Communiste d’Allemagne (KPD).
3 Paul Frölich, “Im radikalen Lager” Politische Autobiografie 1890-1921, chapitre : “Leipzig”, Berlin (2013), p. 51 : “He had an instinct for tactical behaviour. Once I was very surprised that he did not respond to repeated attacks from another party newspaper. ‘Very simply’, he said, ‘I was wrong about one important point. Now I let them bark until they are hoarse and history is forgotten. Until then I'm deaf’.”
Il s’agit de Paul Lensch (1873-1926), un personnage douteux par rapport au mouvement ouvrier, qui avait travaillé avec Frölich comme rédacteur talentueux dans le journal social-démocrate Leipziger Volkszeitung, et qu’il avait lui-même caractérisé comme “un bouledogue au corps massif et aux pattes fortes, capable de mordre sans pitié […] qui se plaisait à croire qu’il avait l’élégance de Mehring, mais dont le caractère brutal finissait toujours par apparaître. Un fanfaron manœuvrier […] sans rien qui puisse le relier en son for intérieur à la classe ouvrière”. Il était aussi capable d’adopter une “position politique juste” si cela servait son carriérisme ; en 1910, il faisait partie de l’aile gauche de la social-démocratie mais en jouant un rôle trouble dans l’affaire Radek, ensuite il était présent dans l’appartement de Rosa Luxemburg, la nuit du 4 août 1914 (avec les opposants à la guerre impérialiste) et, peu de temps après, en 1915, on le retrouva avec l’extrême-droite de la social-démocratie comme défenseur, aux côtés de Cunow et de Haenish, du “socialisme de guerre” (qui défendait la guerre avec une argumentation “marxiste”) dans la revue Die Glocke de Parvus, entre autres. Lensch n’était pas simplement un social-démocrate qui s’était laissé entraîner par la droite pour finir par trahir le prolétariat ; tout en étant un élément sans aucune conviction militante et n’ayant pas la moindre confiance en la classe ouvrière, il était avant tout un carriériste malhonnête qui se cachait derrière une façade marxiste et qui était capable de garder le silence quand il l’estimait nécessaire à ses intérêts.
4 Dans ce livre, qui lui a coûté un an de travail, Marx s’est non seulement défendu contre les accusations crapuleuses de Vogt, mais il a également pris la défense de la Ligue des Communistes, même si cette dernière avait déjà disparu. Cependant, défendre la tradition que cela représentait, le Manifeste communiste, les principes d’organisation, la continuité du mouvement ouvrier, était d’une importance vitale, contrairement à tous ceux qui considèrent que Marx aurait perdu son temps sur des détails, ou même y aurait sacrifié la clarté de son jugement politique et son dévouement désintéressé à la lutte du prolétariat.
5 Source : Marx/Engels Collected Works, (2010) Lawrence & Wishart Electric Book, Vol. 24.
6 Étant donné que Staline avait écrasé et laminé tout vestige des milieux ouvriers de la période révolutionnaire, la Commission devait être composée de membres du milieu intellectuel et de la culture reconnus pour leur indépendance d’opinion et leur intégrité. Dewey était l’un d’entre eux. Les sessions de la commission ont eu lieu au Mexique.
7 En espagnol : Jacques Freymond, La Primera Internacional, Ed. ZERO (1973), p. 355.
8 Une commission d’enquête fut chargée d’élaborer le rapport pour le Congrès de La Haye de l’AIT (1872). Après avoir entendu et discuté le rapport, le Congrès prit la décision d’exclure Bakounine et certains de ses disciples de l’Internationale.
9 Source en portugais, traduit par nous : Bakunin por Bakunin – Lettres. “Lettre au Journal de Genève” ("Biblioteca Virtual Sit Inn") : “o Sr. Marx, o chefe dos comunistas alemães, que, sem dúvida por causa de seu tríplice caráter de comunista, alemão e judeu, me odiou”.“Eu vos confesso que tudo isso me enojou profundamente da vida pública. Estou farto de tudo isso. Após ter passado toda minha vida na luta, estou cansado. Já passei dos sesenta anos, e uma doença no coração, que piora com a idade, torna minha existência cada vez mais difícil. Que outros mais jovens ponham-se ao trabalho. Quanto a mim, não sinto mais a força, nem talvez a confiança necessária para empurrar por mais tempo a pedra de Sysipho contra a reação triunfante em todos os lugares. Retiro-me, pois, da liça, e peço a meus caros contemporâneos apenas uma coisa : o esquecimento”.
10 Voir l’article sur notre site internet : “Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier”.
11 Bebel, My Life, The University of Chicago press, The Baker & Taylor co., New York, p. 152. Texte original en anglais, traduit par nous : “Schweitzer was more than once publicly accused of this shameful action, but he never dared to defend himself”.
12 Ibid., p. 156 : “Our speeches contained a summary of all the accusations we had levelled against Schweitzer. There were several violent interruptions, especially when we accused him of being a Government agent ; but I refused to withdraw anything… Schweitzer, who sat behind us when we spoke, did not utter a Word in reply. We left at once, some of the delegates guarding us against assault from the fanatical supporters of Schweitzer, amid a storm of imprecations, such as “Knaves !” “Traitors !” “Rascals !” and so forth. At the doors our friends me thus and took us under their protection, escorting us in safety to our hotel”.
13 Voir dans Nashe Slovo nº 2 : “Epitaphy for a living friend”.
14 La prétendue “Fraction interne du CCI” est un groupe parasite qui a été exclu du CCI en refusant de défendre ses positions et ses agissements devant la Commission d’investigation nommée par le 15e congrès du CCI. L’un de ses membres éminents, connu sous le nom de Jonas, avait été expulsé auparavant pour un comportement indigne d’un militantisme révolutionnaire.
Voir : “Conférence extraordinaire du CCI : Le combat pour la défense des principes organisationnels” et “Fraction interne du CCI : Tentative d’escroquerie vis-à-vis de la Gauche communiste”.
15 Voir : “Communiqué à nos lecteurs : le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois”.
16 Simon a été exclu au 11e Congrès du CCI pour comportements incompatibles avec le militantisme communiste.
17 Bureau Internacional pour le Parti Révolutionnaire, héritier de la tendance Damen du Parti communiste internationaliste, actuellement Tendance Communiste Internationaliste (TCI).
18 Voir notre article : “Conférence-débat à Marseille sur la Gauche communiste : le Docteur Bourrinet, un faussaire qui se prétend historien”.
19 Gulf Coast Communist Fraction.
20 Nous devons préciser ici que nous n’avons nullement l’intention de mettre sur le même plan le GIGC/Bourrinet et la GCCF. Le GIGC est un groupe parasite qui n’existe que pour attaquer le CCI. Même si nous avions publié un article pour dénoncer Mata Hari, ils diraient qu’ils “n’ont rien remarqué”, pour pouvoir passer directement à l’attaque contre nous. On peut dire la même chose de Bourrinet. La GCCF est un jeune groupe sans expérience et en quête de clarification, sensible aux basses flatteries de Gaizka et du GIGC/Bourrinet.
21 Traduit par nous de l’anglais : “we have nothing but condemnation for this egregious and immoral hit-piece of personalized gossips completely removed from a political terrain”.
22 “Questions d’organisation (partie IV) : la lutte du marxisme contre l’aventurisme politique”, Revue Internationale n° 88.
23 Ibid.
24 Ibid.
25 Voir la note 2.
26 Vpered (En Avant !) était un journal en russe édité en Grande-Bretagne, de tendance narodniki (populiste).
27 Lavrov Pyotr Lavrovich (1823-1900) philosophe, sociologue et journaliste russe se rattachant à la branche populiste ; il fut membre de la Ie Internationale et participa à la Commune de Paris.
28 En Allemagne, le rapport a été traduit sous le titre “Un complot contre l’Internationale” et c’est pour cela que dans les œuvres citées en langue anglaise, Engels fait référence sous cette dénomination au rapport de la commission d’investigation de La Haye, au lieu du titre “L’Alliance de la Démocratie Socialiste et l’Association Internationale des Travailleurs”, mais il s’agit bien du même rapport.
29 Engels fait ici référence à Pyotr Lavrov, mais comme il l’explique au début de l’article, afin de respecter l’anonymat que celui-ci lui demandait de respecter scrupuleusement et dont il se moque, puisque le vrai nom de l’éditeur de Vpered était bien connu, tant en Grande-Bretagne qu’en Russie, il désigne donc l’auteur sous le sobriquet de “l’ami Pierre”, un prénom très courant en Russie.
30 Engels, Refugiee Literature III, Marx/Engels Collected Works (2010), Lawrence & Wishart Electric Book, Vol. 24, pp. 21-22 (traduit de l’anglais par nous) : “The main charge, however, is that the report is full of private matters the credibility of which could not have been indisputable for the authors, because they could only have been collected by hearsay. How Friend Peter knows that a society like the International, which has its official organs throughout the civilised world, can only collect such facts by hearsay is not stated. His assertion is, anyway, frivolous in the extreme. The facts in question are attested by authentic evidence, and those concerned took good care not to contest them. But Friend Peter is of the opinion that private matters, such as private letters, are sacred and should not be published in political debates. To accept the validity of this argument on any terms is to render the writing of all history impossible.
Again, if one is describing the history of a gang like the Alliance, among whom there is such a large number of tricksters, adventurers, rogues, police spies, swindlers and cowards alongside those they have duped, should one falsify this history by knowingly concealing theindividual villainies of these gentlemen as “private matters”?… When, however, the Forward describes the report as a clumsy concoction of essentially private facts, it is committing an act that ishard to characterise. Anyone who could write such a thing had either not read the report in question at all ; or he was too limited or prejudiced to understand it ; or else he was writing something he knew to be incorrect. Nobody can read the “Komplott gegen die Internationale” without being convinced that the private matters interspersed in it are the most insignificant part of it, are illustrations meant to provide a more detailed picture of the characters involved, and that they could all be cut without jeopardising the main point of the report. The organisation of a secret society, with the sole aim of subjecting the European labour movement to a hidden dictatorship of a few adventurers, the infamies committed to further this aim, particularly by Nechayev in Russia – this is the central theme of the book, and to maintain that it all revolves around private matters is, to say the least, irresponsible”.
31 Partido Socialista Obrero Español (social-démocrate), actuellement au pouvoir.
32 Voir : “Qui est qui dans Nuevo Curso ?”.