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Nous publions ci-dessous un article réalisé par Acción Proletaria et Rivoluzione Internazionale, organes de presse du CCI en Espagne et en Italie, qui démontre que dans tous les pays, face à la pandémie, la bourgeoisie étale son incurie criminelle et son mépris pour la vie des travailleurs.
L’État capitaliste se présente aujourd’hui comme notre “sauveur”. C’est une arnaque de la pire espèce. Face à l’avancée de la pandémie, qu’ont-ils fait ? Le pire ! Partout, dans tous les pays, ils ont pris les mesures au dernier moment, contraints et forcés face à l’amoncellement de morts ; ils ont maintenu des millions de travailleurs sur leur lieu de travail, sans masque, sans gel, sans gants et entassés. Pourquoi ? Pour continuer de produire, coûte que coûte ! Ils espéraient ainsi gagner des parts de marché face à la concurrence de leurs rivaux en difficulté ! “La Chine est à terre ? Produisons !”, “L’Italie est à terre ? Produisons !”, et ainsi de suite. Même sous la vague de l’épidémie, lorsque le confinement est déclaré, la pression pour soutenir “la santé de l’économie” et les “entreprises qui souffrent” ne cessent pas ! Les déclarations de Trump ou de Bolsonaro sur “l’économie avant tout” ne sont que la caricature de la politique assassine des dirigeants de tous les gouvernements de la planète.
Ce faisant, chaque bourgeoisie nationale met en fait sa propre activité en danger en favorisant la propagation du virus. En riposte, un certain nombre de grèves sont apparues en Italie, en Espagne, en Belgique, en France, aux États-Unis, au Brésil, au Canada… Certes, ces luttes sont limitées, comment pourrait-il en être autrement avec le confinement et l’impossibilité de se rassembler ? Mais justement, leur existence dans plusieurs pays dans ces conditions extrêmement difficiles pour la lutte de classe démontre que, dans certaines parties de la classe ouvrière, existe une résistance au “sacrifice” exigé, à l’idée de servir de chair à canon pour les intérêts du capital. Nous ne pouvons pas nous en remettre à l’État capitaliste qui profite de son rôle de “coordinateur” dans la lutte contre la pandémie pour renforcer davantage son contrôle totalitaire, l’atomisation, l’individualisme et développer une idéologie d’union nationale et même de guerre.
Plus que jamais, cette pandémie nous offre une alternative claire : soit nous laisser emporter par la barbarie du capitalisme, soit contribuer patiemment et avec une vision d’avenir à la perspective de la révolution prolétarienne mondiale.
Aujourd’hui, les rues de Madrid offrent le spectacle du ballet ininterrompu d’ambulances hurlantes, du chaos des services de santé et de douleurs comparables à celle des attentats d’Atocha en 2004 (193 morts et plus de 1 400 blessés). Mais, cette fois, il s’agit d’une pandémie qui a déjà fait 2 300 morts et près de 35 000 personnes infectées en Espagne selon les chiffres officiels, une épidémie qui se propage à une vitesse supérieure à celle atteinte en Italie qui, il y a quelques jours, avait déjà battu tous les records en termes de décès quotidiens (651). Sa létalité (plus de 7 000 décès) fait d’ores et déjà considérer cette épidémie comme la pire catastrophe sanitaire dans les deux pays depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces pays ne sont que les signes annonciateurs de ce qui attend probablement les populations des métropoles comme New York, Los Angeles, Londres, etc. Une réalité qui sera encore pire lorsque cette épidémie frappera plus durement l’Amérique latine, l’Afrique, et d’autres régions du monde où les systèmes de santé sont encore plus précaires ou carrément inexistants.
Mais auparavant, pendant des semaines, les dirigeants d’Espagne et d’Italie, – tout comme en France (comme nous l’avons montré dans l’article de notre publication en français)[1] et sans aucun doute d’autres puissances capitalistes, – pouvaient parfaitement imaginer les dégâts que cette épidémie allait causer. Pourtant, comme les autres États capitalistes (pas seulement le populiste Johnson en Grande-Bretagne ou Trump aux États-Unis), ils ont décidé de placer les besoins de l’économie capitaliste avant la santé de la population. Désormais, dans leurs discours histrioniques et hypocrites, ces dirigeants se disent prêts à tout pour protéger la santé de leurs citoyens, et ils accusent le “virus”, contre lequel ils prétendent avoir “déclaré la guerre”.
Mais la responsabilité des décès causées par la pandémie est entièrement imputable aux conditions sociales, à un mode de production qui, au lieu d’utiliser le développement des forces productives, des ressources naturelles, de l’avancement des connaissances pour favoriser la vie, immole la vie humaine et la nature sur l’autel de la loi du profit.
La classe exploitée est la principale victime de cette pandémie
On nous martèle que cette pandémie affecte tout le monde sans distinguer les riches ou les pauvres. Ils diffusent les cas de certaines “célébrités” touchées ou même tuées par le Covid-19. Mais de telles anecdotes sont mises en avant pour cacher que ce sont les conditions d’exploitation des travailleurs qui expliquent la montée et la propagation de cette pandémie.
Premièrement, en raison des conditions de surpopulation des quartiers dans lesquels les exploités doivent vivre, qui sont un terreau propice à la propagation des épidémies. Ceci est facilement vérifiable vu l’incidence plus élevée de cette pandémie dans les régions industrielles à forte concentration humaine (Lombardie, Vénétie et Émilie-Romagne en Italie, Madrid, Catalogne et Pays basque en Espagne), que dans les régions moins peuplées (Sicile, Andalousie) à cause de ces mêmes besoins d’exploitation. L’aggravation du problème du logement des travailleurs accentue encore cette vulnérabilité. Dans le cas de Madrid, les hôpitaux qui souffrent de la plus grande saturation et dont les services s’effondrent, correspondent essentiellement à ceux qui desservent la population des villes industrielles du sud. Dans les logements vétustes et surpeuplés, il est également plus difficile de supporter la quarantaine décrétée par les autorités sanitaires. Dans les “chalets” de Somosierra ou les villas de la ville de Nice où Berlusconi se réfugie avec ses enfants, l’isolement est plus supportable. Les exploiteurs cherchent ainsi, et avec quel cynisme, à se vanter de “leur sens civique”.
Ne parlons pas des répercussions sur la population vivant d’emplois précaires qui doivent, en plus, s’occuper de jeunes enfants ou de personnes âgées qui sont entassées dans de tels types de logements. Le cas des personnes âgées est particulièrement scandaleux qui, après avoir été exploitées tout au long de leur vie, sont aujourd’hui contraintes de vivre seules, ou négligées dans des “résidences” régies par les seules lois du profit capitaliste. Avec un soignant pour 18 patients en moyenne, les maisons de retraite sont devenues l’une des principales sources de propagation de la pandémie, comme on l’a vu en Espagne non seulement parmi les prétendus “pensionnaires”, mais aussi parmi ceux qui y travaillent et qui, avec des contrats temporaires et des salaires de misère, ont été contraints de s’occuper de patients à risque, souvent sans mesures minimales d’autoprotection. La situation est identique en France, jusqu’à récemment présentée comme un modèle étatique de protection sociale. En Espagne, le comble a été atteint pour des patients hospitalisés, qui doivent rester isolés dans leurs chambres à côté des cadavres de leurs compagnons d’infortune décédés, car les services funéraires sont débordés ou manquent de mesures d’autoprotection qui ne suffisent pas à recueillir les dépouilles mortelles. De même, les transferts vers des hôpitaux totalement saturés sont retardés et l’avenir qui attend les malades est, dans de nombreux cas, d’être relégués comme patients de troisième ou quatrième catégorie, par les règles d’un “tri” déterminées en considération des ressources matérielles et personnelles et des critères du rapport coûts/bénéfices. Ces critères constituent de véritables atteintes à la dignité humaine et à la vie, aux instincts sociaux qui ont permis à l’humanité de se développer, et qui aujourd’hui sont mis en place, ouvertement, par les autorités italiennes, espagnoles, françaises, etc.
On peut ajouter à cela la surexploitation et la surexposition au virus désormais bien connues des travailleurs de la santé qui concentrent à eux-seuls entre 8 et 12 % des cas d’infections : plus de 5 000 seulement en Espagne. Même ces statistiques sont en fait largement tronquées, car une bonne partie de ces travailleurs n’ont pas pu être testés pour savoir s’ils sont infectés ou non par le coronavirus. Pourtant, ils sont obligés de travailler sans les gants, masques et blouses de protection nécessaires, qui ont été considérés comme des dépenses “superflues” pour les budgets de santé et le fonctionnement de l’économie capitaliste. Comme dans les hôpitaux, les lits de soins intensifs, les respirateurs, la recherche sur les coronavirus, les remèdes et les vaccins possibles,… tout cela a été sacrifié au nom de la rentabilité de l’exploitation. Aujourd’hui, les cahiers de doléances médiatisées, en particulier véhiculées par les personnalités politiques de “gauche”, tentent de détourner la colère de la population contre la “privatisation” du système des soins de santé. Mais quel que soit le propriétaire de l’hôpital, du laboratoire pharmaceutique ou de la maison de retraite, la vérité est que la santé de la population est soumise à la règle du profit que peut retirer une minorité exploiteuse au détriment de l’ensemble de la société.
La défense de la vie contre les lois de l’exploitation
La dictature des lois du capital sur les besoins humains s’est clairement révélée dans la mise en place des mesures de quarantaine et de confinement en Italie, en Espagne et en France, pays qui ont imposé des restrictions draconiennes pour faire les courses, supprimer les visites aux personnes âgées, isoler des enfants ou des patients en situation de handicap, mais qui ont néanmoins été totalement laxistes sur d’autres déplacements pour inciter la population à se rendre sur les chantiers de construction, pour charger les navires avec des conteneurs de toutes sortes de matériaux, pour maintenir coûte que coûte la production dans différentes usines (textile, appareils électroménager, chaînes d’automobiles, etc.). Et pour “sécuriser” ces conditions d’exploitation, tout en poursuivant quelques “joggers” ou ouvriers qui prennent la voiture en petits groupes pour se rendre au travail (et économiser une partie des frais de déplacement), l’utilisation du métro ou des transports en commun est autorisée jusque dans les banlieues pour que “la production nationale” se poursuive. De nombreux travailleurs sont scandalisés par le cynisme criminel de la bourgeoisie et expriment leur colère à travers les réseaux sociaux, car dans les conditions actuelles, il est impossible de le faire ensemble dans la rue ou dans les assemblées. Ainsi, face à la campagne assurée par les principaux médias avec le slogan “Restez chez vous !”, un hashtag tout aussi populaire a été lancé #Je-ne-peux pas-rester-à-la-maison à travers lequel s’expriment des livreurs (Deliveroo, Uber), des aides à domicile, des travailleurs du vaste secteur de l’économie souterraine, etc.
Des protestations et des grèves ont également éclaté contre le maintien du travail dans des conditions qui méprisent la vie et la sécurité des travailleurs. Comme il a été crié lors des manifestations en Italie : “Vos profits valent plus que notre santé !”
En Italie, cette colère a explosé depuis le 10 mars à l’usine FIAT de Pomigliano où 5 000 travailleurs sont présents quotidiennement. Les ouvriers se sont mis en grève pour protester contre les conditions précaires dans lesquelles ils ont été contraints de travailler. Dans d’autres usines du secteur de la métallurgie, à Brescia, par exemple, les ouvriers ont posé un ultimatum aux entreprises pour qu’elles adaptent la production aux besoins de la protection des travailleurs, en menaçant de se mettre en grève. Finalement, les entreprises ont décidé de fermer les usines. Et lorsque, plus récemment, le 23 mars, un décret ultérieur du Premier ministre Conte a donné le feu vert à la poursuite du travail dans des industries pas forcément essentielles, des grèves spontanées ont de nouveau éclaté, ce qui a conduit le syndicat CGIL à faire semblant d’appeler à une “grève générale”.
En Espagne, cela a commencé dans l’usine Mercedes de Vitoria, après l’apparition de cas d’infection par le Covid-19 lorsque les travailleurs ont décidé d’arrêter immédiatement le travail. La même chose s’est produite dans l’usine de produits électroménagers Balay à Saragosse (1 000 travailleurs) ou dans l’usine Renault de Valladolid. Il faut dire que, dans bien des cas, c’est l’entreprise elle-même qui a décidé un lock-out (comme à Airbus à Madrid, à la SEAT à Barcelone ou chez Ford à Valence dans la même période, puis chez PSA à Saragosse ou chez Michelin à Vitoria) pour que ce soient les caisses de l’État (autrement dit la plus-value extraite de la classe ouvrière dans son ensemble) qui assument le paiement d’une partie du salaire de ses travailleurs, alors qu’en réalité, avant la pandémie, il y avait déjà des plans de licenciement (dans les usines Ford ou chez Nissan à Barcelone).
Mais il y a aussi des manifestations ouvertes de combativité de classe comme la grève sauvage, c’est-à-dire en marge et contre les syndicats, qui a eu lieu dans les bus à Liège (Belgique) contre l’irresponsabilité de l’entreprise de faire travailler ses employés restant exposés à la contagion, alors que la Belgique avait été l’un des premiers pays à promulguer une fermeture du pays. Il en va de même, par exemple, du personnel de la boulangerie Neuhauser et des chantiers navals ou de la société SNF à Andrézieux (près de Lyon). En France, il y a eu des expressions très dures de protestation dans les chantiers navals de Saint-Nazaire. C’est ainsi qu’un travailleur de ces chantiers navals s’est exprimé à la télévision : “Je suis obligé de travailler dans des espaces confinés avec 2 ou 3 collègues dans des cabines de seulement 9 m² et sans aucune protection. Ensuite, je dois retourner chez moi où ma femme et mes enfants sont confinés. Et je me demande avec angoisse si je ne représente pas un danger pour eux. Je ne peux pas supporter cela”.
Au fur et à mesure que l’épidémie se propage avec ses effets désastreux sur les travailleurs, des foyers, même minoritaires, de protestations ouvrières naissent de cette imposition de la logique et des besoins de l’exploitation capitaliste : nous l’avons vu à la FIAT-Chrysler des usines de Tripton (dans l’Indiana) qui protestaient contre le fait de devoir se rendre au travail quand il est interdit de se réunir en dehors des usines. Des réactions similaires ont pu être observées dans les usines de Lear à Hammond, également dans l’Indiana, dans les usines FIAT de Windsor (Ontario au Canada), ou dans l’usine de camions Warren dans la périphérie de Détroit. Les chauffeurs de bus de la ville de Detroit ont également interrompu leur travail jusqu’à ce que l’entreprise leur assure un minimum de sécurité au travail. Il est très significatif que, dans ces luttes aux États-Unis, les travailleurs aient dû imposer leur décision de cesser de travailler contre la consigne donnée par le syndicat (en l’occurrence l’UAW) qui les a encouragés à continuer de travailler afin de ne pas nuire aux intérêts de l’entreprise.
Dans le port de Santos (Brésil), des travailleurs ont manifesté contre les obligations imposées par les autorités de se rendre au travail. Également dans ce pays, il y a une préoccupation croissante parmi les travailleurs des usines Volkswagen, Toyota, GM, etc. contre le fait de devoir poursuivre la production comme s’il n’y avait pas de pandémie.
Si limitées que soient ces protestations, elles constituent une part importante de la réponse de classe du prolétariat à la pandémie, qui a indubitablement un caractère de classe contre le capitalisme. Même sur un terrain purement défensif, les exploités refusent d’accepter d’être réduits à de la chair à canon pour les intérêts de leurs exploiteurs.
La réponse de la bourgeoisie : hypocrisie et totalitarisme d’État
La bourgeoisie elle-même est consciente du potentiel de développement de la combativité et de la conscience du prolétariat que contient cette accumulation d’agitation, d’indignation et de sacrifices qui sont exigés des travailleurs. Désormais, même les principaux protagonistes de “l’austéricide”[2] (comme Merkel, ou Berlusconi, ou l’espagnol Luis de Guindos) sont plein la bouche de promesses d’aide sociale. Mais les armes de la classe exploiteuse restent les armes traditionnelles de toute l’histoire de la lutte des classes : tromperie et répression.
L’hypocrisie des campagnes d’applaudissements a été programmée et organisée partout en faveur des travailleurs du secteur sanitaire. Bien sûr, ces prolétaires méritent toute la reconnaissance et la solidarité car ce sont essentiellement eux qui, avec leurs efforts et leur soutien, essaient de maintenir les soins de santé à flot. Ils le font depuis des années contre les suppressions d’emplois et la détérioration des ressources matérielles. Ce qui est d’un cynisme répugnant, c’est de voir comment les autorités gouvernementales qui ont précisément créé ces conditions de surexploitation et d’impuissance de ces travailleurs, cherchent à associer leur prétendue “solidarité” avec l’idée que nous devrions tous nous sentir embarqués dans le même bateau, en chantant l’hymne national et en exaltant les valeurs nationalistes comme réponse à la propagation de la pandémie. Le nationalisme dégoûtant de ces “mobilisations” promues par les propres organes de l’État tente de cacher qu’il ne peut y avoir le moindre intérêt commun entre exploiteurs et exploités, entre capitalistes et personnes affectées par la dégradation des infrastructures sanitaires, entre ceux qui ne se préoccupent que du maintien de la production et de la compétitivité du capital national et ceux qui placent le respect de la vie et des besoins humains au premier plan. La “patrie” n’est qu’un énorme bobard pour les travailleurs, qu’elle soit mise en avant par des fractions populistes comme Salvini et Vox, ou par des chantres de la démocratie comme Podemos, Macron et autres Conte.
Au nom précisément de cette mensongère “solidarité nationale”, les citoyens sont appelés à dénoncer les personnes qui “outrepassent” la quarantaine, favorisant un climat de “chasse aux sorcières” envers des mères d’enfants autistes ou des couples âgés qui font du shopping ou même du personnel de santé se rendant dans les hôpitaux. Il est particulièrement cynique de blâmer quelques “contrevenants” pour la propagation de la pandémie, pour les décès causés par celle-ci ou pour le stress subi par le personnel soignant.
Il n’y a rien de plus antisocial (c’est-à-dire contraire à la communauté humaine) que l’État capitaliste qui défend précisément les intérêts de classe de la minorité exploiteuse, et qui le cache précisément avec la feuille de vigne de cette prétendue et fausse solidarité. De façon doublement hypocrite et criminelle, la bourgeoisie essaie d’utiliser le désastre causé par l’incurie de l’État capitaliste qui défend ses sordides intérêts de classe, comme un moyen d’opposer certains travailleurs à d’autres. Si les employés de l’hôpital refusent d’accepter de travailler sans moyens de protection, ils sont dénoncés comme étant “non solidaires” et menacés de sanctions, comme cela a été récemment le cas avec le licenciement du directeur médical de l’hôpital de Vigo (Galice) pour avoir osé dénoncer le “bla-bla” des politiciens bourgeois concernant les mesures de protection. Le gouvernement de Valence (les mêmes partis que la coalition “progressiste” qui gouverne l’Espagne) menace de censurer les images qui montrent l’état de santé désastreux dans cette région, invoquant le droit à la “vie privée” des patients lorsqu’ils sont entassés dans les services d’urgence !
Si les travailleurs de la compagnie municipale de transports funéraires refusent de travailler sans protection avec les cadavres tués par le Covid-19, ils sont accusés d’être ceux qui empêchent la famille, les proches, les amis d’assister aux funérailles et de faire le deuil du défunt… Comme avec les conditions de logement ou comme lorsqu’ils nous font nous déplacer comme du bétail dans les transports en commun vers les lieux de travail, comme sur les lieux mêmes de travail où l’ergonomie est conçue en fonction de la productivité et non de la physiologie des travailleurs, ceux tués par le coronavirus sont aussi entassés dans des bâtiments transformés en morgues de masse improvisées comme le Palacio de Hielo (Palais de Glace) à Madrid.
Tout l’étalage de cette brutalité inhumaine nous est cependant présenté comme le summum de l’union de toute la société. Ce n’est pas un hasard si dans les conférences de presse du gouvernement espagnol, face aux questions angoissées qui sont posées (“quand arriveront les tests ? Et les masques ? Et les respirateurs ?”), on a invariablement la même réponse imperturbable et évasive du ministre de la Santé : “Dans les prochains jours…”) alors qu’à ses côtés apparaissent les généraux de l’armée, de la police, de la garde civile, bardés de toutes leurs médailles. Le but est d’imprégner les esprits de la population et la plonger dans une ambiance militariste bien connue : “Obéissez sans poser de questions”. La bourgeoisie profite également de l’occasion pour habituer la population à toutes sortes de restrictions aux dites “libertés civiles”, cela à la discrétion de l’Autorité gouvernementale, avec des effets hautement discutables, mais qui favorisent l’autodiscipline sociale et la délation comme nous l’avons vu précédemment et qui sont présentées comme le seul rempart contre les maladies et le chaos social. Ce n’est pas non plus par hasard que la bourgeoisie occidentale exprime aujourd’hui une fascination non dissimulée pour le contrôle que certains régimes totalitaires, comme celui du capitalisme chinois,[3] exercent sur la population. Si aujourd’hui le succès de “la mise en quarantaine” en Chine contre le coronavirus est autant salué, c’est aussi pour camoufler leur admiration pour les instruments de ce contrôle totalitaire de l’État (reconnaissance faciale, suivi des mouvements et rencontres de personnes, utilisation de ces informations pour classer la population en catégories selon leur niveau de “dangerosité sociale”), et pour être en mesure, à l’avenir, de présenter ces moyens d’un plus grand contrôle totalitaire de l’État exploiteur comme le moyen le plus efficace de “protéger la population” contre les épidémies et autres produits du chaos capitaliste.
La seule alternative, c’est le communisme
Nous avons montré comment, face à une crise sociale, se révèle l’existence de deux classes antagonistes : le prolétariat et la bourgeoisie. Qui est en train d’organiser le meilleur des efforts de l’humanité pour essayer de limiter l’impact de l’épidémie ? C’est essentiellement le travail des services sanitaires, des chauffeurs des transports en commun, des ouvriers des supermarchés et de l’industrie alimentaire qui ont constitué la planche de salut à laquelle se cramponne l'État en pleine débâcle. Il a été démontré une fois de plus que le prolétariat est, au niveau mondial, la classe productrice de la richesse sociale, et que la bourgeoisie est une classe parasite qui profite de cette démonstration de ténacité, de créativité, de travail d’équipe dans le but de faire fructifier son capital. Chacune de ces classes antagonistes offre une perspective complètement différente par rapport au chaos mondial dans lequel le capitalisme a plongé l’humanité aujourd’hui : le régime d’exploitation capitaliste précipite l’humanité dans toujours plus de guerres, d’épidémies, de misère, de désastres écologiques ; la perspective révolutionnaire libère l’espèce humaine de sa soumission aux lois de l’appropriation privée par une minorité exploiteuse.
Mais les exploités ne peuvent échapper individuellement à cette dictature. Ils ne peuvent échapper par des actions particulières aux orientations chaotiques d’un État qui agit, en effet, au profit d’un mode de production qui domine le monde entier. Le sabotage ou la désobéissance individuelle est le rêve impossible de classes qui n’ont aucun avenir à offrir à l’humanité dans son ensemble. La classe ouvrière n’est pas une classe de victimes impuissantes. C’est une classe qui porte en elle la possibilité d’un monde nouveau libéré précisément de l’exploitation, des divisions entre classes et nations, de la sujétion des besoins humains aux lois de l’accumulation.
Un philosophe (Buyng Chul Han) très à la mode pour sa description du chaos provoqué par les relations sociales capitalistes actuelles a récemment déclaré que “nous ne pouvons pas laisser la révolution au virus”. C’est certain. Seule l’action consciente d’une classe mondiale pour éradiquer consciemment les racines de la société de classe peut constituer une véritable force révolutionnaire.
Valerio, 24 mars 2020
[2] C’est le nom sous lequel avaient été “popularisées” les mesures décrétées par l’Union européenne face à la crise de 2008 et qui impliquaient, entre autres, un démantèlement des structures de santé.
[3] Évidemment pour le communisme authentique, la Russie, la Chine, Cuba et leurs variantes ne sont que l’expression extrême du caractère totalitaire de la forme de domination universelle du capitalisme d’État dans la période de décadence du capitalisme.