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Le mouvement contre la réforme des retraites a été mené de bout en bout sous le contrôle des syndicats. Ce sont eux qui ont appelé à la grève, eux qui ont choisi et organisé les journées d’action, eux qui ont dirigé les rares assemblées générales. Et ce sont eux qui nous ont menés volontairement à la défaite. Il ne faut pas être naïf, le gouvernement et les syndicats se sont concertés durant 2 ans… pour se préparer et parvenir à faire passer cette réforme !
Face au danger d’une reprise de la lutte de classe…
Le gouvernement devait se donner toutes les garanties pour que cette attaque de grande ampleur, annoncée par Macron en 2017 comme un véritable “big bang”, ne provoque pas une riposte massive de toute la classe ouvrière. Philippe s’est donc appuyé sur la collaboration des “partenaires sociaux” que sont les syndicats pour saboter l’inévitable explosion de colère de l’ensemble des travailleurs.
Cette attaque générale contre toute la classe ouvrière ne pouvait en effet que déclencher une réaction d’indignation et de colère spontanée dans un secteur particulièrement combatif, celui des transports. Pour les cheminots, “trop, c’est trop” : après avoir mené plusieurs mouvements ces dernières années, notamment la “grève perlée” de 2018, contre la dégradation de leurs conditions de travail, contre la remise en cause de leur statut, et où ils n’avaient rien obtenu, l’attaque contre leur régime de retraite ne pouvait déboucher que sur une volonté de repartir en lutte de façon encore plus déterminée avec le mot d’ordre : “Maintenant ça suffit ! On ne lâchera rien !”. Cette combativité dans le secteur des transports risquait de déboucher sur une explosion incontrôlable avec le danger de faire tache d’huile du fait que l’attaque générale contre les retraites a soulevé une colère générale de toute la classe ouvrière.
La classe dominante dispose de multiples moyens pour “tâter le pouls” du mécontentement social (dans un pays où Macron, le “Président des riches”, est devenu l’homme le plus détesté dans la majorité de la population) : sondages d’opinion, enquêtes de police pour “prendre la température” des secteurs “à risque”, et en premier lieu la classe ouvrière. Mais l’instrument le plus important de ce “thermomètre social” est constitué par l’appareil syndical qui est bien plus efficace encore que les sociologues des instituts de sondage ou que les fonctionnaires de police. En effet, cet appareil a comme fonction d’être l’instrument par excellence d’encadrement des exploités au service de la défense des intérêts du Capital. L’appareil syndical de l’État capitaliste dispose d’une expérience de près d’un siècle. Il est particulièrement sensible à l’état d’esprit des travailleurs, à leur volonté et à leur capacité d’engager des combats contre la bourgeoisie. Ce sont les forces d’encadrement de la classe ouvrière qui sont chargées d’avertir en permanence les patrons et le gouvernement du danger représenté par la lutte de classe. C’est d’ailleurs à cela que servent les rencontres et concertations périodiques entre les dirigeants syndicaux et le patronat ou le gouvernement : élaborer ensemble, main dans la main, la meilleure stratégie permettant au gouvernement et au patronat de porter ses attaques contre la classe ouvrière avec le maximum d’efficacité.
Les syndicats ont parfaitement compris que la classe ouvrière en France n’était plus disposée à courber encore l’échine et à encaisser sans broncher de nouvelles attaques. La classe dominante sait également que le prolétariat n’a aujourd’hui plus la moindre illusion sur une possible “sortie du tunnel” : tous les travailleurs ont maintenant conscience que “ça va être de pire en pire” et qu’ils n’auront pas d’autre choix que de se battre pied à pied tous ensemble pour défendre leurs conditions de vie et l’avenir de leurs enfants. Ainsi, la côte de popularité du mouvement des Gilets jaunes contre “la vie chère” et la misère, il y a tout juste un an, a été un bon indicateur de la colère qui grondait dans les entrailles de la société : 80 % de la population disaient soutenir, comprendre ou avoir de la sympathie pour ce raz-de-marée anti-Macron (même si la classe ouvrière ne se reconnaissait pas dans les méthodes de contestation (1) de ce mouvement interclassiste initié par les petits patrons asphyxiés par les taxes sur le carburant). La bourgeoisie, avait donc parfaitement perçu, ces deux dernières années, une véritable montée de la combativité ouvrière. La ténacité des urgentistes ou des postiers, en grève durant des mois, en était aussi un indice. La multiplication des luttes dans les secteurs de la grande distribution, des chauffeurs de bus ou dans l’aviation en était un autre.
Face à l’accumulation de mécontentement des exploités, la bourgeoisie française devait donc “accompagner” l’application de la réforme des retraites d’un “pare-feu” pour canaliser, encadrer, diviser, épuiser la riposte inévitable du prolétariat.
… gouvernement et syndicats ont manœuvré ensemble !
Haïs aujourd’hui au sein des cortèges des manifestants pour avoir “poignardé le mouvement dans le dos”, la CFDT et l’UNSA ont parfaitement joué leur rôle de “syndicats responsables et réformistes”. Ce fut une vraie pièce de théâtre (2) :
– Acte 1 : la CFDT tricote un texte avec le gouvernement durant 2 ans en affirmant qu’elle veut un régime universel “juste et équilibré” mais qu’elle refuse la notion d’ “âge pivot”, véritable provocation qui n’a pour raison d’être que de focaliser sur elle toute la colère et ainsi détourner l’attention du sujet véritable, l’attaque générale contre les retraites ; le gouvernement réfléchit.
– Acte 2 : le 11 décembre, le gouvernement annonce officiellement… roulement de tambours… que l’âge pivot sera finalement dans la réforme ; la CFDT est vent debout, parce que la “ligne rouge” a été franchie, et rejoint le “front syndical”, tout l’espace médiatique est occupé par ce “débat” : âge pivot ou pas. Les gens de théâtre appellent ce moment “jouer la grande scène du II”.
– Acte 3 : finalement, ô grande surprise, le vendredi 10 janvier, à Matignon, le gouvernement recule sur “l’âge pivot” ; la CFDT et l’UNSA crient à la victoire et quittent le mouvement.
Les spectateurs repartent avec dans leur poche le “système de retraite à points”, c’est-à-dire des années de travail en plus et une pension de retraite rabotée.
Il y a 25 ans, le gouvernement Juppé avait usé peu ou prou de la même stratégie : mener une attaque générale contre la classe (la réforme de la Sécurité sociale qui signifiait une dégradation de l’accès aux soins pour tous) et une attaque spécifique contre un secteur particulier (la réforme du régime spécial des cheminots, qui leur imposait de travailler 8 ans de plus !). Après un mois de grève, avec des cheminots ultras-combatifs à la pointe du mouvement, Juppé avait reculé et les syndicats avaient crié à la victoire… le statut des cheminots était sauvé. Ce secteur, véritable “locomotive” de la contestation sociale, rentrait donc en gare, en reprenant le travail et en sonnant ainsi la fin du voyage, celle du mouvement, pour tous. Ainsi le gouvernement pouvait maintenir sa réforme de la sécurité sociale.
Cette manœuvre, éculée, semble moins bien fonctionner aujourd’hui. Personne ne crie victoire, mis à part la CFDT et l’UNSA, donc. Tout le monde dénonce ce piège pour ce qu’il est : une fumisterie, un stratagème pour faire passer la pilule. Même dans la presse, le secret est éventé.
Si donc, malgré leur détermination, les centaines de milliers de manifestants cessent aujourd’hui peu à peu le combat sans que le gouvernement ait retiré son attaque générale contre les retraites, c’est que la manœuvre était plus ample et complexe. Aux côtés des syndicats “réformistes”, les “radicaux”, la CGT, FO et Solidaires, ont tenu leur rôle pour isoler et épuiser les grévistes. Compte-tenu du niveau de colère et de combativité de notre classe, cette usure programmée a simplement été plus longue que prévue. Il a même fallu tout le savoir-faire de ces spécialistes du sabotage des luttes pour parvenir à leurs fins.
Septembre
Dès la rentrée de septembre, la campagne sur la réforme des retraites est officiellement lancée. FO, Solidaires et la CGT font feu de tout bois. Comment ? Par la multiplication des journées d’action sectorielles. À chaque boîte, sa journée de grève et ses revendications spécifiques. “Chacun pour soi, les syndicats pour tous”. Le but est d’épuiser les velléités de luttes avant de lancer un mouvement plus ample et sous contrôle.
Seulement, cette dispersion organisée est très critiquée. Dans les manifestations, les ouvriers qui expriment leur mécontentement face à cette division ne sont pas rares, ils veulent que les syndicats rassemblent car “on est tous dans la même galère, il faut qu’on se batte tous ensemble”. L’annonce, le 20 septembre, de la grande manifestation unitaire du 5 décembre répond à cette poussée. Là encore, rien n’est laissé au hasard : cette date est choisie parce qu’elle est suffisamment lointaine (plus de deux mois) pour poursuivre, durant tout ce laps de temps, l’éparpillement et l’épuisement. Elle est aussi juste avant les fêtes de fin d’année et la fameuse trêve des confiseurs, propice à rendre tout blocage des transports impopulaire et à isoler les plus combatifs.
Octobre
Durant les mois d’octobre et de novembre, les syndicats “radicaux” poursuivent leur travail de sape par leurs grèves isolées et sectorielles. Alors que la colère ouvrière est palpable, dans de multiples secteurs, ils se gardent bien de proposer des AG ouvertes et rassemblant largement, d’unifier les entreprises et les secteurs entre eux par l’envoi de délégations massives pour discuter et étendre la grève. Rien de tout cela ! Juste des grèves et des actions isolées en attendant la promesse de la grande manifestation du 5 décembre. Mais cette stratégie d’épuisement et de démoralisation est une nouvelle fois insuffisante. La classe ouvrière continue de pousser, et la combativité de monter.
Le 16 octobre, les cheminots arrêtent brutalement le travail suite à un accident ferroviaire dans les Ardennes. Spontanément, en utilisant leurs téléphones, ils se préviennent les uns les autres et étendent ainsi la grève à toute une partie de la SNCF. Les agents d’Île-de-France se montrent particulièrement combatifs. Les lignes de RER sont bloquées. Les syndicats prennent le train en marche et chapeautent cette grève en appelant au “droit de retrait”. En d’autres termes : ils collent à la mobilisation qui se met en marche. La bourgeoisie goûtera peu cette autonomie ouvrière et cette dynamique de prise en main et d’extension de la lutte, au point que gouvernement et patronat dénoncent l’illégalité de cette “grève sauvage” et menacent de sanctions les grévistes. Ce qui permettra aux syndicats de reprendre définitivement le contrôle de la situation en s’érigeant comme protecteurs des grévistes et défenseurs du droit de grève. Durant ce mois d’octobre, la SNCF va en fait connaître un certain nombre de grèves sauvages, notamment dans le centre de maintenance de Châtillon où, sans l’avis des syndicats, 200 ouvriers sur 700 se regroupent pour se dresser contre des mesures qui aggravent les conditions de travail, mesures qui sont vite retirées afin de stopper la grève immédiatement et ainsi éviter que le mouvement ne soit connu et ne donne des idées aux travailleurs. (3)
Novembre
Les syndicats sont donc avertis, ils doivent se montrer plus combatifs et coller au mouvement afin d’en avoir le parfait contrôle. Le 9 novembre, la CGT rejoint l’UNSA-ferroviaire (4) et Sud/Solidaires, dans l’appel à la grève reconductible du 5 décembre. Elle annonce que cette action sera aussi menée à la SNCF. Puis la CFDT-cheminots annonce être aussi du mouvement. (5)
Mais derrière le “front syndical” et les discours sur l’unité de tous les secteurs, ils poursuivent tous dans les coulisses leur même travail de sape et de division. Leur sabotage de l’unité du mouvement dans le secteur hospitalier est particulièrement caractéristique : depuis le mois de mars, les syndicats et leurs “collectifs inter-urgences” mènent des actions ultra-corporatistes, séparant la contestation des urgentistes de tous les autres services hospitaliers. Mais sous la pression grandissante de la volonté de “se battre tous ensemble”, ils changent de discours et appellent à deux manifestations “unitaires”, les 14 et 30 novembre, unitaires à… la fonction hospitalière ! Cela afin de mieux séparer cette lutte du mouvement général contre la réforme des retraites, au nom de la “spécificité des hôpitaux” (et donc surtout mieux diviser). Cette décision syndicale engendrera une véritable bronca au sein des AG des agents hospitaliers et nombre d’entre eux se mobiliseront tout de même, hors des consignes syndicales, le 5 décembre.
Décembre
Lors des grandes manifestations de décembre, le besoin de solidarité entre les secteurs et les générations, de se battre tous ensemble, est repris par les slogans crachés par les haut-parleurs des camionnettes syndicales. Pour en faire quoi ? Rien. Juste répéter ces slogans en boucle lors de chaque journée d’action. Mais concrètement, chaque secteur est appelé à défiler dans son pré-carré syndical, parfois même délimité, parqué, coupé des autres, par une corde et un “service d’ordre”, l’ordre syndical. Aucun grand rassemblement pour discuter en fin de manifestation, alors que nombre de travailleurs en ont exprimé le souhait. Les syndicats et les flics dispersent les foules. Le temps presse : les cars doivent partir.
En cette mi-décembre, les cheminots de la SNCF et de la RATP en grève ont conscience que, s’ils restent isolés, le mouvement est voué à la défaite. Alors que font les syndicats ? Ils organisent un simulacre d’extension : quelques représentants CGT partent à la rencontre de quelques autres représentants CGT d’une autre entreprise.
Lors des manifestations du samedi, officiellement organisées par les syndicats afin de permettre aux salariés du privé de participer au mouvement, la CGT, FO et Solidaires ne font aucun effort de mobilisation en direction des entreprises. Au contraire, tout leur discours focalise sur le courage des cheminots “qui se battent pour nous tous”, sur la force de blocage de ce secteur (sous-entendant que les autres travailleurs sont impuissants) et la nécessité de les soutenir en… alimentant les caisses de solidarité organisées surtout par la CGT en lieu et place de la solidarité active des travailleurs dans la lutte et l’extension du mouvement (même s’il était compréhensible que tout le monde éprouve le besoin d’aider les cheminots financièrement du fait de leur perte d’un mois de salaire !). Tout au long de décembre, les syndicats cultivent la grève par procuration !
Ainsi, seuls en grève “illimitée”, les cheminots sont encouragés à tenir, “coûte que coûte” durant les 15 jours des fêtes de fin d’année avec le mot d’ordre : pas de trêve des confiseurs !
Janvier
Mais là encore, les médias qui dénoncent “la prise en otage des familles qui veulent simplement se réunir pour Noël”, ces deux semaines de “trêve” durant lesquelles les cheminots se battent seuls, ne suffisent pas à épuiser la colère et la combativité générale, ni à rendre la grève “impopulaire”.
Le 9 janvier, la nouvelle journée de mobilisation multisectorielle voit à nouveau des centaines de milliers de manifestants affluer, toujours aussi déterminés à refuser la réforme.
Le 10 janvier, Phillipe négocie avec les syndicats et annonce “un dialogue constructif et des avancées”, promettant de demander dès le lendemain au Président Macron s’il est possible de retirer “l’âge pivot”. Tous les syndicats saluent cette victoire, cette grande victoire pour la CFDT et l’UNSA, ce petit pas en avant pour la CGT, FO et Solidaire montrant que le gouvernement commencerait à reculer sous la pression de la rue et des grévistes du secteur des transports.
Le lendemain donc, nouvelle manifestation. Ce samedi 11 janvier, à Marseille, les syndicats organisent des animations en fin de manifestation, pour rendre impossible toute discussion. À Paris, ils laissent le champ libre aux policiers pour gazer une nouvelle fois, disperser, et même tabasser des manifestants. Il ne faut pas que ces derniers puissent débattre. Mais surtout, l’affluence ce jour-là est en très nette baisse, les trains commencent à reprendre les voies, l’usure se fait sentir, l’ambiance au sein des cortèges moins massifs est moins combative. Le coup d’estocade peut être porté. Philippe annonce le retrait de “l’âge pivot”… temporairement. Le timing est parfait.
L’appel des syndicats à l’extension… de la défaite !
Alors maintenant que le mouvement s’essouffle, que les grévistes cheminots n’en peuvent plus, financièrement exsangues, qu’ils reprennent peu à peu le travail, que font les syndicats “radicaux” ? Ils en appellent bien sûr à l’extension du mouvement qui est dans une dynamique de reflux, haranguant le privé de “prendre le relais”, dénonçant la “lâcheté de la grève par procuration” ! Il fallait entendre Monsieur Mélenchon, le 9 janvier, sur toutes les chaînes, lancer : “La grève par procuration, ça commence à bien faire, il faut que tout le monde s’y mette !”.
Maintenant, ils n’ont que les mots “assemblées générales souveraines” à la bouche pour faire croire qu’ils ne sont que les porte-paroles des ouvriers et que si certains continuent à s’épuiser seuls à être en grève, ils n’y peuvent rien, “c’est l’AG et la base qui décident si les cheminots veulent perdre encore des jours de salaire” (dixit le dirigeant de la CGT, Philippe Martinez sur les plateaux télé).
Maintenant, ils multiplient les actions pour mieux constater que les ouvriers ne veulent pas renforcer et généraliser la mobilisation et donc mettre sur leur dos la défaite ! Cette semaine, ce ne sont pas moins de trois journées d’action, les 14, 15 et 16 janvier, auxquelles les syndicats appellent alors même que les cheminots reprennent le travail progressivement.
Maintenant, le meneur de la CGT, Monsieur Martinez, faisant écho à celui du Parti La France Insoumise de Monsieur Mélenchon, est sur tous les plateaux, toutes les radios, et au milieu des grévistes pour dénoncer les violences policières… qui durent depuis des mois ! Alors que les syndicats (CGT en tête) ont laissé faire jusqu’à présent les tabassages de manifestants, les dispersions des fins de manifestations à coup de grenades lacrymogènes, sans broncher et sans protester. Il a fallu que Mélenchon se mette à appeler à la démission du Préfet de police de Paris pour que les syndicats se mettent aussi à crier à hue et à dia contre la répression des grévistes.
Maintenant, tous les syndicats vont jouer le jeu des négociations avec le gouvernement pour la “prise en compte de la pénibilité”, nouvelle étape pour un émiettement corporatiste du mouvement alors que tout le monde travaille sous pression et que l’exploitation est pénible pour tous ! Ce “volet des négociations” est sérieusement à l’étude avec un unique objectif : diviser, voire mettre en concurrence les ouvriers dans des négociations perdues d’avance, branche par branche, pour déterminer si tel travail est plus “pénible” que tel autre. Le “front syndical” fera sans doute belle figure lorsque la CGT-cheminots et la CFDT-Carrefour se tireront la bourre pour savoir qui a le travail le plus “pénible” !
Les syndicats avaient fait le même coup lors de la grève des cheminots de l’hiver 1986 en appelant à l’extension de la grève, à la fin du mouvement, alors que les cheminots commençaient à reprendre le travail. (6) En fait, ce que cherchent ces pompiers sociaux professionnels, c’est l’extension et le renforcement de la défaite pour couper l’herbe sous le pied et tenter de casser les reins de la classe ouvrière. Ceci afin de donner toutes les garanties au gouvernement pour que cette réforme puisse passer au Parlement sans difficultés (et ainsi permettre au gouvernement de faire passer d’autres attaques) !
Non, la classe ouvrière n’a pas à se laisser culpabiliser par les syndicats !
Non, ceux qui reprennent le travail ne sont pas des briseurs de grève !
Non, les secteurs qui ne sont pas rentrés en lutte n’ont pas manqué de courage et de solidarité !
Ce sont les syndicats, main dans la main avec le gouvernement, qui ont planifié et orchestré cette défaite !
Ce sont les syndicats, main dans la main avec le gouvernement, qui ont empêché toute unité possible, toute extension réelle du mouvement !
La classe ouvrière, au contraire, doit être consciente du pas qu’elle a fait. Après dix années d’atonie, suite au long mouvement appelé par tous les syndicats unis, épuisant et impuissant, de 2010, les travailleurs ont commencé à redresser la tête, à vouloir lutter ensemble, à vouloir s’unir, à se reconnaître comme des frères de classe. Ces derniers mois ont été animés par le développement de la solidarité entre les secteurs et entre les générations !
Voilà la victoire de ce mouvement car le vrai gain de la lutte, c’est la lutte elle-même où toutes les catégories professionnelles, toutes les générations se sont enfin retrouvées ensemble dans un même combat de rue contre une réforme qui est une attaque contre tous les exploités ! Et voilà ce que vont s’évertuer à vouloir effacer le gouvernement et les syndicats dans les semaines et les mois à venir.
À nous de nous rassembler pour débattre, discuter, tirer les leçons, pour ne pas oublier et, lors des luttes de demain, être encore plus nombreux et plus forts en commençant à comprendre et à déjouer les syndicats, ces professionnels… de la défaite. Ils seront toujours les derniers remparts de l’État dans les rangs ouvriers pour la défense de l’ordre capitaliste !
Léa, 14 janvier 2020
(1) L’occupation des ronds-points, l’agitation ostentatoire des symboles républicains et nationalistes tels que les drapeaux tricolores ou La Marseillaise.
(2) Cf. nos tracts dans lesquels nous annoncions la manœuvre dès le début du mois de décembre.
(3) La déclaration des ouvriers de Châtillon a été publiée dans le RI n° 479. En voici un très court extrait : “Nous agents grévistes du matériel au Technicentre de Châtillon, sur le réseau TGV Atlantique, avons cessé le travail massivement depuis lundi 21 octobre au soir, sans se concerter ou être encadrés par les syndicats. (…) Notre colère est réelle et profonde, nous sommes déterminés à nous battre jusqu’au bout de nos revendications, pour le respect et la dignité. …) Marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs ! Nous appelons l’ensemble des cheminots à relever la tête avec nous, car la situation aujourd’hui à Châtillon est en réalité le reflet d’une politique nationale”.
(4) … alors que l’UNSA des autres secteurs n’appelle pas à faire grève ! En fait, là aussi, l’UNSA-ferroviaire est contrainte de coller à la combativité du secteur sous peine d’être complètement discréditée.
(5) … alors qu’au niveau national, la CFDT n’appelle pas plus à la grève !
(6) Nous republions ci-contre un article tirant les leçons de cette lutte : “SNCF décembre 1986 : Les ouvriers peuvent se battre sans les syndicats”.