Regroupons nous ! Formons des comités de lutte

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Ne laissons pas la bourgeoisie occuper tout le terrain

Jamais les instruments de l'État, jour­naux, TVA, radio, n'avaient autant parlé de grèves, de possible "généralisation". Ja­mais les médias ne montrent autant de secteurs paralysés, de tonnes de sacs de tris postaux que pour mieux desservir la lutte ouvrière, que lorsqu'il s'agit de grè­ves manipulées, ficelées, incompréhensi­bles. Quoi de plus tangible et médiatisa­ble que ces infirmières enfermées dans un hyper-corporatisme,  crue ces camion­neurs PTT coincés dans une grève mino­ritaire et pendue d'avance ? Cette triste mise en scène minutieusement élabore par toutes les forces de la bourgeoisie ‑gouvernement, syndicats, gauchistes‑, où tous les secteurs, les uns après les autres sont poussés dans l'impasse des luttes minoritaires et isolées, pour ensuite re­prendre le travail, chacun dans son coin, épuisés, sans avoir rien obtenu, ne doit pas décourager les ouvriers qui ne se sont pas laissé duper par cette sinistre masca­rade. Elle ne doit pas paralyser tous ceux qui ne se reconnaissent ni dans les actions jusqu'auboutistes de la CGT, ni dans les discours lénifiants de Krasucki, ni dans les coordinations soi-disant "non syndi­cales".
Aujourd'hui, il est évident que ce sont toutes les forces d'encadrement de la. bour­geoisie qui occupent tout le terrain de la lutte. Engager le combat dans de telles conditions ne peut conduire qu'à se laisser prendre dans les nasses des syndicats et des coordinations. Ce ridant, face à cette situation, les ouvriers les plus combatifs et les plus conscients ne doivent pas céder à la passivité. Ils ne doivent pas céder à la pression bourgeoise qui ne vise qu'à leur inoculer un sentiment d'isolement, de désarroi, l'impuissance. Ils doivent, au contraire, briser cet étau, chercher à se regrouper, à nouer des contacts non seu­lement sur leur propre lieu de travail mais également entre les différentes entreprises et secteurs. Ils doivent tenter de constituer des comités de lutte ou rejoindre ceux existant déjà dans leur ville ou leur ré­gion.

Les ouvriers combatifs doivent se regrouper pour préparer…

Foncer tête baissée dans n'importe quelle aventure préconisée par les syndi­cats et les coordinations, c'est aller au casse-pipe et à la défaite paquet par pa­quet. Rester passif, isolé chacun dans son coin, c'est laisser les mains libres aux syndicats et aux gauchistes pour museler, ficeler, saucissonner la colère ouvrière. Il n'y a pas d'autre choix aujourd'hui que de se regrouper pour se préparer à reprendre le chemin de la lutte lorsque les condi­tions seront plus favorables, lorsque l'en­semble de la classe ouvrière aura digéré les manœuvres de sabotage auxquelles elle vient de se confronter. C'est pour cela qu'il est indispensable de discuter, de développer une réflexion collective à travers la confrontation des expériences et surtout de continuer à tirer les leçons des défaites passées. Car les questions qui se posent aujourd'hui à la grande majorité des ouvriers sont celles-ci : à quoi rime tout ce cirque pseudo-radical de la CGT ? D'où viennent toutes ces coordinations qui surgissent "spontanément" dans tous les secteurs en ébullition et, surtout, que faire, comment créer un rapport de force capable de repousser les attaques bour­geoises ?

Seule la discussion collective, la ré­flexion la plus large possible peuvent permettre aux ouvriers de sortir de l'im­passe dans laquelle les ont acculés toutes les forces d'encadrement capitalistes. L'expérience encore toute fraîche des comités de lutte qui ont surgi au lende­main de la lutte des cheminots de décem­bre 86 est là pour le confirmer. C'est en effet face au besoin ressenti par les ou­vriers de comprendre les raisons de la défaite des cheminots que se sont formés ces comités de lutte, notamment à Tou­louse, Marseille et dans la région pari­sienne [1]

De telles initiatives constituent, et doivent de plus en plus constituer, une étape importante dans le développement des luttes ouvrières. Elles correspondent à une tentative de prise de conscience col­lective des besoins et des moyens de la lutte. Elles participent d'un processus de mûrissement indispensable pour aller encore plus loin, pour tenter de surmonter les obstacles auxquels se heurtent les combats de classe aujourd'hui. Ainsi, ces comités de lutte, surgis au lendemain de la défaite des ouvriers de la SNCF, ont exprimé une claire volonté, un effort conscient de résister aux manœuvres syndicales (en particulier celles de la CGT) visant à étendre cette défaite à l'ensemble de la classe ouvrière. Ces comités ont compris, grâce à la réflexion collective, que c'est son enfermement corporatiste, son isolement quia porté un coup fatal à la formidable lutte des che­minots, de même qu'ils ont compris le rôle de sabotage joué par les structures para-syndicales qu'étaient les coordina­tions au sein de ce mouvement. En brisant l'isolement, en restant ouverts à tous ‑ouvriers actifs de différents secteurs ou au chômage, syndiqués ou non syndiqués, organisés ou non organisés‑ ces comités ont ainsi été capa­bles de tirer les leçons essentielles de la lutte des cheminots, et partant, de s'armer pour jouer un rôle actif dans toutes les luttes qui ont surgi ces derniers mois (Chausson, SNECMA, grève des hospita­liers...). Malgré leurs balbutiements, leurs hésitations, leurs erreurs ponctuelles, c'est cette réflexion, cette activité collective qui a permis à ces minorités combatives ne pas tomber dans tous les pièges de la bourgeoisie (coordi­nations, grèves minoritaires et jusqu'au­boutistes, fausse extension...).

La situation présente, n'est, bien sûr, nullement comparable à celle qui préva­lait au lendemain de la lutte des chemi­nots. Ce n'est pas, comme en 87, à une défaite ressentie par toute la classe ou­vrière que nous assistons aujourd'hui. II n'y a pas de défaite parce que le véritable combat n'a pas encore été engagé. Tel était le but de la gigantesque offensive de la bourgeoisie : étouffer dans l'œuf le surgissement d'une riposte généralisée de toute la classe ouvrière, miner le terrain à l'avance pour faire avorter la rentrée so­ciale (cf. p.1). C'est contre l'effet de dé­boussolement, d'épuisement de la comba­tivité ouvrière provoqué par la manœuvre bourgeoise, que doivent réagir les comités de lutte. Ils doivent se développer, se renforcer pour contrer cette attaque politi­que contre toute la classe ouvrière. Plus que jamais, les ouvriers combatifs doivent resserrer les rangs, se regrouper pour ne pas laisser la bourgeoisie occuper tout le terrain, pour préparer le vrai combat en continuant à tirer les leçons des défaites passées : toute lutte qui ne s'élargit pas immédiatement aux autres secteurs est vouée à l'échec ; il faut que l'ensemble des ouvriers en lutte se donnent les moyens d'étendre et d'unifier leurs combats en se détournant des actions proposées par les syndicats et les coordinations, en prenant eux-mêmes en charge la direction de la lutte.

Telles sont les bases sur lesquelles doit se constituer et se renforcer la ré­flexion au sein des comités de lutte au­jourd'hui.

... Et impulser les luttes à venir

S'il est indispensable pour les ouvriers les plus combatifs de briser l'isolement, de se mobiliser dès aujourd'hui au sein des comités de lutte, leur rôle ne se limite pas seulement à une simple réflexion en elle-même et pour elle-même. Il consiste aussi et surtout à faire fructifier sur le terrain cette réflexion, en étant partie prenante de toutes les luttes de la classe ouvrière. Ainsi, la finalité de cette néces­saire réflexion collective doit être de se préparer à impulser les combats à venir, de participer activement à orienter leur dynamique, à développer toutes leurs potentialités. Les comités de lutte doivent, par leur intervention, faire bénéficier le plus grand nombre d'ouvriers des fruits de leur réflexion en mettant en avant de façon concrète les besoins vitaux de la lutte, en dénonçant ouvertement à chaque fois qu'ils le peuvent les manœuvres de sabotage qui entravent son développe­ment. C'est ce que se sont efforcés de faire les comités de lutte de la région pari­sienne, de Toulouse, de Marseille, ces deux derniers mois. Ainsi, le "Comité pour l'extension des luttes" de la région parisienne (regroupant des travailleurs des PTT, de l'EDF, des hôpitaux, de l'Éducation nationale, de la RATP, des chômeurs...) a affirmé son dynamisme et sa combativité à travers la diffusion de plusieurs tracts dans les différentes ma­nifestations des travailleurs de la santé. C'est grâce à cette volonté de participer activement à tous les combats ouvriers que ce comité a pu, malgré un certain nombre d'illusions sur les potentialités de ce mouvement, dénoncer dès le début la nature anti-ouvrière des coordinations auto‑proclamées, affirmer la nécessité d'élargir la lutte aux autres secteurs (en particulier à l'ensemble de la Fonction Publique), appeler les travailleurs à oppo­ser à ces coordinations la souveraineté des Assemblées Générales à la base, l'élection de comités de grève .... Ce même dyna­misme s'est également exprimé dans l'intervention menée par les comités de lutte en province qui ont défendu les mêmes orientations (Toulouse) et ont été capables de dénoncer les manœuvres des syndicats et des gauchistes dans les si­mulacres de luttes de ces dernières se­maines (intervention du comité de Mar­seille dans les centres de la Sécurité So­ciale).

L'activité de ces différents comités confirme que ces regroupements d'ou­vriers combatifs sont donc bien dans la période actuelle un instrument nécessaire pour ne pas recommencer les mêmes erreurs, pour que les ouvriers ne se lais­sent pas mener en bateau par le "radica­lisme" de façade des forces d'encadrement bourgeoises. L'activité qu'ont menée jusqu'à ce jour les comités de lutte doit être un encouragement à ce qu'il en sur­gisse d'autres, partout. Ils permettent aux travailleurs combatifs de ne pas se laisser ballotter par les événements ou les dis­cours-béton "pour l'action à tout prix" des cliques syndicales et gauchistes. Ils parti­cipent pleinement de la nécessité pour la classe ouvrière de prendre confiance en elle-même, de surmonter ses hésitations afin d'être à la hauteur des inévitables combats qu'elle sera contrainte d'engager à court terme face aux attaques croissan­tes du capitalisme.

Les leçons que tuent ces comités des luttes passées, l'implication des nouveaux éléments qu'ils attirent, leur permettent de progresser chaque fois plus crucialement sur ce que veut dire pour les ouvriers "prendre eux-mêmes leurs luttes en mains" :

  • ne déléguer leurs pouvoirs ni aux "spécialistes" syndicaux, ni aux structures préfabriquées par les gauchistes ;
  • se détourner de tout organisme, toute coordination, tout "bureau" autopro­clamé qui se prétend pour l"'unité";
  • imposer la souveraineté des Assem­blées Générales, l'élection de délégués révocables et responsables devant ces AG,

Seule la prise en charge effective de la lutte par l'ensemble des ouvriers mobili­sés permettra à la classe ouvrière de se donner les moyens d'élargir, d'unifier ses luttes, de créer un rapport de force capa­ble de faire reculer la bourgeoisie.

Et si, dans la situation présente, la constitution de comités de lutte s'impose comme une réponse à l'offensive menée par  la bourgeoisie, pour autant, ces co­mités ne doivent pas sous-estimer les difficultés qu'ils vont rencontrer. Ils doi­vent rester vigilants face à tous les dan­gers qui les guettent, en particulier celui du poison du syndicalisme que la bour­geoisie tentera de leur inoculer insidieu­sement afin d'étouffer dans l'œuf la dyna­mique vivante de ces comités (cf. RI 156). Les bases sur lesquelles ils doivent se constituer devront nécessairement répon­dre aux besoins des combats que ce co­mités sont censés impulser : rejet du corporatisme, rejet de toutes les divisions, ouverture la plus large possible à tous les ouvriers, actifs ou au chômage, du public ou du privé, syndiqués ou non syndiqués.

Telles sont les leçons essentielles d'ores et déjà tirées par l'activité des co­mités de lutte existants. Ces leçons, il s'agit aujourd'hui pour les ouvriers com­batifs comme pour l'ensemble de la classe de se les approprier, de les approfondir en multipliant partout les efforts de regrou­pement dans la perspective des combats de demain.

JL/AV
Révolution internationale N°174

[1]  "Comité pour l'extension des luttes". La Librairie, 67 nie de Bagneux. 92000 Mon­trouge

Comité de lutte de Toulouse : écrire sans autre mention RR, BP 227. 31004 Toulouse Cedex.

"Collectif de travailleurs de différents sec­teurs". Librairie "Odeur du Temps". 6, rue Pastoret. 13006 Marseille.

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