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A peine les 3000 licenciements à VW Forest et les milliers d'autres chez les sous-traitants, ainsi que les hausses de productivité et les baisses de salaire pour les 2200 travailleurs "qui ont la chance de rester chez VW" étaient-ils réglés qu'une nouvelle attaque de grande envergure est déclenchée dans le secteur automobile : 1400 licenciements sur les 4500 ouvriers à l'usine GM d'Anvers. Et encore et toujours, les mêmes magouilles syndicales pour désarmer toute velléité de résistance et pour détourner les ouvriers d'une réflexion sur la véritable signification de cette catastrophe sociale :
- le nationalisme : ils font tout pour opposer les travailleurs des différents sièges : "Les Allemands d'Opel, les Britanniques de Vauxhall, les Suédois de Saab se sont mis d'accord sur le dos des Belges" (De Morgen, 19.04.07) ;
- le corporatisme : pendant des années, les syndicats ont fait croire aux ouvriers qu'ils étaient "les meilleurs de la classe" et que s'ils modéraient leurs exigences et acceptaient la flexibilité, GM Anvers échapperait aux restructurations. Aujourd'hui encore, ces mêmes syndicats appellent les ouvriers à montrer qu'ils sont les meilleurs en ne faisant pas grève mais en travaillant encore plus dur et en faisant confiance aux négociateurs syndicaux qui négocieront ‘le meilleur plan possible pour l'usine' ;
- l'isolement : lors de la grève à VW Forest encore, les syndicats appelaient à garder leur distance envers les ‘têtes brûlées' de VW et de se limiter à une solidarité de parole. Et aujourd'hui, ils expliquent clairement comment ils conçoivent la solidarité, exactement comme l'entend la bourgeoisie, le partage des sacrifices dans la logique des contraintes économiques : "Il est réconfortant que le front syndical de l'ensemble des sièges d'Opel a réussi à empêcher la fermeture d'une usine complète. (...) Chacun des sièges porte une partie de l'effort d'assainissement. Ce n'était absolument pas le cas à VW, où il n'était pas question de solidarité transfrontalière" (H. Jorrissen, président du syndicats des métallos socialiste, De Standaard, 18.04.07)
En réalité, patronat, syndicats et gouvernement ont ensemble planifié et accompagné les attaques, en imposant d'abord les 1000 licenciements chez Gevaert, en ‘isolant' ensuite le cas VW pour le ‘régler', pour frapper enfin les ouvriers de GM, alors qu'ils savaient pertinemment depuis des mois ce que la direction internationale de GM concoctait. Et aujourd'hui, ils joignent leur force pour convaincre les travailleurs qu'il n'y a rien à faire contre les lois naturelles de l'économie, pour cacher combien ces mesures sont l'expression d'une faillite de plus en plus manifeste du mode de production capitaliste.
Si la bourgeoisie est forcée par l'impasse économique de frapper de plus en plus fort, dans le même temps, les expressions de colère et de combativité se multiplient au sein de la classe ouvrière. Les travailleurs n'attendent plus les mots d'ordre syndicaux mais partent spontanément en grève : dans les transports publics wallons et bruxellois, à la SNCB ou chez les services de sécurité et les pompiers de Zaventem, dans les diverses entreprises de sous-traitance auprès de l'usine Ford à Genk enfin, où plusieurs centaines de travailleurs sont partis en grève, à SML (moteurs) d'abord, rejoints ensuite par ceux de Lear (sièges), IAC (tableaux de bord) et TDS (pièces détachées).
En règle générale, les syndicats s'empressent dans la période actuelle de reconnaître les mouvements pour arriver à nouveau à les contrôler. Face à la situation extrêmement tendue dans l'automobile toutefois, les syndicats se sont opposés frontalement à "l'irresponsabilité" du mouvement chez les sous-traitants de Ford, alléguant cyniquement que cela impliquait "non seulement une perte économique pour Ford mais que c'était en plus mauvais pour son image de marque" (H. Jorrissen, DM, 18.04.07). La vigilance et la nervosité de la bourgeoisie et de ses syndicats s'expliquent par le fait qu'elle sait parfaitement que ces cas ne sont pas des problèmes locaux, ni même régionaux ou nationaux. Comme le montre le texte ci-dessous, c'est partout dans les pays industrialisés que les attaques pleuvent et que les syndicats sont au premier rang pour saboter le développement de la résistance ouvrière.
Licenciements, suppressions d'emplois, fermeture d'usines, précarisation, délocalisations... : de plus en plus de salariés subissent la terrible réalité de l'accélération de la crise capitaliste . Ce sont les mêmes attaques, en Europe pour le groupe EADS-Airbus , à Alcatel-Lucent, Volkswagen, Deutsche Telekom, Bayer, Nestlé, Thyssen Krupp, IBM, Delphi... et sur le continent américain, avec Boeing , Ford, General Motors, Chrysler... Ces plans désormais à l'échelle mondiale, sont de plus en plus massifs et ne touchent plus seulement des secteurs en perte de vitesse ou archaïques, mais des secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'informatique, l'électronique... Ils ne concernent plus seulement les petites et moyennes entreprises, mais s'étendent à tous les grands groupes leaders de l'industrie et leurs sous-traitants, ils ne se limitent plus aux ouvriers sur les chaînes de production mais visent aussi les ingénieurs, les cadres commerciaux, les secteurs de la recherche.
Chaque Etat, chaque dirigeant d'entreprise sait bien que cette situation pousse tous les salariés, du privé comme du public où les prolétaires subissent exactement le même sort à se poser de plus en plus de questions, angoissés sur l'avenir qui leur est réservé et encore davantage sur l'avenir de leurs enfants. Il est de plus en plus évident que les prolétaires de tous les pays sont embarqués dans ce même bateau qui prend l'eau de toutes parts. Dans ce contexte inédit, la préoccupation principale de la bourgeoisie n'est pas seulement de tenter de colmater les brèches béantes qui s'ouvrent dans son système mais aussi de gagner du temps, d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de cette réalité.
C'est pourquoi les syndicats dont la fonction spécifique au sein de l'appareil d'Etat est d'encadrer et de contrôler la classe ouvrière prennent partout les devants et occupent le terrain social pour couper l'herbe sous le pied de toute tentative de mobilisation unitaire des ouvriers face à ces attaques massives et frontales. Leur tâche essentielle aujourd'hui est de prendre le contrôle de la lutte pour faire passer ces attaques en entretenant la concurrence et la division des ouvriers par atelier, par site, par entreprise, par secteur, par pays .
Le "modèle airbusien" du sabotage syndical
Les syndicats, le gouvernement, la direction, toute la classe politique et les médias ont polarisé l'attention sur les 10 000 suppressions d'emplois à Airbus (jusqu'ici présenté comme un fleuron "prospère") où ils ont multiplié les manœuvres pour organiser la division des ouvriers entre eux, disperser leur colère et défouler leur combativité.
Ainsi, les syndicats français ont commencé par faire croire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se tramait, qu'ils défendaient les emplois et les intérêts des ouvriers alors que pendant des mois, ils étaient pleinement associés au fameux plan Power 8. En effet, la direction avait créé pour cela "un comité de pilotage" constitué de la Direction des Ressources Humaines et des syndicats, afin justement de "se préparer à tout impact social que ses mesures pourraient avoir" (d'après une note de la direction à l'intérieur de l'usine de Toulouse-Blagnac). Les syndicats ont tous tenu le même langage, celui de minimiser l'attaque au moment où elle était dans sa phase préparatoire, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Ensuite, ils ont fait reprendre le travail aux ouvriers à Méaulte qui étaient partis spontanément en grève 48 heures avant l'annonce officielle du plan Power 8 en prétendant que l'usine ne serait pas revendue, alors que la direction faisait savoir ensuite qu'aucune décision n'était pour l'instant arrêtée sur le sujet.
Suivant les usines, s'adaptant à chaque situation particulière, les syndicats ont organisé la division, comme à Toulouse, entre les secteurs touchés et ceux épargnés. Plus fort encore, pendant des mois, ils ont martelé l'idée selon laquelle, si Airbus est dans cette situation, c'est "la faute aux Allemands". En Allemagne, le discours syndical était parallèle : "C'est la faute aux Français". Aussi, les syndicats n'ont cessé d'exalter le "patriotisme économique". Dans un tract du 7 mars cosigné par FO-Métaux (syndicat largement majoritaire à Toulouse), la CFE-CGC (syndicat des cadres) et la CFTC, ils déclarent par exemple : "C'est tout l'intérêt de l'économie française, locale et régionale qui est en jeu (...) Restons mobilisés (...) pour défendre Airbus, nos emplois, notre outil de travail, nos- compétences et notre savoir-faire au bénéfice de toute l'économie locale, régionale et nationale." Cette répugnante propagande poussant les ouvriers à se rallier à la logique concurrentielle du capital se retrouvait déjà lors d'une mobilisation des syndicats des différents pays d'Europe où sont implantées les usines Airbus : "Défendons notre outil de travail ensemble, salariés Airbus, sous-traitants de tous les sites d'Airbus d'Europe" (tract commun à tous les syndicats du 5 février 2007).
Après les manifestations du 6 mars, ils ont fait miroiter une riposte européenne pour le 16 et annoncé une grande manifestation à Bruxelles pour ensuite l'annuler trois jours avant en la remplaçant par des manifestations toujours présentées comme une "journée de mobilisation européenne" mais limitée aux salariés d'Airbus et éparpillées sur les différents sites locaux . Et le pompon était à voir du côté de Toulouse où les syndicats ont cueilli les ouvriers à la sortie de l'usine dans des bus de ramassage pour les amener dans un lieu de rassemblement totalement excentré et les faire marcher jusqu'au siège de Blagnac où les attendait une nuée de caméras de télé pour médiatiser à fond "l'événement". Sitôt arrivés là, on les faisait remonter dans les bus pour regagner l'usine et reprendre le travail1 .
Les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie ne tenaient certainement pas, dans ce contexte d'attaques tous azimuts, à voir une large mobilisation ouvrière à l'échelle européenne où les ouvriers pouvaient se rassembler, se rencontrer entre eux, discuter et échanger leurs expériences.
Les syndicats font partout le même sale boulot
Il n'était pas question non plus pour les syndicats que la manifestation à Paris des salariés d'Alcatel-Lucent pour dénoncer le plan de restructuration du groupe qui prévoit 12 500 suppressions de postes, dont au moins 3200 en Europe, d'ici 2008, soit organisée en même temps. C'est pourquoi elle a été appelée la veille, le 15 mars. Elle se présentait comme unitaire et européenne, mais il n'y avait que 4000 personnes, venues de tous les sites français touchés, en particulier de Bretagne, mais aussi de pays voisins avec des délégations symboliques exclusivement syndicales d'Espagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie. Elles étaient d'ailleurs noyées dans une forêt... de drapeaux bretons et la manifestation cadencée au son du biniou ! Dans une série de plus petites grèves en France comme à Peugeot-Aulnay, c'est sur des hausses salariales que les syndicats ont entraîné les ouvriers dans une grève longue et exténuante. Tandis qu'à l'usine Renault du Mans, 150 ouvriers ont été entraînés derrière la CGT dans une grève restée très minoritaire contre un nouveau contrat de flexibilité signé par les autres syndicats. Cependant, quand on sait que PSA comme Renault s'apprêtent à annoncer à leur tour prochainement des plans de licenciements, on s'aperçoit que ces grèves et ces actions lancées par les syndicats n'ont pour but réel que d'épuiser au maximum auparavant la combativité ouvrière pour faire passer ces attaques. De même, si les enseignants ont été appelés à une énième journée d'action le 20 mars, c'est avec le même objectif de les épuiser pour leur imposer plus facilement ensuite toutes les attaques dont ils sont la cible.
Les ouvriers n'ont aucun intérêt commun à défendre avec leur bourgeoisie, par contre la situation les pousse à reconnaître les intérêts qu'ils ont en commun face aux mêmes attaques (massives et simultanées) auxquelles ils sont partout confrontés. Une telle situation favorise le développement de questionnements, de réflexions, qui posent de plus en plus clairement les besoins d'extension de la lutte, d'unité et de solidarité au sein du prolétariat qui seront les clés des luttes à venir. Même si les syndicats parviennent à l'heure actuelle à imposer sans obstacle visible leurs manœuvres de sabotage, de division, d'isolement, d'enfermement des prolétaires, ils sont appelés à se discréditer de plus en plus ouvertement aux yeux de la classe ouvrière. C'est aujourd'hui que mûrissent les conditions qui permettront demain aux ouvriers dans leurs luttes de discuter ensemble, de se rassembler, de confronter leurs expériences, de s'organiser eux-mêmes en dehors des syndicats et au-delà des frontières nationales.
Wim / 24.03.07
1 Le lendemain, Libération du 17 mars titrait son article : "Radicalisation jamais vue contre la direction de l'avionneur - Airbus : les salariés de tous les pays se sont unis".