Réunion publique à Marseille sur le centenaire de l’IC: Tirer les leçons du passé, un besoin pour le combat de la classe ouvrière

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Le 6 avril 2019 s’est tenue à Marseille une réunion publique sur le centenaire de la fondation de l’Internationale communiste. Outre la présence de sympathisants du CCI, cette réunion a vu aussi la participation d’un camarade du PCI–Le Prolétaire et d’un camarade de Fil Rouge.

La présence de ces camarades du courant bordiguiste sur un des événements les plus importants de l’histoire du mouvement ouvrier était l’occasion de confronter nos positions car “pour pouvoir construire le futur parti mondial du prolétariat, sans lequel le renversement du capitalisme sera impossible, les minorités révolutionnaires doivent se regrouper, aujourd’hui comme dans le passé. Ils doivent clarifier leurs divergences par le débat, la confrontation des idées et des positions, la réflexion collective et la discussion la plus large possible. Ils doivent être capables de tirer les leçons du passé pour pouvoir comprendre la situation historique présente et permettre aux nouvelles générations d’ouvrir les portes de l’avenir”. 1

Pour la confrontation des idées dans le camp prolétarien

Ce sont les participants à cette réunion publique qui ont interpellé les organisations présentes pour qu’elles développent un débat ouvert dans le milieu politique prolétarien, car comme l’a dit une camarade : “il ne faut pas attendre de grands mouvements prolétariens pour le faire. Aujourd’hui nous sommes dans une situation de faiblesse de la classe, il y a un rouleau compresseur de l’idéologie bourgeoise avec le poids très fort de l’individualisme, un tel débat serait une réaction contre une telle pression”. Pour une autre camarade : “ce serait aussi un pôle d’attraction pour les minorités en recherche et notamment des jeunes. Attendre des grands mouvements du prolétariat contient le risque de reproduire la même erreur que l’IC à savoir qu’elle s’est constituée alors qu’il y avait beaucoup de points à clarifier, sur la question syndicale, le rôle du parti… et une des leçons que met en évidence la fondation de l’IC, c’est que toutes ces questions doivent faire l’objet de débats aujourd’hui”. Tous les participants étaient particulièrement intéressés à connaître les positions de la Gauche communiste, cerner où sont les points d’accord et les divergences. Un tel débat, dans sa dimension internationale, romprait avec l’atomisation des organisations prolétariennes et stimulerait la réfle­xion chez des éléments ou groupes intéressés par la politique révolutionnaire.

Bien évidemment, le CCI a régulièrement soutenu de tels appels et les groupes se réclamant de la Gauche communiste doivent aussi les entendre. Le CCI a toujours défendu le débat dans le milieu révolutionnaire, malheureusement cela a abouti, jusqu’à maintenant, à un échec, en particulier les Conférences initiées par Battaglia comunista (Parti communiste internationaliste) à la fin des années 1970. Pourquoi ? “C’est essentiellement l’incapacité du milieu dans son ensemble à surmonter le sectarisme qui a mené au blocage et finalement au sabotage des conférences. Dès le début, le CCI avait insisté pour que les conférences ne restent pas muettes, mais qu’elles publient, dans la mesure du possible, un minimum de déclarations communes, afin de préciser au reste du mouvement les points d’accords et de désaccords qui ont été atteints, mais aussi face à des événements internationaux majeurs (comme le mouvement de classe en Pologne ou l’invasion russe en Afghanistan) qu’elles fassent des déclarations publiques communes sur des questions qui étaient déjà des critères essentiels pour les conférences, comme l’opposition à une guerre impérialiste”. 2

Un début d’ouverture pour un débat au sein la Gauche communiste ?

Or, lors de cette réunion publique du CCI, nous avons vu les camarades du PCI et de Fil Rouge répondre à cet appel en développant une véritable confrontation des positions politiques. Il est évident que les groupes révolutionnaires présents sont absolument d’accord pour la création d’un parti mondial de la révolution. Une des premières leçons que la réunion a tiré, c’est qu’il ne faut pas commettre l’erreur de l’IC, l’union tardive des forces militantes du prolétariat alors que la vague internationale de luttes révolutionnaires connaissait ses premiers échecs graves, particulièrement en Allemagne en 1919, renforçant l’isolement de la révolution en Russie. Cela dit, le PCI et Fil Rouge ne tirent pas les mêmes leçons que le CCI, et cela a été l’occasion d’un débat très riche.

Comme il a été affirmé dans la discussion, les conditions dans lesquelles va se créer la future Internationale ouvrière seront différentes de celles qui ont prévalu à la fondation de la Troisième Internationale, il serait alors intéressant que le débat puisse se développer sur ce que sont ces conditions différentes, comme le disent les camarades. S’il existe une convergence entre les camarades bordiguistes et le CCI sur la nécessité de regrouper et d’unir les forces révolutionnaires à l’échelle internationale, il s’agit alors de clarifier sur quelles bases. Les camarades bordiguistes rejettent toute politique qui vise à une fusion des différents groupes, ce qui n’est bien sûr en aucune manière la conception du CCI. Cependant, c’est dans cette question (par quel processus ce regroupement doit se faire ?), qu’apparaissent de véritables divergences. Pour le CCI, ce processus ne peut se faire qu’à travers une confrontation des positions de chaque groupe, et ce alors que l’IC a laissé en friche toute une série de questions politiques nécessitant une clarification. En ce sens, pour qu’ait lieu cette confrontation, il est nécessaire de combattre le poids du sectarisme qui a prévalu dans le passé et qui continue à peser dans le milieu politique prolétarien, comme nous l’écrivons dans notre presse. Le CCI a rappelé que lors de la guerre impérialiste au Kosovo, en 1991, il avait lancé un appel aux groupes politiques prolétariens pour réagir à la barbarie bourgeoise en mettant en avant le mot d’ordre : “le prolétariat n’a pas de patrie, prolétaires de tous les pays, unissez-vous !”, appel qui est resté lettre morte. Pourtant, c’est une des leçons que nous a légué le mouvement ouvrier avec la Conférence de Zimmerwald : alors qu’il existait de nombreuses divergences entre les participants, Zimmerwald a été une lumière pour le prolétariat mondial subissant la barbarie du capitalisme dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Cette Conférence a été le prélude à la création d’une nouvelle Internationale, alors que la Deuxième Internationale avait montré sa faillite en août 1914 en votant les crédits de guerre, entraînant le prolétariat dans la première boucherie impérialiste. Il ne s’agissait pas d’effacer les divergences politiques mais de défendre, face aux guerres impérialistes, un des principes prolétariens fondamental : l’internationalisme.

Cependant, le camarade de Fil Rouge a émis beaucoup de réserves sur les interventions de nos sympathisants et du CCI appelant à la clarification des divergences par la confrontation des positions de chaque groupe. Pour lui, les différentes organisations ont déjà dégagé des leçons et par conséquent un nouveau processus de clarification n’a pas lieu d’être. C’est pour cela que le camarade insiste sur l’idée de rejet de toute “fusion” des organisations prolétariennes et qu’un débat et une confrontation des positions ne sont pas nécessaires. Les deux camarades bordiguistes ont mis en avant ce que leur courant avait dégagé comme leçons : le rôle du parti, la dictature du prolétariat, la caractéristique de la Russie devant opérer une révolution double (comme le rappelait le camarade de Fil Rouge qui est la théorie de Marx en 1848 sur la “Révolution permanente”), ce qui a fait dire au camarade du PCI qu’il existe au sein de chaque pays des spécificités qu’il faut prendre en compte, ce qui était le cas justement de la révolution russe. Pour les camarades bordiguistes, le CCI a tiré d’autres leçons qui se rapprochent des positions conseillistes, notamment vis-à-vis de la question du parti et de la dictature du prolétariat. Nous avons rejeté une telle idée car il est indéniable que le CCI défend la nécessité d’un parti et de la dictature du prolétariat.

Or, ce sont justement sur toutes ces questions, en les élargissant à la question de l’émergence des Conseils ouvriers comme organes du pouvoir de la classe ouvrière, comme le disait Lénine, ou encore sur la question syndicale, que le processus de clarification doit avoir lieu. En ce sens, pour le CCI, toutes les leçons de l’IC, notamment, sur le changement de période historique du capitalisme, celui de la décadence, comme Rosa Luxemburg et Lénine l’avaient mis en évidence, n’ont pas été encore tirée en profondeur. Il reste en effet un gros travail à faire pour saisir les implications induites par la période de décadence en ce qui concerne l’intervention des révolutionnaires dans les luttes ouvrières. En fait, nous considérons qu’il faudrait aussi examiner plus en profondeur l’apport des différentes expressions de la Gauche communiste qui se sont battues contre la dégénérescence de l’IC.

Alors que les différentes organisations de la Gauche communiste devraient pouvoir s’engager dans un débat ouvert et fraternel dans ce sens, celle-ci demeure malheureusement encore aujourd’hui trop fragmentée.

Selon le camarade de Fil Rouge, “la situation de la classe ouvrière est catastrophique”. Un tel constat nécessite, de notre point de vue, grandement d’être discuté. Pour notre part, nous pensons qu’il faut débattre et fortement nuancer ce propos au regard de l’évolution des luttes et de la conscience de classe sur un plan plus historique. En effet, si les difficultés pour la classe ouvrière sont indéniables, nous ne pouvons pas pour autant les mettre sur le même plan que celles qu’a pu vivre la classe ouvrière durant la période de contre-révolution dans les années 1930. ll faudrait donc aller plus loin, comprendre pourquoi la classe ouvrière se retrouve dans une situation que nous qualifierions plutôt aujourd’hui de “grande faiblesse”. Tout cela nécessite bien une argumentation et un débat contradictoire pour permettre de nous inscrire dans un cadre général afin de prendre plus de recul et saisir de manière dynamique une perspective pour notre classe. Nous devons par exemple voir comment les leçons de l’IC et des groupes se réclamant de la Gauche communiste, comme Bilan par exemple, peuvent nous aider à nous orienter dans la situation complexe d’aujourd’hui. Un tel débat, vital pour le mouvement ouvrier et les organisations révolutionnaires, nécessite donc que les groupes se réclamant de la Gauche communiste se rassemblent pour des confrontations fraternelles, en développant les polémiques dans la presse et aussi par la discussion en organisant des réunions publiques face à la classe ouvrière. Cela, afin de créer un lieu de débat ouvert contre la propagande de la classe dominante. Cela est possible et nécessaire comme l’a montré la tenue de la réunion publique à Marseille sur la création de l’IC. En ce sens, la présence de la mouvance bordiguiste aux réunions publiques du CCI, qui est à saluer, montre que cette fragmentation des organisations de la Gauche communiste peut et doit être dépassée. Le CCI mettra toutes ses forces dans la bataille pour que se créent toutes les conditions pour une clarification politique dans le camp révolutionnaire.

André, 15 août 2019

 

1) “Centenaire de la fondation de l’IC : l’Internationale de l’action révolutionnaire ouvrière”, Révolution internationale n° 476 (mai-juin 2019).

2) Voir sur le site internet du CCI : “Il y a cinquante ans, Mai 68. La difficile évolution du milieu politique prolétarien”.

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