Soumis par Revue Internationale le
Cet article fait partie d'un ensemble d'articles à travers lesquels nous projetons de traiter de la montée de la Chine et de ses conséquences pour les rapports impérialistes dans le monde. Pour des raisons de place, nous nous focaliserons dans cet article sur la "Nouvelle Route de la Soie". A l’avenir, nous examinerons plus en détail les ambitions chinoises en Afrique et en Amérique Latine, et l’ensemble de ses rivalités avec les États-Unis.
Mais pour l'instant, la Chine ne cherche pas la confrontation directe avec les États-Unis ; au contraire, elle prévoit de devenir l'économie la plus puissante du monde d'ici 2050 et vise à développer ses liens avec le reste du monde tout en essayant d'éviter les affrontements directs. La politique de la Chine est une politique à long terme, contrairement aux accords à court terme privilégiés par Trump. Elle cherche à développer son expertise et sa puissance industrielle, technologique et surtout militaire. À ce dernier niveau, les États-Unis ont encore une avance considérable sur la Chine. (Rapport sur les tensions impérialistes, juin 2018, CCI)
En mai 2017, en présence de 27 chefs d’État ou de gouvernements, le président chinois Xi Jinping présentait le projet "Une ceinture, une route" (OBOR - One Belt One Road), appelé aussi "la Nouvelle Route de la Soie". Ce projet est composé de deux éléments : la ceinture économique de la route de la soie (SREB - Silk Road Economic Belt) et la route de la soie maritime (MSR - Maritime Silk Road). Ce projet implique environ 65 pays, comptant environ pour 60% de la population de la planète et à peu près 1/3 du PNB mondial. Le président chinois a annoncé des investissements pour une période couvrant les 30 prochaines années (jusqu'en 2050 !) et représentant jusqu’à 1.2 billion de dollars. Ce n’est pas seulement le plus gros projet économique de ce siècle, mais ce sont aussi les grandes lignes du plus ambitieux projet impérialiste que la Chine aient rendus publics. Derrière cela, Xi Jinping confirme l’objectif de dépasser les États-Unis et de devenir la première puissance mondiale aux alentours de 2050.
Ce projet correspond aux ambitions de la Chine de reconquérir sa vieille position dominante dans le monde – qu’elle occupait jusqu’à la pénétration en Chine des puissances capitalistes au début du 18ème siècle. [1] Avec cet objectif proclamé, la Chine vise au plus grand changement dans la constellation des puissances impérialistes depuis plus d’un siècle. La Route de la Soie n’est qu’un pas, quoiqu’essentiel, dans les ambitions de la Chine. Après une extension massive au niveau économique, la Chine a aussi commencé à établir un "collier de perles" dans l’Océan Indien, ce qui lui permet d’encercler l’Inde via la Birmanie, le Bengladesh, le Sri Lanka, le Pakistan et les Maldives. Après cette expansion maritime, le projet de la Route de la Soie vise à une nouvelle expansion terrestre sur le continent asiatique.
La Chine est devenue le pays le plus peuplé de la planète : presque 1,4 milliard d'habitants (l’Inde vient en second avec 1,32 milliard). C’est la seconde puissance économique dans le monde et dans beaucoup de branches, elle est déjà devenue numéro 1 ; et elle vient en troisième place pour l’étendue de son territoire. Après plus de trois décennies de modernisation capitaliste et d’ouverture, la Chine est devenue le plus grand pays commercial du monde, du e-commerce et du marché de consommation. Entre 1979 et 2009, en 30 ans, le PIB chinois en dollar 2005 constant, est passé d’environ 201 milliards à environ 3,5 billions ; Les exportations chinoises ont augmenté de presque 5% de leur part dans le PNB à environ 29% ; les importations de 4 à 24%. Le surplus commercial a conduit à l’existence d’une grande croissance des réserves de la Chine, ce qui a permis au capital chinois de sortir pour investir, fusionner et faire des acquisitions, devenir une source importante d'Investissements Directs Etrangers sur la scène financière mondiale. On s’attend à ce que vers 2030, la Chine représente un cinquième de la production économique du monde. Le pays a massivement investi dans les techniques industrielles les plus modernes telles que la technologie quantique et l’intelligence artificielle (IA). En ce qui concerne ses dépenses militaires, elles représentent le total de celles de tous les pays européens pris ensemble. Aucun autre pays ne pourrait nourrir de telles ambitions, et aucun autre pays ne pourrait développer une telle vision, en déployant ses tentacules sur le continent asiatique. Pour le moment, ce n'est pas au moyen d'une occupation militaire directe (excepté pour les récifs coralliens de la mer de Chine du Sud) mais en construisant un réseau économique avec toute une politique géostratégique sous-jacente : en développant une nouvelle infrastructure, en implantant des avant-postes, en forgeant des liens privilégiés. Les ambitions de la Chine ébranlent tout l’ensemble de la constellation impérialiste et pas seulement dans la zone qui entoure l’Asie : cela a un impact sur les pays du Pacifique, sur l’océan Indien, sur l’Afrique, sur l’Amérique du Sud, sur l’Europe, et évidemment, sur ses rapports avec les États-Unis. En bref, cela a des répercussions internationales et à long terme des plus étendues. En même temps, ses ambitions vont la faire rentrer en conflit, pas seulement avec les États-Unis, mais aussi avec d’autres pays. On a déjà pu voir la résistance s‘organiser entre certains de ses plus proches voisins (Vietnam, Inde, Japon), et les plans de la Chine seront aussi un nouveau défi pour la Russie. Ce projet vise aussi à contrecarrer toute possibilité d’étranglement de la Chine par le blocage du transport maritime dans le détroit de Malacca ou la mer de Chine du Sud. En établissant des connexions ferroviaires vers l’Iran, le Pakistan, la Birmanie et la Thaïlande, la Chine espère circonvenir les moyens possibles d’étranglement ou d’alléger certains de leurs pires effets[2].
Le projet de la Nouvelle Route de la Soie va relier la Chine via l’Asie Centrale et la Russie à l’Europe, et la connexion maritime va lui permettre d’établir de nouveaux liens avec l’Afrique et l’Europe par la mer de Chine et l’Océan Indien. Six couloirs entre la Chine et l’Europe vont être réalisés. Le premier grand couloir : une connexion par voie ferrée et des pipe-lines reliant la Chine et l’Europe via la Mongolie, la Russie et le Kazakhstan[3].
Les deux autres grands couloirs : Chine occidentale – via l’Asie Centrale – et Moyen Orient vers la Turquie via l’Iran, et le couloir Chine-Pakistan la reliant à l’océan Indien.[4] Trois des six couloirs passent au travers de la partie d’Asie centrale du Xinjiang.
En plus, trois couloirs "secondaires" connecteront a) Chine-Mongolie-Russie, b) Bangladesh- Chine- Inde – Myanmar (BCIM), c) Chine – Indochine – (à travers la partie nord du Laos – se prolongeant en Thaïlande – Vietnam et Malaisie-Singapour) – i.e. dans les eaux d’Asie du Sud-Est. En Asie, une ligne de chemin de fer de 873 km doit établir un lien entre la Chine et la côte Thaï.
En Afrique, la Chine a financé et construit une ligne de chemin de fer entre Djibouti et Addis Abeba (Station de la Route de la Soie de Djibouti), elle financera une ligne de chemin de fer de 471 km au Kenya entre la capitale Nairobi et le port de Mombasa sur l’Océan Indien. Le but à long terme est d’établir un réseau de connexions par train entre le port de Lamu (Kenya), le Sud Soudan et l’Ethiopie (LAPSSET). A la suite du Kenya, de l’Éthiopie, de l’Égypte et de Djibouti, le Maroc a aussi commencé à coopérer au projet de la Nouvelle Route de la Soie. [5]
Toute une chaine de ports et des projets de grand investissement vont offrir la base logistique d’investissements ultérieurs dans la zone.
En plus des connexions par voies ferrées sur terre, et de la mise en place du "collier de perles", la Route Maritime de la Soie est le second plan du mégaprojet, qui exige l’expansion et la construction de ports le long de la route principale reliant la Chine via la mer de Chine, le détroit de Malacca, l’océan Indien aux côtes d’Afrique. Les plans dans l’Arctique d’une "Route de la soie de la glace", pour mettre en place un raccourci entre l’océan Pacifique et l’Atlantique le long de la route de la Sibérie du Nord, comme aussi les plans de construire une second canal en Amérique centrale à travers le Nicaragua, font partie de la stratégie globale de la Chine.
En outre, la Chine projette aussi de construire des câbles de fibre optique, des passages de transport international, des structures mobiles et des liens de e-commerce le long des couloirs de la Route de la Soie. Comme cela va certainement stimuler la connectivité et l’échange d’informations, cela peut facilement rendre la Chine capable d’assurer une surveillance électronique et d’accroître sa présence dans le cyberespace, augmentant ainsi à cela ses capacités d’espionnage.
Un énorme pari
Bien sûr, ce "plan directeur" demandera du temps pour sa mise en œuvre et confronte un certain nombre d’obstacles. Les capacités de résistance d’autres puissances sont impossibles à évaluer de façon réaliste pour le moment.
Cependant, l’État chinois semble être prêt à y consacrer un maximum de ressources :
- Les banques commerciales possédées par l’État chinois sont poussées à fournir des fonds pour les plans gouvernementaux ;
- La banque de Développement de la Chine contrôlée par l’État (BCD) et la Banque de Chine Import-Export (EXIM) ont déjà attribués 200 milliards de prêts à plusieurs des pays qui participent au projet ;
- La BCD et l’EXIM ont imposé des plafonds aux dettes de chaque pays et fixé des limites aux crédits des emprunteurs ;
- La plupart des prêts pour infrastructure ont été négociés en premier entre gouvernements avec des taux d’intérêt inférieurs à ceux du commerce. Par exemple, la BCD a offert un prêt concessionnel de 40 ans à l’Indonésie, sans réclamer de garanties de la dette au gouvernement indonésien, pour financer 75% des 5 millions de dollars du chemin de fer Djakarta-Bandung ;
- La Chine a facilité les prêts aux pays qui auraient des difficultés à emprunter aux banques commerciales occidentales ;
- 47 des 102 conglomérats possédés par le gouvernement ont participé à plus de 1600 projets Ceinture et Route ;
- Le Groupe de Construction de Communications de la Chine s’est emparé de 40 milliards de contrats.
Et ainsi de suite… Aussi, alors que cela peut être vu comme un énorme pari économique et financier, ça reflète la détermination de l’État chinois à fortifier sa position à tout prix. En même temps, le projet, dont la mise en œuvre est planifiée pour une période de 30 ans, devra faire face aux orages des irruptions mondiales de la crise économique, aux guerres commerciales, aux turbulences politiques et à la résistance croissante des rivaux de la Chine – des États-Unis à un grand nombre d’autres pays.
En bref, toutes les contradictions de la crise capitaliste qui s’accumulent et les antagonismes qui s’aiguisent entre les États-Unis et la Chine rendent impossible de répondre à la question de savoir si le projet ne sera jamais achevé. Sans mentionner le développement imprévisible de l’économie chinoise et de ses ressources sur le long terme. De plus, la vitesse à laquelle la Chine a bâti ses lignes de chemin de fer au sein de la Chine ces dernières années- avec l’État qui a mobilisé toutes sortes de ressources et écarté tout doute ou toute résistance écologique des populations locales – ne sera pas
De plus, plusieurs des projets passent par des zones sous attaque des djihadistes. Un certain nombre de pays qui participent au projet vont empiler tant de dettes que toute tempête financière future pourrait bien signifier la fin de leur solvabilité. Par exemple, la construction de la ligne de chemin de fer Kunming-Singapour à travers le Laos coutera 50 milliards de dollars au pays, à peu près 40 % de PNB du Laos en 2016. La dette extérieure du Pakistan s’est accrue de 50 au au cours des trois dernières années, atteignant environ les 100 milliards de dollars, et autour de 30 % de ce qui est du à la Chine. Le Turkménistan est confronté à une crise de liquidité due au paiement des dettes à la Chine. Le Tadjikistan a vendu le droit d’exploiter une mine d’or à une compagnie chinoise au lieu de rembourser les prêts. Beaucoup des pays participants ont été marqués et seront marqués par l’instabilité politique, l’ébullition civile, les conflits armés. Alors que les points d’interrogation qui restent sur le projet sont sans fin, ces risques élevés n’ont pas empêché le gouvernement Chinois de projeter ce plan.
La réémergence de la Chine dans le contexte de la décomposition
Le fait que la Chine mette maintenant ouvertement ses positions en avant est fondé sur la nouvelle position qu’elle occupe dans l’économie mondiale et dans l’ordre hiérarchique impérialiste. Comme nous l’avons développé dans les articles précédents[6], la Chine a été une puissance mondiale dominante jusqu’à la fin du 18ème siècle, quand elle a été démantelée, principalement par les puissances coloniales européennes, L’Angleterre et la France, et quand elle a été partiellement occupée par le Japon jusqu’en 1945. Quand Mao Tse Toung a pris le pouvoir en 1949, l’État chinois n’avait pas les moyens de raviver les vieilles ambitions chinoises. Dans le contexte d’une longue dépendance vis-à-vis de la Russie, la République populaire de Chine a désespérément essayé de surmonter son arriération. Au début des années 1950 déjà, dans la guerre de Corée, elle a montré son envie de briser la domination des États-Unis dans cette région, et plus tard, dans les années 1960, la Chine a commencé à susciter des conflits avec l’Inde, et surtout avec la Russie. Par rapport à la Russie et aux États-Unis, la Chine a été l’outsider pendant des décennies. Ni "le Grand bond en avant", ni son autarcie pendant des décennies, ni la révolution culturelle au milieu des années 1960, ne lui ont permis de développer le pouvoir de concurrencer ses plus grands rivaux. Et la division de la Chine entre Taiwan et la Chine continentale, l’impasse permanente avec les États-Unis en Corée, au Vietnam et dans le Pacifique (Taiwan, Japon), le conflit qui a duré des années avec la Russie le long de la rivière Oussouri, laissaient la Chine encerclée et bloquée au niveau géostratégique et militaire.
Cependant, ayant subi une humiliation militaire de la part du Vietnam beaucoup plus petit dans le conflit de 1979, l’armée chinoise a été déterminée à moderniser ses forces. Et dans le contexte d’un régime stalinien en voie d’effondrement en Russie et en Europe de l’Est, le Parti Communiste Chinois a résolu d’adapter le pays aux nouvelles conditions qui prévalaient depuis 1989. Sa croissance économique spectaculaire et sa détermination à reconquérir sa position dans un monde où les États-Unis étaient sur le déclin depuis des décennies, ont signifié que la Chine devait faire peser tout son poids économique pour traduire cela en triomphes géostratégiques et impérialistes.[7]
Son développement économique prodigieux au cours des quelques dernières décennies a déclenché une forte tendance à mettre en avant ses intérêts sur l’échiquier impérialiste, qui depuis la fin des années 1980 a été marqué par deux facteurs. Le fait que l’ancien bloc soviétique avait commencé à s’écrouler et a implosé en 1991, et que) les États-Unis – comme seule super puissance restante - ont été, et sont, minés et défiés dans pas mal de régions : par l’Inde, l’Iran, la Turquie et beaucoup d’autres pays qui avancent leurs propres ambitions impérialistes. En d’autres termes, un monde où il y a eu une "mêlée générale" de tensions impérialistes. La confrontation entre les États-Unis et la Chine dans la région n’est qu’une polarisation (même si c’est la plus dangereuse à long terme) au milieu d’un champ de mines de plus en plus complexe de tensions impérialistes.
La Nouvelle Route de la Soie – un projet économique seulement ?
Pendant deux décennies, l’économie chinoise a enregistré des chiffres de croissance très élevées, et des taux de croissance à deux chiffres certaines années. Cà s’est ralenti (en 2017 à 6,5 %) et il est indéniable que le projet de la Nouvelle Route de la Soie est aussi une réponse à ces difficultés. Le capital national chinois doit trouver plus de débouchés pour sa surproduction gigantesque. En particulier, dans les branches de développement de l’infrastructure, ou dans les secteurs du fer et de l’acier, du ciment et de l’aluminium, la surproduction est à son plus haut. Entre 2011 et 2013, la Chine a produit plus de ciment que les États-Unis pendant tout le 20ème siècle. Avec une demande insuffisante sur le marché chinois, les compagnies chinoises doivent à tout prix trouver des débouchés à l’étranger.
Les projets concernant les infrastructures n’offrent pas que la logistique nécessaire pour conquérir de nouveaux marchés et installer de nouveaux couloirs pour des transports de troupes, ils requièrent aussi des investissements massifs eux-mêmes. Des 800 millions de tonnes d’acier produits en 2015 par les compagnies étatiques chinoises, 112 millions de tonnes ont été exportées à prix cassé, parce que les possibilités de vente avaient fondu sur le marché international. Avec le Nouveau projet de Route de la Soie, l’État chinois déclenche donc une des plus grandes interventions capitalistes d’État qui n’ait jamais été pour stimuler son économie en difficulté. Et l’État chinois a planifié d’investir les ressources financières les plus massives pour y arriver. On dit que la Chine a déjà versé 1000-1400 milliards de dollars pour le premier financement des projets de la Route de la Soie, mais on s’attend à ce que le coût total s’élève en 2049 (l’année des 100 ans d’existence de la République populaire de Chine) à deux fois la taille du PNB actuel de la Chine. Si nous comparons la masse de fonds déjà disponible, elle dépasse de loin les fonds américains du Plan Marshall de 1948, grâce auquel les États-Unis ont alloué 5 milliards de dollars pour aider 16 nations européennes ?[8]
A la différence de la Russie et des États-Unis, la Chine peut encore mobiliser des quantités aussi énormes. La Russie n’a jamais disposé de tels fonds, en grande partie du fait du poids de l’économie de guerre à l’époque de la Guerre froide et de son "arriération" traditionnelle, liée au mécanisme de la domination stalinienne.
Le capitalisme russe sous Poutine n’est pas devenu plus compétitif sur le marché mondial. La forte dépendance sur les revenus qu’il tire des ressources énergétiques et le poids de son économie de guerre signifient qu’il n’a tout simplement pas les fonds pour développer des projets comparables à la Nouvelle Route de la Soie. Et les États-Unis aussi, parmi d’autres raisons, en conséquence de leurs dépenses militaires gigantesques, ne peuvent plus jouer leur "joker financier" comme ils pouvaient le faire dans le passé Dans beaucoup de secteurs, l’industrie américaine est en retard et dans beaucoup de régions, des parties de son infrastructures à l’abandon. Ainsi la Chine est actuellement le seul pays capable de mettre à disposition des montants aussi considérables, même si une bonne partie de cela est financé par des crédits soutenus par l’État. Mais alors que les deux dernières décennies avaient permis l’ascension vertigineuse de la Chine, les conditions futures du développement du capitalisme mondial ne vont pas vraisemblablement offrir le même cadre avantageux pour ce pays.
Pouvons-nous comparer la construction d’un tel nouveau réseau ferré gigantesque à travers l’Asie et d’autres continents au rôle qu’a joué la construction des chemins de fer dans la phase d’expansion du capitalisme aux États-Unis au 19ème siècle ?
Comme l’a développé Rosa Luxembourg dans ses écrits (L’accumulation du capital et Introduction à l’économie politique), la construction des chemins de fer aux États-Unis et leur avancée vers le Far West s’accompagnait de la conquête de territoires des populations natives grâce à une combinaison d’usage de la force et de la pénétration des rapports marchands. Le chemin de fer rentrait dans une zone dominée par la production précapitaliste. Les efforts combinés des compagnies de chemin de fer, de l’État avec son appareil judiciaire et ses forces armées, ont commencé à éliminer toute résistance locale et ont pavé la route de l’intégration de la zone dans le système capitaliste. Avec la construction du chemin de fer de la Route de la Soie à travers l’Asie Centrale et ailleurs, certaines régions qui avaient jusque-là été à la périphérie, même en dehors du marché capitaliste, seront encore plus confrontées à un flot de produits chinois. Et comme les ouvriers chinois ont souvent été engagés dans la construction d’infrastructures ou autres projets majeurs, il n’y a probablement qu’une petite portion de la population locale qui trouvera (temporairement ou de façon permanente) des emplois grâce à ces nouveaux couloirs de transport. Dans l’ensemble, cette construction n’aura vraisemblablement pas des retombées similaires à ce qu’avait eu l’extension des chemins de fer américains au 19ème siècle. Le scénario le plus vraisemblable est celui d’une ruine largement répandue des producteurs locaux et des boutiquiers étranglés par les produits chinois plus compétitifs.
Compétition entre Chine et Russie
L’économie de la Chine est environ 8 fois plus importantes que celle de la Russie (et sa population est 10 fois plus grande), mais la Chine est extrêmement dépendante des fournitures d’énergie de l’étranger, et l’Asie Centrale joue particulièrement un rôle vital pour la fourniture d’énergie.
L’État chinois est en train d’essayer de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’énergie fournie par la Russie (elle reçoit 10 % de son pétrole et 3% de son gaz de la Russie). La Chine vise maintenant à sécuriser de nouvelles voies d'approvisionnement énergétique à l'ouest, en contournant les dangers qui pèsent sur le Moyen Orient et les voies de transport de là vers la Chine. 43 % du pétrole chinois et 38 % de la consommation de gaz viennent d’Arabie Saoudite. Le transport maritime passe le long des côtes d’Hormuz, Aden et le détroit de Malacca, toutes à portée des 5ème et 7ème flottes américaines stationnées dans l’Océan Indien et l’océan Pacifique. En d’autres termes, la Chine tente de rendre les ressources d’énergie de l’Asie Centrale plus accessibles à ses besoins. Cependant, tous les plans chinois pour établir des liens plus étroits avec l’Asie Centrale et au-delà, vont profondément altérer ses rapports avec la Russie. Cela intervient après une période dans laquelle, pendant les 20 dernières années, la Chine a déjà étendu son influence dans le territoire sibérien à son nord.
Depuis 1991, l’extrême est de la Russie (EER) a perdu à peu près un quart de sa population. Le nombre de travailleurs immigrés chinois dans l'EER s’est élevé à 400 000 depuis juin 2017, alors que le District fédéral de l’extrême est de la Russie a perdu deux millions de personnes depuis 1991 (environ un quart de sa population) en conséquence d’un taux de mortalité élevé et de l’émigration. La Russie a loué des terres – des centaines de milliers d’hectares – à des compagnies chinoises et leur a permis d’exploiter le bois à bas prix. Il existe la possibilité que la population chinoise à un certain stade surpasse la population russe et que l’influence commerciale chinoise devienne dominante. Pour les nationalistes russes cela signifie que le but du tsar russe quand il a construit le chemin de fer sibérien – garder le contrôle de la Sibérie et être capable de jouer un rôle crucial en extrême orient – est menacé.[9] Et après son expansion dans l’extrême orient russe, avec le nouveau projet de Route de la Soie, la Chine lance une autre offensive sur son côté occidental.
Jusqu’à récemment, la Russie pouvait considérer l’Asie Centrale comme son "arrière-cour", mais maintenant, le commerce russe avec l’Asie Centrale diminue continuellement. En 2000, la part chinoise du marché en Asie Centrale n’était que de 3 %, alors qu’en 2012, elle s’élevait à 25 % - en grande partie aux dépens de la Russie.[10] Les moyens de Moscou d’éviter des dégâts ultérieurs, conséquences de l’expansion chinoise, sont limités. Même avant que le projet ne soit officiellement annoncé par le président chinois XI Jinping, la Russie avait essayé de stabiliser sa position en Asie Centrale en mettant en place, en 2014, l’UEE (Union Economique Eurasienne) dont la Chine était exclue.[11] ***
Mais pour les pays d’Asie centrale, le projet de la Route de la Soie semble être plus attrayant, à cause des promesses d’investissements chinois dans la région et d’un marché plus libre. L’UEE, dominée par la Russie, ne peut offrir qu’une union tarifaire, alors que la Russie elle-même est à cours de fonds. Cela met en lumière sur le retard chronique du capital russe. La Russie a essayé de compenser son infériorité économique en accroissant le rôle de son armée. Mais la Chine joue aussi comme rival grandissant de la Russie au niveau militaire en Asie Centrale. Par exemple, la Chine a commencé à livrer de l’équipement militaire aux pays d’Asie Centrale. Des manœuvres communes ont commencé entre les troupes chinoises et d’Asie Centrale. Même si la Russie domine encore l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (CSTO - Collective Security Treaty Organization)[12], (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Tadjikistan et Russie en font partie), la Chine a déclaré son intention d’assurer la sécurité dans la région, en comptant sur ses propres forces. Des négociations ont commencé avec le Turkménistan pour ouvrir une base militaire dans ce pays (la deuxième après Djibouti). La Chine s’est aussi engagée dans une alliance de sécurité avec l’Afghanistan, le Pakistan et le Tadjikistan, pour combattre le terrorisme. La coopération militaire entre les pays d’Asie Centrale et la Chine marque un tournant, parce qu’avant la Chine s’était abstenue d’établir une présence militaire et a gagné la sympathie de nombreux régimes du fait de sa "non-interférence dans les affaires des autres pays". Sa politique consistant à soit garder un profil bas soit agir plus agressivement, comme dans la Mer de Chine du Sud, correspond à une tactique "d’avancée" et de "recul".
Plus globalement, le développement des relations russo-chinoises montre le caractère contradictoire de leurs relations, où l'un des pays a été fortement dépendant de l'autre (comme la Chine l'était de la Russie de Staline dans les premiers jours de Mao) ou bien où ils ont développé leur rivalité et se sont même directement menacés de destruction mutuelle (comme dans les années 1960). Chaque fois, les deux pays ont des antagonismes majeurs avec les États-Unis (même si temporairement, au début des années 1980, la Chine a soutenu les États-Unis en Afghanistan contre la Russie). Depuis 1989, la Chine a visé à une collaboration plus étroite avec la Russie de façon à contrer les États-Unis partout où c’est possible, et pendant une période initiale, la Chine a aussi reçu la plupart de ses armes et de sa technologie militaire de la Russie. C’est en train de changer.
La Chine a aussi toujours utilisé la Russie comme source d’énergie. Après l’occupation russe de la Crimée, et la présence cachée de la Russie en Ukraine orientale, la Chine a bénéficié des sanctions occidentales contre la Russie. Cherchant un contrepoids à ces sanctions, la Russie devait trouver des marchés en Chine, mais la Chine pouvait faire pression sur la Russie et, à la fois faire baisser les prix russes des produits énergétiques, et obtenir des concessions pour investir en Russie. Ainsi, si la Russie a marqué des points en occupant la Crimée et en étant présente dans l'Est de l'Ukraine, elle a payé un lourd tribut en subissant un certain chantage dans le cadre d'accords commerciaux pour la Chine. Cela montre que l’économie de guerre russe a un coût élevé. En même temps, la Russie, qui se sent menacée par une "invasion chinoise par la porte de derrière" en Asie orientale et à l’ouest par les ambitions de la Route de la Soie, est consciente de la nature asymétrique du rapport entre les deux rivaux. Plus la Chine développe sa propre industrie d’armement et sa technologie, moins elle sera dépendante des exportations d’armes russes et de transfert de technologie d’armement. La Chine ne pouvait pas ouvertement saluer l’occupation russe de la Crimée parce que cela aurait discrédité l’intransigeance de la Chine sur l’intégrité territoriale – indispensable par rapport aux aspirations à l’indépendance des ouigours au Xinjiang. La Russie représente aussi un dilemme vis-à-vis de l’expansion de la Chine dans la mer de Chine du sud (MCS), spécialement après que la Chine ait plus ou moins occupé un certain nombre de récifs coralliens dans la mer de Chine du Sud, les transformant en bases militaires. Les liens militaires entre la Russie et le Vietnam pourraient aussi créer des tensions entre Chine et Russie.[13]
Cependant, comme nous l’avons montré ailleurs[14], la Russie et la Chine travaillent ensemble autant que possible contre les États-Unis. Les deux pays ont fait des manœuvres militaires communes en extrême orient, en Méditerranée et dans la Mer Baltique. Mais le projet de la Route de la Soie est certainement un des programmes chinois qui va obliger la Russie à réagir. En même temps, cela pousse d’autres pays à essayer d’approfondir tout intérêt antagonique entre Chine et Russie.
Avec l’avancée chinoise en Asie Centrale, la Chine s’est débrouillée pour bénéficier de l’affaiblissement à la fois des États-Unis et de la Russie dans la région. Peu après l’effondrement de l’empire soviétique, les États-Unis ont réussi à développer des liens privilégiés et même à ouvrir certaines bases militaires en Asie Centrale. Cependant, dans le contexte du déclin des États-Unis dans le monde, ceux-ci ont aussi perdu du terrain en Asie Centrale – avec la Chine comme principal bénéficiaire.[15]
Mais les pays d’Asie Centrale craignent tout autant l’hégémonie militaire russe que l’expansion chinoise, et essaient autant que possible de se servir des intérêts divergents entre Russie et Chine pour en tirer profit.
L’avancée de la Chine vers l’Europe enfonce aussi un coin entre l’Europe et la Russie
Comme l’Europe absorbe 18 % des exportations chinoises, toute amélioration dans les connexions du marché va renforcer la position chinoise en Europe même.[16] C’est pourquoi la Chine est particulièrement encline à accélérer le trafic de fret à partir du port du Pirée près d’Athènes, récemment acquis, vers l’Europe Centrale. Le projet de construire un train à grande vitesse entre Athènes et Belgrade et plus loin vers Budapest, reflète les tentatives de la Chine de développer une influence grandissante en Europe Centrale. La Chine utilisera la Route de la Soie comme un moyen de "mettre la Russie sur la touche" (ou si c’est nécessaire de faire une alliance avec elle), pour étendre sa position en Europe. Cela menacerait en même temps en particulier les intérêts des rivaux européens en Europe centrale même, où l'Allemagne a surtout acquis une position dominante.. Les réactions du capital allemand ont déjà signalé que – en plus des efforts pour repousser les tentatives chinoises pour avoir une emprise plus grande dans les secteurs hi-tech – le capital allemand va contrer le projet de la Route de la Soie sur différents fronts. Cela peut même vouloir dire que cela obligera le capital allemand ou d’autres capitaux nationaux à faire des alliances tactiques contre l’influence grandissante de la Chine dans la région. Cela comporte un autre élément imprévisible – des pas communs possibles des pays européens avec la Russie contre la Chine.
La Turquie a aussi été une des cibles majeures des investissements chinois. Les compagnies chinoises sont impliquées dans plusieurs des projets mégalomaniaques du président Erdogan. Dans les 3 ans à venir, on s’attend à ce que le nombre de compagnies chinoises actives en Turquie double. En même temps, la Chine et la Turquie ont eu des tensions à propos du rôle des Ouigours islamiques au XIjiang. Comme la Turquie occupe une position clef sur l’échiquier impérialiste où les ambitions russes, européennes, américaines, iraniennes sont toutes en conflit les unes avec les autres, tout mouvement de la Chine en direction de la Turquie ajoutera plus d’éléments explosifs dans cette zone profondément soumise à des conflits.
La Route de la Soie Maritime et ses contrecoups
En tant que partie du projet "Une ceinture –une Route", l’Iran a une importance spécifique. De nouveaux couloirs de transport entre l’Iran et la Chine ont été ouverts, et de nouveaux aménagements portuaires en Iran sont en construction.[17] En même temps, les sanctions américaines renouvelées contre l’Iran vont permettre à la Chine de gagner plus d’influence en Iran – c’est presque similaire aux effets des sanctions de l’occident contre la Russie, qui ont aussi conduit à une dépendance accrue de la Russie vis-à-vis de la Chine et donc, à un poids globalement accru de la Chine.
L’expansion chinoise dans l’Océan Indien oblige tous les États riverains à se positionner. D’un côté, la Chine doit faire avancer sa Route de la Soie maritime le long des côtes de l’Océan indien jusqu’à la côte iranienne. Cela engendre de nouvelles tensions entre Inde et Pakistan. Au Pakistan, le port de Gwadar, pas très loin de la frontière iranienne, sera connecté à l’extrême est de la Chine après la construction d’une connexion de 500 km de route. Le port devrait donner au marché chinois un accès plus aisé au Moyen Orient que la route par mer via le détroit de Malacca (entre la Malaisie et l’Indonésie). L’Inde proteste contre ce projet de route qui traverse la partie du Cachemire revendiquée par New Delhi. Un nouvel aéroport international doit être construit à Gwadar.
Le projet maritime de la Route de la Soie pousse aussi l’Inde à prendre des contremesures. D’un côté, l’Iran ne veut pas être trop dépendant de la Chine, c’est pourquoi il vise à renforcer ses liens avec l’Inde. L’inde a contribué à la construction du nouveau port iranien de Chabahar, lui permettant d’éviter de passer par le Pakistan pour atteindre l’Afghanistan. En même temps, l’Inde elle-même qui a eu des liens spéciaux avec la Russie pendant des décennies, les a intensifiés, malgré le fait qu’au niveau militaire l’Inde ait aussi essayé de diversifier ses achats d’armes, aux dépens de la Russie et que l’Inde est vue par les États-Unis comme un important contrepoids à l’expansion chinoise. Elle a reçu un soutien américain pour militariser plus fortement, en particulier, en accroissant ses capacités nucléaires. Et, avec la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan, l’Inde a tenté pendant quelques temps, d’établir un Couloir International de transport Nord-Sud (INSTC) qui doit connecter Mumbai à Saint Pétersbourg, via Téhéran et Baku/Azerbaïdjan.
En outre, l’Inde et le Japon ont démarré le Corridor de croissance Asie Afrique (AAGC - Asia-Africa Growth Corridor), en essayant de renforcer les liens entre Japon, Océanie, Asie du Sud-Est, Inde et Afrique … avec le plan de construire une route Inde-Birmanie-Thaïlande. En ce qui concerne la ruée sur les aménagements portuaires dans l’Océan Indien, la Chine a signé des traités pour établir de nouveaux aménagements portuaires à Hambantota au Sri Lanka et a commencé à moderniser les ports au Bengladesh. Au Pakistan et au Sri Lanka, cela a conduit à une spirale de nouvelles dettes. La construction des aménagements portuaires à Hambantota donnera à la Chine le contrôle du port pour 99 ans.
Le développement en Afghanistan met en lumière les principaux bénéficiaires de presque 40 de guerre dans ce pays.
La Russie a dû retirer ses troupes après son occupation de l’Afghanistan de 1979-1989, à la suite d’une longue guerre d’usure de 10 ans, qui a contribué à l’implosion de l’Union Soviétique. Les forces de la coalition dirigée par les États-Unis en Afghanistan ont aussi subi un réel fiasco, quand, après plus de 15 ans d’occupation du pays par les troupes occidentales, la coalition n’a pas été capable de stabiliser le pays. Au contraire, dans l’ambiance de terreur répandue dans le pays, ses propres troupes craignent pour leur vie où qu’elles aillent. Alors que les pays occidentaux ont déversé des milliards de dollars en Afghanistan pour mener la guerre et ont fait stationner des milliers de soldats (dont beaucoup ont été traumatisés), la Chine a acheté des mines (par exemple, au prix de 3,5 milliards de dollars pour une mine de cuivre en Aynak) et construit une ligne de chemin de fer reliant Logar (sud de Kaboul) à Torkham (une ville frontière du Pakistan) sans aucune mobilisation militaire jusqu'ici. Mais tandis que la Chine a jusqu’à maintenant été épargnée des attaques militaires en Afghanistan, il n’y aucune garantie que cela continue.
Afrique : la Chine met au défi la domination européenne
En plus de l’expansion de l’influence chinoise sur le Continent asiatique dans différentes directions, la Chine a aussi commencé à avancer ses pions en Afrique, où les bateaux chinois sont arrivés dès 1415. À cette époque, la Chine ne s’est pas installée en Afrique. Cela a laissé de l’espace aux puissances coloniales européennes, dont l’expansion dans le monde a commencé très vite après. Maintenant, 600 ans plus tard, c’est surtout l’influence européenne en Afrique que la Chine repousse. En 2018, on estimait que qu’environ un million de chinois vivaient sur le continent africain (ouvriers, boutiquiers, et propriétaires de compagnies). La construction des lignes de chemin de fer, mentionnées plus haut, en Ethiopie et au Kenya et les plans de vastes connections ferroviaires, donnent un éclairage sur ses ambitions à long terme en Afrique. Un certain nombre de pays (Djibouti, Egypte, Algérie, Cap-Vert, Ghana, Tchad, Guinée Equatoriale, Gabon et Angola) ont commencé à acheter la technologie militaire chinoise ; la Namibie et la Côte d’Ivoire projettent d’avoir des centres pour faciliter les fournitures à la marine chinoise. Comme on l’a dit plus haut, nous traiterons de l’expansion chinoise en Afrique dans un prochain article.
Pour conclure cet article, quand nous examinons les ambitions en arrière-plan du projet "une ceinture- une route", il ne nous reste aucun doute sur le fait que cette énorme entreprise est plus qu’un programme de "relance" économique. Construire une telle infrastructure gigantesque est inséparablement lié aux ambitions chinoises à long terme de devenir la puissance dominante, avec le but de faire tomber les États-Unis. Même si personne ne peut prévoir pour le moment si ce projet peut être mis en œuvre du fait des facteurs de risque imprévisibles mentionnés plus haut, une telle expansion n’est pas seulement vouée à restructurer les constellations impérialistes en Asie – elle aura aussi des implications à long terme en Europe et sur les autres continents.
Gordon, septembre 2018. ,
[1] Source : Foreign Direct Investment
[3] En 2018, le chemin de fer a déjà connecté la Chine avec environ 50 stations européennes de trains de marchandises. Le trajet long de trois semaines est plus court mais plus cher que la voie maritime.
[4] En Turquie, 3 compagnies étatiques ont acquis le 3ème port du pays, Kumport, près d’Istanbul. Des investissements de 10 milliards de dollars à Bagamoyo, Tanzanie, Hambantoto au Sri Lanka, des investissements majeurs à Cebu et Manille sont prévus. En ce qui concerne les parcs industriels, la Chine est en train de construire un parc industriel Hi-tech à Minsk/Belarus, le plus grand jamais construit à l’étranger par le géant asiatique. Un projet similaire sort de terre à Kuantan, Malaisie, pour l’acier, l’aluminium et l’huile de palme.
[5] En moins de 20 ans, la Chine est devenue le partenaire économique dominant de l’Afrique. Ce marché atteignait 190 milliards de dollars en 2016 et est maintenant plus grand que celui du continent avec l’Inde, la France et les États-Unis ensemble, selon des données accessibles sur le site Nouvelles routes de la soie: les projets de Pékin
[7] Citation de Diplomatie p. 65, "Géopolitique de la Chine" : En dollars actuels, le PIB de la Chine ne représentait que 1,6 % du PIB mondial en 1990. Cette proportion s’est élevée à 3,6% en 2000 et 14,8 % en 2016. Stratégiquement, le ratio entre le PIB chinois et le PIB US est passé de 6 % en 1990 à 11 ,8 % en 2000 et 66, 2 % en 2017. ( …) Comparée au Japon, la Chine ne représentait qu’un quart de l’économie japonaise en 2000, et dépassait le Japon en 2011 avant de représenter 225 % du Japon en 2016 et probablement plus de 250 % en 2017."
[8]Le président Harry Truman a signé le Plan Marshall le 3 avril 1948, accordant 5 milliards de dollars d’aide à 16 nations européennes. Pendant les 4 ans où le plan était effectif, les États-Unis ont donné 17 milliards de dollars (équivalents à 193 milliards de dollars en 2017) en assistance économique et technique pour aider à la reconstruction des pays européens qui avaient rejoint l’Organisation pour la Coopération Économique Européenne. Les 17 milliards de dollars se situaient dans le contexte d’un PNB américain de 2,58 milliards en 1948, et s'ajoutaient aux 17 milliards de dollars en aide américaine à l’Europe, entre la fin de la guerre et le début du Plan, qui est comptabilisé séparément du Plan Marshall. Le plan Marshall a été remplacé par le Plan de sécurité mutuelle à la fin de 1951 ; ce nouveau plan distribuait environ 7 milliards de dollars annuellement jusqu’en 1961 quand il a été remplacé par un autre programme.
[10]Diplomatie, janvier 2018, p.33
[14] https://en.internationalism.org/international-review/201807/16486/report... Rapport sur les tensions impérialistes (juin 2018)
[15] Après s’être appuyé sur les logistiques des aéroports d’Asie centrale dans la guerre conduite par les États-Unis en Afghanistan, les États-Unis ont fermé leur base militaire à Manas (Kirghizstan) en 2014.
[17] Le premier train de Chine est arrivé à l’époque où le président US Trump annonçait que la participation US au traité nucléaire avec l’Iran était annulée, en mai 2018, rendant donc possible à l’Iran de contrecarrer des parties des sanctions US grâce aux connexions ferroviaires chinoises.