Manifestations, grèves, déclarations médiatiques… Les syndicats contre la classe ouvrière

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Manifestations, grèves, déclarations médiatiques… ces derniers mois, les syndicats se sont une nouvelle fois présentés comme les grands défenseurs des travailleurs face aux attaques du gouvernement. Mais, une nouvelle fois, ils ont en réalité œuvré à mener la classe ouvrière à la défaite.

Ainsi, quand les syndicats prônent la convergence des luttes, ils travaillent en fait à la division. Alors que la grève des cheminots bat son plein, les employés des catacombes de Paris vivent “leur plus long mouvement social de l’histoire de Paris-musées” (1) (selon la CGT) pour défendre leurs conditions de travail. Pourtant, jamais ces deux luttes, totalement sous l’emprise syndicale, ne seront amenées à combattre ensemble dans une assemblée générale commune.

Du côté des manifestations, c’est la même chose : les syndicats segmentent ! Il n’y a qu’à voir à quoi ressemblent les défilés. Le 19 avril, par exemple, lors de la manifestation de la “convergence” appelée par la CGT et Solidaires, les cortèges se succèdent, bien encadrés et séparés par entreprises, voire même encordés, sonos à fond et aucune AG à la suite… Chacun rentre vite chez soi, dans des bus syndicaux qui repartent toujours rapidement. Marcher ainsi les uns derrière les autres, sans échanger, sans discuter, sans décider, cela épuise et écœure en donnant un sentiment d’impuissance.

Lors des assemblées générales, ce n’est pas mieux. Elles sont théoriquement là pour que les ouvriers prennent leur lutte en main, mais les dés sont pipés. Il n’y a qu’à se pencher sur la grève des cheminots à Marseille lors de l’AG du 24 avril : les ouvriers sont sceptiques quant à l’efficacité de la grève perlée et déclarent “cette grève est à nous, il faut s’en emparer !” (2) Réponse de Gilbert Dhamelincourt, responsable FO de la région PACA, concernant les dates de grève : “rien n’empêche de changer le calendrier… mais il faut que ce soit décidé nationalement”. Autrement dit : vous pouvez avoir des idées, mais, au final, on doit suivre les décisions du syndicat ! D’ailleurs, M. Dhamelincourt, pour contrer l’idée d’AG souveraines, annonce “Moi, si on n’avait aucune AG et qu’on était à 70 % de grève, ça m’irait. La direction et les médias, ce qu’ils regardent, c’est si les trains roulent !” On ne peut être plus explicite... Quand les ouvriers arrivent aux AG syndicales, les décisions sont déjà prises. Elles ne sont que des mascarades pour mieux empêcher la classe ouvrière de prendre ses luttes en mains.

La solidarité ouvrière, elle, est tout autant dévoyée par cette force d’encadrement. “Faisons vivre la solidarité pour défendre les droits des travailleurs”, nous annonce la CGT. Mais il s’agit uniquement de solliciter une solidarité… financière ! Lorsque les syndicats appellent à une solidarité plus large concernant la grève des cheminots, ils appellent à la solidarité des “usagers” et non pas à la solidarité de classe. Ce jeu de substitution de vocabulaire permet de faire oublier le lien qui nous unit : notre appartenance à la classe ouvrière. Pire, il renforce la division, comme si nous n’avions rien de commun, comme si les rapports au sein de la classe exploitée se résumaient à un rapport d’opposition et d’intérêts entre les salariés et les usagers. D’ailleurs, les manœuvres syndicales annoncées pour faire durer coûte que coûte la grève perlée des cheminots durant l’été, alors que le combat est déjà perdu, n’a de sens que pour mieux diviser et épuiser : épuiser les éléments les plus combatifs et diviser la classe ouvrière entre ceux qui ont “le courage de se battre jusqu’au bout” et ceux qui ne peuvent plus supporter les pertes de salaire et surtout la démoralisation liée à la défaite.

La solidarité, l’unité et la force de la classe ouvrière se développent dans la lutte. De cela, une partie de la classe ouvrière en a conscience. Ainsi, les grévistes du PRCI de Marseille (les agents qui gèrent la circulation des trains) en avril ont pris l’initiative “d’aller voir en délégation les infirmiers de l’hôpital Nord pour discuter de ce qui (les) rassemble dans la lutte”. Seulement, là aussi les syndicats sont prompts à s’approprier le terme “extension” pour mieux l’étrangler : à la place d’un déplacement de tous les ouvriers d’une AG vers l’usine, l’hôpital, l’administration voisins, seuls les délégués syndicaux rendent visitent aux délégués syndicaux d’à-côté afin que tout ce joli monde affirme en chœur une belle et, surtout, très platonique “solidarité”.

Dans ces conditions, comment dépasser l’encadrement syndical ? Réapproprions-nous nos moyens de lutte, à commencer par les assemblées générales. Ne nous laissons pas enfermer dans des luttes corporatistes et sans lendemain qui épuisent, à l’image de la “grève perlée” des cheminots. Il ne faut avoir aucune illusion sur ce que sont les syndicats. Tout ce qu’ils mettent en œuvre, ils le font dans l’intérêt du capital, pas de la classe ouvrière !

Irène, 25 juin 2018

1Fin de la grève pour les agents des catacombes, Le Figaro.fr, 18 juin 2016.

2Les cheminots veulent casser la prévisibilité de la grève, Libération, 24 avril 2018.

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