Soumis par CCI le
Les syndicats, depuis des décennies, ont fait la preuve qu'il n'y a rien à attendre d'eux sinon le sabotage des luttes ouvrières. A chaque fois que les ouvriers les ont suivis ou même quand ils ont simplement toléré leur présence, ils ont subi des défaites. Par contre, à chaque fois que les ouvriers ont réussi à imposer un rapport de force à la bourgeoisie, chaque fois qu'ils ont réussi à la faire reculer, c'est en menant des luttes importantes en dehors et contre les syndicats.
La lutte est l'affaire des ouvriers, pas des syndicats
Qu'on se souvienne du mouvement des ouvriers en Pologne, durant le mois d'août 1980, qui avait eu la force de faire céder l'Etat stalinien et de faire trembler la bourgeoisie mondiale non seulement du fait de sa puissance (le mouvement avait embrasé tout le pays en quelques jours) mais aussi parce qu'il n'a pas eu à faire face à l'obstacle syndical (les seuls syndicats qui existaient, les syndicats «officiels» qui se présentaient eux-mêmes comme les rouages de l'Etat, étaient trop discrédités). C'est justement la création et la mise en place de Solidarnosc (avec le soutien actif des bourgeoisies occidentales) qui a permis à l'Etat polonais de rétablir son contrôle sur la classe ouvrière en affaiblissant sa lutte pendant plus d'un an pour finalement livrer les ouvriers à la répression du gouvernement Jaruzelski (voir article page 8).
Aujourd'hui, encore une fois, c'est aux syndicats, c'est-à-dire à ceux qui ont réellement initié, organisé, dirigé le «mouvement» contre le plan Juppé et négocié la reprise dans les coulisses avec le gouvernement que la classe ouvrière doit sa défaite. Elle doit donc se débarrasser de ses illusions par rapport à ces organisations de l'Etat bourgeois qu'on ne cesse de lui présenter comme les seuls capables de les défendre, comme les «spécialistes» de la lutte. Les seuls et véritables spécialistes de la lutte ce sont les ouvriers eux-mêmes. La lutte doit donc être leur affaire et surtout pas celle des syndicats. Ce n'est pas à ces derniers de décider ni des moyens ni du moment de la lutte, c'est aux ouvriers de prendre eux-mêmes, tous ensemble, l'initiative de la démarrer et de l'arrêter. Quand ils remettent leur lutte entre les mains des syndicats, ils s'en laissent déposséder et ils la remettent en fait entre les mains de l'ennemi.
Comment lutter efficacement ?
Dans son combat contre les attaques capitalistes, la classe ouvrière ne peut et ne doit compter que sur ses propres forces, son unité, sa solidarité, sa conscience, son organisation dans la lutte.
Pour lutter efficacement :
- les ouvriers ne doivent pas attendre les consignes syndicales pour engager la lutte. Dès le début, ils ne doivent pas hésiter à disputer le contrôle de la lutte aux syndicats. La preuve que les syndicats sont des ennemis de la classe ouvrière, c'est qu'à chaque fois que les ouvriers ont engagé spontanément une lutte, les syndicats les ont combattus, voire même dénoncés (comme, par exemple lors de la grève spontanée des la RAPT en décembre 85, et celle de la SNCF en 86). Le combat de la classe ouvrière passe nécessairement par un affrontement à ces forces d'encadrement capitalistes;
- lorsque les ouvriers décident d'engager le combat, ils doivent immédiatement se donner comme perspective d'étendre la lutte sur une base géographique (et non corporatistes ou sectorielle) en envoyant des délégations massives aux différentes entreprises voisines. C'est uniquement en prenant eux-mêmes très rapidement cette décision qu'ils pourront empêcher les syndicats (ou leur base gauchistes) de leur couper l'herbe sous le pied en s'emparant du mot d'ordre d'»extension» pour mieux dénaturer et saboter cette nécessité de la lutte, comme ce fut le cas ces dernières semaines;
- si les ouvriers en lutte ne parviennent pas à convaincre ceux des autres entreprises pour les entraîner dans le combat, il ne sert à rien de poursuivre la lutte, seuls, car l'isolement ne peut les mener qu'à la défaite. Mieux vaut arrêter la lutte et repartir un peu plus tard lorsque les conditions de l'extension seront plus mûres. En aucune façon, les ouvriers ne doivent utiliser les méthodes des syndicats consistant, comme ce fut le cas dans les grèves contre le plan Juppé, à faire le forcing en culpabilisant les non grévistes, voire en les dénonçant comme des ennemis, pour les obliger à suivre un mouvement (notamment une grève longue) dans lequel ils ne sont pas prêts à s'engager;
- c'est en premier lieu dans la tenue et la participation de tous les ouvriers aux assemblées générales massives et SOUVERAINES qu'ils peuvent réellement maîtriser leur lutte, l'étendre, déjouer les manoeuvres de sabotage syndical, imposer leurs propres décisions dans la discussion la plus large possible. Aujourd'hui, les syndicats prétendent que les AG qu'ils ont organisées étaient réellement souveraines avec l'argument que les décisions (c'est-à-dire les leurs) étaient votées «démocratiquement» par les grévistes. Ce n'est certainement pas le vote des propositions syndicales qui fait le caractère souverain de ces AG. Pour être de véritables lieux de décision où s'exprime la vie réelle de la classe ouvrière, ces AG doivent être ouvertes à tous les ouvriers de toutes les entreprises, tous les secteurs, qu'ils soient salariés ou au chômage. Or, dans le mouvement contre le pan Juppé, les syndicats ont tout fait pour verrouiller ces AG en empêchant les ouvriers des autres secteurs et entreprises d'y participer (sauf lorsqu'il s'agissait d'envoyer des délégations de cheminots pour «étendre» la grève sous le contrôle des syndicats);
- c'est dans les AG souveraines que les ouvriers peuvent prendre réellement leurs luttes en mains, la contrôler en élisant des délégués et des comités de grève responsables devant l'ensemble des travailleurs en lutte, et donc révocables à tout moment. C'est dans ces AG souveraines qu'ils doivent se donner des organes de centralisation de la lutte, comme ce fut le cas en Pologne en 80 avec les MKS. Quand la lutte se généralise, les ouvriers doivent se doter d'un comité central de grève, chargé de centraliser la lutte à l'échelle géographique. Cet organe de centralisation du mouvement doit être formé de délégués de toutes les entreprises, secteurs et régions. Cette centralisation est l'expression de l'unité de la classe ouvrière en lutte;
- seule cette centralisation peut permettre aux ouvriers de réellement maîtriser, contrôler, diriger leur combat du début à la fin. Et lorsque les ouvriers décident d'arrêter le mouvement, cette décision ne peut être prise que de façon collective et centralisée afin d'éviter la reprise du travail dans la dispersion, l'éclatement, la division où chacun se retrouve du jour au lendemain, isolé dans son entreprise, son atelier, coupé des autres ouvriers avec lesquels il a mené le combat. Une telle situation ne peut être que source de démoralisation. C'est justement ce que recherchent aujourd'hui les syndicats lorsqu'ils font voter la reprise paquets par paquets dans la plus grande confusion afin de créer un clivage entre ceux qui veulent poursuivre la lutte et ceux qui veulent reprendre le travail;
- lorsque les ouvriers décident collectivement d'arrêter le combat, ils doivent préserver leur unité de classe en de donnant les moyens d'éviter à tout prix l'isolement, l'atomisation. Ils doivent chercher à se regrouper sur les lieux de travail pour discuter ensemble des forces et des faiblesses de la lutte qu'ils viennent de mener. Pour pouvoir repartir au combat dans les meilleures conditions, ils doivent tirer les principaux enseignements non seulement de leur dernière expérience mais de toutes leurs luttes passées (notamment en formant des comités de lutte lorsque les conditions le permettent).
Pour développer ses luttes, opposer un front massif et uni à la bourgeoisie, la classe ouvrière ne peut compter que sur elle-même. Elle a les moyens de mener un tel combat. Mais pour cela, elle doit retrouver la confiance en ses propres forces. C'est cette force que la classe dominante et son Etat redoute pas dessus tout.