Soumis par Révolution Inte... le
La phase expansive de l'impérialisme russe qui débute avec le pacte Hitler-Staline devait inévitablement rendre toute entente impossible entre les "alliés" de la guerre contre l'Axe.
Nous pouvons vérifier cette conjoncture qui nous conduit vers la guerre à la lumière des faits de tous les jours, ce que nous avons fait en toute objectivité dans chacun de nos bulletins.
Mais il est encore des gens qui prétendent qu'il n'y a pas de nouveaux nuages sous le soleil d'automne, qu'il en est aujourd'hui comme d'hier : "Cette guerre, disent-ils, nous accorde un sursis que nous devons utiliser pour mobiliser la classe prolétarienne." À quelques variantes prés dans la forme, c'est ce qui se dégage du contenu de la thèse anarchiste.
Il est sans doute bien évident que la conférence de l'ONU n'apporte pas les nuages précurseurs des foudres de la guerre avec elle. Elle a toutefois cet avantage de nous y préparer psychologiquement.
Mais pour tous les agitateurs qui remuent le vide, pour les "économistes" à la petite semaine, ceux qui prêchent la grève générale à tous les coins de rue, pour tous ceux qui entendent mobiliser le prolétariat sur la base de revendications corporatistes, il y a un fait qui semble totalement leur échapper : c'est la puissance des organismes répressifs à la disposition de la bourgeoisie (armée, magistrature, police, presse etc.) ; quelle est l'influence des forces réactionnaires au sein de la classe ouvrière. Si tout cet appareil peut fonctionner librement et surement, pas de doute que l'opinion des ouvriers en soit entachée et réactionnaire.
Les événements de l'ONU sont bien le signe d'une situation qui s'aggrave à un rythme accéléré. L'impérialisme a effectivement pris conscience qu'il ne peut maintenir "la paix" qu'en préparant la guerre. Il y a un an, il y avait place pour le doute dans les positions des quatre grands impérialismes, dans la rapidité du cours vers la guerre. Mais les récents événements (les discours et déclarations communes) sont suffisamment catégoriques quant à la précision de l'antagonisme russo-américain et quant au degré avancé de murissement de cet antagonisme.
Au moment où Marshall fait son discours à Flushing-Meadows, l'agence Reuter fait savoir que les É-U envisagent de placer leurs forces armées à la disposition de l'ONU pour la restauration de "la paix" et de la sécurité sur les frontières de la Grèce. Ne serait-ce pas là un prélude à la guerre généralisée ?
Il y a d'autres facteurs plus persuasifs pour indiquer le degré de fermeté de l'offensive américaine face au bloc russe. Le département d'État et les déclarations de Mr Trumann - qui entend apporter une aide de 580 millions de dollars à la France et à l'Italie à seule fin, dit-il d'éviter la famine - cela doit se traduire "éviter de créer un climat favorable à l'emprise communiste et permettre à la France et à l'Italie de s'engager sans ambages dans la politique du dollar". C'est aussi pour cette même raison que, malgré le véto soviétique, le délégué américain ne désespère pas de l'entrée de l'Italie dans l'ONU.
La politique américaine s'accuse également dans le domaine militaire : selon les accords signés par les principales puissances, toutes les forces d'occupation d'Italie doivent être retirées ; cependant Sumner Welles déclare que la situation devenant de plus en plus précaire, le maintien des troupes serait non seulement une garantie pour les États-Unis mais aussi pour l'Italie. Tous ces agissements américains ont un but bien défini : il s'agit de chasser la Russie de la Méditerranée et des Balkans.
Nous pouvons dire aujourd'hui que l'ONU restera dans l'impasse, car il n'y a plus de place pour les compromis, qui étaient encore possibles dans les conférences antérieures.
Dans le bloc russe, on se prépare hâtivement à l'échéance qui approche à pas de géant : pendant que se déroulent les joutes oratoires à Lake-Success, la Bulgarie et la Yougoslavie se hâtent d'envoyer des armes à l'EAM en Grèce, où le général américain Chamberlain prépare une série de plans destinés à faire face à toutes menaces susceptibles de se présenter. Ces plans auront pour objectif primordial de maitriser la "rébellion", sans toutefois exclure l'éventualité d'une intervention extérieure.
En Allemagne, dans la zone russe, les orateurs du Parti socialiste unifié allemand et les officiers russes vont entreprendre une vaste campagne soviétique avant la conférence de Londres, à l'issue de laquelle ils demanderont l'anschluss de la zone à la Russie.
En vérité, ces événements montrent clairement que les impérialistes préparent hâtivement la guerre ; chacun a besoin d'accroitre son autorité dans sa zone, ce qui se manifeste par la destruction des oppositions dans la zone russe ainsi que l'assassinat de Petkov en Bulgarie.
Dans une situation économique de guerre comme celle que vivent nos impérialismes modernes, les pays de second et troisième ordre se placent obligatoirement dans le camp où leurs intérêts respectifs les introduisent, cela en fonction de leurs économies subordonnées.
C'est dans ce sens que l'on s'explique la position de la Grande-Bretagne, défense inconditionnelle de l'Amérique face à l'URSS et animatrice du plan Marshall.
Quant à la France, le capitalisme a bien conscience de la guerre qui se prépare, mais il y préfère obtenir quelques miettes d'un pays riche plutôt que de tout perdre. Devant le danger immédiat, la France se refuse à jouer en médiateur ; elle s'engage sans réserve dans le bloc anglo-saxon où le plan Monnet attend le charbon de la reconstruction et le blé des 16 ; en échange, la bi-zone pourrait devenir la tri-zone face à l'anschluss russe.
De même pour les pays coloniaux : les événements de Indes, d'Indochine, d'Afrique et de Tunisie ne sont pas étrangers à l'influence économique des 2 pôles d'attraction du globe.
Dans ce chaos qui grandit chaque jour avec une précision mathématique, ceux dont la mission devrait être de guider le prolétariat utilisent, avec un cynisme qui n'a pas d'égal, des armes toute rouillées et des théories toutes aussi infirmées par l'histoire, telle la revendication économique corporatiste et la grève générale, pour lutter contre l'éventualité de la guerre. Les trotskistes impénitents s'évertuent, une fois de plus, à se vautrer dans la collaboration avec la bourgeoisie capitaliste : par leur "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", dans "la lutte contre le fascisme", ils apportent leur appui à la politique stalinienne qu'ils rejoignent lorsqu'ils invitent les prolétaires à défendre "la patrie soviétique".
Les anarchistes affirment n'avoir aucun point commun avec les opportunistes trotskistes qu'ils dénoncent comme tels. En fait, bien qu'ils rejettent la défense de l'URSS, ils ont néanmoins un point commun, celui qui consiste à prêcher la grève générale. Ils apportent ainsi tous les deux, avec les "économistes" syndicaux de toutes catégories, de l'eau au moulin de la bourgeoisie, de l'impérialisme russe et de tous ses agents. Devant la possibilité de la guerre, le stalinisme utilisera toutes les armes et, à plus forte raison, la grève générale ; mais ce sera uniquement pour dégager le chemin à ladite armée rouge.
Quant à nous, nous pensons que la perspective de la guerre est proche, que cette situation peur se rapprocher du cours 1936-40, avec un développement plus rapide des événements ; au nom de la lutte du fascisme et de l'antifascisme, le capitalisme a pu terminer victorieusement sa guerre contre les peuples. Dans la conjoncture actuelle où le capitalisme évolue à pas de géant vers la 3ème guerre mondiale, il importe que chaque travailleur trouve la possibilité d'abattre l'obstacle qui se trouve devant lui. Cela signifie, pour nous, se détacher de l'idéologie bourgeoise, dans une lutte politique et sociale qui rejette la démagogie de la défense de la Russie et la notion de guerre progressiste.
Refus de la misère –Refus de la famine– Autant de pain en plus et autant de canons en moins, tel est l'axe de toute propagande révolutionnaire face à la guerre qui vient.
RENARD