Le désastre porte un nom: le capitalisme!

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Nous publions ici la déclaration de camarades en Turquie sur le tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie. Nous saluons la réponse rapide des camarades à ces terribles événements, dans lesquels le nombre officiel de morts a déjà dépassé les 21 000 et risque d’être beaucoup plus élevé, y compris ceux qui ont survécu au tremblement de terre initial mais qui doivent maintenant faire face à la faim, au froid et à la maladie. Comme le montre la déclaration, cette catastrophe « naturelle » a été rendue beaucoup plus meurtrière par les exigences impitoyables du profit et de la concurrence capitalistes, qui ont obligé les gens à vivre dans des logements totalement inadaptés et fragiles. Les effets particulièrement catastrophiques du récent tremblement de terre illustrent l’accentuation du mépris de la bourgeoisie pour la vie et la souffrance de la classe ouvrière et des opprimés aujourd’hui, dans la période où le mode de production capitaliste se décompose à tous égards. En particulier, le fait que cette catastrophe se déroule au milieu d’un théâtre de guerre impérialiste en aggrave considérablement l’impact. L’épicentre du séisme se trouvait à Maraş, dans la région majoritairement kurde longtemps théâtre du conflit entre l’État turc et les nationalistes kurdes. Dans le nord de la Syrie, un grand nombre de victimes sont des réfugiés qui ont tenté de se mettre à l’abri de la guerre meurtrière en Syrie, et qui vivaient déjà dans des conditions infernales, exacerbées par le bombardement délibéré des hôpitaux par le régime Assad dans des villes comme Alep. La confrontation permanente entre les factions capitalistes belligérantes dans la région constituera également un obstacle politique et matériel aux efforts de sauvetage déjà insuffisants.

Nous voulons toutefois signaler deux problèmes dans ce texte et dont les camarades ont convenu. Le premier est son titre : « Seule la solidarité de classe prolétarienne peut nous sauver ! ». Ce n’est pas en soit la solidarité prolétarienne qui permettra de mettre fin aux maux du capitalisme, mais le renversement de ce système. Il n’y a pas de « solutions » à la crise historique du capitalisme en son sein. Enfin, la phrase suivante n’est pas juste : « Déjà, dans le monde entier, des travailleurs et des équipes de recherche et de sauvetage expriment leur solidarité pour aider les survivants. Cette solidarité, qui est l’une des plus grandes armes du prolétariat, est une nécessité vitale ». En effet, à l’exception des tous premiers jours, les équipes de secours dépêchées sur place étaient constituées de professionnels, bien souvent envoyées par les États, ce qui n’a rien à voir avec la solidarité prolétarienne.

CCI


Le désastre porte un nom : le capitalisme ! Seul son renversement peut épargner de telles souffrances à l’humanité !

Il n’est pas encore possible de saisir exactement la mesure des effets destructeurs du tremblement de terre qui a eu lieu à Maraş (6 février 2023), et qui a également frappé les provinces voisines et la Syrie. Déjà, les médias affirment que plus de dix mille bâtiments ont été détruits, que des milliers de personnes sont mortes sous les décombres et que des dizaines de milliers de personnes ont été blessées. Les communications avec certaines villes sont coupées depuis deux jours. Des routes, des ponts, des aéroports ont été détruits. On rapporte qu’un incendie s’est déclaré dans le port d’Iskenderun. Les connexions d’électricité, d’eau et de gaz naturel sont coupées dans de nombreuses régions. Ceux qui ont survécu au séisme doivent maintenant lutter contre la faim et le froid dans des conditions hivernales difficiles. Des nouvelles très graves nous parviennent également des zones touchées par le séisme en Syrie, qui est sous l’occupation militaire de la Turquie.

Deux importants tremblements de terre consécutifs sont certes inhabituels. Cependant, contrairement à ce que prétendent la classe dirigeante et ses partis, cela ne signifie pas que les destructions causées par les séismes sont normales. Les appels écœurants à l'« unité nationale » lancés tant par l’opposition que par les partis capitalistes au pouvoir ne peuvent cacher un fait que tout le monde connaît : le capitalisme et l’État sont les principaux responsables de ces destructions.

1- Nous savons que le prolétariat, en tant que classe, fera preuve d’une solidarité sous toutes ses formes dans l’action pour ceux qui se sont retrouvés sans abri, blessés et ont perdu leurs proches dans les zones touchées par le séisme. Des centaines de travailleurs des mines se sont déjà portés volontaires pour participer aux efforts de recherche et de sauvetage dans la zone dévastée.. Les prolétaires n’ont personne d’autre qu’eux-mêmes à qui faire confiance. Nous ne pouvons espérer notre émancipation que par notre propre classe, par l’unité, et non par la classe dominante et son État.

2- Les expériences sismiques passées en Turquie sont la preuve des effets destructeurs et mortels de l’urbanisation qui s’est développée dans le but de reproduire la société du Capital. La seule raison pour laquelle on construit des immeubles à étages incapables d’affronter les tremblements de terre, dans lesquels des gens s’entassent et forment des villes densément peuplées dans les zones sismiques, est de répondre aux besoins de main-d’œuvre abondante et bon marché que recherche le Capital. Après les séismes de Gölcük et de Düzce il y a 20 ans (dans la région de la mer de Marmara), ce séisme démontre une fois de plus la superficialité de toutes les « mesures » prises par l’État et les larmes de crocodile versées par la classe dirigeante. Ce tremblement de terre et ses effets prouvent déjà douloureusement que la raison principale de l’existence de l’État n’est pas de protéger la population pauvre et prolétaire, mais de protéger les intérêts du capital national.

3- Alors pourquoi le capitalisme ne construit-il pas une infrastructure permanente et solide, même si les catastrophes détruisent régulièrement et systématiquement sa propre infrastructure de production ? Parce que sous le capitalisme, les bâtiments, les routes, les barrages, les ports, bref, les investissements en infrastructures en général, ne sont pas construits dans une optique de permanence ou de besoins humains. Dans le capitalisme, tous les investissements en infrastructures, qu’ils soient réalisés par l’État ou par des entreprises privées, sont construits dans un but de rentabilité et de maintien du système de travail salarié. Les populations denses sont entassées dans des villes inhabitables. Même s’il n’y a pas de tremblement de terre, les villes et les zones rurales sont constituées de bâtiments insalubres en béton qui peuvent durer tout au plus 100 ans. La terrible urbanisation capitaliste des 40 dernières années a transformé les villes et même les villages de Turquie en de véritables cimetières de béton. Le système capitaliste basé sur la production de plus-value ne peut être maintenu qu’en employant autant de main-d’œuvre vivante que possible, c’est-à-dire des prolétaires, et en maintenant au minimum les investissements en capital fixe, c’est-à-dire les infrastructures. Dans le capitalisme, la construction est une activité permanente, mais la permanence du bâtiment, son harmonie avec l’environnement et sa réponse aux besoins humains sont totalement ignorés. C’est la règle dans le capitalisme occidental avancé ainsi que dans les capitalismes plus faibles d’Afrique et d’Asie. Le seul objectif social du capital et de ses États est de perpétuer l’exploitation d’un nombre toujours plus grand de prolétaires.

4- L’ordre capitaliste n’est même pas en mesure de proposer des solutions permettant de reproduire son propre ordre d’exploitation. Face aux catastrophes « naturelles », le Capital est non seulement insouciant mais aussi impuissant. Nous voyons cette impuissance même dans le manque de coordination des organisations d’aide sous le contrôle des États-nations et l’incurie de l’État dans la distribution de l’aide d’urgence. Nous le voyons non seulement dans des pays comme la Turquie, où le capitalisme en décomposition a été plus profondément touché, mais aussi dans des pays au cœur du capitalisme, comme l’Allemagne, qui était impuissante face aux inondations il y a deux ans, ou les États-Unis, dont les routes et les ponts s’effondrent lors d’inondations en raison de la faiblesse des investissements dans les infrastructures.

5- Le fait que certaines parties de l’opposition bourgeoise trouvent l’État « incapable » d’« aider » les victimes du séisme présente une vision trompeuse sur la nature de l’État. L’État n’est pas une agence d’aide. L’État est l’appareil collectif de violence d’une classe exploiteuse minoritaire. L’État protège les intérêts du Capital. Certes, puisque le règne du chaos dans une zone sinistrée va à la fois montrer la faiblesse de la classe dominante et entraver la reproduction du Capital lui-même, l’État sera contraint d’organiser un niveau minimum d'« aide ». Mais il semble que l’État soit incapable de fournir même cette aide minimale. Quelle que soit l’intervention de l’État dans la catastrophe, sa fonction principale est de contenir le prolétariat et de concurrencer les autres pays capitalistes dans l’intérêt de son propre Capital national. L’État est la machine idéologique et physique qui aide l’accumulation du Capital, le gardien des conditions qui poussent les travailleurs dans des cercueils de béton mortels et les laissent sans défense face aux catastrophes.

6- Il n’y a rien de « naturel » dans les épidémies, les famines et les guerres que nous avons connues ces dernières années et dont les effets se font sentir dans le monde entier. Bien qu’il soit impossible de prévoir le moment d’un tremblement de terre avant qu’il ne se produise, on peut prédire avec certitude les lignes de faille des tremblements de terre et leur éventuelle magnitude. Le principal agent responsable de tous ces désastres est le capitalisme et les États-nations, l’ensemble de la classe dirigeante existante, qui organise la société autour de l’extraction de la plus-value et du travail salarié, qui exacerbe la compétition militaro-nationaliste et qui menace l’existence et l’avenir de l’humanité. Tant que le capitalisme continuera à dominer, tant que l’humanité continuera à rester divisée en États-nations et en classes, ces catastrophes continueront à se produire, devenant plus meurtrières, plus destructrices et plus fréquentes. C’est l’indication la plus claire de l’épuisement du capitalisme. Partout dans le monde, la classe dirigeante pousse l’humanité vers des guerres, des villes horribles et inhabitables, la faim et la famine, une gigantesque crise climatique mondiale.

Le séisme qui a eu lieu à Maraş et dans ses environs est la dernière preuve concrète et douloureuse que la classe dirigeante n’a aucun avenir positif à offrir à l’humanité. Mais cela ne doit pas nous conduire au pessimisme. La solidarité dont notre classe a fait et fera preuve lors de ce tremblement de terre doit nous donner de l’espoir. Les catastrophes sont dévastatrices non pas parce qu’elles n’ont pas de solution, mais parce que notre classe, le prolétariat, n’a pas encore la confiance en lui nécessaire pour changer le monde et sauver l’humanité du fléau du Capital. Les ressources de l’humanité et de la terre sont suffisantes pour construire des habitations et des cités permanentes et sûres qui nous protégeront des catastrophes. La voie vers cela s’ouvrira lorsque le prolétariat, la seule force capable de mobiliser les ressources du monde pour sa libération, développera sa confiance en lui-même et s’engagera dans une lutte mondiale pour prendre le pouvoir à la classe capitaliste corrompue.

Un groupe de communistes internationalistes de Turquie, 7 février 2023

 

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Rubrique: 

Tremblement de terre en Turquie et en Syrie