LA COMMUNE

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Il ne s’agit pas ici, pour nous, de pousser des cris d’indignation contre tout ce qu’il y a d’inhumain dans la société capitaliste, ni de nous apitoyer sur le sort de la classe opprimée, ni de jouer les prophètes annonciateurs d’un monde nouveau, mais d’analyser d’un point de vue prolétarien -sans pour autant, faire une étude exhaustive du problème- les conditions matérielles sur lesquelles pourrait naître une société nouvelle.

La nécessité de la dictature du prolétariat

La future forme d’organisation sociale allant de pair avec le dépérissement de l’ancienne, nous devons axer tout d’abord notre analyse sur les éléments qui concourent à ce dépérissement, c’est à dire chercher dans les fondements même du capitalisme les contradictions qui le conduisent à sa chute.

Le développement de la grande industrie et du machinisme, s’est accompagné lors de l’avènement de la société capitaliste, d’une transformation radicale dans les formes d’organisation sociale de la production; le système des corporations et de la petite production artisanale était en effet devenu une entrave au développement des forces productives, De même, alors qu’il était au début un facteur de leur développement, le nouveau mode de production caractérisant le capitalisme, devient à son tour inadapté à la croissance des forces productives.

Le phénomène social de la production, au lieu d’être un acte accompli au profit de la société toute entière, est, de par l’appropriation capitaliste du produit du travail de la masse des prolétaires, un acte bénéfique seulement à une minorité de la population, la bourgeoisie. La tendance expansionniste du capitalisme, due à la satisfaction d’un impératif vital, le profit, se heurte inévitablement au caractère limité des marchés auquel s’ajoutent les problèmes de concurrence inter-capitaliste. L’anarchie dans la production sociale et l’impuissance de la bourgeoisie à gérer l’économie d’une manière rationnelle, ne sont que l’expression de ces contradictions internes.

Les crises sont la conséquence inévitable des contradictions du capitalisme et de la difficulté croissante de celui-ci à les surmonter. Cette incapacité est elle-même l’expression des formes d’organisation économique de la société; "les conditions bourgeoises de production et d’échange, le régime bourgeois de la propriété, toute cette société bourgeoise moderne qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoqué"(Le Manifeste Communiste)

L’antagonisme de classes est le reflet .de la position de celles-ci dans le processus de production: la classe bourgeoise possède et gère los moyens de production, la masse des prolétaires lui vend sa force de travail et crée la plus-value dont s'approprie la première. Les rapports existants entre ces deux classes ne peuvent être que des rapports, d’exploitation et de domination, les intérêts de l’une ne peuvent être satisfaits qu’aux dépens des intérêts de l'autre . Alors que la bourgeoisie, pour exister se doit d’exploiter au maximum la force de travail, l’intérêt du prolétariat, se trouve dans la suppression intégrale de l’exploitation. Pour que cesse sa condition d’opprimé, il doit s’attaquer aux principes fondamentaux sur lesquels repose son exploitation, aux structures mêmes du capitalisme; à l’appropriation bourgeoise des .moyens de production, donc à la gestion capitaliste de l’économie.

L’évolution du rapport de forces entre les classes antagonistes, est objectivaient conditionné par l’évolution des contradictions du capitalisme: a un certain degré de développement la bourgeoisie ne parvient à maintenir ses propres conditions d’existence que de plus en plus difficilement; les rapports sociaux correspondant à sa domination de classe entrent en contradiction avec les forces productives, Les conditions matérielles de l’affranchissement de la classe exploitée sont donc réalisées.

Étant bien entendu que le prolétariat, par sa position au sein des rapports de production, est la seule classe véritablement révolutionnaire, la seule capable de mener à bien le projet révolutionnaire, sa tache historique ne peut être accompli ni par une minorité, (même son avant-garde) ni par le "peuple". L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes et elle exigera obligatoirement l’organisation de ceux-ci en classe dominante : la dictature du prolétariat.

La dictature du prolétariat est l’aboutissement historique du mouvement réel de l’antagonisme de classes.

La lutte de classes "mène nécessairement à la reconnaissance de la domination politique du prolétariat, de sa dictature, c’est à dire d’un pouvoir qu’il ne partage avec personne et qui s’appuie directement sur la force armée des masses"("L’État et la Révolution" Lénine.)

La révolution prolétarienne n’est pas une idée en l’air, ni une croyance faisant abstraction de la réalité; c’est au contraire à partir du mouvement réel que s’est élaborée et s’élabore une conception révolutionnaire du monde. Le grand apport de la plus importante expérience révolutionnaire du XIX siècle, la Commune de Paris, c’est d’avoir ébauché les conditions nécessaires à la réalisation de la domination politique de la classe ouvrière, les premiers pas d’une révolution prolétarienne,

Révolution violente

A la veille de la Commune, comme à la veille de tout mouvement révolutionnaire, le conflit de classe éclate au grand jour, et l’inconciliabilité des classes est flagrante, Il ne peut y avoir de solution pacifique au conflit, La bourgeoisie peut, par une victoire violente, briser la résistance du prolétariat, mais l’existence de celui-ci étant la condition nécessaire de sa survie, elle ne peut pas éliminer les causes profondes de l’antagonisme; bien au contraire, à long terme le prolétariat ne peut sortir que plus puissant d’une telle expérience. La victoire de la bourgeoisie ne peut toujours, être que moment année.

La destruction pacifique de la société bourgeoise est une utopie car elle ne peut avoir pour aboutissement réel la suppression des classes.

Ce mouvement, là n’a donc aucun caractère révolutionnaire et-ne peut en aucune façon être considéré comme une "erreur" de la lutte prolétarienne. Il est au contraire une arme utilisée par et pour la bourgeoisie; il vise à calmer les masses, à les maintenir sous le joug de la classe au pouvoir. En opposition à ces conceptions dites "idéalistes", objectivement contre-révolutionnaires, l’histoire de la société de classe en général et donc celle du prolétariat, nous montre l’évolution sociale de l’humanité comme une suite de révolutions toutes fondées sur la violence. Jusqu’à la destruction de la société de classe, "à la veille de chaque remaniement général de la société, le dernier, mot de la science sociale sera toujours: "le combat ou la mort: la lutte sanguinaire ou le néant. C’est ainsi que la question est invinciblement posée".

L’affranchissement de la classe opprimée ne sera donc possible que par une révolution violente. Ce qui ne signifie nullement, comme pourraient encore le croire certains , que la classe révolutionnaire se bornera a une violence défensive. Cette attitude-là, nous l’avons bien vu pendant la Commune (alors que Paris en avait les moyens et ne marcha pas sur Versailles) ne peut qu’être favorable à la bourgeoisie; elle ne peut que lui permettre de mieux s’organiser militairement en vue d’écraser le prolétariat. La classe révolutionnaire doit donc prendre l’initiative de la violence.

La victoire violente du prolétariat se traduit par la répression des exploiteurs. Supprimant la bourgeoisie en tant que classe dominante, et en tant que force réactionnaire .cette victoire doit être totale car, pour que cesse sa condition d’exploité, c’est aux racines .profondes du conflit que le prolétariat doit s’attaquer.

La question de l’État

Comment le prolétariat organise-t-il sa violence, quelles formes d’organisation se donne-t-il pour réaliser sa dictature, pour assumer la direction de la société ?

La Commune de Paris et les mouvements révolutionnaires en général s’ils ont été des échecs, ont cependant irrémédiablement démasqué les institutions et organisations bourgeoises. Durant une période de calme la classe dominante, à l’aide de sa pression idéologique sur les masses justifie leur existence et leur pratique par "l’intérêt commun", la "nécessité de l’ordre dans un pays démocratique" et toute cette sérié "d’opiums du peuple". Mais la réalité est là pour montrer la véritable fonction de ces institutions et organisations. Lorsqu’elles prennent part aux conflits qui opposent bourgeoisie et prolétariat, la couverture idéologique qui les masquait, éclatant en miettes, elles révèlent leur véritable nature de classe.

Il en est ainsi pour l’État qui est présenté comme organe de conciliation de classe, comme arbitre en quelque sorte. Cette conception propre à l’idéologie bourgeoise joue bien son rôle: masquer la place que tient l’État dans une société de classe.

L’origine de l’État.

L’État est ”un produit de la société à un stade donné de son développement; il est l’aveu que cette société s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s’étant scindée en oppositions inconciliables qu’elle est impuissante à conjurer" (Engels "L’origine de la Famille de la Propriété Privée et de l’État")

L’État est le produit des contradictions de classe. A un certain stade de développement de la société et de ses contradictions, la classe économiquement la plus puissante a besoin d’asseoir son pouvoir, d’ établir des rapports juridiques et politiques sauvegardant ses intérêts économiques. L’état est l'appareil que se donne cette classe en vue de mieux maintenir la classe opprimée sous son joug.

Dans la société capitaliste, l’état est l’appareil de la bourgeoisie son organisation de classe dominante. Les bureaucrates gouvernementaux , représentant de la classe privilégiée ne peuvent qu’avoir une situation privilégiée. De par l’inconciliabilité des classes antagonistes l’état est pour la bourgeoisie l'instrument garantissant l’exploitation et l'oppression du prolétariat. Il dispose de la "force publique": armée permanente , police, lois, contrôle idéologique, etc... Ce dernier est exercé pour faire adhérer la population aux intérêts du capital (mythes de la consommation, de la participation,  de la réussite sociale, de l'égalité des chances au départ etc.…) : Les lois, pour légaliser et justifier l’ordre bourgeois, l’exploitation ; la police et l’armée pour sauvegarder les intérêts du capital national face aux prolétaires et face aux autres pays.

Tous les pouvoirs dont dispose l’appareil d’état bourgeois, en font une force placée au-dessus de la société,

Sa nature d’appareil de minorité, sa fonction de conservation des structures bénéfiques seulement à la classe capitaliste, en font un organe étranger à la société.

Destruction de l’État bourgeois

C’est pourquoi le prolétariat no peut renverser la bourgeoisie sans détruire son appareil d’état. Voilà la leçon fondamentale de la Commune.

  • "à bien des égards, il faudrait aujourd’hui remanier ces passages « En face des immenses progrès de la grande industrie au cours de ces 25 dernières années, et du développement parallèle  de l’organisation en Parti de la classe ouvrière; on face des expériences pratiques, d’abord  de la .dévolution  de Février, ensuite et surtout de la Commune  de Paris, où, pour la première fois, le prolétariat a pu tenir entre ses mains le pouvoir politique pondant deux mois, ce programme a perdu, par endroits, son actualité. La Commune notamment a démontré que la "classe ouvrière n’était pas simplement prendre possession de la machine d’état telle quelle et l’utiliser pour ses propres fins".

Briser la machine bureaucratique et militaire et non la faire passer en d’autres mains; voilà la première tâche de la révolution prolétarienne, la reddition nécessaire à la réalisation du programme communiste.

La CONQUETE, démocratique ou pas, de l’état bourgeois, que se proposent toutes les bureaucraties staliniennes, n’a rien à voir avec le programme prolétarien,

  1. Dans la société capitaliste, la démocratie n’est dans le meilleur des cas qu’un moyen permettant de changer d’équipe au pouvoir. Mais il ne s’agit pas .pour la classe ouvrière de changer d’exploiteur, ni de "serviteurs des exploiteurs". Si le prolétariat est politiquement mur pour réaliser son émancipation, et si les conditions matérielles s’y prêtent, il ne peut pas confier la gestion de "ses affaires" à une bureaucratie nouvelle mode. Il ne peut que prendre le pouvoir. Le socialisme ne peut pas être une revendication parlementaire, il ne peut pas être le produit d’une série de petites réformes additionnées les unes avec les autres. Ce n’est pas en s’attaquent aux conséquences partielles du système que l’on vient à bout de celui-ci; c’est en attaquant ses fondements mémos , le pouvoir de la classe dominante dans son ensemble.
  2. C’est dans l’évolution du capitalisme qu’il faut chercher la raison d’être des programmes staliniens et des réformes auxquelles ils aspirent. Avec le développement du capitalisme, ses contradictions internes tendent à mettre de plus en plus en péril son existence même. Le capitalisme classique avec son organisation traditionnelle: libre concurrence, anarchie dans la production, non intervention de l’état etc... -ne parvient plus à fonctionner. Ses contradictions s’exacerbant, seule l’intervention de l’état dans tous les domaines- et surtout dans celui de l’économie assure un sursis. Le capitalisme tend vers sa forme la plus dépouillée,
"L’État" prolétarien

Pour la première fois, pendant la Commune de Paris, on voit le prolétariat face à la bourgeoisie, se constituer en une organisation ayant elle aussi des fonctions propres:

1) de répression. Répression des exploiteurs, des forces réactionnaires. Pour combattre les armées de Thiers, pour réprimer la bourgeoisie, les travailleurs Parisiens ont leur organisation armée, autonome : les bataillons de quartier, la Garde Nationale;

2) d’exécution des tâches politiques. De même que l’état bourgeois servait aux exploiteurs pour réaliser le programme politique de classe dominante, le prolétariat tout entier, organisé, réalise les premiers pas du socialisme, ses premières tâches révolutionnaires, La population de Paris avait trouvé cet organe : l'Assemblée Communale, c’est à dire "un corps agissant, exécutif et législatif à la fois".

Ainsi, dès la première heure apparaît, dans la destruction de la société capitaliste ce qu’on peut appeler dans une certaine mesure, un "État" prolétarien, c’est à dire l’organisation de la classe ouvrière on classe dominante, chargée, d’anéantir la bourgeoisie et d’accomplir les tâches socialistes. Cet État ne peut être considéré comme un appareil extérieur à la classe, C’EST LE PROLETARIAT LUI-MEME DANS LES ORGANISATIONS QUI LUI SONT PROPRES EXERÇANT SON PROPRE POUVOIR.

Il a toujours subsisté , lorsqu'on parle de "dictature du prolétariat" Un certain équivoque sur le mot "État", Nous entendons pour notre part comme Marx et Engels après la Commune, par "pouvoir d’état", dans la transformation révolutionnaire de la société, le prolétariat organisé en classe dominante, combattant les forces du vieux mondé. Dans la mesure ou les caractéristiques produites par la société capitaliste n'existent plus et surtout dans la mesure où il est historiquement appelé à disparaître, nous ne pouvons plus parler d’un "pouvoir d’État" proprement dit, " n'étant qu’une institution temporaire dont on est obligé de se servir dans la lutte, dans la révolution, pour organiser la répression par la force contre ses adversaires... ; tant que le prolétariat a encore besoin de l’état, ce n'est point dans l’intérêt de la Liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’État cesse d’exister comme tel. Aussi, proposerions-nous de mettre partout à la place du mot État, le mot gemeinwesen, excellent vieux mot allemand répondant au mot français commune" (F. Engels cité dans "l’État et la Révolution".)

La démocratie prolétarienne

Alors que l’état est l’appareil de répression d’une minorité, l’organisation du prolétariat ne pourra servir, qu’à la répression de cette même minorité,

La "dictature" "consiste DANS LA MANIERE D'APPIIQUER LA DEMOCRATIE, NON DANS SON ABOLITION , dans des mainmises énergiques et résolues sur les droits acquis et les conditions économiques de la société bourgeoise sans lesquelles la transformation socialiste ne peut se réaliser." (Rosa Luxembourg "La Révolution Russe")

La mise en place du socialisme, la direction de la société, n’est plus le privilège d’une minorité, elle est l’œuvre consciente de l’ensemble des travailleurs. Seule l’organisation du prolétariat, accompagnée de la démocratie la plus absolue, la plus directe, peut éviter Jo bureaucratisme. La Commune de Paris, pour la première fois dans l’histoire nous donne un exemple de démocratie prolétarienne s

-les organisations au service de la bourgeoisie (armée permanente, police etc.…) furent supprimées. La population s’est donné ses propres organisations, foncièrement différentes. D’autre part la représentativité étant nécessaire pour exécuter les directives de la base, les membres de la Commune, au lieu de détenir, le pouvoir pendant un temps déterminé comme il est pour les ministres de l’état bourgeois et toutes les organisations de la société capitaliste, étaient élus au suffrage universel ET REVOCABLES A TOUT INSTANT. Mais encore fallait-il éviter l’arrivisme, empêcher les délégués de jouir comme dans le système bourgeois d’une situation privilégiée. C’est ce que Marx, Engels et Lénine saluèrent dans la Commune : les rétributions de ses membres ne devaient pas dépasser la valeur d’un salaire d’ouvrier. Le chemin serait ainsi barré à la cupidité[1].(1)

Le pouvoir "s’éteint"

Le prolétariat est la première classe dans l’histoire qui ne vise pas à sa perpétuation en tant que classe. Il abolit les classes et vise à sa propre disparition donc à la disparition de son pouvoir de classe.

-La démocratie prolétarienne constitue un élément fondamental de l’extinction du pouvoir car elle est le début de la restitution totale des "forces" au corps social tout entier. En effet, la direction de la société n’apparaît plus comme l’œuvre d’une catégorie spéciale d’individus, il ne s’agit plus ici d’un "comité" chargé de gérer les affaires de la classe. La démocratie prolétarienne est le début de l'intéressement direct de chaque individu à la vie en société.

-Il est évident qu'une telle vie politique doit passer par la destruction totale des structures économiques de la société bourgeoise (valeur d’échange, propriété privée, salariat etc.) Or, cette destruction signifie l’abolition des principes fondamentaux sur lesquels reposent l'existence des classes. Le pouvoir d'état n’est que l'expression de l’antagonisme des classes. Pendant la dictature du prolétariat, la bourgeoisie comme classe disparaissant progressivement, le pouvoir d’état, c'est à dire le pouvoir même du prolétariat qui ne peut trouver de raison d’être que dans la force réactionnaire constituée par la bourgeoisie, est voué à sa disparition. Il "s’éteint" car il devient superflu, inutile, et ne correspond plus aux intérêts d’une classe particulière du fait de la disparition de celles-ci.

"À l’assaut du ciel"

La crise de 1869 qui fut la cause de bien des grèves et du réveil de la classe ouvrière en France, après 1848, n'était cependant pas une défaillance mortelle du capitalisme. Il s'agissait d'une de ces crises cycliques propres au capitalisme en voie de développement . Celle-ci ne paralysait guère l'accumulation du capital sur un plan général. Les forces productives n'étaient pas encore vraiment freinées par l’organisation économique bourgeoise , par les contradictions du capitalisme. Celui-ci n'avait pas encore accompli sa tâche historique, il n'avait pas encore développé les forces productives à sa mesure. L'industrialisation de la production, bien qu'ayant énormément évolué dans les dix années précédant la Commune était encore loin de ses limites capitalistes extrêmes. De ce fait, la classe ouvrière n'était pas encore une puissance capable de renverser la bourgeoisie : la classe ouvrière était encombrée dans sa lutte d'un nombre considérable d’artisans que la bourgeoisie n’avait pas encore prolétarisés. Dans ces conditions, toute tentative de révolution prolétarienne était vouée à l’échec. La classe ouvrière n’était pas assez puissante pour renverser l’ordre social et maintenir son pouvoir, car la bourgeoisie avait encore d’énormes ressources à exploiter, elle n’avait pas encore fait du monde, un monde capitaliste.

La révolution prolétarienne n’était pas possible au siècle dernier. Le réformisme était à l’ordre du jour; la Commune, produit d’un exceptionnel concours de circonstance, devint le moteur d’une lutte qui n’était pas de son siècle. Le prolétariat de la capitale était capable de détruire l’appareil d’État bourgeois, mais les conditions n'étaient pas mûres pour qu’il s’organise en Conseils Ouvriers, Son avant-garde (la "MINORITE"[2](1)) était capable de poser les problèmes en termes prolétariens, de s’opposer à toutes les tendances bourgeoises au sein de la Commune, mais du fait de la faible maturité du prolétariat, elle était incapable de s’organiser en Partis pas plus que la classe n’était capable de s’organiser en Conseils. Dans cette mesure, le maintien du pouvoir était une utopie. Sa tentative, la Commune, laisse cependant au prolétariat du monde entier un gigantesque enseignement que tous les bureaucrates piétinent tant ils le craignent et que Marx, Engels et Lénine (celui de "l’État et la Révolution") surent apprécier à sa juste valeur.

En détruisant l’appareil d’État bourgeois, la Commune de Paris a démontré aux classes bourgeoises qu’elles avaient tout à perdre dans une révolution communiste. Elle a démontré aux prolétaires qu’il leur était possible de vivre libres, "qu’ils n'avaient rien à perdre que leurs chaînes". Elle leur a montré qu’ils avaient un monde à gagner sur les ruines de l'ancien.

Pierre Ramos et Jacques Novar


[1] Il est intéressant de remarquer ce que pouvait dire Lénine en 1917: "Toute l’économie nationale organisée ... de façon que les techniciens, les surveillants, les comptables reçoivent comme tous les fonctionnaires un traitement n’excédant pas les "salaires d’ouvriers", sous le contrôle et la direction du prolétariat armé : tel est notre but immédiat. Voilà l’État dont nous avons besoin, et sa base économique. Voilà ce que donneront la suppression du parlementarisme et le maintien des organismes représentatifs. Voilà ce qui débarrassera les classes laborieuses de la corruption de ces organismes par la bourgeoisie…" et de remarquer les écarts de salaires en URSS et l’attachement à la hiérarchie des salaires de la C.G.T. et le P.C.F.

[2] (1) "Celle-ci n’est pas absolument homogène, et même, elle ne s'est formée que progressivement. On peut dire néanmoins qu’elle groupe les Communards les plus soucieux de la question sociale ; qu'elle comprend le plus grand nombre d’ouvriers ; qu'elle s’inspire enfin de l’internationale ouvriers" (in "Les Communards" de J.P. Azéma et M. Winock)

Histoire du mouvement ouvrier: 

Heritage de la Gauche Communiste: