Soumis par Révolution Inte... le
Nous publions ci-dessous un courrier que nous saluons pour sa réaction combative et qui dénonce la démocratie bourgeoise, ses journalistes et politiciens et leurs discours, en particulier ceux des faux amis du prolétariat que sont la gauche, les gauchistes et les syndicats. À l’heure où ces forces politiques tentent de reprendre du poil de la bête, usant de mystifications et d’amalgames pour tromper le prolétariat, en particulier les jeunes générations dont une grande partie boude les urnes, la réflexion du camarade Edgar dénonce justement le terrain politique pourri sur lequel la bourgeoisie tente de mobiliser la jeunesse pour justement la faire revenir dans les isoloirs. Ce courrier est donc un exemple du sens critique à développer face aux campagnes idéologiques.
La bourgeoisie a toujours cherché à entraver les luttes de la classe ouvrière. Quand son avant-garde commence à comprendre la nature de classe du fascisme ou quand le populisme risque de remporter une élection, elle va lancer des campagnes pour la défense de la « démocratie ».
C’est notamment le cas d’organisations étudiantes avec entre autres l’UNEF, Solidaires étudiants ou encore la section jeunesse d’Europe-Écologie-Les-Verts qui ont publié le 21 avril une tribune dans le journal Libération. (1)
Cette dernière revendique un aspect « rebelle » avec un titre pseudo-radical : « La jeunesse emmerde le Rassemblement national ». Derrière cet enrobage punk, la tribune met en avant que « depuis toujours, nos organisations rappellent leur engagement historique pour lutter contre l’extrême droite ». Tout en critiquant la politique gouvernementale et en refusant les programmes des candidats du second tour des présidentielles, elle rappelle que « l’extrême droite n’est jamais du côté de la jeunesse et des classes populaires ». Il semble difficile d’être en désaccord avec ce constat. Mais ce que cette tribune sous-entend, c’est qu’il s’agit d’un aspect spécifique à ce bord politique. Or, les différents gouvernements ont bel et bien contribué à la précarisation de la classe ouvrière (et des futurs ouvriers présent par milliers dans les universités) avec la bénédiction de nombreux signataires. De plus, les discours anti-immigration du RN n’ont rien à envier (excepté peut-être leur subtilité) aux discours de LR sur le « Kärcher » ou des sorties anti-Roms sous le dernier quinquennat du PS, avec le soutien de fractions du centre dans les deux cas. Même LFI peine à cacher son nationalisme en parlant de « protectionnisme » ou de « souverainisme ». « La France aux français » n’est peut-être qu’un vulgaire slogan du RN mais les autres partis ont adopté le même état d’esprit.
Cette fausse radicalité est en fait une façade pour un réformisme éhonté. On appelle à proposer un programme « écologiste », « féministe » et « contre les discriminations ». En instrumentalisant les préoccupations légitimes des jeunes ainsi que leur inexpérience politique, ces organisations maintiennent la possibilité d’un programme pour empêcher l’humanité de sombrer quand elle évoque « des combats sociaux, antiracistes, féministes, LGBTI+ ». Elle prétend qu’il est possible de mettre fin aux discriminations via un programme politique et qu’il ne s’agit pas de la conséquence du pourrissement du capitalisme dont le fervent protecteur est… l’État. Cette tribune est donc un moyen de plus pour ramener les futurs ouvriers sur un terrain où ils seront désarmés : la démocratie. Outre ces illusions, cette tribune met en avant l’idée qu’il y aurait des intérêts communs aux personnes de même sexe, orientation sexuelle ou même d’identités fictives et qu’elles seraient un tremplin pour le progrès de la société. Enfin, ce sont les syndicats et les gauchistes signataires qui ont soutenu les gouvernements de gauche avant de prétendre les « contester ». Doit-on rappeler que c’est avec l’appui du PSU (ancêtre des Verts et du groupuscule Ensemble ! lié à LFI) et des trotskistes (LCR/NPA, et Lutte Ouvrière) que Mitterrand a été élu ? Les dirigeants de ces officines méritent la Légion d’Honneur pour leur service rendu à la nation.
Mais les gauchistes et les syndicats ne sont pas les seuls à répandre le poison anti-fasciste. Il est également utilisée par des fractions plus modérées dans le but de salir l’histoire des mouvements ouvriers. Même lors de la montée du fascisme dans les années 1920, la Gauche communiste italienne a rejeté tout soutien aux partis bourgeois. C’est cette position que dénonce un article publié sur le site web de France culture portant le titre « 1922, quand l’extrême-gauche (sic) italienne regardait Mussolini prendre le pouvoir ». (2) Le chapeau de l’article commence par une référence à un article d’Antonio Gramsci qui aurait « bien vu le fascisme arriver » mais que malgré cela « la gauche italienne est restée divisée ». On voit que cet article assimile les révolutionnaires à l’extrême-gauche et les place donc sur le même axe politique que les social-chauvins du PSI (Parti socialiste italien). Ce qui a différencié la gauche et l’extrême-gauche des véritables révolutionnaires, c’est entre autres la décision de la majorité du PCd’I à refuser de participer aux élections car elle était un obstacle pour la conscience de classe.
L’article indique plus loin que « En France, plus tard, les ligues tenteront le même passage en force, en profitant à leur tour de l’instabilité de la Troisième république pour la déstabiliser pour de bon. Alors, le mouvement ouvrier ripostera. En particulier après ce qui restera comme le sommet des haines anti-parlementaristes dans l’histoire politique française : le 6 février 1934 ». Quelles ont été ces ripostes ? La réponse est donnée un peu plus loin où le journaliste s’extasie devant les « Journées ouvrières » : « En une décennie, depuis le grand divorce entre sociaux-démocrates et communistes, c’est la première fois que la gauche se rassemble ».
Le PCF, désormais dans le camp du capital, embrigade les ouvriers dans l’anti-fascisme conjointement avec la SFIO. La CGT est aussi dans le coup en appelant « à cesser le travail contre le fascisme ». Le même argument utilisé pour le massacre de millions de soldats en 1939, tout en refusant d’accueillir les juifs expulsés d’Allemagne. C’est le sabotage des luttes ouvrières que ce média fait passer pour… des luttes ouvrières.
L’article critique aussi la position de Bordiga énoncée dans les Thèses de Rome où il identifie le PSI comme étant le plus grand danger pour le prolétariat. En réalité, outre de donner du crédit à la maxime « les extrêmes se rejoignent », ce média dénonce le rejet du soutien à n’importe quelle fraction de la classe dominante. Or, le fascisme a pu arriver non pas par manque de fronts unis mais grâce aux actions des sociaux-démocrates (sabotage des grèves italiennes par le PSI, assassinats de révolutionnaires allemands par le SPD, etc.) qui ont désarmé le prolétariat. Ce n’est pas un hasard si Gramsci est mentionné dans cet article. Ce personnage reste très utile pour la bourgeoisie qui n’hésite pas à mettre en avant ses aberrations comme « l’hégémonie culturelle » pour justifier les luttes parcellaires qui possèdent un certain prestige chez les intellectuels.
Ces deux articles nous montrent que les médias, peu importe leur bord, cherchent à pourrir la conscience de la classe ouvrière. Il est aisé de voir que cette propagande permet de maintenir l’illusion d’une « union de la gauche » – vendue par le saltimbanque Mélenchon avec sa NUPES – bénéfique aux travailleurs. Il est de notre devoir en tant que révolutionnaires de rappeler ces leçons. L’Homme n’évitera pas de sombrer dans la barbarie en luttant contre « l’extrême droite », Son seul avenir se forgera dans la lutte de classe.
Edgar
1) « La jeunesse emmerde le Rassemblement National », Libération (20 avril 2022).
2) « Quand l’extrême-gauche italienne regardait Mussolini prendre le pouvoir », France culture (21 avril 2022).