Soumis par Révolution Inte... le
Alors que les deux candidats désignés au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, entrent à nouveau en lice pour le second tour, la bourgeoisie et ses médias continuent de propager un mensonge mille fois répété : l’avenir se jouerait dans les urnes. Enjeux pour la bourgeoisie, certes, mais pas pour les ouvriers ! L’expérience d’innombrables mandats, de droite, de gauche et du centre, comme celles des « fronts républicains » depuis 20 ans, ont clairement démontré que cette mascarade ne peut en rien empêcher la plongée constante de la société capitaliste dans la crise, le chaos et la dégradation inexorable des conditions de vie. Au-delà des apparences, de la variété de discours, pour la plupart sans couleur ni panache, tous les candidats ont défendu un même programme de fond : celui du capital national, qu’il s’agit, pour la classe dominante, de défendre dans l’arène mondiale face à une concurrence exacerbée, sur fond de crise économique, de guerre et de chaos croissant. La bourgeoisie n’a qu’une seule méthode pour mettre en œuvre son programme : accroître encore et encore l’exploitation de la force de travail pour en extraire un profit maximal et écarter les concurrents !
Que valent donc les discours lénifiant des candidats face à l’aggravation spectaculaire du réchauffement climatique, des catastrophes en série, de la misère croissante, de la famine et du chaos guerrier sur tous les continents et jusqu’aux portes d’un des principaux centre du capitalisme mondial ? Que peuvent sérieusement proposer ces tristes candidats face à la crise économique mondiale, aux dettes abyssales, à l’inflation incontrôlable ? Dans ce contexte, que valent les promesses démagogiques et le slogan « Nous tous » de Macron, lui qui n’a cessé de mentir et de jouer sur les divisions en accentuant la précarité, la pauvreté ou le démantèlement des services de santé ? Celles de Marine Le Pen valent-elles mieux, elle qui prétend ouvertement rejeter les problèmes économiques et sociaux sur le dos des immigrés et sauver le « pouvoir d’achat des Français » et propose presque de « raser gratis », comme le faisait autrefois la gauche ? (1)
Les élections, une mystification au service de l’exploitation
Voter, ce n’est pas seulement choisir entre Macron et Le Pen, entre « la peste et le choléra » ou entre « régime démocratique et régime autoritaire », c’est, en réalité, bien pire que cela ! C’est à nouveau plébisciter le capitalisme et son mode de domination destructeur.
Bien entendu, le bon sens commun du petit bourgeois répondra : « Malgré tout, il faut voter pour préserver ce droit acquis de haute lutte » ! Et les voix des gauchistes du même acabit ajouteront : « le mouvement ouvrier, les révolutionnaires ne participaient-ils pas traditionnellement aux élections et au travail au sein du parlement ? Le prolétariat ne s’est-il pas battu pour ce droit ? ». Toutes ces niaiseries n’expliquent nullement un curieux paradoxe historique : au moment de la conquête du suffrage universel par la classe ouvrière, au XIXe siècle, la bourgeoisie s’y opposait avec la dernière des brutalités, réprimant tous ceux qui se battaient pour ce qui était perçu alors comme un droit et un progrès. Or, aujourd’hui, tout au contraire, la bourgeoisie défend mordicus les urnes, vante ses institutions « démocratiques » à grands coups de slogans publicitaires, stigmatise les abstentionnistes « égoïstes » et envisage même, comme c’est déjà le cas en Belgique, d’infliger des sanctions à ceux qui refusent d’accomplir leur « devoir civique » !
En réalité, dès ses origines, le mouvement ouvrier et le courant marxiste (en dehors de ses courants opportunistes) ont toujours considéré que la démocratie bourgeoise et le prétendu « pouvoir du peuple » n’étaient que mystifications au service de la bourgeoisie et de l’exploitation capitaliste. Dans une société divisée en classes antagoniques, nulle « égalité » civique n’est possible, même dans la République bourgeoise la plus démocratique. Cependant, au XIXe siècle, dans cette période de phase ascendante du capitalisme, le prolétariat devait se constituer et s’affirmer comme classe, il lui était encore possible de s’appuyer sur des fractions bourgeoises progressistes face aux vieilles couches sociales réactionnaires. Il était aussi encore possible de lutter pour des réformes réelles et durables. En permettant de pousser la législation en leur faveur, en limitant, par exemple, le temps de travail quotidien, en améliorant les salaires, en défendant et arrachant, non sans luttes, de meilleures conditions de vie et de travail, les élections participaient à l’éveil des consciences et au renforcement de l’unité et de l’influence des ouvriers dans la société. Bien entendu, la fraction parlementaire socialiste était entièrement subordonnée au principe de la lutte de classe et conçue comme un moyen relié au but qui était de renverser, à terme, le capitalisme. (2)
En revanche, lorsque le capitalisme est entré dans sa phase de déclin historique, au moment de la Première Guerre mondiale, l’impossibilité d’octroyer des réformes durables et le développement du capitalisme d’État rendaient impossible toute participation fructueuse aux élections sans en payer les conséquences néfastes. Avec l’exacerbation des confrontations entre nations, induites par la décadence, s’est développé un des phénomènes caractéristiques de cette période : le capitalisme d’État, qui répond à la nécessité pour chaque pays, d’obtenir le maximum de discipline en son sein de la part des différents secteurs de la société, de réduire au maximum les affrontements entre classes mais aussi entre fractions rivales de la classe dominante afin, notamment, de rendre son économie la plus compétitive possible. L’octroi de réformes réelles en faveur de la classe ouvrière devient tout bonnement impossible, sous peine de reculer dans la compétition mondiale. Toutes les fractions bourgeoises sont ainsi devenues réactionnaires. Aujourd’hui, elles le sont toujours, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. Comme le proclamait l’Internationale communiste, « le centre de gravité de la vie politique actuelle est complètement et définitivement sorti du parlement ».
Notre rejet catégorique du parlementarisme et des élections ne repose donc nullement sur un dogme moral ou des idées abstraites, mais sur l’analyse des conditions historiques de la lutte de classe et la tradition du combat révolutionnaire.
L’avenir appartient au prolétariat et à la lutte de classe
Prétendre, comme Mélenchon, qu’« un autre monde est possible » grâce au bulletin de vote est une imposture ! Aujourd’hui, rabattre les ouvriers vers les urnes, comme le font depuis des décennies les gauchistes, comme Poutou ou Nathalie Arthaud, en prétendant transformer les élections en « tribune révolutionnaire » en faveur de « l’urgence anticapitaliste » ou au nom du « camp des travailleurs », n’a fait qu’entretenir les pires illusions (3) sur des institutions bourgeoises de plus en plus boudées et désertées, exposées à la légitime méfiance des exploités. Alors que les ouvriers doivent défendre leur unité, les élections les atomisent au contraire dans les isoloirs, les divisent et les exposent aux pressions idéologiques nauséabondes du capital en attaquant leur conscience et les désarment en les berçant d’espérances illusoires.
Mais si le prolétariat doit effectivement rejeter les urnes, ce n’est pas en se repliant sur lui-même ou en boudant simplement l’élection, comme on le voit pour une partie de la population marquée par le désenchantement, la colère et le désespoir, mais en luttant fermement sur son terrain de classe contre les effets de la crise et les attaques du capital. Face au coût de la vie exorbitant, face à la dégradation de la situation et à la barbarie croissante, il n’y a pas d’autre choix que de se battre contre le système capitaliste lui-même, sa crise, sa logique de guerre et de concurrence généralisée. Pour cela, la classe ouvrière devra miser sur sa solidarité, sur ses propres méthodes de luttes pour affirmer son autonomie de classe en résistant aux attaques à venir. Elle en a la force et tout le potentiel, elle doit prendre confiance en elle-même, reconnaître qu’elle peut se mobiliser et résister collectivement, comme elle a commencé à le faire au moment de la lutte contre la réforme des retraites durant l’hiver 2019/2020. Elle devra baser sa réflexion, déjà présente dans de petites minorités, sur l’expérience des luttes du passé et l’histoire du mouvement ouvrier, s’engager dans un combat collectif et conscient pour en tirer les leçons, discuter et comprendre la situation dans des assemblées générales souveraines, s’organiser elle-même pour poser les conditions de la lutte afin de l’étendre le plus largement possible à tous les ouvriers.
Dans ce combat, les révolutionnaires auront un rôle primordial à jouer pour stimuler l’action du prolétariat qui permettra, à terme, de développer les conditions d’un combat ouvrier international, combat qui exprimera une politisation capable d’offrir une réelle perspective, celle de la destruction du capitalisme pour un projet authentiquement communiste.
WH, 15 avril 2022
1 Il faut se souvenir de tous les slogans bidons déversés jusqu’à plus soif d’élection en élection : « Changer la vie » (Mitterrand), « Sortir du tunnel », « Contre la fracture sociale » (Chirac), « Ensemble tout devient possible » (Sarkozy), « Le changement, c’est maintenant » (Hollande)… Comme l’ont dit cyniquement certains politicards : « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».
2 Cette lutte pour des réformes ne doit pas être confondue avec le réformisme, une dérive opportunisme qui conduisait à séparer justement le but et les moyens, à s’accommoder au capitalisme pour in fine mieux capituler. Le cas le plus connu est celui de Bernstein pour qui le « mouvement est tout le but n’est rien ». Marx dénonçait d’ailleurs déjà à son époque le « crétinisme parlementaire ».
3 En 1981, Lutte ouvrière se servait de sa « tribune révolutionnaire » pour appeler à voter Mitterrand. Ce parti devait récidiver en 2007 en faveur de la candidate du Parti socialiste Ségolène Royal.