Le débat politique n'est pas une rixe

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Dans le n°4 de Battaglia Comunista, avril 90, le CCI est accusé de falsification ; dans une circulaire adressée à "tous les groupes et contacts à l’échelle internationale" ayant pour objet "les mensonges du CCI", nous sommes en outre accusés de calomnie, de provocation et d’un comportement de brigand[1].

Mais qu’avons-nous fait pour mériter une telle fureur ? Eh bien, commençons par les faits avant de traiter d’une question qui est toute politique, même si Battaglia cherche à la poser sur le terrain de la rixe, terrain qui sincèrement nous intéresse peu.

LA "FALSIFICATION"

On nous accuse ici d’avoir, dans l’article de notre journal RI n°188, intitulé "Les délires irresponsables de Battaglia Comunista" au sujet de la prise de position de BC sur les événements de Roumanie, présenté ensemble deux parties d’un article qui étaient en fait séparées dans l’article de BC n°l, janvier 90. La citation est : "Les forces motrices de la crise qui a changé la face du soi-disant socialisme réel" résideraient dans une "authentique insurrection populaire qui a entraîné la chute du gouvernement Ceaucescu". Il est vrai que les deux morceaux de l’article sont distants d’une paire de colonnes. Mais en quoi réside la falsification ? Notre article ne critique pas une vision présumée distordue des causes des événements à l’Est, mais la nature sociale de ces événements ; eh bien, quelle est la position de BC sur leur nature : qu’il y a eu une révolution populaire en Roumanie ? Là-dessus, il n’y a pas l’ombre d’un doute. L’article de janvier de BC accrédite complètement la première version que la presse bourgeoise a donnée des événements en Roumanie[2], et même pire : "Il y avait en Roumanie toutes les conditions objectives et presque toutes les conditions subjectives pour que l’insurrection puisse se transformer en véritable révolution sociale" (BC n°1). En d’autres termes (et qu’on ne vienne pas nous dire que ça aussi, c’est une falsification), puisque l’unique révolution sociale possible à notre époque est la révolution prolétarienne, pour BC, il y avait quasiment toutes les conditions d’une révolution prolétarienne, il ne manquait que le parti (ah ! quel oubli de la part de l’histoire !). Telle est la substance de la divergence ; c’est sur cette folle interprétation des événements de Roumanie que nous avons porté notre critique, et BC ferait mieux de clarifier sa position au lieu de s’évertuer inutilement sur une citation mal choisie ; cette citation, nous pouvons simplement la retirer de l’article de RI, la critique qu’il contient et que nous réitérons n’en restera pas moins intacte parce que dans l’article où BC nous accuse d’avoir falsifié ses positions, on ne trouve aucune correction si ce n’est : "une formulation un peu malheureuse la nôtre ? Ça se peut". C’est trop peu, camarades de BC. Ici, il n’est pas question de formulations malheureuses. Cette phrase n’est que trop claire, et c’est toute la meute bourgeoise qui a cherché à faire croire à l’idée d’une révolution populaire. Le devoir des révolutionnaires était, et est, de dénoncer avec clarté la véritable nature sociale de ce qui s’est passé à l’Est ces derniers mois, et cette clarté ne ressort pas du tout de formulations de ce type, c’est en fait le contraire[3].

LA "CALOMNIE" ET LA "PROVOCATION”

Dans la circulaire que BC a expédiée à tous les groupes à l’échelle internationale, nous sommes accusés à "une manœuvre précise qui consiste en la calomnie systématique, cherchant à discréditer BC à l’extérieur". Etant donnée la paranoïa d’une telle affirmation, nous pourrions tout aussi bien laisser glisser en nous limitant à dire que nous avons mieux à faire ; mais étant donné que c’est le concept même de débat entre groupes révolutionnaires qui est en jeu, nous préférons clarifier les faits en question. Commençons par laisser parler BC : "Nous nous référons à la note en bas de page dans laquelle l’auteur de l’article cité (de RI n° 188, ndt) ’se réfère’ à notre réunion publique à Milan le 9 février 90, pour soutenir que BC aurait peur d’exposer ses militants à la...lumière de la vérité défendue par le CCI. Regardons les faits (...) Le but de cette conférence était de partir de la désorientation créée par les événements de l’Est (...) Après la présentation devait suivre une discussion dans laquelle T. du CCI est intervenu pour soutenir :

  • que BC se trompait en ne dénonçant pas les événements de Roumanie comme un simple coup d’Etat ;
  • b) sans donner aucun éclaircissement sur place, pour annoncer que le CCI tiendrait une réunion publique la semaine d’après dans la même salle où...il remettrait les choses à leur place et
  • c) "pour souligner que la presse du CCI était exposée dans cette même salle pour ceux qui voulaient l’acheter.
    Comme d’habitude, il n’y a eu de commentaire ni de la présidence, ni du public. La nature idiote de l’intervention était évidente (...) Seulement, après la clôture de la réunion, à deux reprises deux de nos militants se sont approchés de ce camarade pour lui reprocher la nature stupide et un peu provocatrice de son intervention, et lui dire que, dans ces conditions, on ne le laisserait plus vendre sa presse ni afficher ses annonces à notre siège, ni de toutes façons profiter de nos initiatives et de notre travail comme unique lieu de propagande des activités et de la presse du CCI à Milan. Voilà tout."

Voilà tout ?!! Et alors. Où est la provocation ? Dans le fait d’avoir fait une intervention "idiote" ? Ou dans celui d’oser annoncer une réunion du CCI ? Il est inutile de demander pourquoi BC ne cherche même pas à démontrer en quoi a consisté la provocation. Au contraire, ingénument il précise que :

  • ce camarade a toujours apporté ses journaux à notre local (...)
  • 2) (y) a toujours fait la publicité pour les réunions du CCI (...)

De deux choses l’une : ou bien le CCI a toujours eu une attitude "de brigand" et de provocation et on ne comprend pas pourquoi BC n’a pas protesté avant ; ou bien c’est que cette fois, ses nerfs ont lâché parce qu’il s’est senti coincé. Notre calomnie consiste à avoir cherché une explication rationnelle (bien que malheureuse) à une attitude autrement inexplicable[4].

La question de fond est autre. Avec cette attitude, BC démontre qu’il n’a absolument pas compris la nécessité du débat entre groupes révolutionnaires. Il a une attitude de petite secte, jalouse de ses petits moments de gloire et apeurée de s’exposer à l’extérieur de ses murs. Ce n’est pas par hasard que BC a cessé de participer à nos réunions publiques (dans lesquelles il a toujours eu le temps nécessaire pour illustrer ses positions et exposer sa presse), et qu’il ne participe pas non plus à celles des autres groupes. Ce retrait sectaire va de pair avec les incroyables débandades politiques que BC a faites ces derniers temps (en particulier sur la Chine et sur la Roumanie). BC se fait des illusions en croyant qu’en se retirant dans un splendide isolement (en réalité misérable), il pourra mieux cultiver le petit jardin de ses contacts individuels ou de groupes. Ce n’est pas par hasard que, tandis qu’il évite de dédier une série d’articles de débat avec les groupes de vieille et solide tradition marxiste (se limitant en général à des petites pointes ou à la banalisation des autres positions, comme dans l’article cité plus haut du n°4 de cette année), il donne tout un relief à des groupes de solidité politique douteuse ou même tout bonnement à des groupes aux positions révolutionnaires douteuses (nous pensons au lien passé avec le soi-disant PC d’Iran).

Toute autre est notre conception du débat politique. Dans la tradition des Lénine, Luxembourg et de la grande majorité des révolutionnaires qui nous ont précédés, nous pensons que le débat entre révolutionnaires, aussi âpre qu’on veut mais franc et honnête, fait partie intégrante du travail de clarification de la conscience de classe qui constitue le devoir premier des organisations politiques de la classe ouvrière. Nous continuerons sur cette voie même si les autres ne s’y tiennent pas, et sans nous laisser intimider par les avertissements de petits "maffiosi” qui nous sont adressés : "Nous défions le CCI de continuer plus longtemps cette campagne de diffamation basée sur le mensonge et la calomnie afin d’éviter des réactions plus graves" (BC dans la circulaire citée, souligné par nous).

L’histoire s’accélère. A l’horizon se profile une tempête politique et sociale qu’il serait illusoire de croire pouvoir affronter en s’enfermant entre quatre murs. Seules les organisations qui sauront affronter cette tempête en se mettant en première ligne dans la classe et dans la bataille politique qui s’impose, pourront jouer jusqu’au bout leur rôle d’avant-garde politique du prolétariat.

Hélios (Naples, le 25/05/90)


[1] On peut se procurer les textes dont nous parlons dans cet article, à notre adresse ou à celle de B.C. : Casella Postale 1753 - 20101 MILANO.
[2] Ces mêmes journaux bourgeois ont par la suite démenti la thèse de l’insurrection populaire, et expliqué que l’armée avait cessé de tirer sur la foule quand son commandement a décidé que l’occasion de mettre Ceausescu dehors était bonne. L’armée n’a donc pas été conquise par "le peuple", mais elle n’a fait qu’exécuter tout simplement les divers ordres.
[3] Les bouleversements en cours dans les pays de l’Est européen sont d’une importance historique primordiale. La clarté sur leur nature est fondamentale vu la désorientation qu’ils ont provoquée dans la classe ouvrière et la préoccupation qu’ils ont créée chez des camarades plus politisés.
[4] Dans sa paranoïa, et sa tentative de démontrer la thèse de la calomnie préméditée, BC affirme dans la circulaire : "Ce n’est pas par hasard que dans le journal italien du CCI, on ne trouve ni cet article, ni la note. (...) Il savent bien, ces messieurs (sic !) du CCI qu’écrire en Italie ce qu’ils ont écrit en France et ailleurs sur BC équivaudrait à se démasquer comme politiquement malhonnêtes" Ils peuvent au moins contrôler les dates! La réunion publique de BC date du 9 février, donc après la sortie du n°63 du journal italien. RI en a parlé dans le n° de mars tandis qu’en italien, on en a parlé, dans les mêmes termes, dans le n°64, paru début avril, avant de recevoir la circulaire de BC. BC peut penser ce qu’il veut, mais une chose est certaine : le CCI n’a pas une vérité pour l’Italie et une autre pour les autres pays où il intervient. C’est une organisation centralisée à l’échelle internationale qui assume entièrement toutes ses responsabilités, partout dans le monde.

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